Pour une rationalisation des droits de préemption immobilière et commerciale



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Transcription:

Rapports et études Les prises de position de la Chambre de commerce et d industrie de Paris Pour une rationalisation des droits de préemption immobilière et commerciale Propositions de la CCIP Rapport de Monsieur Gérald Barbier Avec la collaboration de Mesdames Dominique Moreno et Marion Yvorel, département de droit public et économique et Madame Sophie Deswarte, DET-DL à la Direction Générale Adjointe chargée des Etudes, de la Prospective et de l Innovation Présenté au nom de la Commission du commerce et des échanges et de la CADER et adopté par l'assemblée générale du 19 février 2009

- SYNTHESE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS - Le Code de l urbanisme comporte une pluralité de droits de préemption mis à la disposition des collectivités publiques, en particulier des communes. Le plus utilisé est le droit de préemption urbain immobilier, auquel s est ajoutée la préemption commerciale. Le droit de propriété et la liberté d entreprendre sont donc en cause et l entreprise est touchée dans sa cession ou sa transmission. Face à une forte poussée contentieuse (40 % des décisions sont annulées), le Conseil d Etat a étudié des pistes d amélioration de la préemption immobilière. Dans ce contexte, la CCIP formule des propositions de réforme générale des droits de préemption immobilière et commerciale, afin que ceux-ci soient utilisés avec une grande circonspection et demeurent exceptionnels, dans un souci de sécurité juridique de tous les acteurs impliqués. 1. La préemption immobilière a. Sur le bien-fondé du recours à la préemption Maintenir une exigence de motivation des considérations d intérêt général ayant justifié la décision de préemption ; une motivation par renvoi à un document d urbanisme supposant que ses dispositions soient suffisamment précises. b. Sur la procédure de préemption Conforter la commune comme le «guichet unique» du dépôt de toutes les déclarations préalables de cession, quel que soit le droit de préemption concerné ; prévoir la mention de l identité de l acquéreur pressenti et son activité ; 2

imposer la simultanéité entre le transfert de propriété à la collectivité préemptrice et le paiement du prix, tout en réduisant le délai de paiement à trois mois et en prévoyant, sur demande du vendeur, une sanction de caducité de la décision de préemption. Le vendeur devrait alors retrouver sa liberté d aliénation sans être tenu par le prix de la DIA ou le prix judiciaire ; quant à cette procédure judiciaire de fixation du prix, mettre en place des dispositifs de médiation préalable sous l égide du préfet et ne prévoir la saisine du juge de l expropriation par l une ou l autre des parties (collectivité publique ou vendeur) qu en cas d échec. Ce juge ne pourrait fixer un prix diminuant de plus de 10 % celui de DIA ; l avis des domaines devrait être confronté à d autres estimations, comme celle de la chambre départementale des notaires. c. Sur la phase postérieure à la préemption En cas de renonciation par la commune à préempter, imposer des garanties au profit du vendeur, compensant toute différence dans les prix de cession ; créer un bloc de compétence vers le juge administratif portant sur l annulation de la décision de préemption et des actes contractuels en découlant ; consacrer légalement un droit à indemnisation du vendeur ou de l acquéreur évincé en cas d annulation de la décision de préemption quel qu en soit le motif ; cette indemnisation ne pouvant être inférieure à 10 % du prix. 2. La préemption commerciale a. Sur la délimitation du périmètre d intervention Instaurer des périmètres ciblés plutôt que des périmètres couvrant l ensemble de la commune, difficiles à motiver ; 3

imposer l obligation pour la commune de préciser les motifs les ayant conduits à s écarter de l avis des chambres consulaires ; prévoir, dans un souci de transparence et d information des acteurs concernés, une réelle publicité de la délibération du conseil municipal arrêtant le périmètre de préemption : annexion au PLU, transmission aux chambres consulaires, aux services fiscaux, aux greffes des TGI et des tribunaux de commerce, aux barreaux et aux chambres départementales des notaires. b. Sur l exercice de la préemption Imposer, dans la déclaration préalable du cédant, la mention de l activité de l acquéreur pressenti, afin que la commune puisse prendre sa décision de préempter ou de renoncer en toute connaissance de cause, eu égard à l objectif de diversité commerciale ; introduire la possibilité de motiver la décision individuelle par référence aux dispositions de diversité commerciale inscrites dans la délibération arrêtant le périmètre, à condition qu elles soient suffisamment précises et qu elles correspondent à l action individuelle de préemption. ne prévoir la saisine du juge de l expropriation par la commune que si celle-ci démontre que le prix indiqué dans la déclaration préalable est manifestement excessif par rapport au prix du marché. 4

c. Sur la phase postérieure à la préemption et la rétrocession En cas de non paiement du prix, introduire, à l instar du droit commun, une possibilité de rétrocession du bien ou du bail au cédant qui recouvrirait ensuite sa totale liberté d aliénation ; en cas de renonciation par la commune à préempter après fixation judiciaire du prix de vente, rendre au commerçant-cédant toute sa liberté d aliénation de son bien, sans qu il soit tenu par le prix fixé par le juge ni par celui de sa déclaration ; en cas d annulation de la décision de préemption, interdire pendant un an toute action de préemption sur le même bien, le commerçant recouvrant sa totale liberté de cession ; prescrire dans la loi les obligations précises de la commune à l égard du bailleur (indemnisation des pertes de loyers) et des salariés du cédant. 5

