INTERVIEW D'UN CHERCHEUR PAR DES ELEVES DU CYCLE 3 D'après le travail réalisé en 1996 pour son mémoire professionnel par Fabienne MARILL, professeur d'école.
1 Interview du chercheur par les C.E. 2 de SAINT-MAXIMIN : - Bonjour, je commence ma question : qu'est-ce que vous recherchez en mathématiques? - Qu'est-ce que je recherche en mathématiques... Ca, c'est déjà une question difficile... Parce que moi, donc, je suis exclusivement en mathématiques, mais je travaille aussi un peu en informatique. Alors l'informatique, c'est la science des ordinateurs. Et aussi la science des calculs, c'est à dire comment on fait des calculs de manière automatique avec des machines. Et alors, mon domaine... plus précisément, ça s'appelle la logique. Alors la logique, c'est difficile à expliquer ce que c'est, mais enfin disons c'est aussi... C'est la science du raisonnement. Le raisonnement, c'est ce qu'on fait quand on résout des problèmes par exemple. Voilà. Et alors donc, le but de ma recherche c'est un peu d'améliorer la compréhension des calculs et des ordinateurs. Moi, je ne vous parlerai pas des ordinateurs mais de ce qu'on appelle la recherche fondamentale, c'est à dire que ce que je fais n'a pas de conséquences immédiatement sur la technologie, c'est à dire sur les machines, etc... Mais c'est des idées, j'essaie de produire des idées qui vont servir plus tard pour faire de nouveaux ordinateurs ou des nouveaux langages de programmation. Les langages de programmation, c'est des langues qui permettent de parler avec les machines. - Comment trouvez-vous les réponses? les solutions quoi... - Comment on trouve les réponses? rires D'abord, on trouve pas toujours les réponses. Ce qui est particulier à la recherche, c'est qu'on s'attaque, on essaie de résoudre des problèmes qui sont en général difficiles et qui n'ont pas été déjà résolus par d'autres. Donc on n'est jamais sûr de trouver la réponse. Des fois, on trouve pas la réponse, mais en cherchant, on trouve d'autres réponses à des problèmes qu'on s'était pas posés. Et puis... quand on trouve la réponse, comment on la trouve? C'est très difficile à dire. Des fois c'est simplement en réfléchissant dessus, des fois en ne réfléchissant pas dessus et puis tout d'un coup, on écoute quelqu'un parler et on a une idée. Ca dépend, c'est vraiment difficile à dire. - De quel matériel vous servez-vous pour faire des recherches? - Alors, le matériel... Moi, je fais, comme je disais, de la recherche fondamentale et plus précisément théorique c'est à dire que je ne travaille pas sur... je ne suis pas, par exemple, un chimiste qui travaillerait avec des éprouvettes ou un
biologiste qui travaillerait avec des souris et des seringues. Non, ça c'est pas ce que je fais. Je travaille dans un bureau et tout mon travail, c'est de discuter avec des gens, c'est de lire des articles, il y a un matériel qui est quand même le livre, ou ce qu'on appelle la revue. La revue c'est donc une sorte de livre qui contient des articles spécialisés, c'est à dire que c'est pas des revues comme, je sais pas, Télé 7 jours qui contient le programme de télévision, mais ça contient des articles qui n'intéressent qu'un petit nombre de personnes. Donc il y a les revues, et puis on utilise l'ordinateur. Mais moi, j'utilise l'ordinateur essentiellement comme un outil d'aide à la rédaction, c'est à dire comme une sorte de machine à écrire perfectionnée, une machine à communiquer puisque je communique avec mes collègues qui sont pas toujours dans mon laboratoire. J'ai des collègues avec qui je travaille ou j'ai travaillé qui sont aux Etats-Unis, au Japon, en Italie, en Angleterre, etc... Alors ces gens-là, je peux leur envoyer des messages, ça vous avez sûrement entendu parler des réseaux Internet, etc... et les messages ils les reçoivent dans les cinq minutes où je les ai envoyés. Comme ça on peut avoir des discussions, à la fois des discussions scientifiques, sur la recherche, et puis aussi, il faut bien le dire que dans notre travail il y a beaucoup d'organisation. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de moments où on fait pas de la science mais où on organise des réunions, on fait de l'enseignement, on organise des colloques, c'est-à-dire des réunions scientifiques et pour ça on a aussi besoin de communiquer. Voilà, et puis on utilise aussi un tableau, avec de la craie pour expliquer aux autres ce qu'on fait, parfois même pour réfléchir, et puis du papier. - Travaillez-vous en équipe ou seul? - Ah! Alors moi personnellement, je serais plutôt quelqu'un qui travaille seul. Et j'ai des collègues qui sont des gens qui travaillent en équipe. Mais enfin, même quand on a tendance à être quelqu'un qui travaille seul, d'abord ça m'arrive de travailler en équipe, c'est à dire de travailler avec des gens et de réfléchir ensemble, et puis, même quand on travaille pas en équipe, on discute avec les gens sur ce qu'on a fait et sur ce qu'ils ont fait et c'est de cette discussion que naissent de nouvelles idées. Même si on travaille seul, on n'est quand même jamais vraiment tout seul. Sinon, si on était vraiment tout seul, c'est à dire si j'étais sur une île déserte, même avec tout le matériel possible, des livres etc... je parle pas des ordinateurs parce qu'on pourrait imaginer que je communique avec les ordinateurs, mais enfin, si j'étais vraiment tout seul, je pense que je ne ferais pas de recherche parce que ça n'intéresserait personne, donc je n'aurais pas envie de le faire.
