Acquisitions et risques fiscaux



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Transcription:

Claudine Voyame Acquisitions et risques fiscaux Aspects fiscaux liés au financement des acquisitions de sociétés au travers de trois exemples simples Acquérir un outil de travail ou diversifier celui que l on possède et financer cette acquisition, tels sont les objectifs de l acquéreur. Se retirer des affaires ou d un investissement et encaisser le fruit de ses efforts, telle est l ambition du vendeur. Si la transaction revêt la forme d une vente d actions, les parties négligent trop souvent les conséquences fiscales qui peuvent découler de ce choix. En vendant les actions plutôt que les actifs de sa société, le vendeur escompte réaliser un gain en capital non imposable. De son côté, l acquéreur, peut être tenté d utiliser les ressources de la société cible pour financer, en partie au moins, le prix d achat des actions ou pour rembourser tout ou partie du financement relais obtenu au moment de l acquisition. La vente de la totalité des actions d une société de capitaux peut poser nombre de questions fiscales, qui affectent tantôt le vendeur, tantôt l acquéreur et parfois la société cible elle-même. Le présent article se veut un survol des principales théories fiscales que l on rencontre dans ce type de transactions. Des cas tirés de la jurisprudence récente serviront de fil rouge. 1. Le versement d un dividende de substance Imaginons l exemple suivant: Holding SA a acquis l entier du capitalactions d Epargne SA qui appartenait jusque-là à M. X. Au moment de l acquisition, le bilan d Epargne SA se présentait tel qu il figure au tableau 1. 1014 Peu après l achat des actions, Epargne SA verse un dividende de 800 à Holding SA. 1.1 Liquidation partielle indirecte La théorie de la liquidation partielle indirecte, créée par l Administration fédérale des contributions et par la jurisprudence du Tribunal fédéral veut qu un gain en capital privé réalisé lors de la vente d une participation puisse Claudine Voyame, licenciée en droit, experte fiscale diplômée, Claudine Voyame Tax Consulting, St-Légier/VD claudine.voyame@bluewin.ch être reclassé en un rendement de la fortune mobilière passible de l impôt sur le revenu (art. 20 al. 1c LIFD). Il y a liquidation partielle indirecte si les conditions suivantes sont remplies au moment de la vente des actions de la société cible: le vendeur détenait les titres de la société cible dans sa fortune privée et il était, de ce fait, soumis au principe de la valeur nominale; l acquéreur est une société de capitaux ou une personne qui détient les titres de la société cible dans sa fortune commerciale et cet actionnaire est, de ce fait, soumis au principe de la valeur comptable; peu après l achat, l acquéreur appauvrit la société cible en s appropriant une partie de sa substance. L appropriation peut être réalisée de différentes manières, dont les plus usuelles sont le versement d un dividende de substance, l octroi d un prêt de la société cible à l acquéreur, prêt qui est ensuite soit compensé par le versement d un dividende de substance, soit amorti ou encore la fusion de la société cible et de l acquéreur (RDAF 1997 II 696); le vendeur participe à l appauvrissement de la société cible. Selon la jurisprudence actuelle, la participation de celui-ci ne doit pas nécessairement consister en une collaboration active à la mise en place de l appauvrissement. Il suffit qu il sache ou même qu il ait pu se douter que l acquéreur n ayant pas les moyens financiers nécessaires pour payer le prix d achat de la société cible allait financer cette acquisition par la substance de cette dernière (ATF 115 Ib 256). Au fil du temps, la pratique et la jurisprudence ont apporté des nuances à cette définition: L Expert-comptable suisse 11/03

