REPUBLIQUE FRANCAISE --- AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



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Transcription:

Cour de discipline budgétaire et financière Première section Arrêt du 11 octobre 2013, «Maison de retraite intercommunale de Champcevrais» N 191-701 REPUBLIQUE FRANCAISE --- AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE Siégeant à la Cour des comptes en audience publique a rendu l arrêt suivant : Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1 er du livre III, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le code de l action sociale et des familles ; Vu le code des marchés publics dans sa version en vigueur au moment des faits, résultant du décret n 2006-975 du 1 er août 2006 ; Vu le décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique en vigueur au moment des faits ; 2013 ; Vu le jugement n 1200415 du tribunal administratif de Dijon en date du 24 janvier Vu la communication du 16 février 2011, enregistrée au parquet général le 21 février suivant, par laquelle la chambre régionale des comptes de Bourgogne a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités qu elle avait relevées dans la gestion de la maison de retraite intercommunale «Château de Bourron» à Champcevrais (Yonne), ensemble les pièces à l appui ; 1

Vu le réquisitoire du 1 er septembre 2011 par lequel le Procureur général, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, a saisi de cette affaire le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière ; Vu la décision n 20706 du 31 octobre 2011 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a désigné comme rapporteur M. Guy Duguépéroux président de section à la chambre régionale des comptes du Centre, en application de l article L. 314-3 du code des juridictions financières ; Vu la lettre recommandée du 13 janvier 2012 par laquelle le Procureur général a informé M. X..., directeur de la maison de retraite intercommunale «Château de Bourron» à l époque des faits déférés, de l ouverture d une instruction dans les conditions prévues à l article L. 314-4 du code des juridictions financières, ensemble l avis de réception de cette lettre ; Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 3 juillet 2012 transmettant au Procureur général le dossier de l affaire, après dépôt du rapport, en application de l article L. 314-4 du code des juridictions financières ; Vu la lettre du Procureur général en date du 5 décembre 2012 informant le président de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision, après communication du dossier de l affaire, de poursuivre la procédure en application de l article L. 314-4 du code des juridictions financières ; Vu les lettres du président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 7 décembre 2012, transmettant le dossier au ministre de l'économie et des finances et au ministre des affaires sociales et de la santé afin de recueillir leur avis, en application de l'article L. 314-5 du code des juridictions financières, ensemble les avis de réception de ces lettres ; Vu l avis du ministre de l'économie et des finances en date du 28 janvier 2012 ; Vu la décision du Procureur général du 26 juin 2013 renvoyant M. X... devant la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément à l article L. 314-6 du code des juridictions financières ; Vu la lettre n 13-109 du 26 juin 2013 du Procureur général près la Cour de discipline budgétaire et financière à M. X..., l'informant de sa décision de le renvoyer devant la Cour, ensemble l avis de réception de cette lettre ; Vu la lettre recommandée adressée le 1 er juillet 2013 par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière à M. X..., l avisant qu'il pouvait prendre connaissance du dossier de l affaire et produire un mémoire en défense dans les conditions prévues à l'article L. 314-8 du code des juridictions financières, et le citant à comparaître le 27 septembre 2013 devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble l avis de réception de cette lettre ; Vu les autres pièces du dossier, notamment le procès-verbal d audition et le rapport d instruction de M. Duguépéroux ; 2

Vu le mémoire en défense produit par Maître Chaton pour M. X..., le 12 septembre 2013 ; Entendu le rapporteur, M. Guy Duguépéroux. résumant le rapport écrit, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ; Entendu Monsieur Xavier Lefort, avocat général, résumant la décision de renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ; Entendu le Procureur général en ses conclusions, en application de l article L. 314-12 du code des juridictions financières ; Entendu Maître Chaton en sa plaidoirie, M. X... ayant été invité à présenter ses explications et observations, la défense ayant eu la parole en dernier ; Sur la compétence de la Cour Considérant que la maison de retraite du «Château de Bourron» à Champcevrais est un établissement public local créé par un décret du 15 février 1965 et transformé en établissement d hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) par un arrêté conjoint de la préfète du département et du président du conseil général de l'yonne, en date du 28 novembre 2001 ; que cet établissement public est soumis au contrôle de la chambre régionale des comptes de Bourgogne au cours de la période considérée et que, dès lors, ses agents sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière en application des b et c du I de l article L. 312-1 du code des juridictions financières ; Sur l absence d avis du ministre des affaires sociales et de la santé Considérant que l absence de réponse du ministre des affaires sociales et de la santé à la demande d avis formulée le 7 décembre 2012 ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure en application de l article L. 314-5 du code des juridictions financières ; Sur la prescription Considérant qu aux termes de l article L. 314-2 du code des juridictions financières : «la Cour ne peut être saisie après l expiration d un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à application des sanctions prévues par le présent titre» ; Considérant que la communication de la chambre régionale des comptes de Bourgogne a été enregistrée au parquet général le 21 février 2011, qu il en résulte que les 3