- Aimez-vous votre métier? - Je dirais oui... Je dirais que pour faire ce métier, c'est un métier qu'on appelle créatif. Il y a plein d'autres métiers créatifs, par exemple tous les artistes sont des créatifs, c'est à dire c'est pas qu'on leur donne des ordres et ils exécutent, c'est pas un métier où on exécute mais c'est un métier où on doit avoir des idées. Alors, si on n'aime pas son métier, et bien étant donné que c'est nous qui sommes le moteur du travail, si on l'aime pas, et bien on ne fait rien. Et ça ne marche pas. Ca ne veut pas dire que ce soit toujours facile. - Qu'est-ce que vous aimez le plus : la géométrie, le calcul rapide, les problèmes? - Alors... C'est difficile enfin, je peux dire ce que j'aime le plus mais là, tu m'as posé des questions qui peuvent se recouvrir. Les problèmes c'est différent de la géométrie... J'ai pas très bien compris parce qu'il y a des problèmes de géométrie. Alors, qu'est-ce que c'est qu'un problème? La maîtresse intervient : - C'est problème numérique, je pense. - Oui, et calcul rapide, c'est quoi? C'est des additions, des... - Tout ce qui concerne les opérations. - Alors je dirais que les mathématiques qu'on fait dans la recherche ne ressemblent pas forcément aux mathématiques qu'on fait à l'école. A l'école on apprend des choses, des choses qui ne sont pas du tout faciles hein, des choses qui ont été découvertes par exemple à l'époque des grecs, sur les nombres, sur la géométrie, etc... Nous, ce qu'on fait, c'est des mathématiques du XXème siècle, c'est à dire des choses qui ont été découvertes récemment. Que évidemment vous ne connaissez pas parce qu'on n'a pas le temps à la fois de chercher dessus et de vous les expliquer. Alors, je dirais que mon centre d'intérêt c'est le calcul mais ça n'est pas le calcul dans le sens des opérations arithmétiques. C'est beaucoup plus général que ça. Dans le calcul, il y a tout ce qui peut être fait automatiquement par une machine. C'est par exemple une machine qui peut essayer de résoudre des problèmes de géométrie et ça, ça peut se faire avec des calculs. - Est-ce que vous vous posez des problèmes? - Est-ce que je me pose moi-même des problèmes ou est-ce que les problèmes me sont posés de l'extérieur? C'est ça les questions? Et bien il y a les deux. Il y a des problèmes effectivement que je me pose moi-même et que j'essaie de résoudre parce que quand on travaille, quand on résout des problèmes, souvent il
y a de nouveaux problèmes qui se posent. C'est comme ça qu'on n'a jamais fini de chercher. La maîtresse : - La question que se posent les élèves, c'est comment se produit la trouvaille? - C'est... je sais pas... Il n'y a pas forcément d'étincelle. Ca dépend, c'est très variable... 2 Questions posées au chercheur dans d'autres classes: A Saint-maximin : * Les questions du premier C.M.2 : - Depuis quand existe ce métier? - En quoi consiste votre métier? - Cherchez-vous à justifier des lois ou à en inventer d'autres? - Quelles études avez-vous suivies? - Pourquoi avez-vous choisi ce métier? - Où travaillez-vous? - Travaillez-vous seul? - Quelles recherches faites-vous? - Que faites-vous de vos informations? - Aimiez-vous les maths quand vous étiez petit? - Pourquoi êtes-vous intéressé par notre travail? - Le travail des enfants est présenté au chercheur : nos résultats sont-ils vrais? * Les questions du second C.M.2 : - Pourquoi avez-vous choisi ce travail? - Etes-vous content de votre métier? - Que cherchez-vous? - Combien avez-vous fait d'études? - Sur quelle recherche êtes-vous? - Avez-vous réussi toutes vos recherches? - Vous vivez où? Avez-vous un laboratoire? - Quel matériel utilisez-vous? - Quelle est votre fonction exacte? - Depuis combien de temps faites-vous ce métier?