- SOMMAIRE - TITRE 1 LA PREEMPTION IMMOBILIERE 9 I. L UTILISATION DU DROIT DE PREEMPTION URBAIN 10 A. OBJET DE LA PREEMPTION 10 B. MOTIVATION DE LA DECISION DE PREEMPTION 12 II. PROCEDURE DE PREEMPTION 13 A. PHASES DE LA PREEMPTION 13 B. DETERMINATION DU PRIX 15 III. PHASE POSTERIEURE A LA PREEMPTION 16 A. RENONCIATION 16 B. RETROCESSION 17 C. ANNULATION DE LA DECISION DE PREEMPTION 18 TITRE 2 LA PREEMPTION COMMERCIALE 20 I. DELIMITATION PREALABLE DU PERIMETRE D INTERVENTION 21 A. MOTIVATION 21 B. AVIS PREALABLE DES CHAMBRES CONSULAIRES 22 C. MESURES DE PUBLICITE 22 II. EXERCICE DE LA PREEMPTION : ENTRE DROIT COMMUN ET SPECIFICITE 23 A. DECLARATION PREALABLE DU CEDANT 23 B. DECISION DE PREEMPTION 25 C. FIXATION JUDICIAIRE DU PRIX 25 D. PASSATION DE L ACTE DE VENTE ET PAIEMENT DU PRIX 26 III. RETROCESSION PAR LA COMMUNE DANS LE DELAI D UN AN 27 A. RECHERCHE D UN REPRENEUR PAR LA COMMUNE 27 B. EXPLOITATION DU FONDS PENDANT LA PERIODE TRANSITOIRE D UN AN 28 C. ACTE DE RETROCESSION OU ABSENCE DE REPRENEUR 28 LA PREEMPTION DES FONDS, BAUX ET TERRAINS COMMERCIAUX DANS L AGGLOMERATION PARISIENNE ETAT DES LIEUX DES PERIMETRES D INTERVENTION EN 2008 31 6

Instaurée en droit français il y a une cinquantaine d années, la préemption est devenue un instrument incontournable des politiques urbaines. Il s agit d un mode forcé d acquisition qui consiste en la possibilité, pour une personne publique, de se substituer à l acquéreur d un droit ou d un bien mis en vente pour en faire l acquisition à sa place. Cette technique consacre l immixtion, au nom de l intérêt général, de l administration au sein de transactions privées. Le Code de l urbanisme propose un large éventail de droits de préemption, auxquels les collectivités publiques ont fréquemment recours pour réaliser leurs projets ou résoudre les problèmes de leurs territoires, avec des objectifs différents. D une part, un tel dispositif peut être instauré à des fins de protection de l environnement. Les départements se voient ainsi dotés d un droit de préemption pour : sauvegarder leurs espaces naturels sensibles (article L. 142 du Code de l urbanisme) ; protéger et mettre en valeur les espaces agricoles et naturels périurbains (article L. 143-1). D autre part, au titre de l urbanisme opérationnel, il existe un droit de préemption centralisé : celui des zones d aménagement différé (ZAD) (article L. 212 et suivants). Dévolu par principe à l Etat, il peut être délégué par lui à une collectivité publique, un établissement public, une société d économie mixte (SEM) titulaire d'une convention d'aménagement, ou tout autre concessionnaire d une opération d aménagement. Il s exerce pour une durée de 14 ans sur toutes les ventes et cessions à titre onéreux de biens immobiliers ou de droits sociaux intervenant au sein de ces périmètres. Dans ce même objectif, on trouve les formes de préemption décentralisées vers les communes. Il s agit principalement du droit de préemption urbain (DPU), prévu à l article L. 211 du Code. Instauré par délibération du conseil municipal dans les communes dotées d un plan local d urbanisme (PLU) 1, il peut s exercer sur l ensemble des zones urbaines et à urbaniser. C est le plus utilisé en pratique et celui qui focalise les points d études. Enfin, en vertu de l article L. 214-1 2, les communes peuvent également se doter d un droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce, les baux commerciaux et certains terrains à usage commercial, afin de maintenir le commerce et l artisanat de proximité. Force est donc de constater la multitude de droits de préemption, confiés à des acteurs variés pour des objectifs hétéroclites. Or, la préemption constitue un dispositif très lourd, soumis à un formalisme pointilleux. En effet, elle porte directement atteinte à plusieurs libertés publiques. Elle heurte le droit de propriété dans la mesure où elle empêche le vendeur de céder son bien à la personne de son choix, et, en cas de fixation juridictionnelle du prix, à un tarif librement choisi par lui. Dans le cas de locaux, de fonds ou de baux commerciaux, c est, par ailleurs, la liberté d entreprendre que cet outil vient restreindre. Devant ces atteintes, il est donc nécessaire que les recours à la préemption soient clairement organisés. 1 Ou d une carte communale sous certaines conditions. 2 Dispositions insérées par la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. 7

Malgré les précautions prises par le législateur, ce dispositif génère une forte insécurité juridique, dont témoigne l importance du contentieux. On estime que 40 % des décisions de préemption sont annulées par le juge administratif, soit deux fois plus que dans les autres contentieux. De plus, la plupart des recours sont assortis d actions en référé-suspension, celles-ci étant favorisées par la présomption de condition d urgence en faveur de l acquéreur. Et là encore ces actions ont un fort taux de succès puisque la moitié des dossiers donne lieu à une suspension. Cette explosion du contentieux, sans équivalent dans les autres pans du droit de l urbanisme, n est pas imputable à une hausse du nombre de décisions de préemption. Ce phénomène s explique, d une part, par la difficulté des acteurs publics à respecter la procédure et, d autre part, par des possibilités de recours largement facilitées. Pour ces différentes raisons, la préemption est une question délicate. C est dans l esprit de rénover cet outil et de faciliter son acceptation que le gouvernement a chargé le Conseil d Etat d analyser la pratique du droit de préemption et de travailler sur les améliorations à lui apporter. Saisi en juillet 2006 par le Premier Ministre, la Haute Instance a rendu publiques ses observations au printemps dernier. Le rapport, réalisé par un groupe de travail composé de représentants des collectivités publiques, d élus locaux, de théoriciens du droit, et présidé par le Conseiller d Etat, Jean-Pierre Duport, dresse le bilan de plus de vingt années d utilisation de cet instrument d aménagement et propose de lui apporter plusieurs modifications. Ce sujet a un impact majeur sur l activité économique. Qu elle soit immobilière ou commerciale, la décision de préemption peut toucher l entreprise lors de sa cession ou de sa transmission. La CCIP a examiné les préconisations du Conseil d Etat et entend apporter sa contribution au débat. Elle a élargi sa réflexion à la préemption commerciale, thème très sensible pour le secteur du commerce. Compte tenu de la mise en cause du droit de propriété et de la liberté d entreprendre, cette technique doit rester d utilisation exceptionnelle ; la plus grande circonspection s impose dans un souci de sécurité juridique de tous les acteurs impliqués. 8

