Sortie de crise : pourra-t-on éviter une hausse de la pression fiscale?



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Transcription:

Working paper n 35 Septembre 2009 Sortie de crise : Rencontre de Lisbonne Compte rendu des débats du 17 juin 2009 Avec Alain Lambert, sénateur de l Orne, ancien ministre délégué au Budget et à la Réforme budgétaire Hervé Monet, directeur des études économiques de la Société Générale Michel Taly, co-président de la commission Modernisation de la fiscalité de l Institut de l entreprise, avocat associé au sein du cabinet Arsene Taxand

Rencontre de Lisbonne du 17 juin 2009 Michel Taly aborde cette rencontre en remarquant que lorsque les gouvernements réfléchissent à une sortie de crise, les marchés financiers sont à la baisse. Il n y a pas de doute pour eux, toute mesure d assainissement leur sera défavorable, que ce soit par la fiscalité ou l inflation On est bien loin du climat de l élection présidentielle de 2007. Il n était alors question que de diminuer la pression fiscale, comme en a témoigné la mise en place du fameux «paquet fiscal» de 18 milliards d euros pour les particuliers en 2007-2008. Mais les entreprises n ont pas vu leur tour venir, car entre-temps la crise a bouleversé les projets Et aussi parce que d un point de vue politique, les ménages avaient la priorité. Ce sont ainsi deux impératifs qui guident les mesures de sorties de crise, l un politique et l autre économique. Alors que le déficit public pourrait dépasser bientôt les 6 % du PIB, comment concilier faisabilité politique et bon sens économique pour affronter ce regain d endettement public? Autrement dit, sera-t-il possible de stabiliser la dette de l État sans augmenter les impôts? Hervé Monet Directeur des études économiques de la Société Générale Pour Hervé Monet, certains exemples étrangers sont révélateurs. Des pays comme l Irlande, la Lettonie ou l Estonie sont confrontés à une crise bien plus aiguë que la France. Leurs finances publiques n en sont que plus sollicitées, et ces États se voient donc obligés de prendre des mesures strictes pour éviter la faillite. Mais ces dispositions draconiennes (gel de certaines dépenses publiques ) ne font qu aggraver leur situation Il faut donc en effet se rappeler que cette crise est née du surendettement des ménages dans certains pays (États-Unis, Grande Bretagne, Irlande ), qui a ensuite ébranlé le système bancaire mondial, avec la faillite de Lehmann Brothers, puis qui a contaminé l ensemble des acteurs économiques. Gouvernements et Banques Centrales ont réagi en transférant la dette des acteurs privés vers les États. Ainsi aux États-Unis, l endettement des ménages commence à diminuer, alors que la dette publique ne cesse d augmenter. 2

La crise a cependant atteint son point d inflexion. En réalité, nous sommes toujours en décroissance, mais celle-ci commence à ralentir, et la Chine, les États-Unis puis la zone Euro devraient entamer bientôt leur reprise. Grâce au jeu des stocks (favorisé par des mesures comme la prime à la casse) et à un système financier plus favorable (moindre aversion au risque, recours accru au marché obligataire, aide au crédit par les gouvernements), les États peuvent entrevoir une sortie à moyen terme. Mais ils devront affronter certains effets à retardement : montée du taux de chômage, hausse du prix du baril de pétrole, etc., alors que, dans le même temps, la sortie de crise aura épuisé certaines solutions (baisse de l épargne disponible). La reprise de l investissement n apparaît également pas pour aujourd hui, d autant plus que les exportations ne pourront être d aucun secours, puisque la crise est mondiale. Dans ce cas de figure, la situation est celle d une économie fermée dans la théorie keynésienne, avec un multiplicateur budgétaire élevé. La faillite A l exemple de l Argentine en 2004, la faillite pourrait toucher l Islande ou l Irlande, mais ces pays bénéficieraient sûrement d une aide européenne. Le défaut est donc peu probable, mais on assiste à une résurgence du risque souverain sur les marchés. Celui-ci fait figure d avertissement : si les politiques budgétaires actuelles sont adaptées, elles ne peuvent pas pour autant être poursuivies trop longtemps. La maîtrise des dépenses publiques Comprimer les dépenses est alors indispensable. Il s agit surtout de gagner en efficacité, et d assumer efficacement des choix de société comme les dépenses sociales. Il convient aussi de mieux encadrer le budget des collectivités locales. L augmentation des recettes En France, l État devra augmenter ses recettes, ce qui passe par une meilleure politique fiscale, avec une assiette large et des taux bas, ainsi que par la suppression des taxes inadaptées. Quatre solutions s offrent alors aux gouvernements pour se désendetter : L inflation Les marchés estiment l inflation inévitable. Mais un certain nombre de facteurs ne plaident pas en sa faveur. Les politiques salariales et la concurrence qui règnent dans une économie mondialisée ont tendance à diminuer les prix. Il n y a guère que la hausse du cours des matières premières comme réel facteur d inflation. Mais il faut noter que celle-ci ne se décrète pas, d autant plus que les Banques Centrales ne peuvent pas la piloter. Michel Taly réagit aux propos d Hervé Monet sur l inflation en rappelant les dires de Pierre Bérégovoy lors de la crise de 1993. Alors qu on lui demandait s il allait «faire de l inflation», le Premier ministre répondait souvent qu il voulait bien, mais que les conséquences seraient terribles pour les plus modestes Les Français ne risqueraient pas de faire face à de nouvelles hausses d impôt, puisque celles-ci pourraient aggraver le contexte économique. Michel Taly interpelle alors Alain. Lambert, en lui demandant ce que nous avons à craindre, puisque le gouvernement ne recourra ni à l impôt ni à l inflation? Working paper n 35 Septembre 2009 3

