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B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t. T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l

Transcription:

Numéro du rôle : 5942 Arrêt n 156/2014 du 23 octobre 2014 A R R E T En cause : la question préjudicielle relative à l article 218, 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu il était applicable aux exercices d imposition 2008 et 2009, posée par le Tribunal de première instance du Hainaut, division Mons. La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l arrêt suivant : * * *

2 I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 26 mai 2014 en cause de la SPRL «Anthony Pirard Notaire» contre l Etat belge, dont l expédition est parvenue au greffe de la Cour le 26 juin 2014, le Tribunal de première instance du Hainaut, division Mons, a posé la question préjudicielle suivante : «L article 218, 2, du CIR92, inséré par l article 14 de la loi du 24 décembre 2002 modifiant le régime des sociétés en matière d impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale, tel qu il était applicable pour les exercices d imposition 2008 et 2009, viole-t-il le principe d égalité formulé aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce que les sociétés qui répondent aux caractéristiques d une PME mais dont les dividendes distribués excèdent 13 % du capital libéré au cours de la période imposable sont exclues du bénéfice de l absence de majoration due sur l impôt se rapportant aux trois premiers exercices comptables à partir de leur constitution alors que les sociétés distribuant un pourcentage ne dépassant pas 13 % de ce capital ne supportent pas ces majorations?». Le 15 juillet 2014, en application de l article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs J.-P. Snappe et L. Lavrysen ont informé la Cour qu ils pourraient être amenés à proposer de mettre fin à l examen de l affaire par un arrêt rendu sur procédure préliminaire. La SPRL «Anthony Pirard Notaire», assistée et représentée par Me H. Michel, avocat au barreau de Charleroi, a introduit un mémoire justificatif. Les dispositions de la loi spéciale précitée relatives à la procédure et à l emploi des langues ont été appliquées. II. Les faits et la procédure antérieure La SPRL «Anthony Pirard Notaire» a été constituée le 30 mars 2006. Son premier exercice comptable se clôturait le 31 décembre 2006. Au cours des exercices comptables 2007 et 2008 (exercices d imposition 2008 et 2009), elle a distribué des dividendes pour un montant dépassant treize pour cent de son capital libéré au début de chacune des périodes imposables. Les cotisations furent enrôlées en reprenant des majorations pour absence de versements anticipés. Selon l Etat belge, partie défenderesse devant le juge a quo, ces majorations sont justifiées sur la base de la lecture combinée de l article 218, 2, tel qu il est applicable aux exercices d impositions litigieux, et de l article 215, alinéa 3, 3, du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992). La partie demanderesse conteste devant le juge a quo le caractère constitutionnel du critère ouvrant le droit à l exonération prévue à l article 218, 2, du CIR 1992.

3 A l instar des parties, le juge a quo renvoie aux arrêts de la Cour n os 59/2004 et 162/2006, sans mentionner l arrêt n 154/2011 du 13 octobre 2011. Il constate que «la Cour constitutionnelle n a pas eu l occasion de se prononcer sur le caractère discriminatoire de l utilisation des critères de l article 215 du CIR92 pour définir la notion de PME dans le cadre de l article 218, 2 du CIR92 tel qu applicable auxdits exercices». C est le motif pour lequel il a posé à la Cour la question préjudicielle reproduite plus haut. III. En droit - A - Dans son mémoire justificatif, la partie demanderesse devant le juge a quo demande à la Cour de répondre par l affirmative à la question préjudicielle posée. Elle constate d abord que le législateur a modifié l article 218, 2, du CIR 1992, sans que la Cour ait pu se prononcer cependant sur le caractère discriminatoire ou non de l utilisation des critères de l article 215 du CIR 1992 pour définir la notion de PME dans le cadre de l article 218, 2, du même Code. Ensuite, elle rappelle que, dans son arrêt n 154/2011 du 13 octobre 2011, la Cour a dit pour droit que l absence de majoration pour absence de versements anticipés est une mesure adaptée en vue d encourager l autofinancement des PME en accordant une exonération du bénéfice réservé, ajoutant que, dans son arrêt n 25/2012 du 1er mars 2012, la Cour a considéré que la hauteur des dividendes distribués n est pas un critère pertinent au regard de l objectif poursuivi par le législateur, qui consiste à favoriser les PME. - B - B.1. L article 218 du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992), tel qu il est applicable aux exercices d imposition 2008 et 2009, dispose : «1. L impôt calculé conformément aux articles 215 à 217 est éventuellement majoré comme il est prévu en matière d impôt des personnes physiques par les articles 157 à 168, en cas d absence ou d insuffisance de versements anticipés. Par dérogation aux articles 160 et 165, la limitation de la majoration à 90 p.c. et le relèvement de la base de calcul à 106 p.c. de l impôt dû à l Etat, ne sont cependant pas applicables. 2. Aucune majoration n est due sur l impôt, calculé conformément à l article 215, alinéa 2, qui se rapporte aux trois premiers exercices comptables à partir de la constitution de la société». L article 215 du même Code dispose : «Le taux de l impôt des sociétés est fixé à 33 p.c.

