[TRADUCTION] Citation : S. G. c. Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, 2014 TSSDGSR 33 N o d appel : GT-120743 ENTRE : S. G. Appelante et Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences Intimé DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division générale Sécurité du revenu MEMBRE DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE : Raymond Raphael MODE D AUDIENCE : SUR LA FOI DU DOSSIER DATE DE LA DÉCISION : Le 14 novembre 2014
DÉCISION [1] Le Tribunal conclut qu une pension d invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) est payable à l appelante. INTRODUCTION [2] L intimé a estampillé la demande de pension d invalidité du RPC de l appelante le 27 juillet 2011. L intimé a rejeté la demande initiale et la demande de révision, puis l appelante a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR). [3] Cette décision a été rendue sur la foi des documents et des observations déposés au dossier d audience pour les raisons données dans l avis d intention daté du 9 octobre 2014. DROIT APPLICABLE [4] L article 257 de la Loi sur l emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit qu un appel qui a été présenté devant le BCTR avant le 1 er avril 2013 et qui n a pas été instruit par le BCTR est réputé avoir été présenté devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. [5] L alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (la Loi) énonce les critères d admissibilité à une pension d invalidité du RPC. Pour être admissible à cette pension, le demandeur : a) doit avoir moins de 65 ans; b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC; c) doit être invalide; d) doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d admissibilité.
[6] Le calcul de la période minimale d admissibilité (PMA) est important puisqu une personne doit établir qu elle était atteinte d une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa période minimale d admissibilité ou avant cette date. [7] Aux termes de l alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. QUESTION EN LITIGE [8] La PMA n est pas en litige et le Tribunal conclut que la date de fin de la PMA était le 31 décembre 2004, et que l appelante a une PMA potentielle calculée au prorata qui se prolonge au 31 mars 2005. [9] En l espèce, le Tribunal doit déterminer s il est plus probable qu improbable que l appelante ait été atteinte d une invalidité grave et prolongée le 31 mars 2005 ou avant cette date. CONTEXTE ET PREUVE [10] L appelante avait 50 ans à la date de la PMA potentielle prolongée du 31 mars 2005; elle en a maintenant 60. Dans son questionnaire sur les prestations d invalidité du RPC, estampillé par l intimé le 5 août 2011, l appelante a indiqué qu elle possédait l équivalent d une 12 e année, et que son dernier emploi avait été dans le commerce de détail, du 1 er janvier 2004 au 15 septembre 2006; elle a fait remarquer qu elle avait arrêté de travailler parce que l entreprise fermait ses portes. L appelante a aussi indiqué qu elle avait travaillé pour la société E.D. Smith de 1997 à 2001, qu elle avait dû prendre un congé lié au stress de deux ans, et que lorsqu elle était revenue au travail, la compagnie lui avait donné une indemnité de cessation d emploi. L appelante affirme qu elle était invalide dès 2006, et énumère parmi ses principales conditions invalidantes le trouble de stress post-traumatique (TSPT), l agoraphobie, l anxiété, des crises de panique,
et la dépression. Au moment d expliquer ses difficultés/limitations fonctionnelles, l appelante a fait remarquer qu elle ne fait pas l entretien de la maison parce qu elle n a pas la motivation ou le désir de le faire à cause de sa dépression; qu elle a de la difficulté à se concentrer; qu elle s inquiète constamment, ne dort pas du tout, entend tous les bruits, et ne peut arrêter ses pensées à cause de l anxiété; qu elle n a pas de permis de conduire, et qu elle n utilise pas les transports en commun à cause de son agoraphobie. [11] Le dossier d audience révèle que l appelante a eu des gains postérieurs à sa PMA de 1 148 $ en 2005, 8 305 $ en 2006, et 4 159 $ en 2007. Lors d une conversation téléphonique avec un évaluateur médical de Service Canada le 19 avril 2014, le mari de l appelante a signalé que l appelante avait travaillé 5 à 6 heures par semaine entre novembre 2004 et septembre 2006 sous la direction de son psychologue, et que ce travail constituait une forme de thérapie cognitive. Le travail consistait à vendre des produits de chanvre et l entreprise a fermé ses portes. AFFADAVIT DE R. G. [12] Un affidavit, fait sous serment par le mari de l appelante le 5 mai 2014, a été déposé au nom de l appelante. Le Tribunal a examiné soigneusement l affidavit, et les paragraphes les plus importants attestent de ce qui suit : en 2002, l appelante a développé une forme complexe de syndrome du stress post-traumatique, après des années de harcèlement sexuel au travail, et a été forcée de quitter son emploi à la société E.D. Smith; pendant qu elle travaillait, l appelante a commencé à ressentir une anxiété grave, accompagnée de crises de panique qui se sont poursuivies jusqu à présent; au cours d une crise de panique, l appelante ressent le besoin de fuir et doit quitter l endroit où elle se trouve et retourner chez elle. Son rythme cardiaque s emballe, elle sue et a le souffle court; et, après une crise de panique, elle doit souvent garder le lit pendant trois à quatre jours;