Alain Lambert Sénateur de l Orne, ancien ministre délégué au Budget et à la Réforme budgétaire Alain Lambert revient sur le cas d États qui ont dû maîtriser leur dépense publique, comme l Irlande actuellement et le Canada dans les années 1990 : que ces pays n ont pris des mesures fortes que lorsqu ils ont été contraints par des contextes macroéconomiques très difficiles. Mais en France, nos compatriotes n ont pas encore pris conscience de la gravité de la situation. On parle rarement de dette publique en réunion électorale. Croit-on pourtant que nos enfants accepteront de subventionner notre niveau de vie en réduisant le leur? En temps de crise, il est certes normal de faire la différence entre déficit de crise et déficit structurel. Mais cela ne doit pas inciter à laisser filer les déficits structurels, au contraire. C est maintenant qu il faut mobiliser les Français pour alléger cette partie du déficit public. D ici 2012, la dette publique va passer de 65 à 80 % du PIB, alors que la charge de celle-ci est déjà de 45 milliards d euros par an, et que les taux ne peuvent qu augmenter. Ce n est pas par vertu ou par esthétique que M. Lambert veut attirer l attention des Français sur ce problème. C est par nécessité : si rien n est fait, nous nous dirigeons tout droit vers une crise de régime. Revenant sur les quatre solutions offertes aux gouvernements pour se désendetter. L inflation L inflation n est pas une solution sérieuse : on ne peut la maîtriser (on ne peut pas la régler précisément) et avec l Euro, ses déterminants nous échappent. La faillite - Un défaut de l État n est pas non plus envisageable : il entraînerait un non-paiement des pensions de retraites des fonctionnaires, et aurait donc des conséquences politiques graves. La maîtrise des dépenses publiques L État doit donc mieux penser son action. Celle-ci est éclatée en 15 000 comptes. Sa maîtrise est partagée par l État central et les collectivités locales. L État ne cesse de produire du règlement et de compliquer son fonctionnement, ce qu Alain Lambert vit concrètement grâce à ses travaux pour la commission des normes. Il faut trouver un consensus national sur la réduction de la dépense. Le Canada y est parvenu dans les années 1990, l Allemagne au début des années 2000. Si les recettes venaient à s accroître, il faudrait veiller par exemple à ce que cela ne s accompagne pas d une hausse de la dépense équivalente, ce qui n a pas toujours été le cas en France L augmentation des recettes Augmenter les recettes par l impôt est faisable à certaines conditions. Il faut d abord purger le débat des questions périphériques comme les niches fiscales et se concentrer sur l essentiel. Il s agit aussi d assumer certains choix. Ainsi pour les dépenses sociales : avec le vieillissement de la population, elles sont appelées à augmenter. Si les Français veulent maintenir leur système de protection, il faudra alors améliorer les recettes. M. Lambert estime par ailleurs que le niveau général de pression fiscale ne peut être augmenté. Il faut d abord optimiser l existant en procédant avec tact, et se méfier des fausses bonnes idées. ce que montre le cas de la taxe professionnelle. Sa suppression entraînera un manque à gagner pour les collectivités locales : l État devra sans doute le compenser par de nouvelles subventions, 4

