ENTREPRISE & STRATEGIE DU 19 AU 25 JUILLET 2012 - N 1622



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Le nouvel Economiste ENTREPRISE & STRATEGIE DU 19 AU 25 JUILLET 2012 - N 1622 Dossiers GESTION COMPTABILITÉ La répartition des compétences entre centres de gestion agréés et experts-comptables Grandes manœuvres La réforme du visa fiscal, lancée en 2010, est venue rebattre à nouveau les cartes de la concurrence entre centres de gestion, associations de gestion et experts-comptables p.19 AFFAIRES PUBLIQUES, ENTREPRISES, ECONOMIE SOCIALE Krach philanthropique L économie de la générosité et de l intérêt général menacée par Bercy CAHIER 2 SERVICES GÉNÉRAUX - FACILITY MANAGEMENT Les services aux salariés Service compris Les entreprises multiplient les services : conciergeries et crèches d entreprise, espaces verts, gestion des commodités, pressing, etc. p.23 RECHERCHE & DÉVELOPPEMENT INNOVATION Le rôle et la place du design La cerise dans le gâteau Désormais au coeur du processus d innovation, et non plus en bout de chaîne p.27 SIPA SERVICES GÉNÉRAUX SÉCURITÉ Malveillance ou malchance Cela n arrive pas qu aux autres Cambriolage de locaux, vol d ordinateur portable, intrusion dans le réseau informatique ou incendie accidentel peuvent coûter cher. Surtout pour une PME p.31 Philanthropy washing? L Etat ne peut plus tout Le futur financeur des universités PATRICK ARNOUX Histoire de mentalité, en France, la générosité est une pratique plutôt neuve, comparée aux usages culturels américains. Ces derniers permettent de prendre en charge des pans entiers de l économie sociale, au sens large, des universités aux hôpitaux en passant par les manifestations culturelles. Le don y est devenu le carburant puissant de ces multiples activités. A l heure où l Etat providence ne peut plus financer l ensemble des missions d intérêt général, le relais pris par les donateurs privés particuliers ou entreprises est une aubaine de plus en plus consistante de ce côté-ci de l Atlantique depuis une dizaine d années. Dynamique se manifestant concrètement par le foisonnement récent de fondations. Il est vrai que la création de ces dernières a été singulièrement stimulée par une généreuse exonération fiscale. Aujourd hui remise en cause par Bercy. Menaces qui lézardent dangereusement un bien fragile mais indispensable élan... de générosité organisée... Lire p.14 MANAGEMENT EXPATRIATION Mobilité internationale des seniors Poivre et sel à l export Un deal win-win pour l entreprise et le senior, s il est bien pensé en amont p.35 Entretien Notre métier, la création de lien MARKETING - CADEAUX D AFFAIRES & OBJETS PUBLICITAIRES Les règles du jeu Réfléchir avant d offrir Pour plaire au destinataire autant qu au législateur, il importe de respecter lois, normes et certifications p.39 ANNONCES LEGALES P. 42- Tél. 01 75 444 104 annonceslegales@nouveleconomiste.fr Marie-Laure Sauty de Chalon, Pdg de AuFeminin.com Marie-Laure Sauty de Chalon décrypte le mode de fonctionnement et les évolutions stratégiques de ce nouveau media de référence dans l univers féminin Lire p.16 Le nouvel Economiste - n 1622 - Cahier n 2 - Du 19 au 25 juillet - Hebdomadaire 13

Krach philanthropique SIPA La conjonction d une hausse des impôts et d une réduction de la défiscalisation pourrait entraîner un véritable krach philanthropique que personne ne peut souhaiter. Francis Charhon, directeur général de la Fondation de France. Plutôt que de prendre des décisions précipitées sans évaluer leur impact, il serait urgent d engager une concertation entre l Etat et le secteur non lucratif pour construire une politique au service de tous, dans laquelle la place de chacun serait clarifiée PATRICK ARNOUX M ais quelle est donc la cause fédérant dans une même indignation, un courroux partagé, Jérôme Clément, Henri decastries, Xavier Emmanuelli, Philippe Houze, président du directoire des Galeries Lafayette, Marin Karmitz, Serge Moati... et quelques dizaines d autres dirigeants ayant signé un texte déterminé : N oublions pas que le mécénat, s il est une réponse aux problèmes de société accentués par la crise, ne peut exister seul. Rien ne remplacera le rôle majeur des pouvoirs publics et des collectivités aux côtés des bénéficiaires et des mécènes. La sortie de la crise n aura pas lieu sans un rassemblement de tous ces acteurs. Contre les effets de la crise : sauvons le mécénat, agissons, engageons-nous ensemble. Tergiversations maladroites de Bercy Il a fallu quelques tergiversations maladroites du côté de Bercy pour que montent au créneau les défenseurs de la générosité privée. Des entreprises mais aussi des particuliers. La menace se précise du côté de Bercy, qui n a jamais vraiment apprécié les prodigalités de l Etat vis-à-vis des généreux donateurs privés, et le rabot fiscal, depuis longtemps sur l établi, est prêt à entrer en action : le ministère du Budget envisage en effet sérieusementde rogner le dispositif fiscal du mécénat d entreprise, par exemple en divisant par deux le pourcentage du don déductible de l impôt sur les sociétés. Où l on voit donc le télescopage fatal de mesures opportunistes et circonstancielles avec ce fameux temps long propice au déploiement de programmes ambitieux et de projets liés à la multiplicité des dons. Ce mécénat : Soutien matériel, apporté sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire à une œuvre ou à une personne pour l exercice d activités présentant un intérêt général. Il est stimulé par l article 238 bis du Code général des impôts qui prévoit une réduction d impôt égale à 60 % du montant du don, pris dans la limite de 5 pour 1000 du chiffre d affaires hors taxes, pour les entreprises assujetties à l impôt sur le revenu ou à l impôt sur les sociétés. Bien évidemment, il n existe aucune donnée sur la rentabilité d un éventuel coup de rabot de Bercy. Pourtant, selon certaines sources, les fonctionnaires des finances auraient chiffré à 150 millions les économies réalisées, sans toutefois en évaluer les effets secondaires. Pour la Fondation de France, financée totalement par des fonds privés, une réduction de 10 % de ses ressources entraînerait la suppression de 870 subventions affectées à des projets pour un montant de 13,7 millions d euros. Au moment où les subventions publiques sont elles-mêmes en diminution depuis quelques années, qui prendrait le relais? Plus largement, où serait le projet social dans une réduction de l incitation aux dons?,interroge Francis Charhon, directeur général de la Fondation de France qui a fait ses calculs : Si le gouvernement divise par deux le taux de déduction fiscale, il deviendra alors plus avantageux pour les entreprises de faire figurer ces dépenses dans leur compte d exploitation à la rubrique des frais généraux. Surtout, les effets d entraînement de cette dynamique nouvelle - la mobilisation de bénévoles et d associations - risque de tourner court. A l heure justement de la montée en puissance de cet élan qui atteint une importance majeure pour nombre d institutions : les dons financent en effet près du tiers de l institut Pasteur, 40 % de celui des Apprentis d Auteuil et la moitié du tout récent ICM (Institut du cerveau et de la moelle épinière) et ses 600 chercheurs. La dynamique de fond des entreprises Ce dynamisme récent, Bénédicte Ménanteau, déléguée générale d Admical, structure fédérant les entreprises mécènes, est bien placée pour l observer. Le ministère du Budget envisage sérieusement de rogner le dispositif fiscal du mécénat d entreprise, par exemple en divisant par deux le pourcentage du don déductible de l IS Ces dernières sont de plus en plus nombreuses, 40 000 actuellement soit 5000 de plus qu il y a deux ans. Mouvement de fond provoqué notamment par la mobilisation récente des PME dont les contributions représentent aujourd hui la moitié des deux milliards que les entreprises consacrent au mécénat, tandis que les particuliers versent trois milliards. A la vérité, ces chiffres en étonnent plus d un, notamment Françis Charhon, directeur général de la Fondation de France, qui tablerait plutôt pour des montants plus modestes, de l ordre de 600 millons d euros... Si les contributions des PME s élèvent en moyenne à 5 000/10 000 euros, celles des grands groupes comme les banques mutualistes une fois consolidées leurs multiples initiatives locales peuvent atteindre plusieurs dizaines de millions. Une trentaine, dit-on, pour le Crédit Agricole, une cinquantaine pour Total et une vingtaine pour le peloton de tête des entreprises mécènes parmi lesquelles figurent les fleurons du CAC 40 comme L Oréal. Ces fondations sont de véritables fonds d investissement et d innovation sociale qui permettent d amplifier l effort fiscal de l Etat en faisant contribuer, plus que par un simple impôt, les personnes qui en ont les moyens et aussi l envie d agir au profit des populations en difficulté, de l éducation, la culture, la recherche ou l environnement, poursuit Francis Charhon. Compte tenu du prestige chic des opérations de communication nimbant les financements des domaines artistiques variés, on imagine aisément que cette manne financière irrigue principalement les multiples expressions culturelles. Il n en est rien, ces dernières reçoivent juste 5 % de l argent des fondations (données Fondation de France), tandis que la santé en draine quasiment la moitié, juste devant le secteur de l action sociale (32 %) et l enseignement (9 %). L Etat demeure le contributeurmajoritaire Mais dans toutes ces actions, l Etat garde toutefois la majorité puisque le contribuable participe pour la plus grande part 60 % - aux actions entreprises dans tous les domaines. Par leur proximité avec ces bonnes causes, leurs compétences dans la recherche de l efficacité, la recherche du rendement pour le moindre investissement, fût-il dans le domaine de la solidarité, les initiatives privées sont bien souvent plus opérationnelles que la lourde machinerie étatique. Certes, mais compte tenu de sa contribution majoritaire, l Etat pourrait être tenté de surveiller comment ses deniers sont dépensés. Or, de ce côté-là, les choses ne vont pas de soi. Les fondations ne sont vraiment pas très contrôlées, constate Francis Charhon, patron de l instance qui a la tutelle sur le plus grand nombre et directeur général de la Fondation de France où l on mesure la vitalité de ces structures dédiées aux nobles causes. De 2001 à 2010, le nombre de fondations a progressé de 60 %, passant de 1 100 à 1 700 tandis que leurs dépenses passaient de 3 à 5 milliards et leurs actifs de 7,8 à 14,3 milliards (+72 %). Philanthropy washing Il pourrait d ailleurs y avoir une réflexion de fond plus doctrinale, voire idéologique, au sommet du politique sur le rôle de l Etat dans une nouvelle configuration lui donnant une emprise étendue sur l utilisation de ces fonds. Je crains qu il n y ait pas vraiment de réflexion sur ce domaine, s inquiète le patron de la Fondation de France. Tandis que Bénédicte Ménanteau s insurge sur le traitement fiscal du mécénat : Ce n est vraiment pas un débat droite/gauche, compte tenu surtout de l efficacité pour le traitement de missions d intérêt général. Ah non, ne me parlez pas de niches fiscales. Ce travail au profit d un nombre croissant de bénéficiaires est autrement plus efficace que celui de l Etat pour lequel il serait dix fois plus coûteux. Simple principe de réalité. A la marge, cette dynamique des dons multipliés, de la tonique générosité entrepreneuriale, a suscité quelques dommages collatéraux certes bien délicats à cerner. Mais, attirées par les séductions d une si alléchante fiscalité, quelques entreprises ont été plus promptes à en profiter qu à bâtir un projet conséquent sur le long terme ; alors la réalisation de ces bonnes œuvres improvisées, théoriquement programmée sur cinq années, laisse évidemment à désirer. Las, les dégâts de ces effets d aubaine sont complexes à chiffrer. Quand d autres sociétés, par la notoriété des bons sentiments alléchées, se donnent bonne conscience avec quelques fonds versés dont elles exploitent par une communication surdopée de rares Le mécénat n est pas une opération publicitaire. Les entreprises ne tirent pas parti de leurs interventions et restent très discrètes sur les missions d intérêt général qu elles soutiennent et modestes réalisations. Bref, en faisant certes de l image, mais pas grand-chose d autre. Sorte de philanthropy washing qui n est pas vraiment contrôlé. Bien sûr, il s agit d une si infime minorité! Le mécénat n est pas une opération publicitaire. Le législateur admet une contrepartie de visibilité chiffrée à 25 % mais compte tenu des domaines d intervention, le plus souvent sociaux, les entreprises ne tirent pas parti de leurs interventions et restent très discrètes sur les missions d intérêt général qu elles soutiennent, remarque Bénédicte Ménanteau. L alarme a sonné lorsque certains fonctionnaires des finances, comme remède à la disette budgétaire, ont jeté des regards intéressés sur la fiscalité de ces entreprises qui peuvent déduire de leurs impôts 60 % des sommes consacrées à des missions d intérêt général, le plus souvent par l entremise de fondations à leurs couleurs. Ces fondations d entreprise ont des stratégies à moyen et long terme pour le financement de missions d intérêt général le plus souvent très impliquées sur le terrain grâce à des cohortes de bénévoles. Un système que l Etat ne sait pas vraiment gérer avec un rapport coût/efficacité aussi satisfaisant. Elles ont une agilité, une réactivité pour coller aux besoins grâce à une grande multiplicité de projets, observe Francis Charhon. Ainsi, la Fondation Areva créée en 2007 vient de valider 23 projets dont 13 dans l éducation, 6 pour la santé, et 4 dans la culture. Lutte contre l illettrisme, le Sida et le paludisme sont au programme. Ce sont plutôt les précieux savoir-faire artisanaux, la création contemporaine et la formation par l apprentissage dont la Fondation Hermès se fait la prosélite. Bercy n a jamais vraiment adhéré à la dynamique naissante du mécénat, cette culture naissante de la prise en charge par la société civile de nombre de missions d intérêt général qui concerne aussi bien la solidarité que la culture et mobilise moult bénévoles,constate Marianne Eshet qui dirige la Fondation SNCF. Avec un budget de 3 millions par an, la Fondation SNCF figure au 20 e rang des entreprises mécènes. Elle consacre ces fonds à des projets concernant le vivre-ensemble, la lutte contre l illétrisme avec toute une série d associations partenaires. Lorsque nous lançons un appel à projets, 300 associations y répondent, dont nous choisissons la moitié. Nous rendons des comptes à un Il pourrait y avoir une réflexion de fond plus doctrinale, voire idéologique, au sommet du politique sur le rôle de l Etat dans une nouvelle configuration lui donnant une emprise étendue sur l utilisation de ces fonds conseil d administration où figure la Fondation de France. De la préservation du littoral au rayonnement de l Opéra de Paris, en passant par l aide d urgence à l insertion professionnelle, l aide humanitaire, la lutte contre le Sida, la palette des bonnes causes est particulièrement généreuse. Le foisonnement de ces initiatives pri- 14 Le nouvel Economiste - n 1622 - Cahier n 2 - Du 19 au 25 juillet 2012 - Hebdomadaire

