Cat. 2.412.67.8.2. M e Claire Bernard, conseillère juridique Direction de la recherche, de l éducation-coopération et des communications



Documents pareils
AVANT-PROJET DE RÈGLEMENT PORTANT SUR L INSCRIPTION ET COMMENTAIRES

EXPERTISE DU RÉSEAU FADOQ EN MATIÈRE DE RÉSIDENCES POUR AÎNÉS... 2

Certification des ressources d hébergement en toxicomanie ou en jeu pathologique

En tout temps, vous pouvez accéder à votre dossier à la Régie grâce au service en ligne Mon dossier. Profitez aussi de nos autres services en ligne :

PRÉAMBULE. La version administrative reproduit l intégralité des Règles et Principes directeurs de l ACFM.

RECOMMANDATIONS COMMISSION

CRÉDIT D IMPÔT POUR LA PRODUCTION DE TITRES MULTIMÉDIAS VOLET GÉNÉRAL INVESTISSEMENT QUÉBEC

RÉGIME d assurance collective CSQ. À la disposition des membres des syndicats affiliés à la Centrale des syndicats du Québec

Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, la Loi sur le régime de rentes du Québec et d autres dispositions législatives

document révisé le

LE QUÉBEC ADOPTE LA LOI SUR LES RÉGIMES VOLONTAIRES D ÉPARGNE-RETRAITE

Consultation sur le référencement entre assureurs de dommages et carrossiers. Commentaires présentés à L Autorité des marchés financiers

AVIS SUR L ACCÈS DES ENFANTS AYANT DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES AUX SERVICES DE GARDE À L ENFANCE

RÈGLEMENT RELATIF À LA SÉCURITÉ DES VOYAGEURS. TC numéro 0-16 Approuvé le 31 mars, 2000 {R- 33}

Liste des recommandations

Certification des résidences privées pour personnes âgées Orientation en vue de l adoption d un règlement relatif aux critères sociosanitaires

Pour l exclusion des offices d habitation des décrets sur le personnel d entretien des édifices publics

Polyvalente de la Forêt «À la Forêt, mes réussites sont ma fierté!»

REGLEMENT INTERIEUR DU RESTAURANT SCOLAIRE Impasse Manificat ECOLE MATERNELLE ET ELEMENTAIRE ALICE SALANON ECOLE PRIMAIRE SAINTE ANNE

Le contrôle de la qualité des services

ÉBAUCHE POUR COMMENTAIRE MODALITÉS RELATIVES AUX ADJUDICATIONS DES OBLIGATIONS À TRÈS LONG TERME DU GOUVERNEMENT DU CANADA

POLITIQUE RELATIVE AUX CRITÈRES RÉGISSANT L ADMISSION ET L INSCRIPTION DES ÉLÈVES PRÉSCOLAIRE, PRIMAIRE ET SECONDAIRE

Règlement intérieur du service de restauration scolaire 2015 / 2016

COMMISSION D ACCÈS À L INFORMATION

RECOMMANDATIONS DÉPARTEMENTALES. Pour les Maisons d assistants maternels (MAM)

Projet de loi n o 30 (2003, chapitre 25)

GUIDE D ENCADREMENT DES STAGES EN MILIEU DE TRAVAIL POUR LES ÉTUDIANTS INSCRITS À UN PROGRAMME DE DESS OU DE MAÎTRISE PROFESSIONNELLE ADMISSIBLE

Mémoire relatif au Règlement sur le dépannage et le remorquage des véhicules sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal

Commentaires sur le projet de lignes directrices (G3) pour l évaluation de la durabilité de la Global Reporting Initiative

se de dema Trouss K0A 1W11 La Municipalité de Russell d évènements spéciaux nde pour l utilisation/

Énoncé de principes. AcSB/PSAB. Amélioration des normes pour les organismes sans but lucratif

Foire aux questions Régime médicaments du Nouveau-Brunswick Le 10 décembre 2013

Guide sur les mutuelles de formation. Règlement sur les mutuelles de formation

Loi électorale du Canada : Questions fréquemment posées par les organisations de travailleurs et travailleuses

Fiche d information à l intention des parents. Volet 2 Les options résidentielles

L 92/28 Journal officiel de l Union européenne

FICHE D INFORMATION À L INTENTION DES PARENTS. Volet 2 - Les options résidentielles

Règles concernant les avantages accessoires du secteur parapublic

Décision du Défenseur des droits MDE-MSP

BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE DE CORNWALL POLITIQUES ET PROCÉDURES

RÉSUMÉ DES MESURES FISCALES DU BUDGET DU QUÉBEC DU 26 MARS 2015

Pour pouvoir fréquenter le restaurant scolaire, l inscription préalable est obligatoire.