elles-mêmes financées par un nouvel impôt sur les entreprises! Il faut du reste noter que bien des sociétés de BTP vivent de la commande publique locale, que finance cette même taxe professionnelle Une fiscalité plus efficace devra recourir davantage au contrat, se montrer plus souple, et favoriser les secteurs d avenir. L État s est bien engagé dans cette voie, avec des mesures favorables au capital-risque, aux fondations et à la recherche appliquée. Michel Taly corrobore les propos d Alain Lambert via quelques remarques. Tout d abord, la crise a mené à différencier déficit de crise et déficit «normal». Rien de plus légitime, mais pourquoi ne pas pousser la logique jusqu au bout et en faire au temps en période de prospérité? Qu on se rappelle les discussions sur la «cagnotte» pour comprendre que cette distinction ne s applique trop souvent qu à sens unique. A l inverse, un peu de vertu lors des années de croissance aurait permis aux dirigeants actuels d agir avec plus de marge Alain Lambert souhaite intervenir sur ce point précis. En matière de dette, il est nécessaire de faire une entorse au principe d universalité budgétaire (dont il reste partisan) et d affecter certaines ressources au service de la dette. Michel Taly s accorde avec Alain Lambert sur la complexité d une réforme de la taxe professionnelle. Les entreprises ne sont pas unanimes sur ce sujet. Des négociations de gré à gré semblent plus probables qu une solution trop générale. Il faut aussi se méfier de certains raccourcis. Ainsi de l amélioration du rendement de l impôt : d un point de vue macroéconomique, cela ne diminue pas le taux d imposition global, au contraire. Si l État recouvre mieux l impôt, les sommes sont donc plus élevées et représentent donc un plus fort pourcentage de PIB De même pour les niches fiscales : certaines restent des outils majeurs de politique économique. Ainsi du crédit impôt recherche ; appliqué avec un certain laxisme, il compense un taux nominal d impôt sur les bénéfices très élevé en France (33 %, contre 25 % en Allemagne par exemple). On peut aussi évoquer le dogme du non transfert entre les ménages et les entreprises : il faudrait que les charges fiscales soient équilibrées entre ces deux pôles, comme si ceux-ci étaient strictement étanches Ce qui n a pas de sens d un point de vue microéconomique! On le voit bien avec la baisse de la TVA sur la restauration, qui se traduira forcément par un transfert de charges vers les ménages Michel Taly pointe aussi les insuffisances de la subsidiarité fiscale : les collectivités locales se voient attribuer des ressources conséquentes sans être pourtant autonomes sur la structure de leurs dépenses. Cela ne peut que les déresponsabiliser, et ne favorise pas la vertu budgétaire. Cette dernière notion n est du reste pas consensuelle en France, comme elle peut l être en Allemagne ou en Scandinavie Working paper n 35 Septembre 2009 5