L économie de la générosité et de l intérêt général menacée par Bercy Bercy n a jamais vraiment adhéré à la dynamique naissante du mécénat. Cette culture naissante de la prise en charge par la société civile de nombre de missions d intérêt général qui concerne aussi bien la solidarité que la culture et mobilise moult bénévoles, constate Marianne Eshet qui dirige la Fondation SNCF. vées se manifeste par la multiplication des fondations stimulées par ces investisseurs sociaux aux exigences renforcées. D ailleurs, la Cour des comptes ne passe-t-elle pasau crible les dépenses des fondations d utilité publique? Et la Fondation de France, celles qui sont placées sous son égide? On l a vu, de plus en plus souvent, la générosité privée de quelques acteurs économiques particuliers fortunés et entreprises décidées viennent suppléer les carences d un Etat providence qui ne peut se battre sur tous les fronts. Or il s agit d un phénomène aussi récent que fragile, une dynamique initiée depuis à peine une dizaine d années. Les nouveaux philanthropes Tout a changé depuis quelques années. Au siècle dernier, il y a quelques dizaines d années, la générosité étant plutôt l expression d une génération ayant accumulé les richesses au fil des ans et qui, par gratitude pour une existence dorée, se souciait de quelques bonnes oeuvres en remerciement pour les faveurs du ciel. Aujourd hui, de jeunes managers à peine quadras ayant brillamment réussi - par exemple sur la planète high tech - sont devenus des donateurs autrement plus exigeants. Notamment sur la traçabilité et l efficacité des sommes qu ils consacrent de façon vigilante à diverses bonnes actions. C est donc avec une grille de lecture du type entreprise performante qu ils passent au crible les stratégies des fondations recevant leurs dons. Leur rendement est devenu un critère de choix essentiel pour ces nouveaux philanthropes particulièrement au fait des bonnes pratiques de la gestion. Ce qui explique la professionnalisation de plus en plus poussée grâce à la mobilisation de compétences pointues de toutes ces structures gérant les dons. Principe de réalité que ne pourront gommer les experts des finances,nombreux sont les projets qui n auraient pu voir le jour sans l apport du mécénat dans les domaines de l éducation, la santé, l environnement, mais aussi l accès de tous à la culture. Mais quid aussi de la générosité toute neuve de ces philanthropes si le laminoir du Des modèles économiques qui font la part belle aux bénévoles, aux transferts de compétences et tout un ensemble de prestations non financières dont on verrait, en cascade, la disparition fisc mais à mal leurs ressources généreuses. Fondations à temps long Par le truchement de plans d action pluri-annuels, les fondations s engagent de façon irrévocable pour cinq ans. Pas question donc de fermer brutalement le robinet à subsides sur un mouvement d humeur ou une difficulté passagère. L éventuel désengagement provoqué par un durcissement de la fiscalité ne pourrait donc être brutal. Il n en demeure pas moins que les dommages provoqués au plus haut niveau de l Etat par un signal fort visà-vis du mécénat pourraient avoir des effets des plus conséquents liés au fait que le financement des associations a souvent des effets de levier par la crédibilité que ces grands groupes donnent aux projets. Des modèles économiques qui font la part belle aux bénévoles, aux transferts de compétences et tout un ensemble de prestations non financières dont on verrait, en cascade, la disparition,prévient Bénédicte Ménanteau, déléguée générale d Admical qui regroupe la grande majorité des entreprises mécènes. Tout un terreau d associations est en effet alimenté par les subsides des fondations. Ce monde associatif qui intervient en complément du rôle de l Etat même si ce dernier demeure le principal financier - est l oxygène de notre société. Nous venons simplement compléter les dispositifs, précise la déléguée générale de la Fondation SNCF. L Etat ne peut plus tout Face au reflux d un Etat providence de plus en plus défaillant pour ses traditionnelles missions d intérêt général, notamment dans les domaines de la santé, de la culture ou de l éducation L Etat ne peut plus tout convenait encore, tout début juillet, François Hollande devant les partenaires sociaux rassemblés au Conseil économique social et environnemental -, la générosité privée entreprises et particuliers prend le relais, stimulée depuis quelques années par d avantageux stimuli fiscaux. Lorsqu une entreprise consacre 100 000 euros à la réhabilitation d un joyaux du patrimoine, elle peut soustraire 60 000 euros de son imposition sur les bénéfices. Avantage qui a très certainement boosté l enthousiasme philanthropique jusqu à lui donner un rôle plus que conséquent - quasi irremplaçable - sur le versant social de notre société civile. Une culture récente de la générosité Mais cette culture du don est toute récente en France. N oublions pas que si aux Etats-Unis, les traditions culturelles font la part belle à la générosité individuelle - la restitution des subsides reçues y est moralement un geste obligé -, en France, où depuis des siècles les religieux avaient pris en charge moult missions d intérêt général dans les domaines de l éducation ou de la santé, la situation est totalement différente. La richesse individuelle y est cachée et non exhibée comme trophée de réussite sociale, la générosité y est beaucoup moins le marqueur ancré dans les us et coutumes outre-atlantique. Or depuis une dizaine d années, le vent a singulièrement tourné dans l - Hexagone, soufflant un engouement tout neuf pour de multiples causes d intérêt général. Les fondations se sont professionalisées pour assurer l efficience de leurs missions, des comités de gouvernance audit, financiers, scientifiques ont été mis en place. Ce n est plus la philanthropie modèle XIX e siècle :aujourd hui, grâce aux reportings, à la traçabilité des projets, la transparence est totale sur les fonds dépensés car les donateurs sont devenus très exigeants sur la façon dont on dépense leur argent. Aussi des comités spécialisés passent au crible les dépenses, leur efficacité, note Elisabetta Scanferla- Schmitt, directeur du développement ESCP Europe Fondation, qui vient de remettre 40 bourses d études financées par ses donateurs et visant à favoriser la diversité sociale et géographique à ESCP Europe. Souples, efficaces, peu coûteux, ces acteurs de l économie sociale et solidaire jouent un rôle de plus en plus déterminant dans des pans entiers de l économie, surtout à couleur sociale. Et tout récemment du côté de l enseignement supérieur. Dans tous les domaines, moultes activités comptent fermement sur cet apport d argent de la générosité. Le futur financeur des universités Ces fondations d entreprise ont des stratégies à moyen et long terme pour le financement de missions d intérêt général Vaste innovation, la loi sur la réforme des universités de 2007 a prévu la possibilité de concours extérieurs des capitaux privés drainés auprès d anciens élèves ou d entreprises dans des fondations ad hoc afin de pallier les carences d un argent public de plus en plus chiche. Alors, comme champignons à la rosée, les fondations universitaires se sont multipliées afin de doper des budgets anémiés. Hors, plus d une université sur quatre soit une vingtaine, dont les grandes parisiennes scientifiques, sont actuellement en situation de grave déficit, comme vient de le constater la Cour des comptes. Coups de rabot prévisibles sur les investissements certes, mais quid des frais de fonctionnement si la nouvelle source dessubsides extérieurs est soudain tarie? L enseignement supérieur est encore le parent pauvre du mécénat. Les montants jusqu à présent récoltés par les fondations universitaires sont insignifiants, même si l on peut noter quelques signaux encourageants de la part des entreprises, constate Max Anghilante, président de l Iffres. Mais le dialogue entreprise/ université est des plus neufs dans le monde académique. Alors nous essayons de faire bouger les choses. Il y a une certaine montée en puissance depuis 2005, notamment pour la recherche. Dans ce domaine, en six ans le nombre de fondations dédiées à cet univers a plus que doublé, passant de 250 à 700. Sans oublier les 250 fonds de dotations qui s ajoutent au dispositif de financement. Un élan pas toujours bien compris par le politique et sa culture prioritaire, hégémonique, des financements publics. Va-t-on dynamiter pour quelques rentrées fiscales un process ayant permis de jeter des ponts entre le monde académique et les entreprises? Alors que sa construction récente est à peine solidifiée? Précieuse, pourtant, elle est encore des plus fragiles. Les business schools, de leur côté, poussent l avantage de l antériorité et de la solidarité huppée de leurs anciens: Elisabetta Scanferla-Schmitt, qui a réussi à lever pour 5 millions de fonds la moitié auprès des anciens diplômés, l autre auprès des entreprises dont une partie sert à la distribution de bourses d études -, est stressée par les projets quelque peu flous du gouvernement. Je suis inquiète par ces menaces, surtout si ces incertitudes fiscales perdurent. Car il nous faut un discours stable si l on ne veut pas perturber la forte mobilisation pour les collectes de fonds. Depuis une dizaine d années, le vent a singulièrement tourné dans l Hexagone, soufflant un engouement tout neuf pour de multiples causes d intérêt général Or ces remises en cause les fragilisent. La nôtre est consacrée à l égalité des chances, à la diversité et à de multiples actions sociales, explique-t-elle, redoutant qu une maladresse aussi circonstancielle qu opportuniste n ébranle un fragile process. Nous en sommes encore aux balbutiements, c est juste un processus naissant. Nous posons des jalons mais le mécénat est neuf dans ce secteur éducatif, les mentalités ne vont pas changer en deux temps trois mouvements. Joli début pourtant : certains anciens élèves ayant brillamment réussi ont sorti leurs chéquiers en y inscrivant des sommes variant de 100 à 250 000 euros. L argument fiscal n est pas le déclencheur, ce n est pas l essentiel, juste un élément de décision. La qualité du projet, son sérieux, sont bien plus déterminants pour qu une entreprise y attache son nom, précise la patronne de la Fondation SNCF. L engagement des citoyens dans des projets de proximité plaide donc pour un volontarisme accru dans une société qui a besoin de fabriquer du lien social. Entre autres. Comme le craint Francis Charhon: Si l on n y prend pas garde, la conjonction d une hausse des impôts et d une réduction de la défiscalisation pourrait entraîner un véritable krach philanthropique que personne ne peut souhaiter. Plutôt que de prendre des décisions précipitées sans évaluer leur impact, il serait urgent d engager une concertation entre l Etat et le secteur non lucratif pour construire une politique au service de tous, dans laquelle la place de chacun serait clarifiée. Message limpide pour un chantier crucial. Le nouvel Economiste - n 1622 - Cahier n 2 - Du 19 au 25 juillet - Hebdomadaire 15

Entretien Marie-Laure Sauty de Chalon, Pdg de AuFeminin.com Notre métier, la création de lien Marie-Laure Sauty de Chalon décrypte le mode de fonctionnement et les évolutions stratégiques de ce nouveau media de référence dans l univers féminin Par Caroline Castets XXXXXX En 2000, Jean-Marie Messier annonçait une convergence des contenus. En réalité, il n y a pas eu convergence des contenus mais convergence des plateformes. D où le danger pour un éditeur de contenus qui se limiterait à une activité de site Web. Ce qui est innovant, ce n est pas l idée mais la façon de procéder. C est ainsi que Marie-Laure Sauty de Chalon résume le fonctionnement d AuFeminin.com, le site leader de l édition de contenus féminins dans le monde qu elle dirige depuis deux ans. Et la méthode a fait ses preuves. Basée sur l exhaustivité et le renouvellement des contenus mais aussi sur cette relation triangulaire entre journalistes, experts et internautes qui fait d AuFeminin un média de stock et non de flux, elle permet au groupe non seulement de financer sa croissance mais, aussi et surtout, d anticiper l ensemble de ces migrations indispensables que Marie-Laure Sauty de Chalon voit se profiler sur le secteur. A commencer par le phénomène de convergence des plateformes qui, de plus en plus, va contraindre les médias tel qu AuFeminin à être multisupports ; accessibles à la fois en site Web, édition papier, télé connectée et appli mobile pour accompagner le phénomène de démultiplication des usages qui ne cesse de s accentuer. Objectif : préserver cette position d acteur de référence qui, aujourd hui, lui permet d appréhender sereinement tout nouveau territoire qu il soit technologique ou géographique en fonction de l audience et non des annonceurs. Explications. Le phénomène de convergence des plateformes va contraindre les médias tel qu AuFeminin à être multisupports ; accessibles à la fois en site Web, édition papier, télé connectée et appli mobile pour accompagner le phénomène de démultiplication des usages A ufeminin.com a été créé il y a douze ans par Anne-Sophie Pastel qui attendait un enfant et trouvait que, contrairement aux Etats-Unis, il n y avait pas, en France, d informations sur Internet pour les femmes enceintes. AuFeminin est né de ce manque et très vite, les forums de mamans sont devenus le cœur du site, les femmes l enrichissant progressivement de toutes leurs expériences. Si bien que le site a peu à peu évolué. A l origine centré sur la maternité, il a commencé à traiter d autres thématiques, à s adresser à tous les profils de la femme : celle qui travaille, celle qui vote, celle qui cherche à être belle, celle qui connaît des problèmes de couple, etc. Si bien qu au final, AuFéminin s est mis à AuFéminin s est mis à couvrir tous les sujets, tout en restant une plateforme technologique de dialogue couvrir tous les sujets tout en restant une plateforme technologique de dialogue puisque, dans les forums, un message est posté toutes les trois secondes. C est la première particularité du site, la seconde étant de s être développé à l international tout de suite, sans attendre d occuper une position de leader dans son pays d origine ce qui, d ordinaire, est la stratégie préconisée pour les médias. AuFéminin n a pas respecté ce délai de maturation et a immédiatement engagé une Italienne, une Espagnole, une Allemande et, tout de suite, le site a été traduit pour dialoguer dans d autres langues avec des femmes d autres pays. Ainsi il est devenu leader des sites féminins en Allemagne, en Italie, en Espagne puis en Grande-Bretagne où a été lancé sofeminine en 2005. Marque locale AuFeminin est une marque ombrelle : c est à la fois le nom de la société cotée et le nom du site principal du groupe, le deuxième site important étant Marmiton qui nous appartient à 100 % depuis que nous l avons racheté en 2007. Nous avons également un site très haut de gamme, Joyce, un site santé, Santé AZ, et bien d autres. Au- Feminin rassemble la plus grande audience ; nos La structure de marque est globale mais les thématiques développées sont, elles, très