2 recherches en cours dans le cadre du programme Micodev: Mémoire de Master de Meriem Mahjoub Thèse de Taoufik Bourguiba



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Transcription:

CR d une dune visite de terrain par Swanie Potot 2 recherches en cours dans le cadre du programme Micodev: Mémoire de Master de Meriem Mahjoub Thèse de Taoufik Bourguiba

Situation et population: M Saken est une ville moyenne, de 85.000 habitants située à une dizaine de kilomètres de Sousse. Fondée au 14 ème siècle par les Afsides, sont nom vient de Miskin (pauvres). Elle se compose de 5 quartiers qui sont aussi marqués par l appartenance lappartenance de leurs habitants à 5 familles (tribues): Jablinie, Mnaama, Jedidiine, Keblina, Njarjra. Elle est entourée d une importante ceinture d oliveraies qui appartiennent aux nombreuses familles Msakni. Historiquement, cette activité agricole est la principale source de revenu locale avec les migrations de travail etde commerce vers les régions nord du pays. Aujourd hui, et depuis trois décennies, les migrations entre Msaken et le département des Alpes maritimes sont si nombreuses que cette ville est surnommée «le 06».

Les artisans ne sont généralement pas originaires de Msaken; ils sont venus de l intérieur du pays. Une tradition migratoire ancienne Photo : site de l internaute Bien qu il s agisse d une ville, les oliveraies marquent l histoire de la cité. Au 19 ème et début du 20 ème siècle, les Msaknis partaient vendre leur huile dans le nord du pays et ramenaient de leur migration du blé du nord ouest ouest et d autres denrées qui ne poussaient pas sous le climat local. Les grandes familles de MSaken possèdent toutes leurs terres. Les migrations internes des Msaknis, qui ont toujours été importantes, t étaient t marquées par le rythme des récoltes d olives. C est encore le cas aujourd hui, les émigrés qui le peuvent revenant en vacances plutôt en hiver, au moment de la cueillette. L immigration venues des régions plus pauvres du pays (de l Est et du Sud) est marquée par la présence d un groupe social nommé les Taïech. Il s agit d ouvriers agricoles, traditionnellement rémunérés par le prélèvement d un cinquième de la récolte, d où doù l appellation de Khames. Jusqu en 1917, ils possédaient leur propre représentation administrative, un Chir, mais l administration coloniale les a fondus dans les autres groupes. Malgré cela, aujourd hui encore un quartier, pauvre, est identifié comme leur appartenant. On dit ici que ce groupe particulier émigre vers le département français du Var tandis que les autres Msaknis vont plutôt dans la région niçoise.

Immobilier émigré en ville: Les maisons construites par les émigrés en centre ville possèdent plusieurs caractéristiques que l on retrouvent dans de nombreuses zones de départ: elles s élèvent sur un ou deux étages là où ordinairement les maisons ne comptent qu un rez de chaussée et s affichent ostensiblement comme des marques de réussite. Le rez de chaussée est ici réservé comme entrepôt de dépôt pour du commerce (parfois transnational) tandis que les étages sont destinés à être habités par la famille du migrant. Ils ne sont pas loués et restent vides une grande une partie de l année. La fourgonnette blanche est immatriculée dans les Alpes maritimes, elle est probablement utilisée pour ramener des matériaux et exporter de façon informelle des produits locaux.

On remarque ici, dans une rue du centre ville périphérique, les maisons traditionnelles modestes à un seul niveau qui sont rehaussées dans un deuxième temps, dans un nouveau style architectural, plus cossu. C est en général la maison familiale, celle des parents, qui subit ces aménagements pour pouvoir loger la famille et développer une activité lucrative dans laquelle plusieurs membres de la famille sont impliqués Dans l entrepôt entrouvert on aperçoit un atelier de confection, qui travaille probablement en sous traitance pour une des nombreuses entreprises off shore de la zone littorale. Quelle que soit l activité développée dans ces entrepôts, le migrant est en général partie prenante de l affaire.

Un imposant immeuble construit par un émigré dont seul le rez de chaussé est exploité; tout le reste est vide. Les migrants construisent quand ils le peuvent dans le quartier où ils ont grandi, qui est celui de leur famille, au sens le plus large du terme, ce qui permet d assurer la sécurité de leurs biens en leur absence. Les cambriolages sont nombreux mais la «solidarité» familiale conduit chacun à surveiller la propriété de celui qui est de son «clan». Les échanges avec la région niçoise sont multiples. Ici on remarque la présence d un «vélo bleu» loué par la ville de Nice à la demi heure. Son propriétaire dit lavoir l avoir acheté pour 2000.

Développement récent de la périphérie: L urbanisation de la ville d Msaken a été poussée à son maximum et il devient difficile, pour les migrants actuels, d y construire encore. C est pourquoi la ceinture d oliveraie la plus proche se transforme peu à peu en banlieue résidentielle. Chaque «clan» investi dans sa zone agricole pour y faire construire de très grandes villas au style hollywoodien. Ici, point de commerce, tout est réservé à l habitation qui ne reçoit que très rarement. D après Taoufik, lorsque les émigrés viennent en vacances, ils passent les journées avec les autres membres de leur famille (frères, sœurs, cousins, etc.) dans la maison de leurs parents, en centre ville. Ils n occupent ces villas que pour dormir. Durant l année, elles sont à la disposition des parents mais ceux ci préfèrent la convivialité du centre ville. Il s agit donc de quartiers relativement vides tout au long de l année mais qui marquent très fortement le paysage social de l empreinte des migrants enrichis de la ville. La plus grosse entreprise de BTP de la région, Gloulou, a débuté ses activités en construisant ce type de maisons financées par les émigrés. Ce n est que dans un deuxième temps, tandis qu elle avait pris une certaine envergure par ce secteur, qu elle a bénéficié des marchés publics de la région.

Contribution des migrants aux biens publics Photo de l hôpital Photo de la mosquée L argent des émigrés n est pas uniquement investi de manière privée; il peut aussi être investi dans des projets publics. La réfection de l hôpital public a été soutenue par un apport financier non négligeable des Tunisiens de l extérieur qui ont été contactés par un intermédiaire chargé de réunir une caisse à cette fin. On ne connaît pas les sommes versées au fond de solidarité 26/26, dont la participation était libre mais, dans le système maffieux mis en place par Ben Ali, fortement recommandée à tout entrepreneur à hauteur de ses possibilités. On sait que les associations des Tunisiens de l étranger étaient toutes infiltrées par le RCD et certains émigrés nous ont dit avoir reçu des incitations (si ce n est des pressions) pour y adhérer. On ne connaît pas non plus les sommes éventuellement données à la mosquée car l aumône doit restée discrète pour conserver son sens religieux, mais il est dit que celle ci reçoit des dons des émigrés.