- Pourquoi aimez-vous les mathématiques? - Qu'avez-vous découvert? - Pourquoi êtes-vous venu ici? - Est-ce dur de devenir chercheur? - A quoi sert votre métier? - Faites-vous des recherches approfondies? - Qu'est-ce que ce métier vous apporte personnellement? - En quoi sommes-nous concernés? - Pouvez-vous citer une recherche que vous avez faite? - Quand vous n'arrivez pas à résoudre un problème, demandez-vous conseil à d'autres mathématiciens? - Quel problème avez-vous eu le plus de plaisir à faire? - Quand vous résolvez un problème, le dites-vous à d'autres chercheurs? - L'ordinateur est-il indispensable pour les mathématiciens? - Vous posez-vous des problèmes tout seul? - Quand l'ordinateur est éteint, on reçoit quand même les messages? A Rians : * Les questions du C.M.2 : - Aimez-vous votre métier? - Qu'est-ce que vous cherchez exactement? - Est-ce que vous arrivez toujours à résoudre les problèmes? - Est-ce qu'il faut faire beaucoup d'études pour devenir mathématicien? - Avec quels objets vous travaillez? - Comment avez-vous débuté? - A quel âge avez-vous commencé? - A quoi sert votre métier? - On est obligé de voyager? - Les idées que vous avez trouvées, vous les proposer à qui? - Vous comprenez toutes les langues? - Où se trouve votre laboratoire? - Est-ce que vous savez qui a inventé la multiplication, la division? - Pourquoi a-t-on choisi le mot mathématiques? - Avez-vous des vacances? - Etiez-vous fort en maths quand vous étiez petit? - Combien êtes-vous de mathématiciens dans le monde? - Avez-vous une maison? - Combien d'heures par jour travaillez-vous?
- Est-ce qu'on vous paye? - Pourquoi avez-vous choisi ce métier? * Les questions du C.E.2 : - Savez-vous répondre à tous les problèmes de la France? - Qu'est-ce qu'un problème mathématique? - Combien y a-t-il de problèmes que tu as résolus? - Tu as commencé à résoudre des problèmes en quelle année? - En ce moment, est-ce que vous êtes sur un problème? - Quelle est la recherche que vous avez le plus de mal à résoudre? - Est-ce que chaque problème que vous essayez de résoudre a un nom? - Quand les chercheurs ont un problème et savent qu'ils ne pourront pas le résoudre, ils ne se découragent pas trop vite? - Vous avez déjà essayé le problème de Syracuse (problème ouvert rencontré par les enfants au cours des A.R.M.)? - Vous faites partie de quel genre de mathématiciens : ceux qui ont démontré ou ceux qui n'ont rien montré? - Est-ce qu'elles sont dures les recherches que vous faites? - Est-ce que c'est difficile de devenir chercheur? - Dans quel établissement vous travaillez? - Est-ce que dans le laboratoire on fait de la chimie aussi? - Y a-t-il des ordinateurs? - Pour faire des maths, qu'est-ce que vous utilisez le plus : la calculette, le compas...? - Vous êtes combien en tout de chercheurs dans votre laboratoire? - Pour présenter des problèmes que vous avez inventés, est-ce que d'abord vous discutez entre chercheurs? - Est-ce que vous partez souvent en voyage vous? - Est-ce qu'un jour on pourra visiter votre établissement? * Les questions du C.M.1 (qui ne pratique pas la recherche en mathématique) : - En quoi consiste votre métier? - En maths, est-ce dur de trouver des opérations dures, des résultats? - Est-ce dur de trouver de gros calculs?