locales autres points forts sont l Allemagne, l Italie et surtout l Espagne. Non seulement le site espagnol est le site féminin le plus fréquenté en Espagne mais il l est aussi en Argentine, en Colombie, au Chili dans tous les pays de langue espagnole. La structure de marque est globale mais les thématiques développées sont, elles, très locales. Exemple, le site tunisien parle d hyménoplastie, la chirurgie taboue au Maghreb, du double mariage ou encore du henné noir, dangereux pour la santé. Notre point faible reste le site en version anglaise qui ne rassemble que deux millions de visiteurs. Cela s explique par le fait qu il a été lancé un peu tard et aussi par le nombre élevé de concurrents. Les Américains, surtout, sont très puissants. Média de stock vs médias de flux On pourrait dire que nous avons pour concurrents des sites de presse, mais nous ne sommes pas vraiment un site de presse. Nous en sommes même très différents. Ces derniers font de l information topdown, avec des journalistes éclairés vous donnant la tendance ; nous procédons à l inverse : partons de ce qui intéresse la communauté pour nous situer dans une relation triangulaire entre des femmes qui posent des questions, des experts qui leur répondent et des journalistes qui les mettent en contact. Cet échange permanent entre trois Les sites de presse font de l information top-down, avec des journalistes éclairés qui vous donnent la tendance ; nous, nous procédons à l inverse sources crée cette relation et nous permet de traiter tous les sujets. Au final, c est la différence entre les anciens médias, de flux et nous, média de stock. Non pas que nous utilisions beaucoup d archives, mais nos pages sont, par nature, extrêmement fournies, en permanence réactualisées par les internautes. Une différence fondamentale. J ai travaillé toute ma vie dans les médias, lorsque j étais à Libérationon disait : le journal sert à emballer le poisson ; ce qui signifiait : le soir venu, le journal ne valait plus rien, il était obsolète et le lendemain, on recommençait tout. Nous, c est l inverse. Nous devons durer le plus longtemps possible et être en mesure à tout moment de répondre aux demandes des internautes, qu elles portent sur une recette de cuisine, la parité ou sur un fibrome. Quel que soit le sujet, nous proposons des photos, des témoignages, des experts, des contacts... Le fonctionnement de AuFeminin.com repose sur cette exhaustivité. L idée en soi - permettre aux femmes d échanger sur Internet - n est pas particulièrement innovante. Ce qui l est, c est la façon de procéder La création de liens Notre métier c est la création de liens ; si bien que, comme pour toutes les entreprises d Internet, l essentiel tient dans la qualité de la plateforme qui doit être extrêmement performante. L idée en soi - permettre aux femmes d échanger sur Internet - n est pas particulièrement innovante. Ce qui l est, c est la façon de procéder, en créant une interaction avec d autres qui permettra à chacune de trouver les informations qui l intéressent. Et pour permettre cette interaction, nous devons impérativement disposer de la meilleure plateforme, des meilleures applis mobiles Un impératif absolu. Par exemple le cas de Marmiton qui affiche un taux de pénétration de 50 % chez les possesseurs d iphone et fait de nous le TF1 de la cuisine sur appli mobile, avec quelque 2 millions de téléchargements par jour et 55 600 recettes actuellement disponibles. Au total, nous bénéficions de 45 millions de visiteurs uniques par mois dans le monde dont entre 7 et 12 millions, selon les mois, sur la cuisine - et en 7 langues, soit la plus grosse plateforme au monde. Par ailleurs, nous ne déléguons rien en matière de développement techno et gérons tout nous-mêmes le design, les films pour YouTube, les serveurs - grâce à une équipe de Web masters - le tiers de nos effectifs. Au total, nous disposons de 600 millions de pages. La concurrence Autrefois les éditeurs avaient des imprimeurs qui leur permettaient de maîtriser l ensemble de la chaîne de production. Petit à petit, ils ont perdu la main sur la technologie, renoncé à leur outil industriel pour n avoir plus que la régie et des journalistes. Nous avons un outil industriel qui nous confère une position solide, nous place à la rencontre de plusieurs métiers et fait de nous un animal hybride sans concurrent direct. AuFeminin n étant Nous sommes un animal hybride sans concurrent direct en aucune manière un site marchand, nous nous finançons à 100 % par la publicité et évidemment nous avons des concurrents sur tous les secteurs. Facebook, Elle.fr, Marieclaire.fr, Le Journal des Femmes, ou encore Doctissimo, sans compter les autres médias, les sites de e-commerce mais aucun ne couvre autant de secteurs que nous. Aucun n est aussi hybride. Le fait que nous n ayons pas de concurrent direct pour nous montrer la voie nous oblige à inventer notre propre modèle, ce qui est à la fois passionnant et représente un véritable enjeu. La convergence des plateformes Notre difficulté? Eviter le risque consistant à se dire : En France, nos concurrents font 2 millions de visiteurs uniques, nous en faisons une quinzaine, formidable, restons-en là. Il ne faut évidemment pas s arrêter là car une grande mutation se profile : celle qui nous fait passer d une logique de site Web à celle de plateformes. Ce qui signifie qu AuFeminin ne doit plus se contenter d être un site Web mais doit être présent sur toutes les plateformes existantes : les mobiles extrêmement importants puisqu ils nous assurent déjà 6,2 millions de visiteurs,la télé connectée, la presse raison pour laquelle nous avons lancé Marmiton Mag Nous devons désormais travailler l expression de la marque sur toutes ces plateformes. En 2000, Jean- Marie Messier annonçait une convergence des contenus. En réalité, il n y a pas eu convergence 16 Le nouvel Economiste - n 1622 - Cahier n 2 - Du 19 au 25 juillet 2012 - Hebdomadaire

Les recettes clés d un média numérique, international et leader : AuFeminin.com des contenus mais convergence des plateformes. D où le danger pour un éditeur de contenus qui se limiterait à une activité de site Web ; le risque encouru serait alors le même que lorsque la presse se Si l on reste sur la plateforme Web alors que les usages partent absolument partout, nous nous retrouverons en difficulté concentre uniquement sur la distribution et, de ce fait, est la première touchée lorsque les NMPP traversent une période de crise. Il en sera de même pour nous si l on se contente de notre plateforme site Web, alors qu aujourd hui les usages se démultiplient. Les risques du métier En Angleterre, 30 % de l audience de notre site Netmums dépend déjà des mobiles, ce qui prouve bien qu il faut évoluer avec son temps. Que cette migration est absolument indispensable. Notre cœur de métier c est l édition de contenus : pour l - heure, nous sommes leader de l édition de Le risque est, dans ce métier de l Internet, de se laisser dépasser par une meilleure idée, par une meilleure plateforme, par sa propre arrogance... contenus féminins dans le monde et devons l être sur toutes les plateformes. Le risque étant, dans ce métier de l Internet, de se laisser dépasser par un concurrent, par une meilleure idée, par une meilleure plateforme, par sa propre arrogance... A partir du moment où l on repose beaucoup sur une communauté, on s expose nécessairement à l éventualité qu un jour, cette communauté ne nous aime plus. Le risque principal. Les autres étant la volatilité du marché publicitaire ressentie au moment de la crise, et, bien entendu, de se tromper sur le choix d un pays. Que celui-ci ne se révèle pas un bon investissement, soit qu une concurrence trop importante y soit déjà installée, soit que le marché publicitaire y soit insuffisant, pour citer deux facteurs d échecs. En 2001, l Italie et l Espagne ont été fermés et rouverts ensuite ; c était trop tôt et la pub était insuffisante par rapport à l investissement. Preuve qu un des enjeux principaux consiste aussi à définir le bon timing. Le média mobile Regardez le média mobile : tout le monde prévoyait qu il allait exploser car on comptait 60 millions de possesseurs de mobiles, un potentiel considérable. Cette explosion n en finissait pas de se faire attendre. L année dernière, le marché des annonceurs sur mobile ne dépassait pas 40 millions d euros, un marché publicitaire très restreint. Puis On a toujours tendance à surestimer la vitesse des réformes et à sous-estimer leur ampleur de propagation tout à coup, le basculement survient et c est une explosion. Bill Gates disait : on a toujours tendance à surestimer la vitesse des réformes et à sous-estimer leur ampleur de propagation, ce qui est parfaitement exact. On entend toujours : Oh la la! Tous les médias vont disparaître, remplacés par Internet ou par les mobiles ou par une autre technologie Ce n est pas vrai! Les mutations se font lentement. En revanche, lorsque le basculement commence à opérer, son ampleur est considérable. Supérieure, généralement, à nos attentes. Heureusement nous n avons pas de problème de financement. Notre business model nous permet de CHIFFRES REVELATEURS AuFeminin.com Date de création : 2000 Nombre de salariés dans le monde : 300 Nombre de salariés en France : 190 Trésorerie : 30 millions d euros Marges : 30 % Site disponible en 7 langues Nombre de visiteurs uniques par mois dans le monde : 45 millions Dont 18 millions en France financer nos développements, géographiques ou technologiques. Ainsi, sur le mobile, nous avons développé une vingtaine d applications non rentables lorsque nous les avons lancées. Dernier point : le display, notre métier de bannière, est un secteur en croissance partout dans le monde, ce qui nous protège. Fragmentation vs concentration La révolution arabe a ouvert beaucoup de marchés si bien que, dans ces pays, nous avons crû très rapidement de 50 à 70 %. Pour autant, lorsqu il y a un an nous avons lancé la version tunisienne du site, nous l avons fait parce que nous considérions qu il était important pour nous de le faire ; conformément à notre vocation de porter la voix des femmes car, sur place, il n y a pas de marché pour nous. Certes, il existe une très grosse demande - de l ordre de 400 000 visiteurs -, donc le marché des internautes est bien là, pas celui des annonceurs. Si bien que pour l heure nous n y allons pas à perte, car nous nous efforçons d être une entreprise rentable et que nous avons toujours fait plus de 30 % de marge, mais nous adaptons nos moyens. Nous les dimensionnons plus modestement pour pouvoir faire face à l absence de marché publicitaire. Ce n est pas grave. Nous allons d abord à l audience, Nous allons d abord à l audience, les annonceurs suivront les annonceurs suivront. C est comme cela que nous avons toujours procédé : allant sur le marché pour s y créer une position. Internet a cela d incroyable que tout mouvement de fragmentation y fabrique de la concentration. Ce phénomène est frappant chez AuFeminin : d un côté le nombre de nos concurrents ne cesse d augmenter, de l autre, cela a pour effet d accroître notre préférence de marque ; preuve que les leaders croissent plus vite que les autres et qu Internet est un marché où la fragmentation provoque de la concentration. L esprit start-up Nos forums fonctionnent bien, mais nous les renouvelons régulièrement afin de proposer tout le temps du nouveau pour surtout ne pas lasser. Lorsque vous interrogez les internautes, ils ne vous disent jamais ce qu il faudrait changer mais on sait qu une part de renouvellement est indispensable. Décider d opérer tel changement plutôt que tel autre dans nos contenus représente un autre type de prise de risque incompressible car sur ce secteur, la remise en question doit être permanente. C est pourquoi une entreprise comme la nôtre doit conserver une culture de start-up. Indispensable pour continuer à se remettre en question. Pour rester dans le test tout le temps. Ce qui s est vérifié lorsque le groupe qui détient AuFeminin à 82 %, Axel Springer le reste étant détenu par des fonds et des actionnaires individuels - nous a demandé de développer des applis payantes pour mobiles. Ce que nous avons fait en lançant une application Marmiton à 2,29 et une application AuFeminin à 1,79. Cela nous a valu 40 000 téléchargements, montant dérisoire ne couvrant absolument pas les frais de développement. Nous sommes donc passés en gratuit : dans la semaine suivante nous avons enregistré un million de téléchargements, preuve qu il s agissait cette fois de la bonne stratégie mais Une entreprise comme la nôtre doit conserver une culture de start-up. C est indispensable pour continuer à se remettre en question. Pour rester dans le test à quoi bon un million de connectés si, en face, le marché publicitaire ne suit pas? Réponse : à se bâtir une position qui, elle-même, attirera les annonceurs. Ce qui s est produit avec Marmiton, lorsque cette audience nous a permis, peu après, de devenir acteur de référence, et a suscité des revenus publicitaires supérieurs à un million d euros. Mais pour parvenir à cette formule gagnante, encore faut-il avoir la capacité financière de supporter ce délai de carence entre création de l audience et conquête des annonceurs. Pour Marmiton, elle a duré deux ans. La croissance Nos perspectives d avenir dépendent nécessairement de notre future croissance géographique D un côté le nombre de nos concurrents ne cesse d augmenter, de l autre cela accroît notre préférence de marque. Preuve qu Internet est un marché où la fragmentation provoque de la concentration. mais aussi de notre progression sur l ensemble des plateormes pour être présents sur tous les usages de demain et anticiper les nouvelles sources de revenus. Pour ce qui est du reste, nous avons développé une stratégie baptisée Solomovi, chaque syllabe correspondant à un enjeu majeur de notre activité. So pour social, l idée étant d être très présent sur les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, etc ; Lo pour local, une problématique essentielle qui nous a poussés à racheter Netmums, un site qui parle des mamans et de leurs besoins dans chaque ville, et à créer Marmiton restos, une appli locale. Mo évoque évidemment le mobile, Nous réinvestissonschaque année nos bénéfices pour avoir les moyens de notre croissance puisqu il nous faut être très présents sur ce nouveau média et Vi la vidéo, dont dépend aujourd hui 50 % de la croissance publicitaire. Côté pays, nos efforts vont porter sur ceux de langue anglaise. Ainsi, nous lançons des versions anglaises du site au Canada, en Inde et en Australie. Nous ne sommes pas encore présents aux Etats-Unis, hormis en versions française et espagnole mais cela représente de petites audiences. Notre développement en anglais sur ce marché passera sans doute par une acquisition. Nous avons toujours procédé en mixant croissance organique et croissance externe. C est pour cela que nous réinjectons chaque année nos bénéfices dans notre trésorerie au lieu de distribuer des dividendes. Pour avoir les moyens de notre croissance. Bio express Job-trotter A bientôt 50 ans, Marie-Laure Sauty de Chalon, diplômée de Sciences-Po et titulaire d une maîtrise de droit public obtenue à Assas, continue à sillonner l univers des médias. Son périple commence à la direction de la publicité de Libération, puis de la Tribune, avant de la conduire à la direction commerciale de la régie du Nouvel Obs; Toujours côté régie, elle rejoint ensuite General Médias, puis France Télévisions. Directrice générale de Carat Prospective à la fin des années 1990, elle fonde ensuite Carat Interactive. Une incursion de deux ans de l autre côté de l Atlantique et, en 2004, la voilà présidente de Carat France. Deux ans plus tard, elle est présidente du groupe Aegis Medias France et, en juin 2010, elle prend la direction d AuFeminin.com France, poste qui, résume-t-elle, cochait toutes les cases en lui permettant de travailler sur un contenu qui lui soit proche, dans un groupe mondial mais à Paris, et sur un média de croissance. Elle est l auteure de deux livres sur les médias, Les Médias, parus en 2003 et Médias, votre public n est plus dans la salle en 2007. XXXXXX Le nouvel Economiste - n 1622 - Cahier n 2 - Du 19 au 25 juillet - Hebdomadaire 17