Titre 1 La préemption immobilière 9

I. L UTILISATION DU DROIT DE PREEMPTION URBAIN A. OBJET DE LA PREEMPTION Le champ d application de la préemption est particulièrement large. Le Code de l urbanisme prévoit qu elle peut être exercée en vue de la réalisation d actions ou opérations d aménagement répondant aux objets définis à l article L. 300-1, à savoir : mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l habitat, organiser le maintien, l extension ou l accueil des activités économiques, favoriser le développement des loisirs et du tourisme, réaliser des équipements collectifs, lutter contre l insalubrité, permettre le renouvellement urbain, sauvegarder ou mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti. En tout état de cause, pour que la préemption soit légale, l opération doit répondre à une fin d intérêt général. Théoriquement, cet outil a une visée anti-spéculative. Il permet, en pratique, aux collectivités d exercer une pression sur les prix de l immobilier et de contrer les anticipations financières liées à l annonce de la réalisation d équipements publics. Or, on a constaté plusieurs dérives fâcheuses, certaines collectivités profitant de la préemption pour acquérir des biens à bas prix et les revendre par la suite pour réaliser des plus-values, évidemment, cette activité de «marchand de biens» est contraire à la mission d intérêt général des collectivités publiques. Autre détournement illégal observé par le Conseil d Etat, l utilisation de la préemption à des fins discriminatoires : il s agit là de faire obstacle à un acquéreur ou à un projet jugé «indésirable». Les pratiques détournées de la préemption sont donc nombreuses et expliquent la charge contentieuse. On comprend mieux pourquoi le juge est particulièrement strict sur l obligation de motiver la décision 3. 2. Rapport du Conseil d Etat Face à la difficulté d apprécier l opportunité des recours à la préemption, le Conseil d Etat propose d en clarifier et d en réviser l objet. Le but ne serait pas de poursuivre le mouvement d extension de son champ d application, mais de la replacer dans l éventail des instruments de politique publique et d aménagement et de rationnaliser son utilisation à la ramenant à deux hypothèses. a. Resituer les droits de préemption face aux autres dispositifs d aménagement Afin de redéfinir la vocation des droits de préemption, la Haute Juridiction conseille de revoir la notion d aménagement public de manière plus large, afin qu elle intègre ses nouvelles missions comme la lutte contre l habitat insalubre ou encore la sécurité publique. 3 Art. L. 210-1 du Code de l urbanisme. 10

En parallèle, il s agirait de restaurer une hiérarchie entre les divers instruments de l action foncière pour éviter un recours systématique au droit de préemption. Le Conseil d Etat préconise, pour ce faire, d encadrer l usage du DPU en définissant deux hypothèses de recours : la mise en œuvre d une stratégie d aménagement dont les grandes lignes sont connues ; l acquisition ponctuelle de biens immobiliers dont l irruption sur le marché va catalyser la définition et la mise en œuvre d une action d aménagement. A ce titre, il serait opportun d insérer la préemption dans les documents d urbanisme existants. b. Distinguer entre la préemption planifiée et la préemption d opportunité Le nouveau droit de préemption correspondrait à une forme de préemption planifiée. Pour s en doter, il appartiendrait aux collectivités d adopter une décision définissant la stratégie ou les opérations d aménagement et délimitant avec précision les périmètres d intervention dans lesquels ce droit peut être exercé, dans les documents d urbanisme. Dans ces conditions, les hypothèses de recours au droit de préemption seraient celles prévues par le document adopté par l assemblée délibérante. Pour éviter une généralisation des recours à cet outil, il convient toutefois de l encadrer. Le Conseil d Etat propose ainsi de limiter à un délai maximum de 5 années, renouvelables, la possibilité d en faire usage. Parallèlement, la Haute Instance propose que soit institué un droit de préférence, lequel correspondrait à une forme de préemption d opportunité. Il pourrait être mis en œuvre pour réaliser les opérations d intérêt général suivantes : une action ou opération relevant de l article L. 300-1 du Code de l urbanisme ; un investissement présentant un intérêt communal autre que ceux définis à l article précédemment cité ; ce qui permettrait de parer aux impératifs ponctuels auxquels peuvent être confrontées les collectivités et que la notion d aménagement définie à l article L. 300-1 du Code de l urbanisme ne permet pas de prendre en compte. Dans la mesure où le droit de préférence ne concerne pas les projets d aménagement d envergure, il semble pertinent, selon le Conseil d Etat, que la procédure soit plus respectueuse des intérêts du vendeur. Il suggère ainsi de supprimer la fixation judiciaire du prix. Pour acquérir le bien, la collectivité devrait ainsi payer le prix indiqué par le vendeur dans la déclaration ou bien celui qu elle aura négocié avec lui. En cas de renoncement de l autorité préemptrice, le bien sera aliéné au prix fixé par le vendeur ou à un tarif plus élevé. 3. Propositions de la CCIP Dans sa formulation actuelle, les articles L. 210-1 et L. 300-1 du Code de l urbanisme, justifiant uniquement l exercice de la préemption intervenant dans le cadre d un projet clairement et préalablement défini, ne permet pas de répondre à l ensemble des besoins des collectivités publiques. En témoignent l abondance du contentieux et les nombreuses utilisations détournées auxquelles cet outil donne lieu. Dans la pratique, c est souvent la mise en vente d un bien qui fait émerger un projet d aménagement. Dans ce cas, le délai de deux mois laissé à la collectivité pour signifier au propriétaire son intention de préempter le bien est trop court pour lui permettre d élaborer un véritable projet. 11