POLITIQUE 4.1 PLACEMENTS PRIVÉS

LSSSS. Aux fins du deuxième alinéa: Page 1 sur 13

RÉGIMES D ASSURANCE SALAIRE (RAS) MISE À JOUR DE

CHAPITRE V III: LES RESSOURCES MATÉRIELLES

Introduction et sommaire

ÉDUCATION Côtes d Armor. Collèges publics. Charte de la restauration collective DIRECTION JEUNESSE PATRIMOINE IMMOBILIER

Arrêté royal du 27 mars 1998 relatif à la politique du bien-être des travailleurs lors de l exécution de leur travail (M.B

Français. Fonds de secours. Caisse commune des pensions du personnel des Nations Unies

conférence de la haye de droit international privé L ABC de l Apostille Garantir la reconnaissance de vos actes publics à l étranger

NORME 5 NORMES ET PROCÉDURE D AUTO-ACCRÉDITATION

GUIDE D INFORMATION OUVERTURE D UNE RÉSIDENCE POUR PERSONNES ÂGÉES

GUIDE DES AVANTAGES POST RETRAITE [Régime d'assurance vie]

Droits et obligations des travailleurs et des employeurs

Guide de la pratique sur les réserves aux traités 2011

Délivrance de l information à la personne sur son état de santé

COMMISSION DE L ÉQUITÉ SALARIALE

Service On Line : Gestion des Incidents

Foire aux questions Généralités

PROGRAMME DE BOURSES D ÉTUDES APPUYONS NOS TROUPES

ARRANGEMENT EN VUE DE LA RECONNAISSANCE MUTUELLE DES QUALIFICATIONS PROFESSIONNELLES ENTRE LE BARREAU DU QUÉBEC LE CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX

4.12 Normes et modalités des services de garde

Guide pratique pour les clubs

ÉCOCONCEPTION ET ÉTIQUETAGE ÉNERGÉTIQUE

Comment une pension alimentaire impayée peut avoir un effet sur la responsabilité d une société

POLITIQUES EN MATIÈRE DE GARDE D ENFANTS

OBJECTIF FORMATION ANIMATION QUALITE

COMPRENDRE LA GESTION DES SUCCESSIONS DANS LES RE SERVES

COMMISSION DE L ÉQUITÉ SALARIALE

Service Enfance et Scolaire Réf : MB/JH. Edito de Monsieur le Maire

Administration canadienne de la sûreté du transport aérien

Le 12 avril Monsieur Robert Dutil Ministre du Revenu 3800, rue Marly Dépôt e étage Québec (Québec) G1X 4A5

le QuEbec POUR Enrichir Affirmer les valeurs communes de la société québécoise

REGLEMENT INTERIEUR SERVICE DE RESTAURATION SCOLAIRE. Pris en application de la délibération du Conseil Municipal du 10 mars 2011

Avant-projet de loi. Loi modifiant le Code civil et d autres dispositions législatives en matière d adoption et d autorité parentale

Guide d application du Règlement sur la formation continue obligatoire des inhalothérapeutes

EXIGENCES MINIMALES RELATIVES À LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS LORS DE SONDAGES RÉALISÉS PAR UN ORGANISME PUBLIC OU SON MANDATAIRE

POLITIQUE RELATIVE AUX LOIS ANTI CORRUPTION D ALCOA, INC.

