PROMOUVOIR LA CULTURE NUMERIQUE COMME SOURCE D INNOVATION ET DE PERFORMANCE. Quel SI pour la firme lean?



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Transcription:

PROMOUVOIR LA CULTURE NUMERIQUE COMME SOURCE D INNOVATION ET DE PERFORMANCE Quel SI pour la firme lean?

Le CIGREF, réseau de Grandes Entreprises, a été créé en 1970. Il regroupe plus de cent très grandes entreprises et organismes français et européens de tous les secteurs d'activité (banque, assurance, énergie, distribution, industrie, services...). Le CIGREF a pour mission de promouvoir la culture numérique comme source d'innovation et de performance. Titre du rapport : Quel SI pour la firme lean? Equipe du CIGREF Jean-François PÉPIN Délégué général Sophie BOUTEILLER Directrice de mission Anne-Sophie BOISARD Chargée de recherche Josette WATRINEL Secrétaire de direction Frédéric LAU Directeur de mission Matthieu BOUTIN Chargé de mission Marie-Pierre LACROIX Chef de projet Josette LEMAN Assistante de direction Remerciements : Nos remerciements vont à Pierre DELORT, Directeur des Systèmes d'information de l Inserm qui a piloté cette activité. Nous remercions également les personnes qui ont participé à ces réflexions : Membres du CIGREF : Hubert BIONDI CNES Claudio BORLO REXEL Marianne CARON - AMADEUS Catherine CHABIRON FAURECIA Pascal CHAULET RENAULT Pascal CHRETIEN BOUYGUES IMMOBILIER Bernard COHEN PSA PEUGEOT CITROEN Michel COTTURA POLE EMPLOI Emmanuel GAUDIN- Groupe LAGARDERE Jean-Etienne GUIOT RENAULT Jean-Michel HUTEN GENERALI Hervé JEGO GENERALI Pierre LAPIERRE CNES Muriel MATHELET AMADEUS Marc MENCEL - NEXTER Franck NABUCET RFF Frédéric NIVOIX RENAULT Catherine POMMIER RFF Frédéric PREVAULT FAURECIA Pierre TARIF GDF SUEZ Konstantinos VOYIATZIS NEXANS GROUP Intervenants extérieurs : Marc ANTROBUS TOYOTA MOTOR EUROPE Andres HOYOS-GOMEZ MCKINSEY & COMPANY Marie-Pia IGNACE INSTITUT LEAN FRANCE Alain MARBACH ELEE Pierre MASAI TOYOTA MOTOR EUROPE Philip RADEMAKERS TOYOTA MOTOR EUROPE Hiro WATARAI - TOYOTA MOTOR EUROPE Ce document a été rédigé par Armand FRANÇOIS et Anne-Sophie BOISARD (CIGREF). Pour tout renseignement concernant ce rapport, vous pouvez contacter le CIGREF aux coordonnées ci-dessous : CIGREF, Réseau de Grandes entreprises 21, avenue de Messine 75008 Paris Tél. : + 33.1.56.59.70.00 Courriel : contact@cigref.fr Sites internet : http://www.cigref.fr/ http://www.fondation-cigref.org/ http://www.histoire-cigref.org/ http://www.collection-cigref.org/ http://www.entreprises-et-cultures-numeriques.org