Claudine Voyame, Acquisitions et risques fiscaux FINANCEMENT DES ENTREPRISES Tableau 1 Liquidation partielle indirecte Epargne SA CHF (000) Liquidités 1000 Immobilisé 200 Créanciers 100 Capital-actions 200 Réserves 100 PP report 800 Deux éléments importants qui figuraient dans la définition originelle sont régulièrement négligés: l existence de réserves importantes au bilan de la société cible et la présence d actifs non nécessaires à l exploitation de la société. Ceci ouvre la porte à nombre de nouveaux cas et permet maintenant à l autorité fiscale d appréhender l impôt sur le revenu chez le vendeur là où il n était pourtant pas possible pour la société cible de verser un dividende. L existence d une évasion fiscale ne doit pas nécessairement être prouvée. Selon le TF, c est dorénavant le contenu économique de la transaction qui prévaut. L appauvrissement effectif de la société cible tend à être élargi et des arrêts récents indiquent qu à l avenir la liquidation partielle indirecte pourrait être réalisée dès l instant où l appauvrissement est en voie de réalisation. 1.2 Impôt chez le vendeur Dans l exemple Epargne SA, l autorité fiscale entendra certainement appliquer la théorie de la liquidation partielle indirecte à hauteur du montant de dividende versé. Du gain en capital non imposable, une somme de 800 sera reclassée en un rendement de la fortune mobilière et imposé comme revenu ordinaire. Pour éviter ce type de problème, le vendeur devra adopter une attitude proactive lors des négociations entourant la vente des actions. Il aura le choix entre contraindre contractuellement l acquéreur pour qu il ne touche pas à la substance de la société cible (quitte à prévoir des contre-garanties pour que le montant de l impôt puisse être chargé à l acheteur) ou tenter d obtenir de l autorité fiscale une opinion préalable sur la part du prix de vente qu elle entend reclasser. Avec un bilan présentant autant de liquidités (1000) que celui d Epargne SA, il est peu vraisemblable qu une partie des 800 échappe à l impôt sur le revenu. On pourrait même se demander dans le cas d espèce si la transaction ne pourrait pas être examinée sous l angle de la vente d un manteau d actions. Tout dépendra de l activité d Epargne SA. 1.3 Impôt chez l acquéreur La pratique fiscale ne prévoit pas d ajustement au niveau des comptes de la société cible lorsque la liquidation partielle indirecte est appliquée au gain du vendeur. Les 800 ne pourront ainsi pas être traités comme un prêt à l actionnaire dans les comptes d Epargne SA. Ils demeureront comptabilisés comme réserve distribuable. Au moment où ce montant sera effectivement distribué sous forme de dividende, il sera traité comme tel, avec les conséquences fiscales qui en découlent. Ces conséquences ne sont en principe pas dramatiques pour Holding SA au niveau de l impôt sur le bénéfice. Le dividende pourra généralement être prélevé sans charge (réduction holding selon l art. 69 LIFD, neutralisation du dividende de substance par un amortissement de la participation au sens de l art. 70 al. 3 LIFD). Ce facteur-ci a donc peu de poids dans les négociations du prix de vente entre le vendeur et l acquéreur. 1.4 Impôt anticipé Le non reclassement des 800 dans les comptes d Epargne SA, en revanche, maintient entier le problème de la récupération de l impôt anticipé par l acquéreur dans deux cas de figure: lorsque Holding SA est domiciliée à l étranger ou lorsque M. X. était domicilié à l étranger. Si Holding SA est domiciliée à l étranger, le remboursement ou le dégrèvement de l impôt anticipé lui sera accordé, en fonction de ce que prévoit la Convention en vue d éviter la double imposition en vigueur entre la Suisse et son pays de domicile au moment du versement effectif du dividende (principe de la norme actuelle). Peu importe à cet égard que M. X. ait, lui, été domicilié en Suisse et ait, par ailleurs, rempli toutes les autres conditions permettant un remboursement intégral de l impôt anticipé. Par contre, si M. X. était domicilié à l étranger, l autorité fiscale entendra appliquer la théorie dite des «anciennes réserves» au versement des 800 de dividende effectif et elle n accordera le remboursement de l impôt anticipé à Holding SA qu à concurrence de ce que M. X. aurait lui-même pu obtenir (principe de l ancienne norme applicable). L AFC recourt de manière plus large encore à