4 Lorsque le revenu imposable n excède pas 322.500 EUR, l impôt est toutefois fixé comme suit : 1 sur la tranche de 0 à 25.000 EUR : 24,25 p.c.; 2 sur la tranche de 25.000 EUR à 90.000 EUR : 31 p.c.; 3 sur la tranche de 90.000 EUR à 322.500 EUR : 34,5 p.c. L alinéa 2 n est pas applicable : [ ] 3 aux sociétés dont les dividendes distribués excèdent 13 p.c. du capital libéré au début de la période imposable; [ ]». B.2. Par son arrêt n 154/2011 du 13 octobre 2011, la Cour a dit pour droit : «L article 218, 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu il a été inséré par l article 14 de la loi du 24 décembre 2002 modifiant le régime des sociétés en matière d impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale, viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce que les sociétés qui répondent aux caractéristiques d une PME mais dont le bénéfice imposable dépasse la limite prévue à l article 215, alinéa 2, du même Code ne sont pas exonérées de la majoration due en cas d absence ou d insuffisance de versements anticipés au cours des trois premiers exercices comptables à partir de leur constitution». Par le même arrêt, la Cour a jugé : «B.1.1. Tel qu il est applicable au litige pendant devant le juge a quo, l article 218 du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992) dispose : 1. L impôt calculé conformément aux articles 215 à 217 est éventuellement majoré comme il est prévu en matière d impôt des personnes physiques par les articles 157 à 168, en cas d absence ou d insuffisance de versements anticipés. Par dérogation aux articles 160 et 165, la limitation de la majoration à 90 p.c. et le relèvement de la base de calcul à 106 p.c. de l impôt dû à l Etat, ne sont cependant pas applicables.

5 2. Aucune majoration n est due sur l impôt, calculé conformément à l article 215, alinéa 2, qui se rapporte aux trois premiers exercices comptables à partir de la constitution de la société. Le paragraphe 2 de cet article a été inséré par l article 14 de la loi du 24 décembre 2002 modifiant le régime des sociétés en matière d impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale. B.1.2. L article 49 de la loi du 22 décembre 2009 portant des dispositions fiscales et diverses a remplacé l article 218, 2, du CIR 1992 par la disposition suivante : Dans le chef d une société qui, sur la base de l article 15 du Code des sociétés, est considérée comme petite société, aucune majoration n est due sur l impôt, qui se rapporte aux trois premiers exercices comptables à partir de sa constitution. Compte tenu de ce que le litige pendant devant le juge a quo concerne l exercice d imposition 2008, la Cour ne doit pas tenir compte de cette modification. B.2. Tel qu il a été inséré par la loi du 24 décembre 2002, l article 218, 2, du CIR 1992 s inscrit dans une réforme globale de l impôt des sociétés par laquelle le législateur entend réduire de façon substantielle le taux de cet impôt», et ceci, «dans un cadre budgétairement neutre, ce qui signifie que diverses dépenses fiscales devront être réduites et qu il sera par ailleurs mis fin à certaines anomalies du régime fiscal actuel (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/001, p. 7). Cette disposition vise à encourager l autofinancement des petites et moyennes entreprises (PME) en accordant une exonération du bénéfice réservé (ibid., p. 33). Elle est uniquement applicable aux sociétés qui peuvent bénéficier, pour l exercice d imposition en question, du taux réduit à l impôt des sociétés qui est fixé à l article 215, alinéa 2, du CIR 1992. Le taux ordinaire de l impôt des sociétés est de 33 % (article 215, alinéa 1er, du CIR 1992). L article 215, alinéa 2, du CIR 1992 dispose : Lorsque le revenu imposable n excède pas 322.500 EUR, l impôt est toutefois fixé comme suit : 1 sur la tranche de 0 à 25.000 EUR : 24,25 p.c.; 2 sur la tranche de 25.000 EUR à 90.000 EUR : 31 p.c.; 3 sur la tranche de 90.000 EUR à 322.500 EUR : 34,5 p.c..