Executive Summary Le lean Management, ou Système de Production Toyota, fut qualifié, par le MIT (Massachusetts Institute of Technology) durant les années 1980, de «machine qui a changé le monde». Il a depuis été largement diffusé dans les activités de service, dont les machines relèvent des Technologies de l Information, et de ce fait il n est plus considéré comme étranger au Système d information des entreprises. De cette proximité, se posent dès lors 3 questions : 1. Le lean management peut-il être considéré comme applicable à une Direction des Systèmes d Information (DSI)? 2. Une DSI peut-elle favoriser, ou induire par le biais du SI, le déploiement du lean dans les métiers? 3. Et enfin, le lean a-t-il un rôle à jouer dans la transformation numérique des entreprises? Concernant le premier point, il est apparu important de distinguer, dans les activités d une DSI, celles relevant des Infrastructures (schématiquement process) et celles des études (schématiquement projet). Pour chacune de ces deux grandes fonctions, l apport du lean a été confirmé relativement aux six principes que le groupe y a distingué : juste-à-temps, standardisation des opérations, polyvalence, visual management, résolution de problème et gouvernance. Dépendant du changement culturel à parcourir, changement parfois très important, le déploiement doit être progressif, débutant par les process simples et répétitifs, il peut inclure des méthodes de type «agile» et comporter un effort marqué de gestion des tâches et de documentation des process. Le second point, l induction du lean dans l entreprise par la DSI, est un autre enjeu économique car il adresse, au lieu de la seule DSI, la quasi-totalité de l activité de l entreprise. Le groupe a étudié un Business Case, présenté par la DSI de Toyota Motor Europe en leur siège à Bruxelles. Ce Business Case a, entre autres, illustré un mode de développement logiciel très particulier, appliquant des éléments clefs du système Toyota : phase de spécification longue, en recherche très large de consensus par nemawashi, conception simultanée application / process («fix Business process first»), utilisation systématique des PDCA (Plan-Do-Check-Act basé sur des documents A3) en démarche générale de progrès continu, phases de conception, codage et test réalisés en temps de cycle très court (2 cycles par semaine), appliquant les principes de Heijunka (lissage de la charge) et Jidoka (intervention rapide sur défaut). Le troisième point, la réflexion sur le rôle du lean dans la transformation de l entreprise numérique, a été abordé sous l angle d une de ses composantes, le Big Data, retenu comme la possibilité technologique de capter, transmettre, stocker, et utiliser des quantités de données jusque-là «hors norme». L impact du Big Data sur la recherche et l innovation a illustré la profondeur des transformations possibles sur les process et les produits (personnalisation), les compétences (analystes, statisticiens ) et le pilotage des flux. Le lean management est apparu au groupe, comme un modèle de management permettant de bien cadrer les apports du numérique : orientation client des process, standardisation de composants pour une meilleure personnalisation des produits, management des RH et des démarches d amélioration Ainsi, le lean management peut-il apporter une discipline de focalisation client à la transformation numérique. L étude a ainsi conclu sur l intérêt d un lean management de la DSI, sur les apports d une DSI lean Inducteur dans les métiers, et sur la discipline managériale que le lean peut apporter à la transformation numérique. Pierre DELORT, DSI Inserm