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Dossier GESTION COMPTABILITÉ La répartition des compétences entre centres de gestion agréés et experts-comptables Grandes manœuvres La réforme du visa fiscal, lancée en 2010, est venue rebattre à nouveau les cartes. de la concurrence entre centres de gestion, associations de gestion et experts-comptables SIPA Les petites entreprises soumises à l impôt sur le revenu ont tout intérêt à adhérer à un centre de gestion agréé pour bénéficier d avantages fiscaux. Mais des incertitudes règnent sur le modèle des centres de gestion agréés. Les experts-comptables peuvent en effet désormais demander le visa fiscal, c est-à-dire la possibilité d octroyer à leurs clients des avantages fiscaux jusque-là réservés aux adhérents des organismes agréés. Une opportunité dont se saisissent des associations de gestion. Créés sous forme d associations, et fondés par des experts-comptables, des chambres consulaires ou des organisations professionnelles, les organismes agréés visent à apporter une sécurité fiscale et une assistance à la gestion à leurs adhérents. Par Nathalie Halpern L e constat est là, sur le terrain. En France, nombre de petites entreprises soumises à l impôt sur le revenu adhèrent à un centre de gestion agréé. Environ 400000 entreprises soumises à l impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux sont adhérentes à un centre de gestion agréé, estime Christiane Company, présidente de la Fédération des centres de gestion agréés (FCGA). Il s agit de très petites entreprises, qui comptent moins de cinq salariés. Une grande partie d entre elles sont des entreprises individuelles. On y trouve beaucoup de commerçants, d artisans, et de prestataires de services, opérant dans les transports notamment. Le coût de l adhésion est généralement compris entre 150 euros et 300 euros par an. L adhésion annuelle moyenne s élève à 200 euros, souligne Christiane Company. Les petites entreprises sont loin d être les seules à adhérer à un tel organisme. 80% des agriculteurs en sont membres, 75% des professions libérales en particulier les professionnels de la santé (pharmaciens, médecins, avocats, etc.) adhèrent à une association de gestion agréée. Enfin, les auto-entrepreneurs peuvent également être concernés. L année où l entrepreneur risque de dépasser le seuil de chiffre d affaires prévu pour l auto-entreprise et va devenir imposable, il a tout intérêt à adopter le statut d entreprise individuelle ainsi que le régime réel d imposition, et d adhérer à un centre de gestion souligne la responsable d un centre de gestion agréé parisien. La plupart des organismes agréés proposent d ailleurs des tarifs d adhésion réduits pour les auto-entrepreneurs. Créés sous forme d associations, et fondés par des experts-comptables, des chambres consulaires ou des organisations professionnelles, les organismes agréés visent à apporter une sécurité fiscale et une assistance à la gestion à leurs adhérents. Pourquoi y adhérer? Quel est, concrètement, leur intérêt pour l entrepreneur? Pour Christiane Company, cela ne fait pas de doute: Les entreprises et les personnes qui adhèrent le font avant tout pour profiter de l avantage fiscal, c est-àdire pour bénéficier de la non-majoration de leur revenu imposable de 25%. En effet, depuis la loi de finances de 2006, le revenu imposable des adhérents à un centre de gestion agréé n est pas majoré de 25 % pour le calcul de l impôt sur le revenu. A contrario, les non-adhérents subissent une augmentation de 25% de leur bénéfice imposable. En clair, ils sont pénalisés. Pré-contrôle fiscal Pour profiter de la non-majoration du bénéfice, il faut être assujetti à l impôt sur le revenu, être placé sous un régime réel d imposition, et avoir adhéréà un centre de gestion agréé pendant toute l année, ou dans un délai de cinq mois de l exercice s il s agit d une première adhésion. Les professions libérales membres d une association agréée bénéficient également de cette mesure. Mais point d avantage sans obligations: En contrepartie de ce bonus fiscal, les adhérents d un organisme agréé doivent se soumettre à un pré-contrôle fiscal, souligne Christiane Company. Les adhérents doivent ainsi s engager à transmettre une fois par an leurs comptes et liasse fiscale à leur organisme agréé, qui les passe à la moulinette. L entreprise se soumet ainsi à un contrôle de cohérence et de vraisemblance de ses déclarations fiscales. Si le centre de gestion décèle un élément qui n est pas cohérent, l entreprise est contactée et questionnée. Si la réponse n est pas satisfaisante, elle peut être exclue du centre explique Christiane Company. Cependant, ce pré-contrôle fiscal réalisé par le centre de gestion agréé a égalementses avantages. L entreprise adhérente sera beaucoup moins contrôlée par l administration fiscale, car elle est déjà soumise à un pré-contrôle, indique Christiane Company. L argument a de quoi séduire les entrepreneurs qui ont la hantise du contrôle fiscal. Ce principe d un bonus visant à récompenser la transparence de très petites entreprises à l égard de l administration, et donc à limiter l évasion fiscale, est d ailleurs à l origine même de la création des organismes de gestion agréés (OGA), par la loi de finances du 27décembre 1974. Autre atout pour les adhérents qui feraient tout de même l objet d un contrôle fiscal, le délai de reprise a été réduit. Cela signifie que la période sur laquelle l administration peut effectuer un redressement fiscal a été diminuée, passant de 3 à 2 ans, depuis le 1 er janvier 2010. Les vérifications fiscales portant sur une période plus courte, cela limite les risques. Nouvelles missions des centres de gestion agréés Au vu de tous ces avantages, les entreprises qui y ont droit ont tout intérêt à adhérer à un OGA, pour bénéficier des avantages fiscaux. Je conseille systématiquement aux entreprises soumises à l impôt sur le revenu d y adhérer, et quasiment tous nos clients concernés sont membres d un centre de gestion, indique Jean-Marc Jaumouillé, expertcomptable et directeur des techniques professionnelles chez Fiducial, cabinet d expertise comptable spécialisé dans les TPE, qui dispose d ailleurs d un important centre de gestion agréé de 25000 membres. Seul bémol: pour bénéficier des avantages fiscaux, encore faut-il être imposable. Adhérer à un centre de gestion agréé peut être d autant plus intéressant qu au-delà de la prévention fiscale, ces organismes ont également d autres missions à l égard de leurs adhérents, notamment en matière d aide à la gestion (voir encadré). Cependant, en dépit de cet environnement a priori très favorable, les responsables de centre agréés se posent des questions sur leur avenir. La loi de finances de 2009 leur a ainsi donné de nouvelles missions en matière de prévention fiscale, mises en œuvre à partir de 2010. Or, ces missions sont coûteuses en moyens et en compétences. Au-delà de l impôt sur le revenu, les centres de gestion agréés doivent désormais contrôler les déclarations de TVA de leurs adhérents. Autre nouveauté: après avoir effectué le contrôle de vraisemblance et de cohérence des déclarations de revenus et de TVA, un compte rendu de mission où sont notées les conclusions du centre doit être rédigé, et envoyé à l administration fiscale. Face à cette charge de travail accrue, la tendance est au regroupement des centres, afin de mutualiser les moyens et limiter les hausses de cotisation des adhérents. D où une moindre présence sur le terrain. Autre source d incertitudes: la réglementation sur les centres agréés a également été modifiée, entraînant une nouvelle donne pour les professionnels. Jusqu à récemment, les entreprises devaient ainsi obligatoirement être suivies par un expert-comptable pour pouvoir devenir membres d un centre de gestion agréé. Cela n est désormais plus le cas. La loi de finances de 2009 a supprimé cette obligation, une mesure confirmée par un décret paru ce 1 er juillet. La suppression du recours obligatoire à un expert-comptable peut inciter certaines petites entreprises, qui hésitaient à le faire au vu du coût de l expert, à adhérer à un centre de gestion agréé, estime Denys Fernbach, secrétaire général de la Fédération nationale des associations de gestion agréées (FNAGA). La fin du monopole des centres de gestion sur le visa fiscal Cependant, en contrepartie, la loi de finances de 2009 a également donné la possibilité aux experts-comptables de demander le visa fiscal, c est-à-dire la possibilité d effectuer le pré-contrôle fiscal et de permettre à leurs clients de bénéficier de la non-majoration de 25% du revenu imposable, à partir de 2010. Cela remet en cause, de fait, le monopole des centres agréés dans ce domaine. D où des tensions avec les experts-comptables. Les relations entre les experts-comptables et les OGA ont toujours été tendues, les professionnels du chiffre craignant leur concurrence. Il faut dire que jusqu à récemment, au-delà de leur mission de prévention fiscale, les centres de gestions agréés pouvaient aussi, sous certaines conditions, tenir la comptabilité de leurs adhérents. Il s agissait des centres de gestion agréés et habilités (CGAH). Les experts comptables ont estimé que cette mission empiétait sur leur monopole En contrepartie de ce bonus fiscal, les adhérents d un organisme agréé doivent se soumettre à un précontrôle fiscal, Christiane Company, FCGA. Le nouvel Economiste - n 1622 - Cahier n 2 - Du 19 au 25 juillet - Hebdomadaire 19

GESTION COMPTABILITÉ La répartition des compétences entre centres de gestion agréés et experts-comptables Les avantages des centres de gestion agréés Les avantages fiscaux Adhérer à un centre de gestion agréé permet à l entreprise soumise à l impôt sur le revenu, sous un régime réel d imposition, de bénéficier d avantages fiscaux. Il faut pour cela avoir adhéré pendant toute la durée de l année ou de l exercice, ou s il s agit d une première adhésion, dans les cinq mois du début de l activité ou de l exercice. Premièrement, le revenu imposable n est pas majoré de 25 % pour le calcul de l impôt. Deuxièmement, la période sur laquelle l administration peut effectuer un redressement fiscal est ramenée de 3 ans à 2 ans pour les adhérents, à compter du 1er janvier 2010. Les premières vérifications fiscales qui bénéficieront de ce délai de reprise seront donc celles qui seront effectuées en 2012 et porteront sur 2010 et 2011. Les entreprises unipersonnelles soumises au régime de l impôt sur les sociétés peuvent également bénéficier de ce délai réduit. Troisièmement, le salaire du conjoint de l exploitant peut être déduit intégralement, s il est salarié de l entreprise. Quatrièmement, une réduction d impôt pour frais d adhésion et de comptabilité peut être réalisée dans la limite de 915euros par an. Les avantages non fiscaux Au-delà de la fiscalité, les centres de gestion agréés offrent d autres services à leurs adhérents, notamment en matière d aide à la gestion et de soutien aux entrepreneurs. Un dossier de gestion personnalisé annuel décrit la situation financière de l entreprise. Une fois par an, nous remettons à l entreprise un dossier de gestion, soulignant ses points forts et faibles, et lui donnant des pistes de réflexion. Nous n hésitons pas à tirer le signal d alarme si besoin. Cette activité de conseil s inscrit dans notre mission de prévention qui n a cessé d augmenter au cours des dernières années, souligne la responsable d un centre de gestion agréé. Visant à faire un point sur la situation de l entreprise, ce dossier est réalisé à partir des informations comptables fournies à l administration fiscale. Mais l entrepreneur ne bénéficie pas d un suivi individuel. Des statistiques professionnelles par secteur d activité sont réalisées par les centres de gestion. Elles permettent de positionner l entreprise dans sa branche, son département ou sa Autre atout pour les adhérents qui feraient tout de même l objet d un contrôle fiscal, le délai de reprise sur lequel l administration peut effectuer un redressement fiscal a été diminué, passant de 3 à 2 ans région. La Fédération des centres de gestion agréés dispose d un observatoire de la petite entreprise, qui publie chaque trimestre une enquête portant sur 15000 petites entreprises. Des séances d information et de formation sont proposées, qui permettent de tenir les adhérents informés des nouveautés fiscales et sociales par secteur. Les centres de gestion agréés proposent notamment des rencontres, des débats et des séances de formation. En moyenne, 500000heures de formation sont dispensées chaque année par l ensemble des centres de gestion agréés, note la FCGA. Le centre de gestion agréé Picpus, à Paris, qui regroupe 20000 adhérents au total, propose ainsi des séances de formation sur la comptabilité, l analyse de bilan, sur l imposition des revenus, ou sur l efficacité professionnelle. Depuis dix ans, nous proposons de plus en plus de services complémentaires, de l information à la formation, souligne un responsable de ce centre. N.H. en matière de comptabilité, et sont partis en guerre contre les CGAH. Résultat: la réforme de la profession comptable a abouti à la disparition des CGAH en décembre 2008. Depuis, les centres de gestion agréés n ont plus le droit de tenir la comptabilité des entreprises. Leur activité comptable a été transférée à des associations de gestion et de comptabilité. La réforme du visa fiscal, lancée en 2010, est venue rebattre à nouveau les cartes. Les cabinets d experts-comptables du secteur libéral se sont certes, jusqu à présent, montrés assez peu intéressés par le visa, estimant que le pré-contrôle fiscal ne relevait pas de leur mission, et qu ils n en avaient pas forcément les moyens, ni le temps. En revanche, les associations de gestion et de comptabilité, issues des anciens centres de gestions agréés habilités (CGAH), se montrent fort intéressées par le visa fiscal. D où la réémergence d associations présentes à la fois dans le pré-contrôle fiscal et la comptabilité, sur le modèle des ex-cgah, honnies par les experts-comptables Environ 130 demandes de visa fiscal ont été déposées à ce jour, et ce essentiellement par des associations de gestion et de comptabilité, note Denys