elle a tenté de retourner au travail au cours de 2006 et 2007, sur la recommandation de son conseiller; elle a travaillé pour un ami de la famille dans un petit commerce du centre commercial Centre Mall à Hamilton, et il était entendu avec son employeur que, au besoin, elle pouvait quitter le magasin en tout temps; il s agissait d un emploi à temps partiel composé de quarts de travail de quatre heures les week-ends, et il accompagnait l appelante et demeurait avec elle pendant son quart pour la rassurer; le commerce a fermé parce que le Centre Mall a été démoli; l appelante est agoraphobe à l extrême et refuse souvent de quitter la maison pour se rendre à des rendez-vous chez le médecin. Elle refuse de se rendre au bureau de son avocat ou de permettre à son avocat de venir chez elle pour l interroger pour un affidavit. Elle n a pas été capable de sortir de la maison seule depuis 2002; depuis qu elle a quitté le marché du travail en 2002, l appelante n a pas été en mesure de revenir au travail. Sa seule tentative de le faire s est faite dans un contexte très particulier où on comprenait sa condition et où on l accommodait à un point qu aucun employeur ordinaire n accepterait. PREUVE MÉDICALE [13] Un rapport daté du 25 juillet 2011 du D r Brookes, le médecin de famille de l appelante, accompagnait la demande de prestations du RPC. Le rapport contenait un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, de trouble dépressif majeur, et de trouble panique accompagné d agoraphobie. Dans son rapport, le médecin indique que l appelante a été incapable de sortir de la maison sans son mari depuis dix ans. Le pronostic indique que la situation de l appelante demeurera inchangée sans un traitement intensif en milieu hospitalier.
[14] Dans un rapport daté du 14 avril 2003, le D r Dalton, psychologue, indique que l appelante consulte Jolae Fuller, l une de ses conseillères, pour ses problèmes de santé mentale. Il indique dans le rapport que l état actuel de santé mentale de l appelante limite gravement son quotidien, et l empêche de chercher du travail. Le rapport porte un diagnostic de stress post-traumatique, de crises de panique et d agoraphobie. [15] Dans une note clinique datée du 24 septembre 2005, le D r Koole, médecin de famille, indique que l appelante ne travaille pas, et qu elle quitte rarement la maison à cause de son agoraphobie. Rédigée par le D r Koole au moment d un examen annuel le 6 octobre 2005, la note clinique indique un diagnostic de trouble panique avec agoraphobie, et de dysthymie. [16] Le 12 janvier 2012, Jolae Fuller, psychologue associée, signale au RPC que l appelante a participé à de nombreuses séances entre 2005 et 2009; que l appelante a déjà reçu un diagnostic d agoraphobie avec crises de panique; qu elle a rapporté des symptômes importants d anxiété; et que son niveau d estime de soi est très affecté. L appelante a signalé des symptômes incluant une hypersensibilité à l environnement, une perception exagérée d elle-même, des croyances étranges (possède une audition surdéveloppée, attire les araignées et les insectes, lit dans la pensée des gens, prédit les événements futurs), des niveaux extrêmes d éveil anxieux, de la panique, et des difficultés d humeur et cognitives. Le rapport se conclut ainsi : [Traduction] Combinés, ces symptômes contribuent à une incapacité de fonctionner à un niveau normal dans les tâches quotidiennes de base. D un point de vue psychologique, cette cliente semblerait incapable de retourner à une forme quelconque de travail et cela risque d être pour une durée indéfinie. Cette cliente est incapable de tolérer le simple concept de sortir de chez elle sans ressentir une hausse importante de son anxiété et des symptômes de panique. OBSERVATIONS [17] L appelante affirme être admissible à une pension d invalidité pour les raisons suivantes :
a) ses conditions psychologiques graves l empêchent de détenir toute forme d occupation rémunératrice; b) elle a été incapable de sortir de la maison, sans être accompagnée de son mari, depuis 2002; c) ses efforts de travail au cours de 2006 et 2007 ne représentent pas une occupation véritablement rémunératrice puisque ses gains n étaient pas importants, elle travaillait pour un employeur prévenant, et elle bénéficiait de condition d accommodation. [18] L intimé considère que l appelante n est pas admissible à une pension d invalidité pour les raisons suivantes : a) dans son questionnaire sur l invalidité, l appelante déclarait qu elle avait été en mesure de travailler jusqu en 2006 (donc après sa PMA), et qu elle a cessé de travailler parce que l entreprise a fermé ses portes, et non pour des raisons médicales; b) l âge, l instruction et l expérience de travail de l appelante suggèrent qu elle possède des compétences transférables, et que rien ne l empêche de suivre une nouvelle formation et/ou de faire un autre travail convenant à ses conditions; c) la preuve médicale ne justifie pas une invalidité grave puisqu elle ne révèle pas d hospitalisation, de médicaments psychotropes, ou de traitement par un psychiatre. ANALYSE [19] L appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu elle était atteinte d une invalidité grave et prolongée le 31 mars 2005 ou avant cette date.