SOMMAIRE INTRODUCTION...1 AVERTISSEMENT... 1 CONTEXTE DE L ACTIVITÉ... 1 OBJECTIFS DE L ACTIVITÉ... 1 POSITION & DÉFINITION DU GROUPE RELATIVEMENT AU LEAN...4 L ÉTAT DES DÉMARCHES DE LEAN MANAGEMENT AU SEIN DES ENTREPRISES... 4 PRINCIPES DU LEAN MANAGEMENT... 5 LE LEAN MANAGEMENT APPLIQUÉ À LA DSI POUR FAVORISER LE BUSINESS DE L ENTREPRISE...6 LE LEAN MANAGEMENT APPLIQUÉ AUX INFRASTRUCTURES DU SI... 6 S inspirer des démarches des secteurs de l industrie...6 Le cas du lean management dans le département IT - BNL-BNP Paribas...7 LE LEAN MANAGEMENT APPLIQUÉ AUX ÉTUDES DU SI... 8 Le lean management et la démarche Agile...8 La transposition du lean management dans le développement applicatif d une grande entreprise IT - Amadeus...9 Le cas du développement d une application de gestion des licences dans un grand groupe bancaire... 10 LE SI «INDUCTEUR» DU LEAN MANAGEMENT DANS LES MÉTIERS... 12 LE LIEU OÙ TRANSITENT TOUTES LES INFORMATIONS... 12 BUSINESS CASE : PROCESS CHANGE REQUEST CHEZ TOYOTA MOTOR EUROPE (TME)... 12 Le contexte de Toyota Motor Europe (TME)... 13 Le cas étudié : Process Change Request... 14 LE RÔLE DU LEAN MANAGEMENT ET DE LA DSI AU REGARD DES TRANSFORMATIONS DE L ENTREPRISE INDUITES PAR LE NUMÉRIQUE... 17 L ENTREPRISE NUMÉRIQUE ET SES TRANSFORMATIONS... 17 LE CAS D UNE TRANSFORMATION DE LA RECHERCHE PAR LE BIG DATA... 18 QUEL RÔLE POUR LE LEAN MANAGEMENT?... 19 CONCLUSION... 21 CE QUE LE GROUPE A TIRÉ DE L ACTIVITÉ... 21 UNE SÉLECTION DES BONNES PRATIQUES... 21 LES PISTES DE RÉFLEXIONS OUVERTES... 21 Table des illustrations Figure 1 - Visite du groupe de travail à la DSI de Toyota Motor Europe le 3 février 2012...2 Figure 2 - Illustration de la réduction du traitement des incidents d'un support de niveau 2 ou 3...8 Figure 3 - Cohabitation du cycle en V et de la démarche Agile...9 Figure 4 - Le projet quantifié en délai, coût et qualité.... 15 Figure 5 - Les résultats du projet... 15 Figure 6 - Epidémiologie sur les Exaoctets de Google... 18 Figure 7 - Big Data, impact sur la recherche et l innovation... 19 Figure 8 - Lean management et Entreprise numérique... 20

INTRODUCTION AVERTISSEMENT Ce rapport adresse les questionnements du lean management appliqué à la DSI, il identifie en quoi le SI peut être inducteur du lean management dans les métiers et s interroge sur le rôle du lean management et de la DSI au regard des transformations de l entreprises induites par le numérique. Ce rapport ne traite pas de la pertinence de la mise en place du lean management dans les métiers en tant que telle, et s adresse à un public déjà familiarisé avec les principes de base du lean management. CONTEXTE DE L ACTIVITÉ Le TPS (Toyota Production System) créé au sein de Toyota dans les années 1950-1960 a été révélé par les chercheurs du MIT dans les années 1980 sous le terme de lean management. Adaptable à tous les secteurs économiques, le lean management est actuellement principalement implanté dans l'industrie. Il a ensuite dépassé le cadre initial de l'organisation de la production, pour combattre tous les types d inefficacité : son intérêt s'étend aux services administratifs (lean office) et au développement de produits (lean development). Aujourd hui, le lean management serait une méthode pertinente pour canaliser et tirer le meilleur parti du potentiel offert par les technologies numériques. OBJECTIFS DE L ACTIVITÉ Le groupe de travail CIGREF «Quel SI pour la firme lean?» a étudié la relation entre le lean management et le Système d Information. Pour ce faire, les membres du groupe de travail ont d abord exploré des pratiques de lean management appliquées au SI, d une part dans les infrastructures, et d autre part dans les études. Les membres ont ensuite étendu la réflexion à l effet d un SI dit «inducteur» ou «contribuant» au lean management dans les métiers de l entreprise. En effet, passer la DSI en lean management adresse de 2 à 10 % de «l activité» de la firme, alors qu un SI «lean contribuant», voire «lean inducteur», pourrait en adresser de 20 à 100 %. 1 1 «Systèmes de Production», École des Mines, Centre de Recherche en Informatique, P. DELORT, (2011). 1