Sur le principe, la proposition du Conseil d Etat de distinguer entre une forme de préemption planifiée et une forme de préemption d opportunité apparaît particulièrement pertinente. Elle permettrait de renforcer la sécurité juridique du dispositif, en limitant les utilisations frauduleuses de la préemption. Le détail de la mesure, en particulier la fixation du prix, suscite toutefois de nombreuses interrogations qui seront évoquées ci-après. B. MOTIVATION DE LA DECISION DE PREEMPTION La motivation constitue le principal écueil contentieux. C est sur ce terrain que les décisions sont le plus souvent attaquées et annulées 4. Pour qu une décision de préemption soit dûment motivée, elle doit indiquer l objet pour lequel la préemption est exercée, c est-à-dire l un des objectifs définis à l article L. 300-1 du Code l urbanisme. C est une formalité substantielle dont la méconnaissance a pour effet d entacher d illégalité la décision de préemption 5. Elle implique une double obligation pour la collectivité publique : d une part, d exposer de façon suffisamment détaillée les raisons de l acquisition envisagée et, d autre part, que ces fondements soient pertinents. Ainsi, les décisions qui se contentaient de mentionner l objectif d aménagement poursuivi par la préemption ou exposaient des considérations trop vagues ne permettant pas de cerner les caractéristiques essentielles de l opération sont jugées insuffisantes. Depuis plus de 20 ans, cette exigence a été interprétée strictement par les juridictions administratives, ces dernières imposant aux communes de disposer, à la date d exercice de leur droit de préemption, d un projet d action ou d opération suffisamment précis et certain 6. Il s agissait là de les contraindre à fournir davantage d explications sur leurs intentions et de s assurer qu elles n avaient pas recours à cet outil pour des projets sans aucune consistance. Cette rigueur reste toutefois marquée par un souci de réalisme, comme le montre une affaire récente 7. Dans un arrêt Commune de Meung-sur-Loire du 7 mars 2008, le Conseil d Etat a considéré que s il appartient toujours à la commune de justifier de la réalité d un projet d action lorsqu elle entend faire usage de la préemption, celle-ci n est pas tenue, à cette date, d en définir toutes les caractéristiques administratives et techniques (en l espèce, il n était pas nécessaire de préciser si le bien préempté était destiné à un service ou à un commerce, dès lors qu était visé un usage professionnel). Autre volonté de souplesse : la motivation par référence prévue pour certains types de préemption. Les lois SRU du 13 décembre 2000 et ENL du 13 juillet 2006 autorisent, en effet, la référence à une délibération arrêtant un plan local de l habitat 8. 4 Deux tiers des annulations sont prononcées au titre de la méconnaissance de cette obligation. 5 CE, 2 décembre 1988, n 81844, SA d économie mixte immobilière du Nord-Est Parisien. 6 CE, sect., 26 février 2003, BJDU 2/2003 p. 106, concl. Fombeur, note J.C. Bonichot. 7 CE, 7 mars 2008, Commune de Meung-sur-Loire, BJDU 1/200, p 157, concl. Derepas, note J.C Bonichot. 8 CE, 30 janvier 2008, n 299675, Ville de Paris. 12

2. Rapport du Conseil d Etat Sur la base de sa distinction entre une préemption planifiée et une préemption d opportunité, le Conseil d Etat propose de simplifier la motivation des décisions. Pour la première, il appartiendrait seulement à la collectivité de se référer au document définissant le programme d action dans lequel l opération projetée s inscrit. En ce qui concerne le droit de préférence, l autorité préemptrice devrait, en revanche, justifier de la réalité de l objectif d intérêt général ou de l intérêt communal poursuivi. Contrairement au régime actuel, la collectivité n aurait plus à justifier de l existence d un projet suffisamment précis à la date de la décision de préemption, point particulièrement problématique. 3. Propositions de la CCIP Parce qu elle constitue une atteinte au droit de propriété, la préemption doit être motivée par une fin d intérêt général et doit répondre à un véritable besoin de la collectivité. D un point de vue formel, c est la nature même de la décision de préemption qui commande sa motivation. La loi du 12 avril 2000 9 exige en effet que les décisions individuelles imposant des sujétions à leurs destinataires précisent les motifs qui les justifient. Pour rationaliser cette exigence sans en amoindrir la portée, le législateur pourrait prévoir que la motivation par référence est de droit lorsque le document d urbanisme ou sectoriel est suffisamment précis et que le projet répond à ces dispositions. Dans les autres cas, le projet devrait être décrit, même si toutes ses caractéristiques techniques n ont pas à être détaillées. II. PROCEDURE DE PREEMPTION A. PHASES DE LA PREEMPTION Le propriétaire désireux de vendre un bien situé dans une zone de préemption doit, au préalable, adresser à la commune une déclaration d intention d aliéner (DIA), laquelle doit mentionner le prix et les conditions de l aliénation. En revanche, celle-ci n est pas tenue d indiquer l identité de la personne qui s était portée candidate à l acquisition auprès du propriétaire 10, cette mention ne constituant, par ailleurs, aucunement un engagement de la part du vendeur. A compter de la réception de cette déclaration, le titulaire du droit de préemption dispose de deux mois pour notifier au propriétaire son intention d acquérir le bien. Passé ce délai, son silence vaut renonciation. 9 Loi n 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. 10 Sauf si cet acquéreur pressenti l exige. 13

Trois cas de figure sont alors possibles : Le titulaire du droit de préemption peut renoncer, expressément ou tacitement, à en faire usage. Le propriétaire retrouve alors la possibilité de céder librement son bien aux prix et conditions de la DIA ; Si la collectivité décide d acquérir le bien aux prix et conditions indiquées dans la DIA, l accord prendra la forme d un acte notarié ou d un acte en forme administrative, lequel confirmera le transfert de propriété. Le paiement du prix devra alors intervenir dans les 6 mois ; Le titulaire du droit de préemption peut, enfin, signifier au vendeur son intention d acquérir le bien à un prix différent de celui fixé dans la DIA. Ce dernier a alors deux mois pour répondre à la proposition de l administration. Dans ce délai, il peut renoncer à vendre, accepter l offre de l administration si le nouveau prix lui convient, ou maintenir le prix qu il avait initialement demandé. Dans cette dernière hypothèse, si la collectivité publique estime le prix excessif, elle peut, sous quinzaine, saisir le juge de l expropriation qui sera chargé de fixer le prix. A compter de la décision juridictionnelle, le silence des parties, passé deux mois, vaudra transfert de propriété, sauf renonciation. 2. Rapport du Conseil d Etat Le Conseil d Etat insiste principalement sur la nécessité de clarifier les effets de la transaction. Il propose, pour ce faire, les modifications suivantes : Dans le régime actuel, le moment du transfert effectif de propriété reste fortement incertain, les trois étapes fondamentales de transaction (accord sur le prix, signature de l acte de vente, et paiement du prix) pouvant intervenir à plusieurs mois d intervalle. Dans ces conditions, pour sécuriser la transaction, le transfert de propriété deviendrait effectif au moment du paiement du prix, lequel interviendrait en même temps que la signature de l acte authentique. Le paiement devrait, par ailleurs, avoir lieu dans un délai de 3 mois (contre 6 mois actuellement) à compter de l accord sur le prix. En cas de non respect de ce délai, la préemption serait frappée de caducité. Le propriétaire retrouverait alors l entière disposition de son bien et la collectivité aurait l interdiction de le préempter pendant 5 ans. 3. Propositions de la CCIP Concernant le dépôt de la DIA, par souci de simplification administrative, la commune devrait être le guichet unique, quel que soit le droit de préemption en cause ; à charge pour elle ensuite de transmettre le dossier à la collectivité compétente. Pour garantir la pertinence de la décision de préempter, il conviendrait de prévoir la mention de l identité de l acquéreur pressenti et de son activité, s il est un professionnel, en y joignant la promesse de vente. Enfin, la corrélation entre le transfert de propriété et le paiement du prix dans un délai réduit à trois mois est indispensable. Elle a d ailleurs été retenue pour la préemption commerciale. Mais la sanction de caducité de la décision de préemption devrait être mise en œuvre sur demande du vendeur. 14