6 B.3. La question consiste à demander si l article 218, 2, du CIR 1992 viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce que les sociétés qui répondent aux caractéristiques d une PME mais dont le bénéfice imposable dépasse la limite prévue à l article 215, alinéa 2, du même Code sont exclues de l exonération de toute majoration d impôt pour absence ou insuffisance de versements anticipés, au cours des trois premiers exercices fiscaux, alors que les sociétés qui répondent aux caractéristiques d une PME mais dont le bénéfice imposable ne dépasse pas la limite précitée peuvent quant à elles bénéficier de l exonération en question. B.4. Parallèlement aux objectifs généraux de la réforme, tels qu ils sont décrits en B.2, le législateur souhaitait prendre un ensemble de mesures spécifiquement orientées vers les PME et leur accorder notamment une exonération de toute majoration d impôt en cas d absence ou d insuffisance de versements anticipés [ ] au cours des trois premiers exercices comptables suivant leur constitution (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/001, pp. 8-9). B.5. S il est justifié que le législateur prévoie un régime dérogatoire pour les PME, en fonction des objectifs qu il poursuit, la Cour doit néanmoins examiner si le critère qu il a retenu à cette fin est discriminatoire. Pour être compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, le critère sur lequel repose la différence de traitement en cause doit être objectif et pertinent par rapport à l objet de la mesure considérée et au but qu elle poursuit. B.6. Comme l a fait observer la section de législation du Conseil d Etat dans l avis qu elle a rendu au sujet de la disposition en cause (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/001, p. 110), le montant absolu du bénéfice imposable au cours d un exercice social déterminé n est pas pertinent pour apprécier s il s agit d une société ayant le caractère de PME, puisqu il y a des sociétés qui ne répondent pas aux caractéristiques d une PME et auxquelles il arrive de réaliser, au cours d un exercice déterminé, un bénéfice imposable ne dépassant pas le seuil fixé par l article 215 du CIR 1992. Par ailleurs, il y a des PME à qui il arrive de réaliser un bénéfice imposable supérieur à ce seuil, sans qu elles en perdent, pour autant, le caractère de PME. B.7. La mise en œuvre du critère retenu par la disposition en cause aura donc pour conséquence que certaines PME ne pourront pas être exonérées de la majoration d impôt due pour absence ou insuffisance de versements anticipés, au cours des trois premiers exercices fiscaux, alors qu elles se trouvent, par rapport aux objectifs spécifiques poursuivis par le législateur à leur égard, dans une situation semblable à celle des PME qui bénéficieront de l exonération. B.8. Il s ensuit que le critère retenu n est pas pertinent et que la question préjudicielle appelle une réponse affirmative».

7 B.3. L origine de la discrimination en cause procède du critère retenu par l article 215, alinéa 2, du CIR 1992 pour le calcul de la majoration d impôt visée à l article 218, 2. Il découle de l arrêt n 154/2011 précité que le critère retenu par l article 215, alinéa 2, précité, pour pouvoir accorder l exonération de la majoration d impôts est, en soi, contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Dès lors, les exceptions prévues à l alinéa 3 de la même disposition, et notamment celle relative au montant des dividendes distribués, ne sauraient être prises en compte pour l application de l article 218, 2, le principe auquel elles dérogent n ayant pas résisté au contrôle de constitutionnalité. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

8 Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L article 218, 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu il a été inséré par l article 14 de la loi du 24 décembre 2002 modifiant le régime des sociétés en matière d impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale, lu en combinaison avec l article 215, alinéas 2 et 3, du même Code, viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que les sociétés qui répondent aux caractéristiques d une PME mais dont les dividendes distribués excèdent 13 p.c. du capital libéré au début de la période imposable ne sont pas exonérées de la majoration due en cas d absence ou d insuffisance de versements anticipés au cours des trois premiers exercices comptables à partir de leur constitution. Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 23 octobre 2014. Le greffier, Le président, F. Meersschaut J. Spreutels