Finalement, l activité a permis de réfléchir au rôle de la DSI et du lean management dans le contexte actuel de l entreprise numérique. Les objectifs de l activité ont ainsi été traduits par les questionnements suivants 2 : Un SI en lean management a-t-il un sens? Comment gouverner, architecturer et gérer le SI pour induire ou aider le lean management des métiers? Quelles règles ou bonnes pratiques peuvent être appliquées au SI pour faciliter le lean management dans les métiers, sans aller jusqu aux travers de l automatisation? Le lean management est-il un moyen efficace pour tirer parti des transformations actuelles de l entreprise? ORGANISATION DE L ACTIVITÉ L activité a alterné des retours d'expériences d'entreprises qui ont formalisé leur modèle d'organisation en lean management et des interventions d'experts extérieurs. Le groupe de travail a par ailleurs échangé sur la problématique du lean management avec des représentants de la DSI de Toyota Motor Europe lors d une visite à leur siège à Bruxelles. Figure 1 - Visite du groupe de travail à la DSI de Toyota Motor Europe le 3 février 2012 De gauche à droite : Jean-Pierre DELVAUX, consultant indépendant ; Konstantinos VOYIATZIS, DSI NEXANS ; Catherine POMMIER, Responsable Qualité Système d Information RFF ; Pierre DELORT, DSI Inserm ; Emmanuel GAUDIN, DSI Lagardère ; Anne-Sophie BOISARD, Chargée de Recherche CIGREF ; Pierre MASAI, Vice-Président des Systèmes d Information Toyota Motor Europe ; Muriel MATHELET, Amadeus ; Jean-Étienne GUIOT, Renault ; Bernard COHEN, IT gouvernance PSA Peugeot Citroën ; Hiro WATARAI, Project Manager Toyota Motor Europe ; Marc ANTROBUS, IT Manager Toyota Motor Europe ; Philip RADEMAKERS, IT Manager Purchasing, Warranty, Supplier Quality business support Toyota Motor Europe - Photographie : Armand FRANCOIS, Assistant de Recherche CIGREF. 2 Les questions que se posent majoritairement les DSI au sujet du Lean Management, selon Marie-Pia IGNACE, OPERAE PARTNERS. 2

Les thématiques abordées lors des réunions de travail ont concerné : Le lean management appliqué aux infrastructures du SI Les membres du CIGREF se retrouvent-ils dans les conclusions de McKinsey (2007) 3 à propos de la mise en œuvre du lean aux infrastructures IT : quels sont les gains de qualité, productivité, réactivité? Quelle réduction des «gaspillages» (les 8 types de pertes)? Comment s est effectuée la mise en œuvre du lean management (réduction des pertes, organisation et compétences, management par la performance, accompagnement au changement) dans les entreprises? Quels ont été les facteurs de succès (support du top management, sélection de pilotes, appel à experts)? Le lean management appliqué aux études du SI Les effets du lean management appliqué aux études paraissent plus mitigés : on ne note pas d augmentation de la productivité mais une meilleure intégration de la volatilité des spécifications (moins de «replanification»). Qu en est-il chez nos membres? La mise en place du lean management appliqué aux études chez les participants a-t-il changé la relation entre la DSI et ses utilisateurs (côté métier)? Le SI inducteur du lean management dans les métiers Au-delà de l approche process, quelles sont les règles de décision, conception, construction, exploitation et utilisation d un SI codant le lean? (opérations larges à retour d information, ergonomie ) Le lean management et les transformations de l Entreprise Numérique Comment concilier les principes du lean management et la vision de «l entreprise numérique» (orientation client, nouvelles formes organisationnelles, collaboratif, Big Data, Innovation ouverte, )? 3 «Making IT Infrastructure Operations «Lean»», McKinsey&Company (01/2007). 3