Le vendeur devrait alors recouvrer sa liberté d aliénation, sans être tenu par le prix de la DIA ou le prix judiciaire. B. DETERMINATION DU PRIX Lorsque le propriétaire et le titulaire du droit de préemption ne parviennent pas à s accorder sur le prix, ce dernier peut saisir le juge de l expropriation qui sera alors chargé d évaluer la valeur du bien. Pour ce faire, il peut prendre en compte les transactions intervenues pour des biens identiques localisés dans le même secteur ou dans un secteur comparable, ainsi que les évaluations administratives et les déclarations fiscales. La date de référence est la date du plus récent des actes rendant public, approuvant ou modifiant le PLU. Le prix ainsi fixé est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment d une indemnité de réemploi. 2. Rapport du Conseil d Etat Le Conseil d Etat propose de réformer le mode de fixation du prix de la façon suivante : Pour favoriser une meilleure circulation de l information relative aux prix du foncier, il suggère de rendre accessible au public les données recueillies par l administration fiscale. Il recommande, de plus, que l avis des Domaines, lorsqu il est nécessaire 11, soit communiqué à la fois à la collectivité et au vendeur ; il est actuellement uniquement transmis à l autorité préemptrice. Il faudrait également donner davantage de poids à l avis des Domaines, en contraignant par exemple la collectivité, lorsqu elle décide de ne pas suivre cet avis, à en exposer les motifs dans la décision de préemption. La fixation du prix devrait, en outre, être réajustée afin que celui-ci prenne en compte les sujétions particulières pouvant peser sur le bien (travaux de dépollution ou de remise en état, par exemple). Les collectivités pourraient, à ce titre, demander au juge de l expropriation de désigner un expert chargé d évaluer ces coûts. Enfin, le Conseil d Etat souhaite promouvoir une fixation négociée du prix pour éviter la saisine du juge de l expropriation. Il appartiendrait donc à la collectivité, lorsqu elle n accepte pas le prix indiqué dans la DIA, de faire des contre-propositions au vendeur jusqu à ce qu elle parvienne à un accord sur les termes de la transaction. 11 Transactions supérieures à 75 000 euros. 15

3. Propositions de la CCIP La fixation du prix est problématique dans la mesure où le vendeur a souvent l impression d être dépossédé de toute initiative face à la collectivité publique et au juge de l expropriation saisi exclusivement par elle. Le juge ne pourrait, en tout état de cause, fixer un prix diminuant de plus de 10% celui de la DIA. Selon la CCIP, cette phase judiciaire doit être le dernier recours. Des dispositifs de médiation entre le vendeur et la collectivité sont à encourager ; ils pourraient être mis en place sous l égide du préfet. En cas d échec au terme d un délai (2-3 mois) fixé par la loi, le juge de l expropriation pourrait alors être saisi, mais par l une ou l autre des parties, la collectivité publique n ayant pas alors à avoir l exclusivité de cette initiative. De plus, la faculté du vendeur de solliciter des contre-expertises devrait être expressément énoncée. Quant à l avis des Domaines, il ne semble pas pertinent de lui donner une force juridique accrue, car les biens sont souvent évalués en dessous du prix du marché ; ce qui ne permet pas une protection optimale de l intérêt des vendeurs. D autres organismes devraient être habilités à produire une estimation du prix, comme les chambres départementales des notaires. III. PHASE POSTERIEURE A LA PREEMPTION A. RENONCIATION Si les parties ne parviennent pas à un accord amiable sur le prix, elles peuvent renoncer à la transaction. Le propriétaire peut retirer son offre et la collectivité renoncer à faire usage de son droit de préemption. En cas de renonciation de la personne publique, le propriétaire redevient libre de céder son bien mais aux prix et conditions fixées dans la DIA. La situation est plus contraignante lorsque le titulaire renonce à la préemption après que le prix ait été fixé par le juge. Dans ce cas, il ne peut plus exercer son droit à l égard du même propriétaire dans un délai de 5 ans 12. Le propriétaire pourra, quant à lui, vendre son bien mais seulement au prix judiciaire actualisé. 2. Rapport du Conseil d Etat Le Conseil d Etat préconise un ensemble de mesures destinées à renforcer les droits des parties privées en cas de renonciation à la préemption : instaurer une indemnité d immobilisation au profit du vendeur correspondant à la valeur du bien majorée du taux d intérêt légal et à la durée écoulée entre la date de la préemption et la date de la renonciation, et éventuellement, de frais supplémentaires liés à la remise en vente du bien ; en cas de vente ultérieure à un prix inférieur à celui de la DIA, octroyer au propriétaire une indemnité équivalente à la différence entre ces deux prix ; 12 Article L. 213-8. Le délai s apprécie à compter de la décision juridictionnelle devenue définitive. 16