Échanges avec la salle Des incidences positives des baisses d impôts Jean-Claude Bouchard, avocat associé du groupe TAJ, reproche à M. Taly de sous-estimer les incidences positives des baisses d impôt. Il rappelle l exemple d allégements fiscaux sur la restauration collective dans les années 1960 : ceux-ci ont permis à la France de devenir leader dans la restauration collective, puisque de nos jours 40 % des grandes entreprises de ce secteur sont françaises. De la dette de la BCE Philippe Auberger, inspecteur des finances, membre du conseil général de la Banque de France, avocat associé du cabinet Auguste et Debouzy, attire l attention des intervenants vers un point négligé. On ne parle que de l augmentation de la dette des gouvernements, mais quid de celle de la BCE? Au travers de certaines politiques non orthodoxes, celle-ci garantit des montants de titres importants. Mais contrairement à la FED, la BCE ne pratique pas d achats directs, et reste pour l instant raisonnable. De la résistance du corps social Herve Lehérissel, avocat associé chez Ernst & Young Laws, oppose à l augmentation des prélèvements obligatoires la notion moins scientifique, mais bien réelle, de résistance du corps social. Trop de réformes ont négligé ce concept évident Alain Lambert souhaite introduire plus de flexibilité dans la gestion des collectivités locales. Ne pourraiton pas introduire une part variable de dépense entre les départements? Ce serait plus efficace, et sans doute plus juste, certains départements ayant plus de besoins que d autres. Du désendettement des états Jean-Gilles Sintes, conseiller du président de Viel et Cie, revient sur la notion d inflation contrôlée. Si l Union européenne semble incapable de susciter de l inflation «à la demande», qu en est-il du Royaume- Uni ou des États-Unis? À l écoute des différents intervenants, aucune solution tranchée ne semble se dégager pour désendetter les États. Sur quels postes peut-on espérer parvenir au consensus? Alain Lambert estime qu un consensus peut se trouver sur la dépense sociale. La majorité de la population ne réalise pas clairement que les transferts sont financés par la dette. Si la dette publique était réellement consolidée de tous les engagements sociaux de l État, on pourrait espérer un revirement d opinion. Dans le cas contraire, une crise de régime n est pas impossible. Pour préserver leurs avantages, les Français pourraient en effet se tourner vers des solutions extrêmes Après tout, les 65 ans de paix intérieure dont nous avons profité ne sont pas un acquis! Michel Taly estime que le gouvernement n a de marge de manœuvre qu avec la CSG. Mais si celle-ci passe les 10 %, le problème de la progressivité se posera inéluctablement. D autres économies peuvent se faire sur les dépenses de transferts, y compris vers les entreprises Hervé Monet reste sceptique. Le débat sur la dette ne risque-t-il pas d être repoussé à la prochaine grosse échéance électorale, c est-à-dire 2012? La politique sociale échappe à toute publicité, puisqu elle obéit à une gestion paritaire à présent vide de sens, les syndicats représentant moins de 10 % des actifs. 6

Les LOLFSS (lois de financement de la sécurité sociale) ne sont que validées par les assemblées, qui ne participent guère à l élaboration du budget social Des actifs publics Un participant demande alors si la gestion des actifs publics ne constitue pas un gisement d amélioration possible. Pour Alain Lambert, les actifs de l État sont difficiles à évaluer (combien vaut la Joconde? le Louvre?), et ne sont pas tous cessibles. L État a du reste commencé à valoriser ce qui pouvait l être, grâce à diverses agences spécialisées (APE, APIE ) et au FSI. Hervé Monet rappelle que le danger peut aussi venir d une crise du dollar. Les États-Unis ont une marge de manœuvre que nous n avons pas, ou plutôt que nous ne nous donnons pas. Ils peuvent sous évaluer leur monnaie, liquider ainsi leur dette, et favoriser leurs exportations, puisque la croissance reste leur objectif majeur. Les Européens, qui tendent à opter pour la stabilité des prix, pourraient voir au contraire leur monnaie se réévaluer, et leur dette avec, d autant plus que la diversification croissante des monnaies de réserves créent une demande d Euro supplémentaire Jean Claude Bouchard montre aussi que les États- Unis cherchent à éviter une fiscalisation excessive. Les Américains savent que la TVA est nécessaire, mais refusent de l adopter car ils y voient une solution de facilité, et préfèrent donc maîtriser leurs dépenses avant de recourir à de nouvelles taxes. C est ce type de réflexe, où le contrôle de la dépense prime l invention de nouvelles ressources, qu il conviendrait d imiter en France. Working paper n 35 Septembre 2009 7

Alors que la récession économique pourrait approcher son point d inflexion, le débat se déplace aujourd hui sur les scénarios de l après-crise. Les états ont su faire preuve d une réactivité et d un pragmatisme suffisants pour faire face à l ampleur des chocs économiques, au prix toutefois d une explosion de l endettement public n épargnant aucun pays. La manière dont cet endettement doit être résorbé reste aujourd hui en suspens. Trois options sont souvent avancées pour alléger le fardeau de la dette publique : le recours à l inflation, les économies budgétaires et la hausse de l impôt. Si la hausse de la pression fiscale devait se concrétiser, sur qui des salariés, notamment ceux dont les revenus sont les plus élevés, des consommateurs ou des actionnaires devra-t-elle peser en priorité? Doit-on suspendre le bouclier fiscal? Comment arbitrer entre la hausse de la pression fiscale et le maintien de la compétitivité des entreprises? Le compte rendu de cette réunion a été réalisé par Auxence Denis. 29, rue de Lisbonne 75008 Paris Tél. : 33 (0) 1 53 23 87 28 Fax : 33 (0) 1 47 23 79 01 www.institut-entreprise.fr