POSITION ET DÉFINITION DU GROUPE RELATIVEMENT AU LEAN La maturité des démarches et l intérêt des entreprises membres du CIGREF pour le lean management est variable. Face à la complexité et les multiples interprétations d un tel concept, les membres ont défini une liste des principes de référence qui peuvent servir de base de discussion entre la DSI et les différentes directions de l entreprise. L ÉTAT DES DÉMARCHES DE LEAN MANAGEMENT AU SEIN DES ENTREPRISES La maturité des démarches lean management mises en œuvre dans les entreprises membres du CIGREF participant au groupe de travail est variable. Certaines entreprises n ont pas encore initié de démarches lean management ou celles-ci n ont pas été formalisées. D autres ont appliqué le lean management depuis plusieurs années à une ou plusieurs fonctions de l entreprise, notamment aux fonctions de production et souhaitent maintenant l étendre aux fonctions administratives, au Système d Information ou de manière générale à toute gestion de projet. Dans certains cas, le lean management est le principe de management central de l entreprise. L intérêt pour le lean management est systématiquement exprimé en termes d efficience des processus de l entreprise, et plus précisément par la réduction des sources de gaspillage. Les démarches lean management sont principalement tirées par les Métiers, elles s insèrent parfois dans le cadre d une démarche Qualité d amélioration continue. De par le niveau actuel de pénétration du Système d Information dans l entreprise, la DSI est la fonction la plus à même de détecter et de mesurer les écarts de performance. De plus, chaque transformation organisationnelle passe par une modification du SI. La DSI serait alors la fonction la plus pertinente pour piloter une démarche lean management. Même si la démarche du lean management est encadrée par un grand nombre de principes, tels que ceux issus du Toyota Production Système, les interprétations du lean management sont multiples. Le lean management est un ensemble d outils complexes et puissants, difficile à appréhender. Sa mise en œuvre doit être effectuée avec la plus grande prudence, afin d éviter certaines incompréhensions. Ainsi, les membres du CIGREF qui ont déployé une démarche lean management n emploient pas ce qualificatif pour promouvoir la réorganisation initiée. Les démarches s appellent alors : OTR (Organisation du Travail Responsabilisant) Faurecia Excellency System Le Gemplus Production System Par ailleurs, les principes du lean peuvent également être appliqués aux organisations sans être formalisés, tout ou partie de ces principes peuvent être appliqués. 4

PRINCIPES DU LEAN MANAGEMENT Le lean management, comme tous les concepts, est associé à de multiples définitions plus ou moins précises et complètes. Le groupe de travail a établi une liste de principes qui correspondent à sa propre compréhension du lean management au regard des pratiques en œuvre dans les entreprises membres. Il est ainsi caractérisé par une volonté d amélioration des processus : l objectif est la réduction du temps d écoulement ou lead-time par l identification puis l élimination des gaspillages ou encore tout ce qui n apporte pas de valeur au client final. 1. La mise sous tension de l organisation avec une dynamique d amélioration continue : la standardisation ou la formalisation de l état de l art, ou de la meilleure pratique, sert donc de base à la réflexion pour l amélioration, ceci conduisant à la définition d un nouveau standard au terme d un cycle PDCA (ou Roue de Deming). 2. L implication de tous les membres de l organisation, quelle que soit leur position hiérarchique dans l amélioration implique le développement des compétences de tous ou encore de leur polyvalence (capacité à connaitre et à exécuter plusieurs missions complémentaires au bénéfice du client final). 3. Dans ce cadre de polyvalence, d amélioration continue et de recherche de standardisation, la mise en place du management visuel 4 constitue donc une synthèse permettant à la fois de connaitre l état d un processus, de visualiser un standard et d impliquer tous les membres d une organisation à la bonne compréhension de la situation et à la réaction adéquate pour revenir au standard. 4. Le déploiement du lean management passe par la maîtrise de plusieurs méthodologies, et en particulier d une méthode rigoureuse de résolution de problèmes qui aidera l organisation à mettre en œuvre les facteurs précédemment cités. Ce volet du lean management qui est moins formalisé dans la culture japonaise, reste indispensable en Occident pour encadrer la démarche et mieux visualiser les objectifs d une culture. 5. Enfin, le lean management doit être porté comme un nouveau système de management pour l entreprise et, à ce titre il nécessite une gouvernance appropriée : un soutien fort de la direction générale, un apport éventuel d experts sur les méthodes et outils, et un accompagnement des DRH dans les changements induits (formation, métier, rémunérations collectives ). 4 Le management visuel s attache à fournir des informations précises sur l état d une activité ou d un projet. Il se fonde sur l accessibilité et la transparence des résultats en temps réel pour améliorer la réactivité aux problèmes rencontrés. 5