donner la possibilité au vendeur de céder son bien sans DIA si la vente est réalisée à un prix égal ou supérieur à celui fixé dans la DIA ou par le juge, afin qu il puisse profiter des évolutions favorables du marché. 3. Propositions de la CCIP La CCIP soutient fortement l instauration de tels mécanismes compensatoires, garants des droits des vendeurs qui recouvriraient alors leur liberté d aliénation, sans être tenus par le prix de la DIA ou le prix judiciaire. B. RETROCESSION Comme en matière d expropriation, la procédure de préemption prévoit un droit de rétrocession, dont le vendeur initial peut bénéficier dans plusieurs cas, en particulier lorsque le bien préempté n a pas été payé dans le délai de 6 mois. De même, si, dans un délai de moins de 5 ans après l exercice de son droit, la personne publique décide d utiliser le bien à une fin autre que celle prévue dans la décision de préemption, et qui ne corresponde pas à l un des objectifs définis par les articles L. 210-1 et L. 300-1 du Code de l urbanisme, l ancien propriétaire, ou à défaut l acquéreur évincé, doivent se voir proposer en priorité la rétrocession du bien. 2. Rapport du Conseil d Etat Le Conseil d Etat propose, parallèlement au renforcement des garanties offertes aux propriétaires, de durcir les obligations des collectivités en cas de rétrocession. Il s agirait notamment de : soumettre le changement de destination ou l aliénation du bien préempté à délibération de l organe délibérant ; obliger la collectivité à rétrocéder le bien au prix figurant dans l acte de vente actualisé par application du coût de la construction, et non plus au prix fixé à l amiable ou par le juge ; en cas d absence d utilisation effective du bien pendant une durée de 5 ans, permettre à l acquéreur évincé ou à l ancien propriétaire de mettre en demeure la collectivité de lui rétrocéder le bien, sous réserve que cela ne porte pas une atteinte excessive à l intérêt général. 3. Propositions de la CCIP Si de telles mesures sont à approuver en termes de garanties offertes aux parties privées, un problème pratique demeure : l acquéreur évincé a-t-il encore intérêt à l acquisition initiale tant d années après? En tout état de cause, la collectivité préemptrice devrait rétrocéder au prix de l acte de vente actualisé. 17

C. ANNULATION DE LA DECISION DE PREEMPTION L annulation de la décision de préemption a pour effet, lorsque le transfert de propriété n a pas encore eu lieu, de priver le titulaire de la possibilité d exercer son droit sur le bien concerné pendant un an. Le vendeur recouvre alors son entière liberté d aliénation sans être tenu par le prix indiqué dans sa déclaration 13. En cas d annulation de cette décision, le titulaire a l interdiction de revendre le bien illégalement préempté à un tiers. En vertu de l arrêt de principe du Conseil d Etat du 26 février 2003, M et Mme Bour, la collectivité doit proposer à l acquéreur évincé, et à l ancien propriétaire le cas échéant, d acquérir le bien, à condition que cette cession ne porte pas une atteinte excessive à l intérêt général. Il s agit là de rétablir, autant que possible, les conditions initiales de la transaction auxquelles la préemption a fait obstacle. La cession sera effectuée moyennant un prix juste, en évitant l enrichissement sans cause de l une des parties. Si le bien illégalement préempté a fait l objet de modifications consécutivement à l exercice de la préemption, le prix devra toutefois en tenir compte 14. Dans les cas où l annulation intervient après que le bien illégalement préempté ait été revendu, le juge judiciaire peut être saisi et prononcer l annulation de la vente. 2. Rapport du Conseil d Etat Le Conseil d Etat entend faciliter les conditions de rétablissement de la situation initiale, lorsque l illégalité de la décision de préemption est reconnue. Il propose ainsi de : placer le contentieux des décisions de préemption et des contrats leur afférant sous la compétence unique du juge administratif. Cela impliquerait que le contrat de vente entre la collectivité et le vendeur soit qualifié de contrat administratif ; le cas échéant, de donner aux juridictions administratives la possibilité de prononcer la nullité de ces contrats lorsque la décision de préemption est annulée, sous réserve de ne pas porter atteinte à l intérêt général ou à l intérêt des tiers. 3. Propositions de la CCIP La création d un bloc de compétence au profit du juge administratif serait source de simplification. Celui-ci annulerait la décision de préemption et pourrait annuler l acte de vente entre le cédant et la commune et, le cas échéant, celui entre la commune et un tiers. Tous ces actes conventionnels devraient alors être qualifiés de contrats administratifs par la loi, ce qui a été fait dans d autres domaines du droit administratif. Cela signifie également que les contestations de l acquéreur évincé, la plupart du temps assorties d un référé-suspension, seront automatiquement portées devant la juridiction administrative. D ores et déjà, le Conseil d Etat a admis que le référé-suspension introduit par lui contre la décision de préemption pouvait intervenir après le transfert de propriété du vendeur initial à la commune 15. 13 Article L. 123-8 du Code de l urbanisme. 14 CE, 29 décembre 2004, n 259855, SCI Desjardins KB, JCP A 2005, p 611. 15 CE, 23 juin 2006, Société Actilor, BJDU 5/2006 p. 358, concl. Devys, obs. J.C. Bonichot. 18

Par ailleurs, il conviendrait que la loi consacre un droit à indemnisation du vendeur initial ou de l acquéreur évincé en cas d annulation de la préemption et donc de faute de l administration, et ce, quelle que soit la nature de l illégalité. En effet, la jurisprudence actuelle refuse ce droit si l illégalité provient d un vice de forme 16, comme la motivation, alors que cette dernière est le motif le plus fréquent d invalidation des décisions ; ce qui pénalise les vendeurs et acquéreurs évincés qui ont subi des préjudices suite à cette décision illégale. Cette indemnité ne devrait pas être inférieure à 10% du prix de vente. 16 CE 27 juin 2005, Communauté urbaine de Lyon, BJDU 5/2005 p 368 ; CAA Paris, 3 février 2004, M et Mme Bour, AJDA 2004, p 1605. 19