Invalidité grave [20] C est au paragraphe 42(2) de la Loi que sont définies les exigences entourant une demande de prestations d invalidité. Essentiellement, le paragraphe porte qu une personne n est considérée comme invalide que si elle est atteinte d une invalidité «grave» et «prolongée». Une invalidité n est «grave» que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La personne doit non seulement être incapable de faire son travail habituel, mais en plus, elle doit être incapable de faire tout travail auquel il aurait été raisonnable de s attendre qu elle puisse s adonner. Une invalidité n est «prolongée» que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie, ou entraîner vraisemblablement le décès. [21] Les décisions citées ci-après ont guidé le Tribunal et l ont aidé à trancher les questions soulevées dans le présent appel. [22] Il incombe à l appelante d établir, selon la prépondérance des probabilités, qu au 31 mars 2005, ou avant cette date, elle était invalide selon la définition de la Loi. Le critère de la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada [Procureur général], 2001 CAF 248). Le Tribunal doit tenir compte de facteurs comme l âge, le niveau d instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l expérience de la vie au moment de déterminer «l employabilité» d une personne à l égard de son invalidité. [23] Non seulement l appelante doit démontrer un grave problème de santé, mais aussi que, lorsqu il y a des preuves de capacité de travail, les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada [Procureur général], 2003 CAF 117). [24] On ne s attend pas à ce que l appelante trouve un employeur philanthrope et souple, et à ce que cet employeur apporte un grand soutien tout en étant prêt à tenir compte de l invalidité de l appelante. Dans la Loi, la formulation «régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice» est fondée sur la capacité de l appelante de se présenter à son lieu de travail au moment où cela est
nécessaire, et aussi souvent que cela est nécessaire. En outre, la prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement, tel qu indiqué dans la décision Ministre du Développement des ressources humaines c. Bennett (10 juillet 1997) CP 4757 (CAP). [25] On ne devrait pas automatiquement empêcher des personnes d avoir droit à une pension d invalidité pour le simple fait qu elles continuent à travailler après la fin de leur période minimale d admissibilité. Les demandeurs ayant des déficiences qui continuent à travailler après la fin de leur période minimale d admissibilité en vue de rester autonomes sur le plan financier doivent être félicités de l effort qu ils font, et non découragés. En définitive, la question à trancher, lorsqu ils travaillent, est de savoir s ils ont, en fait, la capacité de détenir régulièrement un emploi véritablement rémunérateur. (Stanziano c. Ministre du Développement des ressources humaines [novembre 2002] CP 17926 [CAP]). [26] L affidavit de R. G. fournit une preuve probante de l invalidité grave de l appelante depuis au moins 2002. L appelante a quitté son emploi à la E.D. Smith en 2002 à cause de troubles complexes de stress post-traumatique. Elle souffre d agoraphobie et subit des crises de panique lorsqu elle quitte sa maison. Elle a été incapable de quitter sa maison, à moins d être accompagnée par son mari, depuis 2002. Détail important, la preuve par affidavit est conforme à la preuve médicale, qui confirme des diagnostics de stress posttraumatique, de crises de panique, et d agoraphobie dès avril 2003. Les rapports médicaux confirment également que l appelante a suivi des thérapies et du counselling élaborés, et que ses conditions l empêchent de détenir une forme quelconque d occupation rémunératrice. [27] Le Tribunal ne considère pas que les efforts de l appelante pour travailler en 2005 et en 2006 représentent un emploi véritablement rémunérateur. Elle a travaillé pour un employeur accommodant, sa rémunération totale était faible, elle ne travaillait qu à temps partiel des quarts de quatre heures les week-ends, et elle était accompagnée par son mari en tout temps. Cela représente des efforts louables de l appelante pour retourner sur le marché du travail, et pour gérer ses multiples conditions psychologiques invalidantes; ce
n est pas la preuve d une capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice de manière régulière et constante (voir Stanziano, précité). [28] Le Tribunal détermine que l appelante est atteinte d une invalidité grave conformément aux critères énoncés dans la Loi. Invalidité prolongée [29] Ayant déterminé que l invalidité de l appelante est grave, il est donc aussi nécessaire de rendre une décision sur le caractère prolongé. [30] L invalidité de l appelante se continue depuis au moins 2002 et, malgré un counselling et une thérapie élaborés, il n y a eu aucune amélioration. [31] L invalidité de l appelante se continue depuis longtemps et il n y a pas de perspective raisonnable d amélioration dans un avenir prévisible. CONCLUSION [32] Le Tribunal conclut que l appelante était atteinte d une invalidité grave et prolongée en 2002, lorsqu elle a cessé de travailler pour la société E.D. Smith. Aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l intimé n ait reçu la demande de pension d invalidité alinéa 42(2)b) de la Loi. Comme la demande a été reçue en juillet 2011, l appelante est réputée être devenue invalide en avril 2010. Aux termes de l article 69 de la Loi, la pension d invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l invalidité. Les paiements doivent donc commencer en août 2010. [33] L appel est accueilli. Raymond Raphael Membre de la division générale