3 Les bénéfices d'une rencontre avec le chercheur : Ces différentes interviews peuvent être classées selon qu'elles ont été préparées ou spontanées, réalisées par des enfants-chercheurs ou par des enfants non-chercheurs. Cependant, elles sont révélatrices de la représentation qu'ont les élèves de la recherche mathématique et du travail du chercheur. Par ses réponses, le chercheur a amené les enfants à prendre conscience du parallèle existant entre la recherche en classe et celle que, lui, entreprend dans le cadre de sa profession. * Regroupement par thèmes des questions des élèves : Bien que différentes par la forme, les questions soulevées par chaque classe se recoupent, ayant amené le chercheur à, plus ou moins, aborder les mêmes thèmes durant les entretiens. Afin de les définir, les questions posées au chercheur ont été regroupées. Les chiffres entre parenthèses qui apparaissent indiquent le nombre de fois où la question a été posée. - Le chercheur et ses recherches actuelles : Qu'est-ce que vous recherchez en mathématiques? (6) - Le métier de chercheur :. Quelles études avez-vous suivies? (5). Pourquoi avez-vous choisi ce métier? (3). Etes-vous content, aimez-vous votre métier? (3). Depuis combien de temps faites-vous ce métier? (3). A quoi sert votre métier? (2). En quoi consiste le métier de chercheur? (2). Depuis quand le métier de chercheur existe-t-il? (1). Qu'est-ce que ce métier vous apporte personnellement? (1) - Les outils de travail du chercheur :. Où travaillez-vous? (5). De quel matériel vous servez-vous pour faire de la recherche? (3). L'ordinateur est-il indispensable? (2) - Le chercheur et son "affection" pour les mathématiques :. Aimiez-vous les maths quand vous étiez petit? (2).Qu'est-ce que vous aimez le plus: la géométrie, le calcul, les problèmes? (1)
. Pourquoi aimez-vous les mathématiques? (1). Quel problème avez-vous eu le plus de plaisir à résoudre? (1) - La réussite du chercheur :. Avez-vous réussi toutes vos recherches? (3). Comment trouvez-vous les solutions? (2). Quelle est la recherche que vous avez le plus de mal à résoudre? (1). Vous faites partie de quel genre de mathématiciens : ceux qui ont démontré ou ceux qui n'ont rien montré? (1). Quand les chercheurs ont un problème et savent qu'ils ne pourront pas le résoudre, ils ne se découragent pas trop vite? (1). Est-ce dur de trouver de gros calculs? (1) - Les problèmes et le chercheur :. Est-ce que vous vous posez des problèmes? (2). Qu'est-ce qu'un problème mathématique? (1). Cherchez-vous à justifier des lois ou à en inventer d'autres? (1) - Le chercheur et ses collègues :. Travaillez-vous seul? (2). Que faites-vous de vos informations? (2). Quand vous n'arrivez pas à résoudre un problème, demandez-vous conseil aux autres chercheurs? (1). Quand vous résolvez un problème, le dites-vous à d'autres chercheurs?. Pour présenter des problèmes que vous avez inventés, est-ce que d'abord vous discutez entre chercheurs? (1) - La visite du chercheur à l'école :. Pourquoi êtes-vous intéressé par notre travail? (2) - Le chercheur et les voyages : (2) * Deux préoccupations sous-jacentes des élèves : D'après la classification élaborée, 9 thèmes ont été abordés par le chercheur et les élèves durant les interviews. Les enfants ont interrogé le chercheur aussi bien sur son activité (ses recherches, son métier, ses outils de travail, son organisation, ses relations avec ses
collègues...) que sur les joies qu'elle lui procure (son "affection" pour les mathématiques). De plus, à travers les questions posées, apparaissent deux préoccupations principales des enfants : - Qu'est-ce qu'un chercheur "véritable"? Que signifie le métier de chercheur? - Le chercheur peut-il nous apporter des réponses au sujet de nos recherches, de nos difficultés en mathématiques? Certes, c'est à la première question que les entretiens ont principalement répondu, apportant aussi des éléments de réponses à la seconde : les mathématiques forment un domaine dans lequel on ne cesse de chercher et dans lequel on ne peut agir seul. C'est pourquoi il semble nécessaire que la relation entre élèves et chercheur perdure : dans un temps réservé à une première rencontre, il est difficile pour le chercheur de répondre simultanément aux deux préoccupations. La correspondance avec le chercheur permettra aux enfants d'obtenir davantage de réponses à cette deuxième préoccupation: ils pourront soumettre les lois découvertes en classe au chercheurs et avoir une aide appropriée dans leur recherche, aide que les maîtres seuls ne peuvent pas toujours apporter.