LE LEAN MANAGEMENT APPLIQUÉ À LA DSI POUR FAVORISER LE BUSINESS DE L ENTREPRISE «Beaucoup de méthodes et d outils peuvent être apportés par le lean manufacturing à une DSI, et tout particulièrement à ses processus de production et d infrastructure» (intervenant du groupe de travail) C est dans les domaines des infrastructures et de la production que le lean management semble le plus aisé à mettre en place, en s inspirant des exemples de l industrie pour initier une démarche de lean management dans l organisation des datacenters ou des productions récurrentes. Dans le domaine des études, il est nécessaire de transposer et adapter les concepts initiaux. LE LEAN MANAGEMENT APPLIQUÉ AUX INFRASTRUCTURES DU SI S inspirer des démarches des secteurs de l industrie Le retour d expérience de la mise en œuvre du lean management dans une entreprise du secteur «semi-conducteurs» a montré l analogie des problématiques rencontrées avec celles des infrastructures d un SI et des facteurs clés liés à une telle mise en œuvre : 1. Obtenir un sponsoring fort des N+1. 2. Convaincre les sceptiques grâce à des «success stories» rédigées par les plus convaincus. 3. Recruter des ressources expertes dans les principes et outils du nouveau système pour aider les opérationnels sur le terrain. L externalisation de l expertise reste un point de vigilance particulier par rapport à la culture de l entreprise et la conduite du changement. «Les démarches proposées par certains cabinets de consulting sont parfois «violentes» et au final moins robustes, notamment parce que le changement culturel nécessite du temps et ne peut pas être imposé uniquement par le haut.» (DSI, membre du groupe de travail) 4. Faire adhérer les métiers transverses : RH, qualité, supply chain, sécurité. 5. Auditer suffisamment les pratiques pour aider les opérationnels à mieux comprendre les cibles et leur permettre d établir régulièrement un plan de progrès adapté à leur contexte. Cela permet également aux N+1 de mesurer la bonne mise en place de la démarche. 6. Organiser des visites de benchmark externe pour se convaincre de la puissance des concepts et outils. 6

Le cas du lean management dans le département IT - BNL-BNP Paribas 5 En 2006, la BNL-BNP Paribas (Banca Nazionale del Lavoro) a fait appel à un cabinet de consulting pour initier une démarche de lean management dans les processus du Back Office. A partir de 2009, la démarche est étendue aux processus Development and monitoring du département IT. Bien que le cabinet ait une grande expérience et une approche très efficace, l entreprise a dû, à terme, trouver son Sensei 6, se réapproprier la démarche lean et former des ressources humaines internes, moins coûteuses et plus proches de la culture de l entreprise. Dans ce type de démarche, les changements impulsés par le top management et leurs implications directes dans le travail des opérateurs de rang 1 impactent particulièrement les managers intermédiaires. Ces derniers peuvent alors éprouver un sentiment d incompréhension et de perte de maîtrise de leur équipe. Par conséquent, un accompagnement spécifique est nécessaire. Quelques principes ne doivent pas être oubliés lorsque la mise en œuvre du lean management dans les infrastructures du SI est directement inspirée du service de production de l entreprise : Faciliter les passerelles entre le monde de l usine et celui des informaticiens. Leur culture et leur langage sont différents. Les Kanbans ne sont qu un outil parmi d autres. Déléguer au maximum les principes de l amélioration continue aux opérateurs de rang 1. Respecter les personnes et le sens qu elles donnent à leur travail. Le lean management réaffecte rapidement une capacité de travail, qu il est préférable de réinjecter dans des postes à plus grande valeur ajoutée. 5 Commentaires de Marie-Pia IGNACE, Vice-présidente de l Institut Lean France et co-animatrice du regroupement Operae Partners, d après une présentation de Paul Tysens disponible en ligne. (http://www.slideshare.net/operaepartners/lean-in-a-bank-it-department-by-paul-thysens) 6 Le sensei est un terme japonais qui dans son acceptation générale signifie le maître, le professeur, l enseignant. Appliqué au lean Management, le Sensei désigne dans l entreprise une personne ayant une maîtrise de la connaissance lean et qui accompagne la transmission de ces principes. 7