Fernbach. L offensive des associations de gestion La France ne compte pas moins de 226 associations de gestion et de comptabilité, qui regroupent 570000 entreprises au total, comprenantaussi bien des artisans que des entreprises individuelles ou des entreprises relevant de l impôt sur les sociétés, selon le Comité de liaison des centres de gestion. Spécialisées dans la comptabilité, ces associations, inscrites à l Ordre des experts-comptables, proposent également du conseil juridique, financier, etc. Une partie d entre elles estime que l obtention du visa fiscal leur permettra d augmenter la panoplie de services proposés à leurs adhérents. Et ce d autant plus qu elles disposent déjà d une expérience dans le domaine du pré-contrôle fiscal, en tant qu ex-cgah. Ces associations offrent donc à leurs adhérents la possibilité de bénéficier d avantages, tels la non-majoration de 25% de leur revenu imposable, pour un tarif similaire à celui d un centre agréé. C est notamment le cas de lacecogeti, située en Rhône-Alpes, qui a obtenu le visa fiscal en février dernier. Cela nous permet de suivre nos adhérents de A à Z, de la comptabilité jusqu au contrôle de cohérence et de vraisemblance des déclarations fiscales au dossier de gestion. Et nos adhérents bénéficient ainsi d un même suivi personnalisé, au long de toutes ces étapes, indique Philippe Maurice, directeur de cette association. Le nombre d associations de gestion et de comptabilité (AGC) proposant tous ces services pourrait augmenter. Les membres de Cerfrance, le premier réseau hexagonal d associations de gestion avec 72 entités départementales, 700 agences, et 60000 adhérents s intéressent au visa fiscal. Nos entités ont lancé une réflexion sur le sujet, en consultant les adhérents. Certaines ont décidé de demander le visa fiscal, souligne Jean-Paul Le Brech, directeur général adjoint du conseil national de Cerfrance. Nous offrons un accompagnement global et personnalisé à nos clients, de l expertisecomptable au conseil. Là réside l intérêt d adhérer à une association de gestion et de comptabilité comme la nôtre, indique Jean-Paul Le Brech. Les centres de gestion agréés n offrent en revanche pas autant de services ni de suivi individuel. Et toutes les associations de gestion ne vont pas demander un visa fiscal. Certaines jugent que les avantages fiscaux des centres de gestion demeurent plus intéressants pour leurs adhérents. Ainsi, seuls les centres disposent de l avantage d un délai de reprise réduit à 2 ans, ce délai s élevant toujours à 3 ans pour les experts-comptables. Cependant, des incertitudes entourent désormais le modèle des centres agréés. Et l émergence d associations présentes à la fois dans l expertise-comptable et le pré-contrôle fiscal, telles les ex-cgah, inquiète les experts-comptables. Ils ont décidé de lancer une contre-offensive, en s alliant une fois n est pas coutume avec les centres agréés. Pour ce faire, ils ont créé en 2011 une association en commun avec les OGA, baptisée UNPCOGA (Union nationale de la profession comptable et des organismes de gestion agréés), et se sont engagés à ne pas demander de visa fiscal. L expertcomptable ne peut servir d intermédiaire entre le fisc et son client. Cela risque de brouiller son image auprès de l entreprise. Chacun a son rôle à jouer: l expert-comptable en matière de comptabilité, et l OGA en matière de prévention fiscale, souligne Joseph Zorgniotti, président d honneur du Conseil supérieur de l Ordre des experts comptables, et président de l UNPCOGA. Huit fédérations d OGA ont rejoint le Conseil supérieur dans cette démarche. Mais cela suffira-t-il à faire régner le statu quo sur la répartition des compétences, entre centre de gestion agréé et experts-comptables? Rien n est moins sûr. 20 Le nouvel Economiste - n 1622 - Cahier n 2 - Du 19 au 25 juillet 2012 - Hebdomadaire

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Dossiers SERVICES GÉNÉRAUX FACILITY MANAGEMENT Les services aux salariés Service compris Les entreprises multiplient les services: conciergeries et crèches d entreprise, espaces verts, gestion des commodités, pressing, etc. SIPA Pour fidéliser les salariés, assurer un environnement de travail sain et agréable, améliorer la productivité tout en améliorant leur marque employeur, les entreprises multiplient les services: conciergeries et crèches d entreprise, espaces verts, gestion des commodités, propreté, sécurité La frontière entre vie privée et vie professionnelle est bel et bien tombée dans ces organisations qui font du bien-être de leurs salariés un élément de leur réussite. À condition de ne pas négliger l aspect managérial. Preuve que cette stratégie reste secondaire: l externalisation auprès de prestataires souples et réactifs autant que bon marché reste la norme. Les sociétés proposent à leurs employés de prendre en charge certaines de leurs problématiques domestiques, telles que le pressing ou la cordonnerie, et développent par ailleurs des prestations de bien-être ou de confort, telles que les massages et les billetteries de spectacle. Par Solange Brousse D epuis une dizaine d années, les services aux salariés dans les entreprises se développent: des services de base aux conciergeries, l offre s étoffe. Les sociétés proposent à leurs employés de prendre en charge certaines de leurs problématiques domestiques, telles que le pressing ou la cordonnerie, et développent par ailleurs des prestations de bien-être ou de confort, telles que les massages et les billetteries de spectacle. Un marché est en train de se développer. Nous assistons tout simplement à la fin de la modernité, déclare Frédérique Alexandre-Bailly, professeur associé en stratégie, hommes et organisation à ESCP Europe. Pendant le XX e siècle, la séparation très stricte entre vie privée et vie professionnelle consistait à dépersonnaliser la personne au travail. Aujourd hui, on demande aux salariés de mettre de leur personne dans leur métier. Le taylorisme, qui consistait à faire faire des gestes sans réfléchir, a vécu. La division verticale du travail ne fonctionne plus, même s il existe bien sûr quelques secteurs où elle est encore pratiquée. Si le monde de l entreprise est en train de tourner la page de la deuxième moitié du XX e siècle, en matière de politique salariale et de services généraux, il s inspire en partie du paternalisme façon XIX e siècle, qui consistait à proposer des services aux ouvriers pour les maintenir auprès d eux et éviter un turnover trop important, néfaste pour les activités de l entreprise. Tout ce qui a été développé sous le nom de conciergerie fait écho au paternalisme du XIX e siècle, confirme Charles-Henri des Horts Besseyre, professeur associé au département management-rh de HEC Paris. Mais à l époque, l intention était mauvaise: il fallait asservir l employé. Aujourd hui, le contexte est différent, car si les travailleurs ne sont plus satisfaits de leur entreprise, ils s en vont. Cependant, à la fin du XIX e siècle, Jean-Baptiste Godin, industriel et philanthrope, construit un familistère, sur le modèle du phalanstère conceptualisé par le philosophe Charles Fourier: un lieu de vie en communauté censé combler les besoins de ses sociétaires, proposant à proximité du lieu de travail des prestations médicales, un pouponnat (crèche), une école pour jeunes enfants, des spectacles Sa vision, si utopique soit-elle, est pourtant proche du modèle développé par une entreprise qui, au XXI e siècle, remporte chaque année une liste vertigineuse de distinctions et de prix pour sa politique RH Il s agit de SAS Institute, éditeur mondial de logiciels de business analytics, citée très régulièrement parmi les Best Companies To Work, Great Place to Work, et autres Top Employers Son principe: l internalisation des services généraux et des services que l on pourrait qualifier de conciergerie. SAS Institute compte 12000 salariés, c est la plus grande société privée de software, elle n est pas cotée en Bourse, raconte Charles-Henri des Horts Besseyre. Depuis 35 ans, son propriétaire, M.Goodnight, répète: Pour moi, tous les services sont importants. Rien n est externalisé. L entreprise a des gardiens, des médecins, des écoles pour les jeunes enfants jusqu au primaire, des crèches (c est l un des premiers à l avoir fait), et c est l une des entreprises les plus rentables dans ce secteur. Ils n ont jamais perdu d argent. Le taux de turnover est 3 à 4 fois moins fort que chez ses concurrents. L externalisation des services généraux Cet exemple est pourtant l exception qui confirme la règle. Les services généraux sont en effet majoritairement perçus comme externalisables par les sociétés, car ils sont souvent éloignés du domaine d activité central de l entreprise. Il y a un fort taux d externalisation des services généraux et du gardiennage dans les bâtiments abritant des bureaux ou sur les campus,constate Charles-Henri des Horts. C est une tradition. Les prestataires spécialisés ont bien compris ce peu d engouement des entreprises pour les services généraux et en font un argument marketing: Les services généraux sont la gestion de tout ce dont a besoin l entreprise mais qui n est pas son cœur de métier, explique Frédérique Patarin, directrice de Effi SG.Les équipements, les bâtiments, l électricité, la téléphonie Les services généraux englobent en effet les équipements de l entreprise, la gestion d une flotte automobile, la sécurité des biens et des personnes, les accès aux bâtiments (codes, badges). Et de ces services dépend en partie la qualité de vie du salarié. Il ne doit pas se retrouver dans le noir dans les toilettes ou coincé dans l ascenseur, rappelle Frédérique Patarin. Les sociétés qui font appel aux services d Effi SG comptent en général entre 50 et 250 salariés. Les entreprises de moins de 50 salariés font plus rarement appel à nous car le volume de problèmes à gérer n est pas suffisant pour nécessiter le recours à un prestataire externe, explique la directrice. Dans ce cas cependant, la société ne fera que du curatif (réparer la photocopieuse par exemple), puisque chacun a au départ une autre mission Nous, nous faisons du préventif. De l autre côté, à partir de 200, 250 salariés, dans le tertiaire, les chefs d entreprise prennent souvent un responsable des services généraux en interne. Effi SG prend en charge les appels d offres de ses clients auprès des fournisseurs, ce qui induit un précieux gain de temps. Nous gagnons aussi du temps sur les interventions, ajoute Frédérique Patarin. Par exemple, un matin, un prospect nous a appelés parce que l hôtesse d accueil avait vu une souris dans le hall de l immeuble. Elle menaçait de s en aller. Nous avons appelé nos partenaires afin qu avant midi, une société se présente à l accueil. L hôtesse a compris qu on prenait en compte sa demande, tout de suite. Le prospect est devenu un client. Un prestataire particulièrement réactif constitue sans doute un avantage pour l entreprise. Et si l alarme se met à sonner à 3heures du matin dans le bâtiment, indique Frédérique Patarin, l entreprise peut nous appeler, nous, mais peut difficilement le faire avec un salarié, lui dire au milieu de la nuit: il faut aller voir ce qu il se passe sur place. L entreprise prestataire négocie enfin les prix des équipements avec les fournisseurs, s attache à rendre une gestion plus précise et plus serrée. Nous nous occupons des comptes dans le détail, nous nous battons sur le prix unitaire des cahiers, des crayons, gagnant 3 centimes, 5 centimes par unité. Nous savons aussi ce que consomme chaque service. Nous sommes complémentaires du contrôleur de gestion, qui vérifie seulement le coût global des commandes, renchérit Frédérique Patarin. Gain de temps et bien-être Tous ces services rendus peuvent donc constituer un gain de temps et d argent. Cet argument est exactement repris par les services de conciergerie d aujourd hui, qui prennent leurs distances avec l image de services de luxe qu ils véhiculaient à leurs débuts. Proposer des services de pressing, de repassage, ou encore de duplicata de clés sur le lieu de travail n est pas une fantaisie, mais une manière de libérer du temps pour que le salarié puisse se concentrer sur son travail et donc d augmenter le rendement de l entreprise. Les services de conciergerie se développent en partie parce qu ils servent à faire travailler les gens plus longtemps. Les entreprises disent aux salariés: Vous pouvez travailler tranquille, nous vous déchargeons des choses à faire, à horaires d ouverture fixe. Vous n avez plus besoin de partir du travail plus tôt pour passer chez le cordonnier, confirme Frédérique Alexandre-Bailly. L entreprise de conciergerie ADN Pro Services s occupe, par exemple, des services classiques évoqués ci-dessus et de certaines démarches administratives (carte grise, demandes de visas). Et va encore plus loin. Nous proposons également des prestations à domicile: ménage, repassage, garde d enfants, éligibles au Cesu [Chèque emploi service universel, ndlr] D autres prestations sont Les services généraux sont la gestion de tout ce dont l entreprise a besoin, mais qui n est pas son cœur de métier. Frédérique Patarin, Effi SG. Le nouvel Economiste - n 1622 - Cahier n 2 - Du 19 au 25 juillet - Hebdomadaire 23