la théorie des anciennes réserves. Ainsi, elle entend parfois appréhender l impôt anticipé sur un versement dans notre exemple de 100 de dividende effectif supplémentaire, correspondant au montant de la réserve générale existant au moment de la vente des actions d Epargne SA. Curieux, car, en fait, ces 100 de réserve générale ne peuvent, d un point de vue légal, pas être distribués en vertu de l article 671 alinéa 3 CO. En aucun cas, l ancien actionnaire n aurait donc pu se les faire verser sous forme de dividende avant la transaction. Dans certaines circonstances, l AFC entendrait appliquer la théorie des anciennes réserves sur un montant égal à toute la différence entre le prix de vente des actions de la société cible et la valeur nominale des titres de cette dernière. Ce faisant, elle appréhenderait l impôt anticipé sur le montant des réserves latentes avant la liquidation effective de la société. L approche ne manque pas de surprendre, sachant que l impôt frappe des réserves qui ne sont pas réalisées, donc pas comptabilisées, et qui souvent ne peuvent même pas être portées dans les comptes de la société cible en vertu des règles comptables (ex.: le goodwill propre). L Expert-comptable suisse 11/03 1015

Claudine Voyame, Acquisitions et risques fiscaux 2. Le prêt à l actionnaire Le poste débiteur-actionnaire a été créé peu après l acquisition des actions de Presse SA, lorsque Holding SA, l acquéreur, s est approprié la substance de Presse SA par le biais d un prêt. Le montant est supérieur au montant des réserves de Presse SA (cf. tableau 2). Tableau 2 Débiteur actionnaire Presse SA CHF (000) Liquidités 50 Débiteur actionnaire 950 Immobilisé 200 Créanciers 100 Capital-actions 200 Réserves 100 PP report 800 2.1 Impôt chez le vendeur Pour le vendeur, les conséquences sont identiques à celles qui surgissent lors du versement d un dividende de substance au nouvel actionnaire. La théorie de la liquidation partielle indirecte pourra être appliquée et tout ou partie du gain en capital pourra être reclassé en rendement de la fortune mobilière et imposé. En l occurrence, le montant de l appauvrissement de Presse SA est supérieur au montant des réserves ouvertes de cette société. Le reclassement pourra porter sur toute la part du gain en capital qui excède la valeur nominale du capital-actions de Presse SA, mais au maximum 950. 2.2 Prestation appréciable en argent Pour assurer le financement de son acquisition, l acquéreur est souvent tenté d utiliser, directement ou indirectement, les ressources de la société cible. Il suffit cependant de quelques nuances dans la structuration de l opération pour qu une opération censée pouvoir 1016 être effectuée en neutralité fiscale tourne au drame financier et que les montants que l acquéreur s est appropriés, même temporairement, même indirectement, soient traités comme une prestation appréciable en argent. Il y a prestation appréciable en argent lorsqu une société consent à son actionnaire ou à une personne le touchant de près une prestation, sans exiger de celui-ci une contre-prestation correspondante de sorte que l on peut présumer que, dans les mêmes circonstances, cette transaction n aurait pas été effectuée, ou du moins pas aux mêmes conditions, avec un tiers. L opération paraît insolite et les parties auraient d emblée dû se rendre compte de la disproportion. En principe, une société anonyme peut conclure avec ses actionnaires, comme avec n importe quel tiers, tous contrats de droit civil et commercial que peut impliquer le but social Le prêt qu une société anonyme accorde à son actionnaire ou à des personnes qui lui sont proches doit en principe être reconnu, tant au plan civil que fiscal. Dans certaines circonstances, le prêt doit cependant être assimilé à une prestation appréciable en argent consentie par la société cible à son actionnaire. Tel est le cas, par exemple, lorsque, d un point de vue juridique, les parties ont bien structuré l opération comme un prêt, mais que leur véritable intention était en fait tout autre. 