Titre 2 La préemption commerciale 20

La loi du 2 août 2005 en faveur des PME, ouvre la possibilité aux communes, dans certaines conditions, d exercer un nouveau droit de préemption spécifique lors de la cession de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux. Un chapitre spécifique (art. L 214-1 et suivants) est créé dans le Code de l urbanisme, le décret d application n 2007-1827 du 26 décembre 2007 en fixe les modalités d application (articles R 214-1 et suivants). Par la suite, la loi de modernisation de l économie (LME) n 2008-776 du 4 août 2008 (article 101) avec son décret d application, a étendu ce droit de préemption à des cessions de terrains, dans le cadre de mesures en faveur du commerce de proximité. I. DELIMITATION PREALABLE DU PERIMETRE D INTERVENTION A. MOTIVATION Selon la loi (article L 214-1 du Code de l urbanisme), «le conseil municipal peut, par délibération motivée, délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l artisanat de proximité», à l intérieur duquel les cessions de fonds artisanaux, de commerce, de baux commerciaux ou de certains terrains à usage commercial sont soumises au droit de préemption. La procédure de préemption pourra ensuite être menée par le maire au nom de la commune, sur habilitation du conseil municipal. Le Code général des collectivités territoriales est modifié en ce sens (article L 2122-21). Il s agit donc d une faculté pour les communes, mais sa mise en œuvre devra être dûment motivée, au regard des motifs légaux, sous contrôle du juge administratif. Pour ce faire, le décret (article R 214-1 du Code de l urbanisme) met en place un mode de justification rigoureux. Le projet de délibération du conseil municipal est accompagné : d un plan du périmètre, d un rapport analysant la situation du commerce et de l artisanat de proximité à l intérieur de ce périmètre et les menaces pesant sur la diversité commerciale et artisanale. 2. Recommandations de la CCIP En pratique, les périmètres devront donc être bien ciblés. Si ce droit de préemption peut être un outil d observation du commerce, il a surtout pour finalité de sauvegarder et de défendre la diversité de l offre commerciale, là où elle est menacée. Aussi un périmètre qui recouvrirait l ensemble du territoire communal devrait-il être fortement argumenté, à peine de ne pas s inscrire dans les critères de la loi et du décret ; une telle démarche globalisatrice ne saurait donc être systématisée. 21

B. AVIS PREALABLE DES CHAMBRES CONSULAIRES Le nouvel article R 214-1 prévoit l avis préalable de la CCI et de la CMA sur le projet de délibération communale, cet avis étant réputé favorable en cas de silence gardé pendant un délai de deux mois à compter de la saisine. Les critères concrets 17 d aide à la délimitation des périmètres peuvent se décliner par des éléments de commercialité, de coût des loyers, de conditions d accès, d état du foncier A travers leurs différents observatoires, bases de données et études territoriales, les CCI ont, en effet, une connaissance précise de l activité économique de leur circonscription et leur avis pourra alors constituer un élément déterminant pour la commune dans la définition de périmètres de préemption adaptés aux besoins du commerce de son territoire. Mais cet avis reste consultatif. 2. Propositions de la CCIP Il serait équitable, compte tenu du partenariat entre les communes et les chambres, d imposer l obligation pour ces collectivités de préciser les motifs qui les auraient conduite à s écarter de l avis consulaire. C. MESURES DE PUBLICITE Le décret (article R 214-2) renvoie certes au droit commun du droit de préemption urbain pour les mesures de publicité de la délibération communale conditionnant sa prise d effet, mais ne vise que le seul article R 211-2 du Code de l urbanisme. Celui-ci prévoit un affichage en mairie pendant un mois et sa mention dans deux journaux diffusés dans le département. Toutefois, aucun renvoi n est fait à l article R 211-3 (à la différence d une précédente version du décret) qui prescrit des mesures plus complètes et indispensables en matière de préemption : transmission au directeur départemental des services fiscaux, au Conseil supérieur du notariat, à la chambre départementale des notaires, aux barreaux et aux greffes près des TGI concernés. Cette omission du visa de l article R 211-3 est regrettable, car elle prive des acteurs majeurs d une information officielle. De surcroît, le décret en vigueur n impose pas d annexer le périmètre arrêté par le Conseil municipal au PLU, comme il en est obligatoirement pour les zones de préemption de droit commun (article R 123-13 du Code de l urbanisme). Mais rien n interdit au maire de procéder spontanément à ces mesures. Cela a été confirmé dans une réponse ministérielle 18, qui précise par ailleurs que conformément au droit administratif général, le maire dispose d un délai de deux mois pour répondre à une question sur l existence d un périmètre. Son silence, valant décision implicite de refus, peut être déféré au juge. De surcroît, toute mesure utile d expertise ou d instruction peut être sollicitée en référé, sans condition d urgence, si les renseignements demandés par le requérant ont une utilité pour lui ; ce qui devrait être le cas pour un commerçant-cédant. 17 Rapport de la CCIP du 28 juin 2007, «Droit de préemption sur les fonds de commerce et les baux commerciaux. Critères de délimitation des périmètres communaux d intervention». 18 JO AN 19 août 2008, p. 7133. 22

On précisera néanmoins que l article R 410-15 du Code de l urbanisme prévoit déjà la mention de la situation du bien dans une zone d exercice des droits de préemption visés par ce Code dont fait partie la préemption commerciale. 2. Propositions de la CCIP Dans un souci de transparence et d information optimale des acteurs concernés, les textes devraient prévoir une réelle publicité de la délibération sur le périmètre : annexion au PLU, transmission aux Chambres consulaires consultées, aux services fiscaux, aux greffes et barreaux près des TGI et des tribunaux de commerce, au Conseil supérieur du notariat et la Chambre départementale des notaires. II. EXERCICE DE LA PREEMPTION : ENTRE DROIT COMMUN ET SPECIFICITE A. DECLARATION PREALABLE DU CEDANT Le champ d application de la préemption commerciale est très large : selon le nouvel article R 214-3, ce droit de préemption peut d exercer sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce ou les baux commerciaux, lorsqu ils sont aliénés à titre onéreux. Sont exclus, comme en droit commun, les aliénations intervenues dans le cadre d un plan de sauvegarde (article L 626-1 du Code de commerce) ou d un plan de cession d entreprises 19 au titre d un redressement (article L 631-22 du Code de commerce) ou d une liquidation judiciaire (article L 642-1 à 17 du même code). Le formulaire de déclaration préalable vise expressément les apports en société et les échanges. En revanche, la vente du fonds sous forme de cessions de parts sociales ne semble pas concernée, sous réserve qu elle traduise une manœuvre frauduleuse que le juge appréciera. La résiliation suivie de la conclusion d un nouveau serait exclue, car ne constituant pas une cession de bail. S agissant de l ajout fait par la loi LME, il concerne les cessions de terrains portant ou destinés à porter des commerces d une surface de vente comprise entre 300 et 1000 m2. Le but est de permettre à la commune si elle estime inadapté un projet commercial prévu dans le cadre de la cession d un terrain de ce type, d exercer son droit de préemption dès lors qu elle envisage dans le délai d un an un projet alternatif favorable au commerce de proximité. Avant toute cession, le cédant doit déposer une déclaration préalable auprès du maire de la commune de situation. Un modèle de déclaration est prévu par l arrêté du 29 février 2008. 19 Sauf cas particulier visé au nouvel article R 214-8 sur les ventes de gré à gré autorisées par le jugecommissaire. 23