SERVICES GÉNÉRAUX FACILITY MANAGEMENT Les services aux salariés Avec les smartphones, les deux vies, professionnelle et personnelle, sont mélangées. Augustin Codja, ADN Pro Services. Les dirigeants veulent renforcer leur marque employeur et fidéliser les talents en option, comme les travaux ménagers, le jardinage détaille son gérant, Augustin Codja. La société de l employé va payer l implantation de la conciergerie sur son site, puis le salarié paie sa propre consommation. Mais celle-ci coûte moins cher qu une prestation sollicitée individuellement en tant que particulier, car l entreprise de conciergerie négocie en amont le prix des prestations. Ce temps libéré permet de se consacrer au travail, explique Augustin Codja. Aujourd hui, avec les smartphones, les deux vies, personnelle et professionnelle, sont de toute façon mélangées. Forcément, toute tâche ménagère mord sur le temps de travail. Et sur les loisirs: pour aller chercher un colis dans un relais par exemple, il faut attendre le week-end, un RTT, etc. Nous faisons gagner du temps sur le temps de travail et le temps libre. C est gagnantgagnant. Les experts ne craignent pas qu une confusion vie privée-vie professionnelle s installe, pour la simple et bonne raison que les frontières sont, de fait, déjà très floues. Si le salarié emmène son smartphone et ses mails professionnels à la maison, il trouve aussi normal de traiter ses courriers personnels au travail. Et désormais, grâce aux services de conciergerie, d y recevoir des prestations bienêtre, qui ont le vent en poupe. Ainsi l entreprise de conciergerie To Do Today, créée en 2001, propose-t-elle aux occupants des entreprises dans lesquelles elle est implantée, de manière permanente ou à temps partiel, une large gamme de prestations. Les plus utilisées sont les prestations bien-être, épilation, sophrologie, énumère Stéphanie Cardot, présidente de To Do Today. Les services bien-être sont souvent mis en place à la demande des managers, pour que les salariés se sentent mieux, souligne Frédérique Alexandre-Bailly. C est moins une politique centrale de ressources humaines que la demande locale des managers, qui veulent mettre de l huile dans les rouages. Attention cependant: ces prestations ne dispensent pas d une remise en question du management lorsque le travail sur un site est perçu comme trop stressant. Proposer des services de massage peut certes améliorer le bien-être au travail mais dans une entreprise qui va bien! Cela ne peut pas remplacer une réflexion sur le style de management, assène Charles-Henri des Horts Besseyre. Si le manager est odieux, le service de massage, ce n est que du cosmétique. Un plâtre sur une jambe de bois. Marque employeur Aujourd hui, les entreprises n ont pas seulement envie de détendre leurs salariés pour les rendre plus productifs, elles veulent également redorer leur image. Présenter des services aux salariés renforce l attractivité de la marque employeur. Le signal donné est: si vous venez dans notre entreprise, cela va vous faciliter la vie. De plus, cela sert à retenir les gens. Si, quand je quitte une entreprise, je quitte sa crèche, j y réfléchis à deux fois,analyse Frédérique Alexandre-Bailly. Il y a dix ans, les entreprises étaient effectivement dans une logique de productivité. Mais aujourd hui, toutes les entreprises raisonnent en image de marque employeur, confirme Stéphanie Cardot. Et pour retenir les talents, peu de propositions semblent aussi efficaces que la crèche d entreprise Elle apporte une bonne image sociale, de manière facile et efficace, reconnaît Christophe Durieux, fondateur de l entreprise spécialisée dans ce secteur People and Baby. Elle favorise une très grande fidélité des salariés: une place en crèche est valable pendant trois ans. Enfin, le salarié a une reconnaissance particulière et un sentiment d appartenance plus développé pour son entreprise. Il s agit d une aide qui concerne un domaine plus personnel: ce n est pas comme si l on s occupait de la voiture ou du teinturier. Tous les services de conciergerie destinés à aider les salariés dans leur vie personnelle et professionnelle ont ainsi vocation à limiter le turnover. Quand j ai créé To Do Today il y a dix ans, les dirigeants me riaient au nez, se souvient Stéphanie Cardot. Aujourd hui, ils sont très demandeurs, pour renforcer leur attraction et la fidélisation des talents. Le salaire n est plus le seul facteur de choix d une entreprise. Surtout pour les nouvelles générations, qui aspirent à autre chose, des contrats vraiment donnant-donnant. Des problématiques comme celles de la diversité, de la parité ou de la responsabilité sociale sont également à l origine de l évolution des mentalités: On sait par exemple que les femmes ont encore la charge de la plupart des tâches ménagères. Nos services de conciergerie les aident, pour favoriser leur épanouissement au travail. Les services de bien-être sont souvent mis en place à la demande des managers En fait, aujourd hui, les entreprises ne se posent plus la question de savoir si elles le font ou pas, elles se demandent comment, affirme Stéphanie Cardot. Des prestataires plus souples Si ces prestations ont un coût certain, les prestataires proposent aujourd hui des produits plus souples et accessibles au plus grand nombre de structures. Illustration: le service de crèche d entreprise People and Baby, qui dispose d un réseau de 400 crèches: 150 en propre, le reste appartenant à des partenaires. Il y a 5-6 ans, on créait des crèches à côté de l entreprise, raconte Christophe Durieux. C était l ancienne méthode. Or, il est souvent plus pratique, pour les familles, de placer leurs enfants à côté de leur domicile. C est ce que nous proposons désormais. Ernst & Young va par exemple réserver 70 places sur l ensemble de notre réseau, que cela soit à Paris, à Marseille. Ce changement de politique évite aux parents d avoir à emmener leurs enfants dans les transports (et surtout les transports en commun). Le salarié paie le même prix qu une crèche municipale, assure Christophe Durieux. Soit entre 100 et 400 euros par mois. Nous comptons même des petites entreprises parmi nos clients: boulangeries, avocats, artisans Sécurité en entreprise Prestation de prévention Au-delà du volet bien-être ou pratique pour le salarié, la contribution d un facility manager peut aussi concerner la gestion du risque et la sécurité dans l entreprise, dans ses aspects concrets comme réglementaires. D un point de vue légal, les risques auxquels sont exposés les travailleurs doivent en effet être évalués et consignés dans un document, comme l exige le décret 2001-1016 du 5 novembre 2001 créant l obligation de transcrire les résultats de l évaluation des risques dans un document unique. Ce décret a introduit deux dispositions réglementaires dans le code du travail: la première article R. 230-1 précise le contenu de l obligation pour l employeur de créer et conserver un document transcrivant les résultats de l évaluation des risques à laquelle il a procédé. La seconde disposition porte sur le dispositif de sanctions pénales prévu en cas de non-respect, par l employeur, des différentes obligations auxquelles il est dorénavant soumis en matière d évaluation des risques. Ce document unique identifie les risques qui sont propres à l entreprise, explique Frédérique Patarin, directrice d Effi SG. Quand il y a des services généraux, internes ou externes, ou des responsables RH, nous nous réunissons et nous évaluons les risques ensemble. Par exemple: un cabinet d expertise comptable a peu de chances de se faire attaquer à l arme lourde; le salarié d une banque a peu de chances de recevoir une pièce de voiture sur la tête; les risques Un artisan ou un grand compte paie le même prix. À la limite, le prix de la place varie en fonction de l immobilier. Pour l entreprise, le budget net après crédit d impôt est de 2300euros par an et par place. L entreprise ADN Pro Services s inscrit quant à elle dans une démarche citoyenne, chassant définitivement cette image de luxe héritée des conciergeries des grands hôtels. Nous sommes nés en 2007 et, sur ce marché qui s est positionné autour de grosses structures, nous avons trouvé notre chemin. Sans aller jusqu à l artisanat, nous avons voulu faire mentir ces grosses mécaniques. Le temps nous a donné raison, estime Augustin Codja. La société, qui fonctionne avec quatre permanents, gère quatre parcs d activités, et d autres services de conciergerie installés en banlieue parisienne, pour le compte de Groupama ou du Stade de France par exemple. ADN Pro Services travaille avec de nombreux prestataires: des artisans pour la plupart, ou des prestataires institutionnels, mais aussi des ateliers protégés type Esat (établissement ou service d aide par le travail), c est-à-dire des personnes handicapées et des personnes au chômage. Elle propose des produits pour les entreprises à partir de dix salariés, en mutualisant les services. Stéphanie Cardot certifie, de même, que les services de To Do Today sont accessibles à toutes les entreprises quelle que soit la taille de l activité. La forme est différente, précise-t-elle. Sur un site de 1000 personnes, le potentiel budgétaire sera plus important que pour 30personnes. Sur des gros sites, il y a des centres permanents. Sur ceux de petite taille, nous avons recours au temps partiel, aux permanences, aux conciergeries mobiles. Le coût d une conciergerie est fonction du temps de présence du concierge sur le site: pour une journée par semaine, le concierge, chez To Do Today, coûte entre 75000 et 100000 euros par an. industriels chez Renault ne seront pas les mêmes que chez un cimentier Exemple spécifique, le risque incendie, qui ne sera pas le même si l entreprise fabrique des feux d artifices, des journaux, ou encore de la peinture ou des solvants. Un courtcircuit déclenche un départ de feu Cela arrive souvent car les incendies sont à 90% d origine électrique. Mais ensuite, son évolution va dépendre de son environnement immédiat, du fait qu il y ait ou non un photocopieur à côté, ou bien du plastique, du bois décrit Frédérique Patarin. Comme les feux sont différents, les interventions le sont aussi. Il faut donc installer à proximité des foyers de risques des extincteurs différents, illustre Frédérique Patarin. Si l environnement est plutôt papier, ce sera de l eau. S il est électrique, ce sera de la neige, un mélange d eau et de CO2. À ces systèmes d extinction mobile, il faut ajouter les RIA, ou robinets d incendie armées: des gros rouleaux de pompiers pourvus en eau et en pression Et dans certains milieux de travail, par exemple des salles informatiques chez Google, il existe un système qui permet de mettre la salle sous vide Il faut donc lui associer un système d alerte adapté, conclut Frédérique Patarin. Gérer un risque incendie dans une entreprise implique donc à la fois de choisir les bons extincteurs, de les placer au bon endroit selon l environnement proche, et d anticiper la nature des feux. S.B. 24 Le nouvel Economiste - n 1622 - Cahier n 2 - Du 19 au 25 juillet 2012 - Hebdomadaire

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Dossiers RECHERCHE & DÉVELOPPEMENT INNOVATION Le rôle et la place du design La cerise dans le gâteau Désormais au coeur du processus d innovation, et non plus en bout de chaîne SIPA Dans un contexte concurrentiel où se démarquer devient toujours plus difficile, le design intervient comme une bouffée d oxygène. Il a longtemps été considéré comme la touche finale d un processus, mais se place aujourd hui au cœur des démarches innovantes, et même à ses origines. Les entreprises apprennent progressivement à donner au designer le rôle qu il doit endosser au XXI e siècle: celui de chef d orchestre, capable d écouter les sensibilités différentes, d intégrer les écueils et atouts d une idée, de suggérer des orientations nouvelles. Une fonction délicate, où polyvalence et observation forment la base du travail. Sous l impulsion de grands groupes comme Décathlon, le design a été considéré différemment. On s est aperçu qu il pouvait être utile en amont de la réflexion avec les innovateurs Par Mathieu Neu Rendre joli, moderne. Travailler l esthétique pour susciter le plaisir des yeux, du toucher, et ainsi mieux séduire une clientèle. Dans la conscience collective, le design se résume souvent à ces quelques mots. A tort, explique Antoine Fenoglio, cofondateur de la société Sismo, spécialisée dans le design et la concrétisation d innovations. Son rôle dépasse largement ces critères. Il se situe au cœur du processus d innovation. Intégrer le design, c est d abord partir de l observation des individus, des usages que ces derniers font des produits et services, pour adapter l offre aux comportements, aux nécessités qui se manifestent. Historiquement, le design a souvent été la dernière étape du développement d une innovation, généralement négligée. Contrairement aux idées reçues, le design ne constitue pas une approche cosmétique qui arrive en fin de parcours, pour un simple habillage du produit. Il s agit avant tout d une démarche créative qui part de l analyse d une réalité et des besoins, poursuit-il. Qui dit créativité ne dit pas art gratuit, facultatif. L objectif est d étudier tout objet en fonction des différents acteurs qui sont amenés à s en servir. Il s agit de trouver un équilibre optimal entre les préoccupations des uns et des autres, pour rendre le produit conforme aux attentes, plus ergonomique, plus sûr, et éventuellement moins cher. Le design occupe une place de plus en plus essentielle, constate Ludovic Labidurie, PDG de Neolux, une société spécialisée dans les solutions d éclairage innovantes à LED. L originalité et une meilleure réponse aux usages courants sont des concepts qui se généralisent sur notre marché, mais aussi dans bien d autres domaines industriels. Par le passé, et jusque dans l histoire récente, le design intervenait après le processus d innovation. Il était souvent apporté par la direction du marketing et de la communication. Sous l impulsion de grands groupes industriels et de distributeurs comme Décathlon, le design a été considéré différemment. On s est aperçu qu il pouvait être utile en amont de la réflexion avec les innovateurs, dans la mesure où il pouvait rendre tangible des idées et réflexions innovantes qui manquaient parfois de conception concrète. Grâce au design, les entrepreneurs obtiennent une vision plus claire de la manière dont une innovation peut se traduire sur la réalité d un marché, décrit Antoine Fenoglio. Consciente de l importance de cet aspect, l entreprise Saint-Gobain a fait appel à Sismo pour créer un lieu de dialogue entre l activité de recherche du groupe et ses prescripteurs qui peuvent être des grands constructeurs, des architectes. Le secteur des télécommunications, à l avant-garde en la matière, étudie également beaucoup ces questions. L apport du design réside désormais dans la nécessité de proposer de nouveaux objets ou services, ou des services qui viennent compléter l usage d objets comme c est le cas des vélos en libre accès qui se multiplient dans les villes. Ce type d offre est issu d une réflexion globale intégrant le design comme un élément fondamental. Une place devenue privilégiée Cette réalité s impose de plus en plus sur les marchés. A tel point que, pour Anne-Marie Boutin, la présidente de l APCI (Agence pour la promotion de la création industrielle), on n en est plus à parler du prix du design, mais plutôt de celui du non-design. Les entreprises qui négligent ce volet auraient du souci à se faire, selon l organisation. Sur le marché des luminaires, le design est tout simplement fondamental. Il faut désormais le prendre en compte systématiquement. Par le passé, ce n était pas le cas. On se concentrait essentiellement sur l aspect fonctionnel des produits. Aujourd hui, une telle attitude est synonyme de perte de parts de marché, témoigne Ludovic Labidurie. Bon nombre de spécialistes remarquent que la place du design a profondément changé. Les dirigeants d entreprise commencent à réaliser qu il n est pas seulement affaire de style ou d habillage final d un projet, mais qu il s agit de créer de nouveaux produits ou services qui intègrent dès le départ la dimension de l usage. Cette démarche de conception innovante, prise en compte très en amont, fait la force de certaines offres. L iphone, par exemple, n est pas la conséquence d un vaste programme de recherche. Il est le résultat de designers qui ont assemblé de façon originale, ergonomique et séduisante, des technologies déjà existantes. Le véritable enjeu consiste donc à créer des concepts nouveaux de produits et services, en réponse aux évolutions de la demande. De nouvelles façons de travailler, de nouvelles idées et de nouveaux modes de pensée sont ainsi préconisés, en allant puiser dans les savoir-faire existants. C est la raison pour laquelle l Ensci (Ecole nationale supérieure de création industrielle) a inauguré il y a quelques années une antenne au sein du Leti, un centre de recherche appliquée du CEA, spécialisée en microélectronique et en technologies de l information et de la santé. Une autre antenne se développe actuellement au sein de l institut List du plateau de Saclay, qui focalise ses recherches sur les systèmes numériques intelligents. L objectif est de faire en sorte que la préoccupation des usages et de la mise en forme des technologies soit présente dès les premiers stades de la conception technologique. Tout comme l Ensci, les écoles de design bénéficient logiquement de cette nouvelle perception, signe des temps qui changent. Elles tissent désormais de nombreux liens avec des partenaires d horizons variés. Elles tendent Grâce au design, les entrepreneurs obtiennent une vision plus claire de la manière dont une innovation peut se traduire sur la réalité d un marché. Antoine Fenoglio, Sismo. Le nouvel Economiste - n 1622 - Cahier n 2 - Du 19 au 25 juillet - Hebdomadaire 27