REGLEMENT INTERIEUR du RESTAURANT SCOLAIRE de la COMMUNE de LINXE

Compte rendu de l examen par le BSIF des coefficients du risque d assurance

Règlement du Programme de bourse de démarrage de cabinet de l AJBM. 1- Objectifs

Proposition d Assurance acheteur unique ou d Assurance frustration de contrat Remplir le présent formulaire et le présenter à EDC

Mémoire sur l avant-projet de loi Loi sur la normalisation juridique des nouvelles technologies de l information. Présenté à

ANNÉE D INITIATION AU LEADERSHIP À L INTENTION DES AUTOCHTONES (AILA) RENSEIGNEMENTS ET QUESTIONNAIRE À L INTENTION DES POSTULANTS PARTIE I

2.2.5 LA SOCIÉTÉ DE L ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

A V I S N Séance du mercredi 1er avril

Manuel d utilisation pour la plateforme BeExcellent MANUEL D UTILISATION POUR LA PLATEFORME BEEXCELLENT

LA CAISSE DESJARDINS DE QUÉBEC

CHARTE DU COMITÉ DES RESSOURCES HUMAINES ET DE RÉMUNÉRATION DU CONSEIL D ADMINISTRATION DE TIM HORTONS INC.

Entente administrative sur la certification de produits conclue entre. la Direction générale de Transports Canada, Aviation civile (TCAC)

Dossier d inscription English Club Année

PROGRAMME DE LOGEMENTS AVEC SERVICES DE SOUTIEN LIGNES DIRECTRICES OPÉRATIONNELLES

Repérage de la perte d autonomie

FINANCEMENT D ENTREPRISES ET FUSIONS ET ACQUISITIONS

RÈGLEMENT RELATIF À LA DÉLIVRANCE ET AU RENOUVELLEMENT DU CERTIFICAT DE REPRÉSENTANT (n o 1)

LE CONTENU DES MODALITÉS DE SERVICE

ENQUETE DE SATISFACTION

Recommandez Sunrise. Un partenaire de confiance.

À L A D I S P O S I T I O N D E S M E M B R E S D E S Y N D I C A T S A F F I L I É S À L A C E N T R A L E D E S S Y N D I C A T S D U Q U É B E C

Transcription:

Cat. 2.412.67.8.2 COMMENTAIRES SUR LE PROJET DE RÈGLEMENT SUR LES CONDITIONS D OBTENTION D UN CERTIFICAT DE CONFORMITÉ ET LES NORMES D EXPLOITATION D UNE RÉSIDENCE PRIVÉE POUR AÎNÉS M e Claire Bernard, conseillère juridique Direction de la recherche, de l éducation-coopération et des communications Le 9 juillet 2012

TABLE DES MATIÈRES 1 LES EXEMPTIONS À L APPLICATION DU RÈGLEMENT... 2 2 LES LIMITES D UNE RÉSIDENCE RELATIVES À SA CAPACITÉ D HÉBERGER DES PERSONNES PRÉSENTANT UNE INCAPACITÉ... 7 3 LES EXIGENCES PROPOSÉES EN MATIÈRE DE FORMATION... 7 4 L ÉVALUATION DE L AUTONOMIE... 8 5 L ABSENCE DE DÉFINITION DE PERSONNES ÂGÉES AUTONOMES ET DE PERSONNES ÂGÉES SEMI-AUTONOMES... 8 Page i

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a pour mission d assurer, par toutes mesures appropriées, la promotion et le respect des principes inscrits dans la Charte des droits et libertés de la personne 1. La Commission, dont les membres sont nommés par l Assemblée nationale 2, a la responsabilité d analyser les textes législatifs pour vérifier leur conformité aux principes contenus dans la Charte et de faire les recommandations qu elle estime appropriées 3. C est à ce titre que la Commission formule des commentaires sur le projet de règlement sur les conditions d obtention d un certificat de conformité et les normes d exploitation d une résidence privée pour aînés 4. Ce projet de règlement vise à remplacer, dans la foulée de modifications à la Loi sur les services de santé et les services sociaux 5 adoptées en novembre 2011 6, l actuel Règlement sur les conditions d obtention d un certificat de conformité de résidence pour personnes âgées 7. La Commission est très heureuse de constater que le projet de règlement introduit plusieurs dispositions qui répondent à des recommandations qu elle fait depuis plusieurs années 8, en particulier celles qui concernent le respect du bail, le code d éthique, la formation du personnel 1 2 3 4 5 6 7 8 L.R.Q., c. C-12 (ci-après «Charte»), art. 57 al. 1 et 2. Charte, art. 58 al. 2. Charte, art. 71 al. 1 et al. 2 (6 ). (2012) 144 G.O. II, 2795 (ci-après «projet de règlement»). L.R.Q., c. S-4.2. Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière de santé et de services sociaux afin notamment de resserrer le processus de certification des résidences privées pour aînés, L.Q. 2011, c. 27. Ce premier règlement à assujettir les résidences privées pour personnes âgées à des normes de contrôle a été adopté en 2006 : Décret 1168-2006 du 18 décembre 2006, (2007) 139 G.O. II, 89. Voir : COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, L exploitation des personnes âgées : vers un filet de protection resserré. Rapport de consultation et recommandations, 2001; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Rapport sur la mise en œuvre des recommandations formulées dans le rapport Vers un filet de protection resserré, 2005; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Commentaires portant sur les orientations du ministère de la Santé et des Services sociaux en vue de l adoption d un règlement relatif aux critères sociosanitaires devant servir à la certification de conformité des résidences pour personnes âgées, 2006; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Notes pour la présentation de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse devant la Commission de la santé et des services sociaux de l Assemblée nationale à l occasion des consultations particulières sur le Projet de loi n 56, Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la certification de certaines ressources offrant de l hébergement, 2009; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Mémoire à la Commission de la santé et des services sociaux de l Assemblée nationale, Projet de loi n 16, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière de santé et de services sociaux afin notamment de resserrer le processus de certification des résidences pour personnes âgées, 2011. Page 1