irrégularités commises postérieurement au 21 février 2006 ne sont pas couvertes par la prescription de cinq années susmentionnée ; Sur les faits, leur qualification et l imputation des responsabilités 1 Sur les faits Considérant que M. X... a conclu le 16 avril 2007 avec la société «Y...» (Y...) un contrat de prestations de services visant à diminuer les dépenses de l établissement public en matière de charges sociales et fiscales ; Considérant qu aux termes de ladite convention, les prestations effectuées par la société Y... sont rémunérées selon un prorata des économies réalisées, soit «40 % sur les économies perçues pendant la période de facturation de 24 mois suivant la date de mise en place de chaque recommandation» ; Considérant que la convention du 16 avril 2007 a été conclue sans publicité ni mise en concurrence ; qu elle n a ni été soumise au conseil d administration de l établissement, ni fait l objet d une transmission au contrôle de légalité ; Considérant que les prestations requises ont donné lieu à la remise de deux rapports en mai et septembre 2007 traitant, pour le premier, des économies réalisables au titre de l exonération de cotisations patronales spécifiques aux zones de revitalisation rurale (ZRR) et, pour le second, des exonérations de taxe sur les salaires des assujettis bénéficiant du régime de la franchise en base de TVA ; Considérant que s agissant du premier rapport rendu par la société cocontractante, qui a conduit à une régularisation de cotisations patronales spécifiques aux zones de revitalisation rurale pour un montant de 493 155, la société Y... a adressé cinq factures pour un montant total de 228 717,30 TTC ; Considérant que seules les deux premières factures, du 26 septembre 2007 et du 18 janvier 2008, ont fait l objet de mandatement et de paiement à la société Y..., pour un montant total de 192 991,59 TTC ; que les factures des 28 mars et 2 avril 2008 ont fait l objet de mandatements par M. X..., mais ont été rejetées par le comptable public de l établissement ; que la dernière facture, datée du 6 octobre 2008, n a fait l objet d aucun mandatement ; Considérant que, s agissant du second rapport relatif aux conditions de liquidation de la taxe sur les salaires des assujettis bénéficiant du régime de la franchise en base de TVA, les régularisations suggérées par le prestataire, d un montant total de 325 806, ont été rejetées par la direction des services fiscaux de l Yonne ; 4

Considérant que par convention transactionnelle en date du 20 mai 2009, M. X... et la société Y... sont convenus du versement d une indemnité de 13 000 en lieu et place des trois factures des 28 mars, 2 avril et 6 octobre 2008 non honorées et du versement éventuel d une indemnité complémentaire de 89 900 ; Considérant que cette transaction, qui n a été ni soumise au conseil d administration de l établissement, ni transmise au contrôle de légalité, n a jamais été exécutée par M. X... ; Considérant que M. X..., par requête du 23 février 2012, postérieure à sa mise en cause devant la Cour de discipline budgétaire et financière, a sollicité du tribunal administratif de Dijon qu il constate la nullité de la convention conclue le 16 avril 2007 et condamne cette société à restituer à l établissement public la somme de 192 991,59 correspondant au prix payé ; Considérant que, par jugement du 24 janvier 2013 devenu définitif, le tribunal administratif de Dijon a constaté la nullité de la convention du 16 avril 2007 et condamné la société Y... à reverser à la maison de retraite la somme de 189 991,59, évaluant à 3 000 les dépenses utiles engagées par ladite société ; 2 Sur la qualification et les responsabilités Considérant que l article L. 313-4 du code des juridictions financières dispose que «Toute personne visée à l'article L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l'état ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de l'amende prévue à l'article L. 313-1» ; Considérant en premier lieu, ainsi qu'il ressort du jugement rendu le 24 janvier 2013 par le tribunal administratif de Dijon, que la convention conclue le 16 avril 2007 avec la société Y..., a été conclue à titre onéreux par l établissement public en vue de répondre à ses besoins propres ; que son prix défini par l ordre de mission signé concomitamment à la convention a été fixé en proportion des économies susceptibles d être réalisées et, ainsi, était déterminable ; que, compte-tenu de son montant et de son objet, cette convention constituait un marché public entrant dans le champ du code des marchés publics ; Considérant qu aux termes du II de l article 1 er du code des marchés publics dans sa version résultant du décret n 2006-975 du 1 er août 2006 en vigueur au moment des faits : «Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ces obligations sont mises en œuvre conformément aux règles fixées par le présent code» ; Considérant que, pour la détermination des règles de passation applicables, les prestations réalisées par la société Y... constituent une activité de consultation juridique, ainsi 5