S agissant des cessions de terrain, si celui-ci est situé également en zone de droit de préemption urbain, la déclaration est faite sur le formulaire de la DIA de droit commun, dans le cas contraire, le formulaire spécifique doit être utilisé. Ce processus de déclaration est classique en matière de préemption. Mais le décret et l arrêté de 2007 demeurent ici trop laconiques. La loi impose de mentionner dans la déclaration le prix et les conditions de la cession. Or, le décret de 2007 aurait pu ajouter qu en cas de promesse de vente, celle-ci était jointe à la déclaration ; cela aurait donné une référence supplémentaire au prix du marché, qui n est plus visé nulle part dans le texte ; il s agit pourtant d une garantie très importante pour le respect des intérêts du commerçant cédant. De surcroît, seule la mention de l existence d un acquéreur pressenti est prévue dans l arrêté de modèle de déclaration, sans que soit précisée son activité. La prise de décision de préemption par la commune est ainsi rendue plus difficile, car elle aura du mal à la réception de la déclaration à appréhender la situation à l égard de la diversité commerciale. En outre, le bail n a pas à être joint. Si le montant du loyer est mentionné, l indication du chiffre d affaires sur les trois dernières années reste facultative, comment alors apprécier la situation du commerce? Toutes ces imprécisions risquent d inciter les communes à saisir le juge de l expropriation qui dispose de moyens d investigations plus poussés que la commune. Par ailleurs, apparaît subitement dans le formulaire spécifique de déclaration un droit de délaissement, dont l instauration relève normalement de la loi : concrètement, lorsque le cédant n a pas d acquéreur pressenti, il peut alors mettre en demeure le commune de lui acheter son bien. En tout état de cause, la loi indique que le défaut de déclaration entraîne la nullité de la vente, et conformément aux règles du droit civil, l action se prescrit par cinq ans à compter de la prise d effet de la cession. Le décret spécifie (article R 214-10) qu elle s exerce devant le TGI du lieu de situation du fonds ou des locaux loués. 2. Propositions de la CCIP D une part, il est indispensable d imposer dans la déclaration préalable la mention de l activité de l acquéreur pressenti, afin que la commune puisse prendre sa décision de préempter ou d y renoncer en toute connaissance de cause, eu égard à l objectif de diversité commerciale. De même, le bail devrait être obligatoirement joint. D autre part, le droit de délaissement, prévu actuellement dans le formulaire, doit être inscrit dans la loi, relevant par nature du domaine législatif. Enfin, il devrait être précisé qu en cas de modification du prix et des conditions de vente par le cédant après sa déclaration, celui-ci doit en souscrire une nouvelle et est tenu pendant un délai de deux mois par son contenu. Cette règle s inscrit dans la logique de toute modification d une déclaration entraînant des effets juridiques ; une nouvelle déclaration s avère donc nécessaire. 24

B. DECISION DE PREEMPTION La loi dispose que le silence de la commune pendant un délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration vaut renonciation à l exercice de la préemption, cette renonciation peut également être expresse. Le cédant peut alors réaliser la vente librement, mais aux prix et conditions de la déclaration. Pour le reste, la loi renvoie au droit commun des articles L 213-4 à L 213-7 du Code de l urbanisme. Le décret (article R 214-5) détaille davantage la procédure. C est donc dans ce délai de deux mois que la commune notifie au cédant : soit sa décision d acquérir aux prix et conditions de la déclaration, l accord entre les parties est alors parfait et l acte de vente peut être alors passé ; soit son offre d acquérir aux prix et conditions fixés par le juge de l expropriation ; soit sa décision de renoncer à préempter. Copie de cette décision est adressée au bailleur si la cession porte sur un bail commercial. 2. Propositions de la CCIP La loi devrait clairement prévoir que la décision individuelle de préemption doit être motivée, eu égard en particulier à la diversité et au développement du commerce et de l artisanat dans le périmètre. Il s agira de démontrer que la décision de préemption sur le bien s inscrit dans cette motivation générale du périmètre. En effet, cette délibération ne fait que fixer le périmètre sans énoncer de projet précis. Une motivation par simple référence pourrait ici être source d atteinte à la liberté d entreprendre. C. FIXATION JUDICIAIRE DU PRIX Selon le nouvel article R 214-6, en cas de désaccord sur le prix ou les conditions de vente, la commune, si elle souhaite acquérir, saisit, toujours dans les deux mois suivant la réception de la déclaration, le juge de l expropriation. Cette prérogative appartient, comme en droit commun, à la seule commune et nullement au cédant. Copie de la lettre de saisine et du mémoire est notifié à ce dernier et, le cas échéant, au bailleur. Cette disposition suscite des craintes quant à la préservation des intérêts des commerçants dont la vente du fonds ou du bail constitue le capital retraite. Toute référence expresse au prix du marché est donc absente du décret ; ce qui peut faire redouter des fixations de prix à la baisse, d autant qu il n existe pas de barèmes officiels pour les valeurs de fonds de commerce mais des méthodes d évaluation empiriques, en raison des fluctuations rapides de ce type de biens mobiliers. Des expertises seront donc inévitablement sollicitées par le juge, retardant encore la vie normale des affaires. Pour les cessions de terrains, l évaluation est plus simple, elle se réfère aux données immobilières classiques. 25