2.3 Impôt chez l acquéreur Dans le cas de Presse SA, le montant du prêt à l actionnaire représente presque 80% des actifs de cette société, ce qui est tout à fait inhabituel. De plus, le montant du prêt excède celui des réserves de Presse SA, de sorte qu une part du prêt est consentie sous forme de remboursement de capital, prohibé par l article 680 alinéa 2 CO. Ces éléments, à eux seuls, constituent déjà de solides indices. Pour se forger un jugement, on tiendra généralement compte d autres éléments, tels la situation financière de Holding SA au moment de l octroi du prêt et son évolution au fil des ans, l existence de garanties remises par Holding SA, ou par un tiers à sa place, l existence d un contrat écrit, l obligation faite à Holding SA de servir un intérêt sur ce prêt, le mode de fixation de son taux. En pratique, on aura tout avantage à s assurer que le taux retenu entre dans la fourchette recommandée par l AFC dans sa notice annuelle sur les taux d intérêt déterminants pour le calcul des prestations appréciables en argent. L évolution du montant prêté joue également un rôle. Pour Holding SA, le fait de ne jamais rembourser sa dette et de simplement faire porter en compte les intérêts annuels sont deux éléments significatifs qui devraient renforcer l hypothèse qu on est en présence d une prestation appréciable en argent et non d un prêt. Si, comme dans notre exemple, le bénéficiaire du prêt est une société holding, la requalification du prêt en dividende n emportera pas de conséquences notables au niveau de l impôt sur le bénéfice pour les mêmes raisons que celles exposées dans l exemple 1. En pratique, il y aura lieu d examiner si la remise de la dette pourra bien être compensée par une provision, voire un amortissement de même montant que la participation Presse SA. Une question qui se pose dans ce type de montage est le moment où la prestation appréciable en argent a été effectuée. En pratique, la discussion tourne autour de trois possibilités: le moment de l octroi du prêt, le moment à partir duquel l actionnaire n obtempère plus aux demandes de remboursements faites par la société cible et enfin, le moment où la société cible doit amortir le prêt, n ayant plus espoir de récupérer quoi que ce soit de son actionnaire. En théorie pure, la prestation ne devrait se réaliser qu au moment où l appauvrissement de la société est constaté, soit au moment où le prêt est amorti. A cet instant, le débiteur n est généralement plus en position de rembourser quoi que ce soit et les conséquences fiscales rejaillissent alors sur la société cible, ou, pire, sur ses administrateurs. La solution n est idéale ni pour la société cible, ni pour ses organes, ni pour l autorité fiscale, créancière de l impôt. L Expert-comptable suisse 11/03

Claudine Voyame, Acquisitions et risques fiscaux FINANCEMENT DES ENTREPRISES Tableau 3 Cautionnement Caution SA CHF (000) Liquidités 100 Immeuble 1100 Capital-actions 400 Réserves 200 PP report 600 Cédule hypothécaire de 1 er rang en nantissement pour un prêt accordé aux actionnaires, CHF 500. En pratique, il arrive fréquemment que la situation se dénoue sur injonction de l autorité fiscale qui, voyant le montant du prêt stagner ou augmenter, exige la production de garanties de la part de l emprunteur ainsi que le respect d un plan de remboursement. Il est difficile de prouver l existence d une prestation appréciable en argent au moment où le prêt est accordé, sinon dans des cas crasses (ex.: RDAF 1984, 362). Dans l arrêt précité, l intimé avait acquis les actions d une société anonyme en empruntant le montant nécessaire à cette dernière. Il n avait pas de fortune personnelle, n avait fourni aucune garantie à la société en contrepartie du prêt et ses revenus personnels ne lui permettaient pas de payer même les intérêts annuels de sa dette envers la créancière. 