et les mesures pour assurer le droit à l information des résidents. De plus, elle observe avec satisfaction que le gouvernement a tenu compte des commentaires qu elle a formulés sur l avant-projet de règlement sur les conditions d obtention d un certificat de conformité et les normes d exploitation d une résidence pour personnes âgées 9. Les présents commentaires porteront sur des éléments spécifiques du projet de texte règlementaire. 1 LES EXEMPTIONS À L APPLICATION DU RÈGLEMENT Conformément à l article 346.0.1 de la Loi, le projet de règlement distingue deux catégories de résidences, les résidences pour personnes âgées autonomes et les résidences pour personnes âgées semi-autonomes. Ces deux catégories sont déterminées en fonction du type et du nombre de services qui y sont offerts 10. Certaines normes et règles s appliqueraient à toutes les résidences, alors que d autres viseraient spécifiquement l une ou l autre des catégories. Les articles 4 à 6 du projet de règlement proposent d introduire des sous-catégories de résidences qui seraient définies selon la nature du lien unissant l exploitant aux résidents et selon la taille de la résidence. Les résidences visées seraient partiellement ou totalement exemptées de respecter les obligations imposées par le règlement. En vertu de l article 4 11, les résidences qui accueilleraient exclusivement moins de cinq personnes liées au sens du paragraphe 10 de l article 1 12, seraient entièrement exemptées de l application du règlement. Qui plus est, elles seraient totalement exclues du régime de 9 10 11 12 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Commentaires préliminaires sur l Avant-projet de règlement sur les conditions d obtention d un certificat de conformité et les normes d exploitation d une résidence pour personnes âgées, 2011. Projet de règlement, art. 2. Les résidences entrant dans la première catégorie sont celles qui n offrent pas de services d assistance personnelle et de soins infirmiers. «Le présent règlement de même que la sous-section 2.1 de la section II du chapitre I du titre I de la partie III de la Loi ne s appliquent pas à l exploitant d une résidence privée pour aînés qui accueille exclusivement moins de cinq personnes liées.» «[O]n entend par : [ ] personne liée : toute personne liée à l exploitant par la parenté, le mariage, l union civile ou l union de fait». Page 2