RECHERCHE & DÉVELOPPEMENT INNOVATION Le rôle et la place du design Le designer doit avoir intégré des connaissances d industrialisation du système. Le design ne doit pas porter atteinte à l aspect fonctionnel, mais l approche doit être très nouvelle. Ludovic Labidurie, Neolux. Le designer doit être un médiateur capable d intégrer des problématiques de nombreuses disciplines à devenir un point de rencontre entre acteurs de disciplines différentes: entre les ingénieurs, managers, spécialistes du marketing et créateurs, mais aussi les professionnels des sciences humaines et sociales. Dans les textiles innovants, les étudiants deviennent des intermédiaires entre les industriels et les écoles spécialisées du secteur. Tantôt médiateurs, tantôt intégrateurs, les écoles sont désormais perçues par les industriels comme des centres d innovation. Par le passé, les entreprises s adressaient à elles par le biais de leurs services marketing ou design. Ce sont aujourd hui les services Recherche et Développement ou les cellules dédiées à l innovation qui les contactent. Conséquence de cette évolution, le volume des contrats industriels a été multiplié par quatre à l Ensci depuis 2007. La société 2&3 dimensions œuvre dans le conseil et la conception de packaging pour de grandes marques. Nous existons depuis 33 ans. Dans le secteur alimentaire, le design des produits concentrait davantage de recherche il y a 20 ans. Les budgets sont en nette baisse dans ce domaine. Nos collaborations avec ce secteur sont devenues rares alors qu elles étaient fréquentes par le passé. L importance du packaging est parfois sous-estimée, ce qui est bien dommage, indique Marylise Hurand, directrice de la société. Mais hormis certains secteurs et malgré le contexte économique difficile, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à modifier leurs approches pour placer le design au cœur des processus. Dans le luxe, c est l inverse. Il y a de plus en plus de recherche et de créativité. Nos clients de ce secteur demandent souvent des conseils quant à la faisabilité de certaines idées. Les grandes marques de la cosmétique ou des spiritueux montrent une volonté toujours plus marquée d être innovant, poursuit-elle. Le recours croissant à des sous-traitants qui prennent en charge le design des produits inquiète quelque peu Antoine Fenoglio: Dans la cosmétique, ce sont souvent de petits acteurs spécialisés qui se penchent sur l esthétique d un tube de rouge à lèvres, et non plus les marques ellesmêmes. Cette perte de maîtrise de l innovation pose tout de même des questions. Le petit plus devenu essentiel Se démarquer de la concurrence est l une des grandes motivations à l origine de ces évolutions. Le design permet de se différencier de la concurrence sur des gammes de produits qui peuvent être équivalentes, mais en s intéressant davantage à des besoins de niche, à l image du fabricant de fdproduits de stockage numérique La Cie, qui commercialise des clefs USB en forme de pièces en euros, la valeur nominative indiquée sur le support correspondant à sa capacité de mémoire. La société Acor se démarque aussi sur le marché de l achat revente d or par un autre concept atypique: proposer aux entreprises et particuliers une variété d objets personnalisés intégrant la célèbre valeur refuge, comme une carte de visite contenant un minilingot d or (de 0,1 gramme ou davantage). L idée paraît surprenante. Ce produit particulier est pourtant loin d être le seul élément étonnant de l offre de cette entreprise. Elle propose par exemple d intégrer de l or dans des cartons d invitation, des porte-clés ou une multitude d autres outils de communication ou de prospection, de manière à les personnaliser tout en leur donnant de la valeur. Le design peut être une solution alternative précieuse pour se démarquer de concurrents, à l heure où il est difficile de se renouveler, confirme Ludovic Labidurie. Le métier de designer est ainsi devenu stratégique. Un nombre croissant d entreprises l intègrent au cœur de leur développement car il peut leur permettre d imaginer de nouvelles propositions pour l avenir, d être quelque peu visionnaire. Il est par ailleurs un facteur de cohérence des objets ou des services, et caractérise une certaine manière de faire qui signe l origine d une création. Il existe une volonté toujours plus forte d harmoniser les esthétiques, de respecter des tendances. Aussi bien chez les particuliers que chez les professionnels, ajoute Ludovic Labidurie. Antoine Fenoglio estime même que pour de nombreuses entreprises, le design devient une nécessité pour conserver ou occuper une place sur un marché, notamment dans la distribution. L utilisation du design offre aussi la possibilité de s ouvrir plus facilement à l international en adaptant des produits aux diverses cultures. Le marché des tasses à café, plus ou moins grandes selon les usages locaux, illustre très bien ce point. A une époque où les réductions de coûts sont particulièrement importantes, l argument de la diminution des dépenses qu apporte l intégration du design séduit également les dirigeants de PME. Car en tenir compte ne coûte pas plus cher. Bien au contraire. Le design peut permettre de réduire les prix de revient et les prix de vente des produits, afin de les rendre accessibles à tous. De plus en plus de fabricants et de distributeurs conçoivent les produits de cette manière car cette démarche leur permet par exemple de diminuer l utilisation de certaines matières premières, de pièces, et de réduire par ricochet leurs coûts de transports. Dans le domaine des équipements sportifs par exemple, l Observeur du design, un événement annuel du secteur, a plusieurs fois primé Décathlon pour sa gamme de vélos B Twin ou ses tentes Quechua, car il s agissait d objets dont la conception prenait en compte aussi bien les usages et les coûts, que l esthétisme. Les évolutions techniques et technologiques permettent aujourd hui davantage de créativité pour des temps de réalisation souvent plus courts qu il y a 20 ans, constate Marylise Hurand. Traditionnellement, certains secteurs d activité comme l automobile, l électroménager ou les équipements sportifs ont leurs propres ressources internes. Mais, pour ceux qui font appel à une aide extérieure, l important est à la fois d en faire un enjeu stratégique placé très en amont, et d en faire le travail d une équipe pluridisciplinaire dont le designer sera un médiateur. Le but est d apporter du sens au produit, une valeur ajoutée à l entreprise. Pour mieux accompagner les entreprises dans leur démarche, la société Sismo a conçu des outils logiciels permettant de valoriser concrètement l expérience du design en interne. Avec ce type de solutions, des informations tangibles peuvent ainsi être transmises à tous les intéressés comme le positionnement du design, le positionnement de l innovation concernée, les messages adressés par le design, leurs cibles, les codes réutilisables d anciens produits, les raisons de l échec de certains d entre eux, explique Antoine Fenoglio. Intelligences transversales recherchées Bien sûr, toutes les PME n ont pas les moyens suffisants pour posséder un service intégré. Adopter une démarche constructive dans ce domaine passe par la mise en place de profils adaptés, ce qui peut s avérer complexe. Le designer doit être un médiateur capable d intégrer des problématiques de nombreuses disciplines. Entre les connaissances issues des sciences dures comme celles de l ingénierie, des matériaux, des process industriels, et les disciplines plus anthropomorphiques comme l ethnologie, la sociologie, la L objectif est de faire en sorte que la préoccupation des usages et de la mise en forme des technologies soit présente dès les premiers stades de la conception technologique. psychologie, la polyvalence doit plus que jamais être la première des qualités. La capacité de créer du lien entre ces notions, de penser différemment apportera de la nouveauté dans les approches, de nouveaux marchés, ainsi qu une motivation supplémentaire en interne. Pour Ludovic Labidurie, le designer doit avoir intégré des connaissances d industrialisation du système. Le design ne doit pas porter atteinte à l aspect fonctionnel, mais l approche doit être très nouvelle. Ingénieurs et experts se mettent généralement autour de la table en amont et discutent des problématiques des uns et des autres pour trouver des solutions adaptées à toutes les nécessités.plusieurs types de cultures au sein de l entreprise sont ainsi amenés à se parler. Le design transmet ses projets au marketing, à l usine, à la communication, aux forces commerciales. Il constitue une réponse impliquant tous les acteurs pour permettre le bon usage d un produit. Le designer se présente en quelque sorte comme un super-usager. Il doit être à l écoute de la société. Son rôle est d accompagner l entreprise dans l accessibilité d une innovation, précise Antoine Fenoglio. Le recours aux sous-traitants s inscrit également dans cette logique. Il peut être intéressant de laisser la créativité à Un vecteur incontournable de l innovation pour les entreprises, un moyen de faire de l innovation de rupture, en partant d un autre regard. C est ainsi que l APCI considère aujourd hui le design. Un avis partagé par les pouvoirs publics, c est pourquoi certaines dépenses qui y sont consacrées dans les PME sont éligibles aux divers régimes d aide à l innovation mis sur pied. Sur le plan fiscal, deux dispositifs sectoriels de crédits d impôt permettent aux entreprises de bénéficier d un crédit d impôt relatif à des dépenses en matière de création et design. Il s agit des sociétés industrielles du textile, de l habillement et du cuir d une part (crédit d impôt collection), et des entreprises industrielles évoluant dans l horlogerie, la bijouterie, la joaillerie, l orfèvrerie, la lunetterie, les arts de la table, du jouet, de la facture instrumentale et de l ameublement d autre part (crédit d impôt métiers d art ). Les sociétés portant le label entreprises du patrimoine vivant et celles des métiers d art, sous certaines conditions, sont également éligibles à ce dispositif. Des aides au design ont aussi été mises en place par les conseils régionaux. Elles sont destinées à la prise en charge d une partie des frais liés au recours à des consultants extérieurs, en l occurrence des designers. La subvention est variable selon les régions. Elle peut représenter jusqu à 50 % une structure indépendante. Ce n est pas principalement une question de coût. Le regard extérieur est important dans ce domaine. Il permet de confronter les points de vue, de multiplier les idées innovantes et apporte ainsi un renouveau, assure Ludovic Labidurie. Parmi les acteurs extérieurs susceptibles de soutenir les PME dans leur intégration du design, l APCI forme un intervenant important. Créé dans les années 1980, sa mission est de promouvoir le design auprès des entreprises, du grand public et des pouvoirs publics. Certains événements comme ceux organisés par le syndicat de l innovation Synnov aident aussi à obtenir des réponses concrètes sur les mises en œuvre intéressantes dans ce domaine. CHIFFRES REVELATEURS Investissement Un coût global faible Les dépenses d une démarche design varient généralement de 0,01 % du prix de revient d un produit, dans le cas d une production en grande série, à 1 % s il s agit d une production en petite série. Environ 20 % des PME estiment que le retour sur investissement est inférieur à un an, et 65 % qu il est inférieur à 3 ans. A lire également lenouveleconomiste.fr Recherche & Développement >Management de l innovation >Open innovation -n 1530-15juillet 2010 APCI (Agence pour la promotion de la création industrielle) ; Ademe (Agence de l environnement et de la maîtrise de l énergie) ; Ensci (Ecole nationale supérieure de création industrielle) ; CEA (Commissariat à l énergie atomique et aux énergies alternatives) ; LED (Diode électroluminescente). Affaires publiques Les différents régimes d aides à l innovation du coût hors taxe du diagnostic dans une limite de 5 jours et 3800 euros, ou jusqu à 50 % du coût hors taxe d une étude plus longue dans la limite de 120 journées d expert et 30000 euros. Des aides financières sont également apportées par Oseo et l Ademe qui proposent par ailleurs des outils méthodologiques d intégration du design. Pour entrer dans une démarche constructive, les PME peuvent bénéficier de l apport Sur le plan fiscal, deux dispositifs sectoriels permettent aux entreprises de bénéficier d un crédit d impôt relatif à des dépenses en matière de création et design de centres de ressources. C est une des missions de l APCI, mais aussi d autres organismes comme l association VIA (Valorisation de l innovation dans l ameublement), conçue comme une plateforme d échange entre designers, entreprises et distributeurs. Elle fonctionne comme un véritable centre de Recherche et Développement. Bon nombre de professionnels du secteur font part de la nécessité d aller plus loin encore en termes de soutien. Une part importante des moyens publics est destinée en priorité aux formations d ingénieurs et aux écoles de gestion. En période de restrictions budgétaires et de révision générale des politiques publiques, le design reste quelque peu laissé pour compte. M.N. 28 Le nouvel Economiste - n 1622 - Cahier n 2 - Du 19 au 25 juillet 2012 - Hebdomadaire