qu il ressort du jugement du tribunal administratif de Dijon déjà mentionné, de sorte que le marché était soumis aux dispositions des articles 28 et 30 du code des marchés publics dans sa version en vigueur au moment des faits ; que, dès lors, l établissement public ne pouvait se dispenser de recourir à une procédure adaptée de publicité et de mise en concurrence ; qu il n est pas contesté qu une telle procédure n a pas été mise en œuvre ; Considérant, en outre, que compte tenu des modalités de détermination de son montant, ce marché devait être regardé comme excédant le seuil de 210 000 HT ; qu ainsi, il ne pouvait être attribué sans avis préalable de la commission d appel d offres, conformément au 3 du II de l article 30 du code des marchés publics, et aurait dû être transmis au contrôle de légalité en application des dispositions combinées de l article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales et des articles 26 et 30 du code des marchés publics, dans leur rédaction applicable en 2007 ; Considérant que la méconnaissance des prescriptions du code des marchés publics et des règles applicables en matière de commande publique ainsi que des obligations relatives au contrôle de légalité constitue une infraction aux règles relatives à l'exécution des dépenses de l Etat réprimée par l article L. 313-4 du code des juridictions financières ; Considérant en deuxième lieu, que la convention transactionnelle du 20 mai 2009 mettant un terme à la relation contractuelle entre la maison de retraite de Champcevrais et la société Y... a été conclue par M. X... alors que celui-ci ne détenait pas de délégation ou d autorisation du conseil d administration de l établissement à cette fin ; que cette transaction, se rapportant à un marché soumis à l obligation de transmission au contrôle de légalité, n a pas davantage satisfait à cette obligation ; Considérant que cette transaction, conclue dans des conditions irrégulières et non soumise au contrôle de légalité s analyse comme une infraction aux règles relatives à l'exécution des dépenses de l Etat sanctionnée par l article L. 313-4 du code des juridictions financières ; Considérant, enfin, que les montants susceptibles d être payés à la société Y... excédaient les crédits ouverts au budget de l établissement pour l exercice 2007 ; que ces dépenses prévisionnelles n ont pas fait l objet d un enregistrement dans la comptabilité des dépenses engagées à laquelle la maison de retraite est astreinte en application de l instruction comptable M22 ; que les crédits nécessaires au paiement de la première facture du 26 septembre 2007, d un montant de 173 445,12, n ont été inscrits au budget de l établissement que par une décision modificative du 29 octobre 2007 ; Considérant que ces manquements aux règles budgétaires applicables à la gestion d un établissement public local constituent également une infraction aux règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l établissement public sanctionnée par l article L. 313-4 du code des juridictions financières ; Considérant que la responsabilité de M. X..., directeur et ordonnateur de l établissement public, est ainsi engagée sur le fondement de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ; Considérant, en revanche, que l action contentieuse engagée, quoique tardivement, par M. X... devant le tribunal administratif de Dijon a abouti à la condamnation de la société Y... à reverser à la maison de retraite une somme de 189 991,59 ; que dans le cas d espèce, l existence d un préjudice pour la personne publique au sens de l article L. 313-6 du code des 6

juridictions financières n est pas établie ; qu ainsi les conditions de l'application de l'article L. 313-6 du code des juridictions financières ne sont pas réunies ; Sur les circonstances Considérant qu aucun élément du dossier ne conduit à relever l existence d une intention frauduleuse de la part de X..., ni l existence d une prise d intérêt au contrat avec la société Y... ; que l intéressé a contracté avec ce prestataire suite à des démarches répétées et infructueuses de sa part auprès des différents services administratifs compétents en vue d alléger les charges fiscales et sociales de la maison de retraite du «Château de Bourron» ; que X... a considéré agir dans l intérêt de l établissement qu il dirige ; Considérant que ces éléments, sans remettre en cause la responsabilité de X..., constituent des circonstances atténuantes ; Sur l amende Considérant qu il sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances de l espèce en infligeant à M. X... une amende de 300 euros ; Sur la publication au Journal officiel de la République française Considérant qu il y a lieu, compte tenu des circonstances de l'espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française en application de l article L. 314-20 du code des juridictions financières ; ARRÊTE : Article 1 er : M. X... est condamné à une amende de 300 (trois cents euros) ; Article 2 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française. Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, première section, le 27 septembre deux mil treize par M. Migaud, Premier président de la Cour des comptes, président ; M. Loloum, conseiller d Etat, Mme Fradin, conseiller maître à la Cour des comptes, MM. Larzul et Bouchez, conseillers d'état ; Lu en séance publique le 11 octobre 2013. 7

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu ils en seront légalement requis. En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière. Le président, La greffière, Didier MIGAUD Isabelle REYT 8