certification des résidences établi en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 13. Autrement dit, les personnes résidant dans cette sous-catégorie de résidence ne bénéficieraient d aucun des droits conférés par la Loi et par le règlement, même semble-t-il, dans les cas où elles louent la chambre ou le logement et rétribuent les services que leur offre l exploitant. En effet, la définition de personne liée ne mentionne pas le caractère ou non rémunéré de l occupation de la chambre ou du logement ou des services. La Commission conçoit tout à fait que le régime de certification ne s applique pas dans le contexte d entraide conjugale ou familiale, d autant que tant la Charte 14 que le Code civil 15 prévoient des obligations conjugales et familiales en termes implicites ou explicites. Cependant, elle considère que cette exclusion n a pas sa raison d être lorsque la chambre ou le logement et les services sont offerts en contrepartie d un paiement. Elle recommande donc que le projet de règlement soit amendé afin de limiter l exemption visant les personnes liées aux situations où la chambre ou le logement et les services ne sont pas offerts contre rémunération. Cela n exclurait pas que la personne âgée puisse contribuer aux frais qu encourt le proche pour s occuper d elle, comme par exemple les frais de nourriture ou de produits d entretien. Par ailleurs, La Commission invite les agences à appliquer la définition de parenté de manière à inclure les liens de parenté reconnus dans des cultures traditionnelles. Les articles 5 et 6 du projet de règlement proposent des sous-catégories définies en fonction de la taille de la résidence : les résidences qui accueillent moins de six résidents, les résidences pour aînés semi-autonomes qui comptent moins de dix chambres ou logements et les 13 14 15 Préc., note 5, art. 346.0.1 et suiv. Charte, art. 48 : «Toute personne âgée ou toute personne handicapée [ ]. Telle personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu.» Code civil du Québec, article 585 : «Les époux et conjoints unis civilement de même que les parents en ligne directe au premier degré se doivent des aliments.» Page 3

résidences pour aînés autonomes qui comptent moins de dix chambres ou logements 16. Cette catégorisation vise à exclure les résidences de petite taille de l application de certaines dispositions du règlement. Ce régime d exception vise manifestement à alléger le poids des obligations des exploitants de petites résidences. Cependant, les personnes habitant dans ces résidences seraient du fait même privées des droits et des protections correspondant à ces obligations. Or, les personnes vivant dans les petites résidences sont tout autant, sinon dans certains cas davantage en situation de vulnérabilité que celles vivant dans des résidences plus grosses. Notre équipe d intervention spécialisée en matière de lutte contre l exploitation de personnes âgées agit régulièrement dans des petites résidences. La Commission tient tout d abord à souligner que ce régime d exception ne devrait pas pouvoir s appliquer à un exploitant qui gère plusieurs petites résidences. Elle se demande d autre part si la limite du nombre de résidents vise uniquement les personnes âgées ou le nombre total de résidents. Autrement dit, elle souhaite que la sous-catégorisation en fonction du nombre de résidents ne permette pas à l exploitant d une résidence accueillant une clientèle mixte de se soustraire à l application du règlement. Elle considère par ailleurs que les obligations imposées ne sont pas toutes onéreuses au point de justifier que les petites résidences en soient exemptées, comme le démontrera notre analyse des exceptions envisagées dans le projet de règlement. Ainsi, les résidences qui accueillent moins de six résidents ou qui comptent moins de dix chambres ou logements ne seraient pas obligées «[d ] élaborer à l intention de tout nouveau membre du personnel un programme d accueil et d intégration à la tâche lui permettant de se 16 «5. Les articles 3, 14, 17 à 20, 37, 49, 57, le deuxième alinéa de l article 64 et les articles 65 et 70 ne s appliquent pas à l exploitant d une résidence privée pour aînés qui accueille moins de six résidents. 6. Les articles 3 et 20, de même que les deuxièmes alinéas des articles 64 et 65 ne s appliquent pas à l exploitant d une résidence privée pour aînés qui accueille six résidents ou plus mais qui compte moins de dix chambres ou logements. De plus, l article 14 ne s applique pas à l exploitant d une telle résidence dont les services sont destinés à des personnes âgées autonomes.» Page 4