2.4 Impôt chez la société cible L amortissement du prêt de 950 à Holding SA ne sera évidemment pas reconnu d un point de vue fiscal. La charge devra être compensée par une diminution des fonds propres de Presse SA. 2.5 Impôt anticipé Dès l instant où la prestation appréciable en argent a été reconnue, l impôt anticipé doit être décompté. Se posera alors la question de son montant. Si la charge d impôt anticipé est transférée à Holding SA, l impôt anticipé s élève à 332.5, soit 35% de 950. Si c est à Presse SA de supporter l impôt anticipé, on devra déterminer son montant au moyen de la formule dite «du calcul en-dedans». Les 950 de prestation représentant 65% de la prestation brute, l impôt anticipé s élèvera à 511,5 (950/ 65*35). La récupération de l impôt anticipé sera, quant à elle, examinée sous l angle de l évasion fiscale. 3. La mise en garantie d actifs de la société cible Il peut arriver que l acquéreur finance tout ou partie de l achat de la société cible par le biais d un emprunt bancaire, garanti par le nantissement d actifs de cette dernière. Tel est le cas, par exemple, lorsqu une société immobilière se porte garante de l emprunt octroyé par une banque à son actionnaire par le biais du nantissement de cédules hypothécaires constituées sur ses propres biens immobiliers. L engagement pris par la société cible apparaît en note de pied de bilan (cf. tableau 3). 3.1 Impôt chez le vendeur «Il peut arriver que l acquéreur finance tout ou partie de l achat de la société cible par le biais d un emprunt bancaire, garanti par le nantissement d actifs de cette dernière.» Raisonnablement, on devrait pouvoir admettre qu il n y a pas liquidation partielle indirecte, la condition de l appauvrissement de Caution SA faisant défaut dans notre exemple. Toutefois, des jugements récents prononcés dans des cas similaires (StE 2002 B24.4 No 62, RDAF 56 II 200, RDAF 58 II 498) semblent indiquer qu on pourrait admettre la réalisation de l appauvrissement du seul fait que l acquéreur aurait pu «hypothétiquement» compter sur les valeurs mises en gage par la société cible ou encore qu on pouvait inférer de la situation de l acquéreur qu il n avait pas les moyens de rembourser la dette et comptait sur la «vraisemblable» réalisation des sûretés prêtées par la société reprise. L application stricte de ces jugements conduirait à ce que le vendeur, dans notre exemple, réalise un revenu de fortune imposable de 500. On reste perplexe devant un tel élargissement de la notion de liquidation partielle indirecte. Si elle peut être appliquée dans toutes les circonstances dans lesquelles l acquéreur peut hypothétiquement compter sur les ressources de la société cible, on aboutira inévitablement un jour à fermer la porte à toutes les transactions de rachat d actions et enfin créer cette notion de liquidation totale indirecte, qui assimilerait, d un point de vue fiscal, toute vente des actions à la liquidation de fait de la société, à l instar de la pratique appliquée à la vente des manteaux d actions. Xavier Oberson (Théorie et pratique du droit fiscal suisse, Helbing & Lichtenhahn, 7 No 104) relève à juste titre, à propos de l un des arrêts précités, que «des comportements parfois nécessaires à la survie d une entreprise, comme le rachat des titres par sa direction ( management buyout ), difficiles à qualifier d évasion fiscale, pourraient devenir irréalisables en Suisse si l on ne délimite pas un cadre clair aux conditions de la liquidation partielle indirecte». 3.2 Impôt chez l acquéreur Pour l acquéreur, on relève plus facilement des similitudes entre cet exempleci et celui du cas Presse SA. On voit rarement un tiers engager jusqu à 42% de ses actifs bruts pour cautionner un investisseur. En lieu et place d intérêts annuels, l acquéreur servira à la société cible une commission pour la mise à L Expert-comptable suisse 11/03 1017