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Dossier SERVICES GENERAUX SECURITE Malveillance ou malchance Cela n arrive pas qu aux autres Cambriolage de locaux, vol d ordinateur portable, intrusion dans le réseau informatique ou incendie accidentel peuvent coûter cher. Surtout pour une PME Retournement de tendance de marché et perte d un client important ne sont pas les seules menaces qui pèsent sur une PME. La malveillance, la convoitise ou la simple malchance ne doivent pas être négligés: cambriolage de locaux, vol d ordinateur portable, intrusion dans le réseau informatique ou incendie accidentel peuvent aussi lui coûter cher. Après un audit de sécurité, les PME peuvent recourir à des outils de dissuasion, comme la vidéosurveillance ou le gardiennage, et à des mesures de bon sens, en formant notamment ses salariés. D ailleurs, protéger ces derniers est une obligation. Mais gare aux excès de surveillance, qui peuvent porter atteinte à leur liberté et dégrader le climat dans l entreprise. La frontière est mince de la protection à la suspicion. 70 280 cambriolages ont visé des locaux industriels, commerciaux ou financiers. Par ailleurs, 3502 vols à main armée contre des établissements industriels et commerciaux ont été enregistrés, alors que 7645 vols ont été comptabilisés sur les chantiers Par Jonathan Nahmany C est la deuxième fois en six ans que notre société subit une attaque extérieure. Il y a eu des violences, même si les agresseurs ont dit à notre employée qu ils ne voulaient pas lui faire de mal. Nous sommes obligés de mettre plus de sécurité. Désormais, c est un homme qui s occupera du paiement de nos clients, et il le fera dans un autre local. Résultat: les malfaiteurs se sont enfuis avec un butin de 7000 euros. Le témoignage de ce gérant d une PME basée à Savigneux, spécialisée dans la récupération des métaux auprès des industries et des particuliers, loin d être un cas isolé, est symptomatique d une tendance de fond. Les incidents dans les entreprises sont en effet devenus monnaie courante. De l œuvre du petit malfrat à la bande organisée, du vol de métaux au siphonage des réservoirs d une entreprise de transport, nulle entreprise n est à l abri et tous les secteurs sont touchés, sans distinction. Les chiffres parlent d eux-mêmes: en 2008, en France, selon une étude menée par l Observatoire de la sécurité, 70280 cambriolages ont visé des locaux industriels, commerciaux ou financiers. Par ailleurs, 3502 vols à main armée contre des établissements industriels et commerciaux ont été enregistrés, alors que 7645 vols ont été comptabilisés sur les chantiers. Petites et moyennes entreprises constituent des cibles particulièrement vulnérables si elles ne prennent pas conscience du danger potentiel qui les guette. Terrorisme, malveillance, cybercriminalité, crises sanitaires, catastrophes naturelles les menaces se multiplient à mesure que le monde se complexifie. Une coupure d électricité, un vol ou un incendie et ce sont toutes les données informatiques d une société qui peuvent disparaître en un clin d œil. Un incident de sécurité majeur peut même conduire une PME-PMI à déposer le bilan, alors qu il ne sera que très douloureux pour une grande entreprise. A titre d exemple, 70 % des PME touchées par un incident de sécurité majeur de leur système d information déposent le bilan dans les trois ans, soit le même ratio que pour un incendie important. Pour éviter ce type de mésaventures, Philippe Althapé et Philippe Larduinat ont décidé de monter leur propre société et de proposer un outil clé en main aux entreprises. Nous sommes partis du constat que peu de petites entreprises (maximum 20 postes) ont accès à un environnement technique dans le domaine de l informatique. Elles achètent leur matériel sur Internet, puis n ont plus d interlocuteurs en cas de problème. Face à la dématérialisation des données, il fallait leur assurer davantage de suivi et de sécurité, explique Philippe Althapé, cofondateur de Biz-planet qui s adresse aux TPE-PME. Risques et périls Directeur général du Club des directeurs sécurité des entreprises (CDSE), Olivier Hassid est conscient de la fragilité dont peuvent faire l objet un certain nombre de sociétés: Le niveau de sécurité reste toujours insuffisant au sein de certaines PME. Il leur est encore difficile de consacrer un budget ou une personne physique à ce poste. Il y a donc beaucoup de travail afin de les sensibiliser dans ce sens. C est seulement à partir du moment où le patron d une PME va être luimême confronté à un désagrément qu il va naturellement renforcer la sécurité de ses locaux ou de son système informatique, assure pour sa part Bernard Bucaille, consultant spécialisé en sécurité de l entreprise. Les PME françaises n ont pas conscience des risques auxquels elles peuvent être confrontées. Autant les grands comptes sont bien informés et ont déjà pris des mesures, autant les petites structures ont trop le nez sur le guidon pour anticiper ces contraintes supplémentaires. Souvent sous pression, un dirigeant d entreprise n a pas toujours le temps ou le recul nécessaire pour s intéresser à la sécurisation de ses locaux. Pourtant, c est l un des moyens pour préserver son activité, rappelle Brice de Gliame, président de la société ITB (Intelligence and Technology for Business), spécialisée dans l intelligence collaborative et l accompagnement des cadres et dirigeants d entreprise. En cas d incendie ou de perte de données, le dirigeant a-t-il prévu un stockage de secours de ses archives et un lieu de protection de ses informations importantes? Ce type de question simple renvoie à l organisation de la protection et la sécurité de l information au sein de l entreprise, donc à un aspect défensif de la stratégie définie par le dirigeant. Il s agit là non pas d actions isolées à réaliser, mais bien d une démarche globale à mettre en œuvre. La PME doit donc anticiper les risques qui pourraient survenir, et lui coûter cher. Pour cela, elle doit protéger ses biens matériels et immatériels, pour éviter une flambée de la prime d assurance et la désorganisation temporaire de l entreprise, puisqu en cas de pépin elle devra commander du nouveau matériel, gérer une perte de données En cas de cambriolage ou d intrusion, c est en premier lieu l image de la société qui en pâtit. Sans compter les nombreux préjudices. Le vol de matériel est préjudiciable, au même titre que la perte d informations confidentielles et stratégiques, qui peuvent profiter à la concurrence. Ce qui, in fine, constitue un risque de pertes de parts de marché, prévient Olivier Hassid. Selon une enquête réalisée par le Ponemon Institute, un cabinet d étude spécialisé dans le domaine de la gestion et la protection des données, la cause première de la perte de données est la perte ou le vol d équipements, suivis des attaques réseau, des applications Web 2.0 et de partage de fichiers, des terminaux mobiles non sécurisés, et de l envoi par inadvertance d e-mails aux mauvais destinataires. Dissuasion et sensibilisation Comment alors éviter le pire pour l entreprise? Dans la mesure du possible, celle-ci doit préalablement coopérer avec les services de l Etat, en prenant contact auprès de la police Le nouvel Economiste - n 1622 - Cahier n 2 - Du 19 au 25 juillet - Hebdomadaire 31

SERVICES GENERAUX SECURITE Dans le cadre du respect fondamental des libertés du salarié, celui-ci doit toujours être prévenu en amont. Alexia Sebag, avocate au barreau de Paris. ou de la gendarmerie, qui prévoient des schémas de rondes. Un accompagnement intelligent est requis, affirme Olivier Hassid du CDSE, afin de prendre en compte toutes les mesures biométriques et périmétriques. Il faut avoir à l esprit que la sécurité à 100 % n existe pas. Le maître-mot reste la dissuasion, insiste de son côté Bernard Bucaille. Ainsi, alarmes, vidéosurveillance et gardiennage: tous les moyens sont bons pour contrer les menaces extérieures. Un investissement nécessaire qui n exige pas des sommes trop importantes, selon le consultant spécialisé en sécurité de l entreprise. Mais, si l on parle de surveillance humaine, là les choses changent. La démarche est alors beaucoup plus onéreuse. A l intérieur de l entreprise, une politique volontariste doit également être suivie. Il importe de formaliser l accueil dans l entreprise, de systématiser l utilisation du badge si cela se révèle nécessaire, ou encore de sensibiliser les collaborateurs à l intrusion, ajoute Bernard Bucaille. Au quotidien, surveiller ce qu on jette dans sa poubelle est un réflexe à ne pas négliger. Comme faire en sorte de laisser son bureau rangé chaque soir. En définitive, il faut d abord adopter une protection passive, en respectant une posture qui n éveille pas les convoitises. Par exemple, le La sécurité à 100 % n existe pas. Le maître-mot reste la dissuasion contenu des locaux de l entreprise ne doit pas être visible depuis l extérieur. Une politique sécurité commence ainsi souvent par l application des règles déjà établies, ce qui, en théorie, ne coûte pas bien cher mais fonctionne très bien. Ainsi, changer de mot de passe régulièrement sur le système d information est un bon exemple de procédure essentielle. Mais les sociétés, petites ou grandes, ne se conforment pas toutes à de tels usages. Il ne sert à rien de dresser une ligne Maginot logique si n importe qui peut entrer dans la salle des serveurs par la fenêtre, ironise Christian Pollefoort, consultant en sécurité pour la société Lexsi, chargée des audits de sécurité physique. L exemple est quelque peu exagéré, mais témoigne d un constat implacable. Pour beaucoup d entreprises, la sécurité des infrastructures reste secondaire. Le rôle d un audit de sécurité physique permet alors d harmoniser la sécurité des infrastructures avec celle du système d information, le plus souvent par le biais d une politique de sécurité efficace. Un bon audit de sécurité physique se déroule de façon concentrique, de l extérieur des locaux vers la sacro-sainte salle des serveurs, qui est en quelque sorte le cerveau de l entreprise. Les points inspectés pourront directement être liés Déplacements à l étranger Sécurité mode d emploi Entre les clés USB, les smartphones, ordinateurs portables et autres tablettes numériques, de nombreuses données sensibles de l entreprise se promènent un peu partout dans le monde. L instabilité grandissante de certaines régions du globe explique les transformations profondes des entreprises en termes de sécurité et de prévention des risques. Selon une étude réalisée par le Club des directeurs sécurité des entreprises (CDSE) pour l année 2010, la sécurité des salariés à l étranger et la mise en place d outils de protection de l information arrivent en tête des préoccupations. Tout devient plus complexe car la mobilité et les nouvelles technologies réduisent le temps disponible pour contrecarrer les menaces, assure Alexandre Masraff, directeur de la sûreté et de la gestion des malveillances au sein du groupe Accor. L arrivée des nouveaux modes de travail (nomadisme, externalisation, ouverture des réseaux, WiFi ) correspond à de nouvelles vulnérabilités, corrobore Gérard Pesch, directeur du pôle sécurité du groupe Thales, à l origine d une récente étude dressant un état des lieux de la sécurité globale dans les entreprises françaises. L Agence nationale de la sécurité des systèmes d information (ANSSI) et le CDSE ont établi un guide de bonnes pratiques en matière de sécurité lors de déplacements à l étranger. Le document se destine aux professionnels nomades amenés à voyager à l étranger, en particulier dans certains pays, non listés, où la surveillance des communications et l espionnage industriel ont cours. Dans de nombreux pays, les centres d affaires et les réseaux téléphoniques sont surveillés. Dans certains, les chambres d hôtel peuvent être fouillées, prévient l ANSSI. Pour réduire les risques, plusieurs règles doivent être respectées. Sur un plan technique, il est notamment recommandé de désactiver les liaisons inutilisées (Bluetooth, infrarouge, WiFi ) et les services inutiles, de paramétrer le pare-feu et le navigateur de manière restrictive, d utiliser un compte utilisateur standard (et non administrateur). Ces recommandations devraient toutefois ne pas se limiter à des voyages d affaires à l étranger. De manière plus concrète, en situation de mobilité, l ANNSI et le CDSE préconisent, avant même le départ, de sauvegarder ses données, d éviter autant que possible d emporter des informations sensibles sur un PC ou un téléphone: mieux vaut les récupérer ensuite via une connexion sécurisée. Les deux organisations recommandent aussi de se munir Dans de nombreux pays, les centres d affaires et les réseaux téléphoniques sont surveillés d un filtre de protection de l écran pour éviter la lecture indiscrète. Lors d un séjour professionnel à l étranger, d autres bonnes pratiques doivent être respectées, comme garder son équipement avec soi. La prudence va jusqu à ne pas le laisser dans un bureau ou une chambre d hôtel, y compris dans un coffre. En cas d obligation de se séparer de son terminal, il est impératif de retirer et de conserver avec soi la carte SIM et la batterie. Quant aux données, elles doivent être protégées par chiffrement du disque dur. Les informations stockées sur l appareil (historique des appels et données de navigation) doivent être effacées. Lors d une inspection ou d une saisie par les autorités du pays, généralement en douanes, d un équipement informatique ou de télécommunications, l ANSSI invite à fournir mot de passe et clé de chiffrement, en cas d obligation. A ce rythme, les déplacements d un voyageur d affaires ressembleront bientôt à ceux d un agent secret. Les gadgets en moins. J.N. Directeur sécurité Stratégique mais discret Un poste à la fois stratégique et transversal qui cherche encore ses marques. La sûreté et la sécurité font aujourd hui partie intégrante du quotidien des grandes entreprises. Le métier de directeur sécurité, destiné à limiter les atteintes aux personnes, aux biens et aux équipements, devient donc incontournable face à la multiplication des malveillances contre l entreprise. Un poste à la fois stratégique et transversal qui cherche encore ses marques. La montée du terrorisme depuis les attentats du 11 septembre, l instabilité politique grandissante de certaines régions du globe, les obligations juridiques découlant de la jurisprudence Karachi sont autant de raisons qui expliquent la prise de conscience des grandes entreprises autour de la sécurité et de la prévention des risques. Outre- Atlantique, les budgets des directions sécurité ont augmenté de 15 % de 2001 à 2002. Même constat en France, où l on a assisté à la création ex nihilo de ce poste devenu au fil des années de plus en plus stratégique. Compte tenu des modes opératoires malveillants de plus en plus prégnants, il existe donc un réel intérêt à disposer d une personne chargée de la stratégie et de la coordination des efforts pour apporter les réponses adéquates. Si une entreprise en comprend l intérêt, elle saura naturellement ce qui lui incombe de faire. Dans le cas contraire, cela signifie qu elle n en a pas encore compris les réels enjeux, analyse Patrick de la Guéronnière, président de l Agora des directeurs de sécurité, et également directeur prévention des risques au sein du groupe Fnac. Qui poursuit: La priorité est d être toujours en éveil et de cultiver une curiosité intacte. On se doit d être le consultant interne de l entreprise et d être un bon communicant en sachant convaincre mais en n imposant surtout pas les choses. Le directeur de sécurité doit adopter une approche extrêmement rigoureuse, couplée à une bonne dose d intuition pour être capable d anticiper et de se faire entendre auprès de la direction générale, détaille Jean-François Sol Dourdin, président du salon annuel Expoprotection. Ses décisions ont un impact sur l organisation de l entreprise et sur les budgets mis en œuvre. Il doit être une force de proposition. Il s agit donc d un poste des plus stratégiques. D autant qu aujourd hui, l univers de la gestion des risques s est fortement élargi et les compétences du responsable sécurité sont devenues multiples. En cas de situation de crise, il est fondamental pour l entreprise de savoir comment gérer son problème. J.N. 32 Le nouvel Economiste - n 1622 - Cahier n 2 - Du 19 au 25 juillet 2012 - Hebdomadaire