familiariser avec son nouvel environnement de travail ainsi qu avec les tâches inhérentes à ses fonctions et [de] l appliquer» 17. Il nous semble qu un tel programme pourrait être mis en place, sans être nécessairement lourd ou très élaboré. Le ministère ou les agences pourraient proposer aux petites résidences des modèles, qui pourraient être adaptables selon les catégories de services qu elles offrent. Les résidences qui accueillent moins de six résidents ne seraient pas tenues de mettre en place des procédures en cas de danger pour la vie ou l intégrité d un résident, en cas de décès d un résident, cas d absence inexplicable d un résident et en cas de chaleur accablante 18. La Commission considère qu à partir du moment où des résidences accueillent des personnes qui sont à risque de se retrouver dans une de ces situations, il y a lieu qu elles prévoient des procédures minimales, telles qu appeler le service d urgence 911. Elle propose que la liste des éléments prescrits par l annexe II soit adaptée à la réalité des petites résidences tout en en préservant la sécurité des résidents. L exemption pour ces petites résidences de faire connaître aux membres de leur personnel le «Guide de prévention des infections dans les résidences privées pour aînés», un outil produit par la Direction générale de la santé publique, 19 ne nous semble pas non plus justifiée. L exemption d adopter un code d éthique ne l est pas plus 20. Le ministère ou les agences pourraient toutefois alléger le fardeau des petites résidences en élaborant un modèle. Les exemptions de remettre un document d information avant la conclusion du bail 21 et de tenir un registre des incidents et des accidents 22 constituent également un affaiblissement de moyens permettant d assurer le respect des droits qui ne nous semble pas justifiée. La lourdeur que peut représenter ces moyens pourrait être atténuée, par exemple en n exigeant pas la 17 18 19 20 21 22 Projet de règlement, art. 5, 6 et 20. Projet de règlement, art. 5, 17 et annexe II. Projet de règlement, art. 5 et 18. Projet de règlement, art. 5 et 37. Projet de règlement, art. 5, 49 et 70. Projet de règlement, art. 5 et 57. Page 5

désignation d une personne responsable du registre 23, dans la mesure où l exploitant pourrait exercer ce rôle. Les résidences qui offrent des services de repas ne seraient pas tenues «[d ]afficher visiblement, dans un lieu accessible, une grille de menus couvrant au minimum une période de trois semaines pour consultation par les résidents et leurs proches» 24 si elles accueillent moins de six résidents ou si elles comptent moins de dix chambres ou logements. S il est vrai tout le monde ne possède pas d ordinateur et d imprimante pour réaliser cette tâche, il nous semble qu il est relativement simple de transcrire le menu à la main et de l afficher. Les résidences qui offrent des services de loisirs ne seraient pas tenues «[d ]offrir aux résidents des activités organisées d animation ou de divertissement qui sont variées et adaptées au profil de la clientèle de la résidence et qui favorisent la socialisation» 25 et «[d ]afficher visiblement, à la fin de chaque mois et dans un lieu accessible, un calendrier des activités de loisirs couvrant une période d au moins un mois pour consultation par les résidents et leurs proches» 26, si elles accueillent moins de six résidents. Celles qui comptent moins de dix chambres ou logements seraient exemptées de la deuxième obligation 27. Il nous semble qu étant donné que les résidences ne sont pas obligées d offrir des services de loisirs 28, à partir du moment où elles choisissent de proposer cette catégorie de services, elles devraient s engager à ce que les activités qu elles offrent soient à tout le moins adaptées au profil de la clientèle de la résidence et propices à la socialisation. L obligation d affichage ne nous semble pas non plus disproportionnée, quitte à en assouplir les modalités. En résumé, la Commission recommande que les dispositions en cause soient révisées afin d introduire les assouplissements, lorsqu ils sont nécessaires, plutôt que de prévoir une 23 24 25 26 27 28 Projet de règlement, art. 57 al. 2. Projet de règlement, art. 5, 6 et 64 al. 2. Projet de règlement, art. 5 et 65 al. 1. Projet de règlement, art. 5 et 65 al. 2. Projet de règlement, art. 6 et 65 al. 2. Voir l article 7 de la Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière de santé et de services sociaux afin notamment de resserrer le processus de certification des résidences privées pour aînés et l article 2 du projet de règlement. Page 6