Claudine Voyame, Acquisitions et risques fiscaux disposition de la garantie. Il existe ça et là des recommandations faites par les cantons sur la manière de fixer cette commission, particulièrement lorsqu il s agit de la mise en gage de cédules hypothécaires. L AFC estime correcte une commission annuelle de 1,5% sur l ensemble des gages remis. On examinera l opération sous d autres critères encore (voir liste non exhaustive dans l exemple 2) pour déterminer si elle revêt un caractère insolite. Tout comme dans l exemple du prêt, c est le moment de la réalisation de la prestation qui est difficile à déterminer. Le cas est clair lorsque la banque exécute la caution. 3.3 Impôt chez la société cible Tant et aussi longtemps que la caution n est pas exercée, on voit difficilement l impact au niveau des impôts de Caution SA, sinon par le refus de prendre en considération une éventuelle provision que celle-ci pourrait constituer en anticipation du risque de défaillance de Holding SA. Dès l instant où la caution est exercée par la banque créancière, Caution SA devient créancière de Holding SA par subrogation et doit amortir ce prêt. Les conséquences pour Caution SA sont alors les mêmes que celles exposées dans l exemple 2. ZUSAMMENFASSUNG Aktienerwerb und damit verbundene steuerliche Risiken Durch den Verkauf eigener Aktien anstatt der Veräusserung von Aktiven seiner Gesellschaft erhofft sich der Verkäufer, einen nicht steuerbaren Kapitalgewinn zu erzielen. Der Käufer seinerseits verfolgt die Absicht, die Ressourcen des betroffenen Unternehmens zumindest teilweise für die Finanzierung der Aktien einzusetzen oder aber, um die zum Erwerb eingesetzte Übergangsfinanzierung ganz oder teilweise abzutragen und erwartet keinerlei steuerliche Probleme. Das ist allerdings nicht immer der Fall. Anhand von drei Beispielen der jüngeren Rechtsprechung legt die Autorin die wichtigsten steuerlichen Fragen dar, welchen sich Verkäufer, Käufer und das betroffene Unternehmen stellen müssen. Das erste Beispiel behandelt die Frage einer indirekten Teilliquidation, welche vorliegt, wenn der Verkäufer dem Nennwertprinzip unterliegt und der Käufer dem Buchwertprinzip und sofern letzterer unter aktiver oder passiver Beteiligung des Verkäufers den Aktienerwerb finanziert, indem er sich kurz nach dem Erwerb der besagten Aktien eine substanzielle Dividende ausschüttet. In diesem Fall muss der Verkäufer damit rechnen, dass sein nicht steuerbarer Kapitalertrag als ein Ertrag aus beweglichem Vermögen eingestuft wird und somit der Einkommenssteuer unterliegt. Da Umbuchungen auf den Konten des betroffenen Unternehmens nicht möglich sind, verschafft sich der Käufer den neu eingestuften Betrag also in Form einer Dividende beim Verkäufer. Für die Dividende kann der Beteiligungsabzug geltend gemacht werden, oder sie wird durch die Abschreibung der Beteiligung kompensiert. Die Rückerstattung der Verrechnungssteuer kann sich problematisch gestalten, wenn der Käufer im Ausland ansässig ist (Anwendung des Doppelbesteuerungsabkommens mit seinem Wohnsitzstaat) oder der Verkäufer im Ausland ansässig war (Anwendung der Theorie der Altreserven). Das zweite Beispiel untersucht den Fall eines Darlehens an einen Aktionär. Auf den Verkäufer wird das Prinzip der indirekten Teilliquidation angewendet. Das dem Käufer vom betroffenen Unternehmen gewährte Darlehen kann als geldwerte Leistung betrachtet werden, wenn das Darlehen ungewöhnlich erscheint. Hier besteht die Schwierigkeit darin, den Zeitpunkt der Inanspruchnahme dieser Leistung festzulegen: bei Darlehensaufnahme, bei der Feststellung, dass der Aktionär weder tilgt noch Zinsen entrichtet, oder aber wenn das Unternehmen das Darlehen abschreiben muss. Die Abschreibung dieses Darlehens ist beim betroffenen Unternehmen nicht geschäftlich begründet. Zur Veranlagung der Verrechnungssteuer muss unter Umständen auf die Berechnung gemäss Tageswert zurückgegriffen werden, und ihre Rückerstattung ist insofern problematisch, als sie als Steuerflucht angesehen werden kann. Das dritte Beispiel befasst sich mit der Frage der Bestellung der Aktiven des betroffenen Unternehmens als Sicherheit (häufig in Form eines Hypothekenbriefs) für ein vom Käufer bei einer Bank aufgenommenes Darlehen. In der jüngeren Entwicklung der Rechtsprechung zeichnet sich ab, dass eine Verarmung des betroffenen Unternehmens auch dann angenommen wird, wenn man sich auf eine wahrscheinliche und hypothetische Geltendmachung der Sicherheit einstellen muss. Damit erfährt die Theorie der indirekten Teilliquidation eine erhebliche Erweiterung. CV/CHW 1018 Der Schweizer Treuhänder 11/03