exclusion globale de certaines obligations pour les petites résidences. Elle recommande également que le ministère élabore des modèles de documents ou procédures pour faciliter la tâche des petites résidences ou confie aux agences la responsabilité de les élaborer. Finalement, elle réitère que le régime d exception ne devrait pas permettre à l exploitant qui gère plusieurs petites résidences ou à l exploitant d une résidence accueillant une clientèle mixte de personnes âgées et d autres catégories de personnes de contourner le règlement. 2 LES LIMITES D UNE RÉSIDENCE RELATIVES À SA CAPACITÉ D HÉBERGER DES PERSONNES PRÉSENTANT UNE INCAPACITÉ Le projet de règlement mentionne à plusieurs reprises qu un exploitant peut préciser les conditions d accueil des personnes présentant une incapacité et les limites de la résidence quant à sa capacité d héberger ces personnes 29. La Commission souhaite cependant rappeler que les exploitants des résidences privées doivent exercer ce pouvoir dans le respect du droit à l égalité des résidents, garanti par les articles 10, 12 et 13 de la Charte. Les exploitants de résidences sont par conséquent assujettis, comme toute autre personne qui offre des biens et des services, à l obligation d accommodement raisonnable. 3 LES EXIGENCES PROPOSÉES EN MATIÈRE DE FORMATION La Commission réitère que la formation du personnel responsable des services de repas devrait comporter un volet sur la préparation de menus adaptés aux besoins nutritionnels particuliers des résidents 30. Elle a en effet constaté, au cours de certaines enquêtes dans des résidences privées, des atteintes graves au droit à la sûreté et à l intégrité résultant de la connaissance insuffisante par les membres du personnel des besoins alimentaires des résidents. 29 30 Projet de règlement, art. 11 al. 1 (7 ), 49 al. 1 (3 ) et art. 63 al. 2. COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, Mémoire à la Commission de la santé et des services sociaux de l Assemblée nationale, Projet de loi n 16, préc., note 8, p. 4. Page 7

4 L ÉVALUATION DE L AUTONOMIE Le projet de règlement prévoit des dispositions relatives à l évaluation de l autonomie d un résident ou d une personne qui souhaite devenir résidente 31. Elles ont le mérite de prescrire les outils d évaluation qui pourront être utilisés, à savoir le formulaire Prisma-7 et le système de mesure de l autonomie fonctionnelle (le SMAF). Par contre, les dispositions proposées sont très vagues en ce qui concerne les modalités de la réalisation de ces évaluations. La Commission rappelle qu elle avait indiqué, dans ses commentaires sur l avant-projet de règlement, qu il était «nécessaire de clarifier les conséquences juridiques, d une part, lorsqu un refus d être évaluée entraîne le risque que la personne ne reçoive pas les services adaptés à ses besoins, crainte que certains groupes ont soulevée, et d autre part, du fait qu un exploitant invoque son obligation de proposer des évaluations afin de faire une sélection potentiellement discriminatoire des résidents actuels ou des candidats résidents» 32. De plus, la Commission recommande que l évaluation de l autonomie soit réalisée de manière indépendante et par des personnes formées pour le faire, afin de prévenir les risques d exploitation de la personne âgée. 5 L ABSENCE DE DÉFINITION DE PERSONNES ÂGÉES AUTONOMES ET DE PERSONNES ÂGÉES SEMI-AUTONOMES Comme on l a vu plus haut, le projet de règlement distingue les résidences pour personnes âgées autonomes et les résidences pour personnes âgées semi-autonomes. Les résidences pour personnes âgées semi-autonomes sont celles qui offrent des services d assistance personnelle ou des soins infirmiers 33. Toutefois, ni la Loi sur les services de santé et les services sociaux ni le projet de règlement ne définissent ce qu on entend par «personnes 31 32 33 Projet de règlement, art. 49 al. 1 (7 ), 62 al. 1 et 73. Préc., note 9, p. 9. Projet de règlement, art. 2 (2 ). Page 8

âgées autonomes» et «personnes âgées semi-autonomes», bien que la distinction entre ces deux groupes de résidents constitue un des éléments substantiels du règlement. Dans le même ordre d idée, la Commission s interroge sur la signification et les conséquences de l article 68 du projet de règlement. Cette disposition prévoit ce qui suit : «L exploitant d une résidence visée par la présente section ne peut accueillir une personne âgée qui, avant son arrivée dans la résidence, présente des troubles cognitifs nécessitant une surveillance constante à moins que cette surveillance ne soit assurée par un tiers.» Est-ce qu il faut comprendre que le niveau d autonomie de la personne se mesure en fonction du statut des personnes qui assurent sa surveillance plutôt qu en fonction de son autonomie fonctionnelle? Pendant combien de temps cette surveillance devra-t-elle être assumée par un tiers? Est-ce que la résidence deviendra mixte, au sens de l article 3, une fois que la résidence commencera à assumer la surveillance de la personne âgée? En conclusion, la Commission espère que ces commentaires et recommandations contribueront à bonifier le projet de règlement. Elle invite le ministère à mettre en place les ressources nécessaires pour que puissent être assurée tant la mise en œuvre des nouvelles normes que les mécanismes de surveillance. CB/cl Page 9