LE LEAN MANAGEMENT APPLIQUÉ AUX ÉTUDES DU SI Figure 2 - Illustration de la réduction du traitement des incidents d'un support de niveau 2 ou 3 (Source : Operae Partners) Le lean management et la démarche Agile D après le groupe de travail, la démarche Agile ne doit pas être considérée comme une démarche de lean management à part entière. A l origine, la démarche Agile est un ensemble de méthodes dédiées à la gestion de projet dont la livraison rapide est un aspect fondamental. Bien qu elle partage la promesse d une augmentation de la valeur ajoutée pour l utilisateur final, elle n a pas vocation à être une méthode de management systémique. La démarche Agile serait alors un des nombreux outils qui peuvent être intégrés dans une démarche globale de lean management. Cependant, chaque entreprise adapte et s approprie plus ou moins une démarche de management. Les outils évoluent en fonction du contexte et de la stratégie de l entreprise, les acronymes utilisés pour qualifier la méthode de management de l entreprise peuvent alors traduire des réalités différentes des concepts initiaux. 8

La transposition du lean management dans le développement applicatif d une grande entreprise IT - Amadeus Amadeus offre des solutions technologiques aux distributeurs, aux fournisseurs de services de tourisme et aux acheteurs de voyages. La particularité d Amadeus est d avoir adapté à la fois les principes du lean management et les principes des démarches Agile dans le but d apporter une cohérence d ensemble aux équipes de développement, d éliminer les gaspillages, d amplifier la collaboration Dans cette entreprise, le déploiement du lean management concerne environ 500 personnes. Les facteurs clés de succès de ce déploiement sont : L importance de descendre hiérarchiquement le pouvoir de décision afin d améliorer la réponse aux changements. La méthode Agile demande une présence importante du client, et n est pas pertinente lorsqu un respect des jalons est impératif (exigence du client, projet faisant partie d un sur-ensemble ). Un bon compromis est alors de mixer un projet en cycle en V pour l interfaçage client, avec la méthode Agile pour l agilité des développements internes. Les retours d expérience doivent être organisés pendant les projets et non pas après, car les équipes perdent leur motivation avec le temps. Le management visuel doit être utilisé intelligemment pour éviter la surabondance d information tout en donnant de la transparence aux projets. Le multi-site et la nécessité de dématérialiser le management visuel rajoutent un point de difficulté, les outils informatiques qui permettent de le gérer ne couvrent pas tous les besoins. Les études d incidence sur les coûts de développement ne sont pas évidentes à mettre en œuvre. Pour vendre la démarche auprès de la direction, l équipe lean management peut faire un «coup marketing» basé sur le concept et la connotation positive «Agile» accompagné d une meilleure motivation du staff, basée sur leur responsabilisation, ou la recherche d amélioration continue. Figure 3 - Cohabitation du cycle en V et de la démarche Agile Source : Amadeus 9

Le cas du développement d une application de gestion des licences dans un grand groupe bancaire Suite à l échec (aucun résultat après 2 ans) dans la mise en place d un projet de lean management accompagné par un cabinet de consulting, l entreprise a décidé de confier le projet à une équipe mobilisée à temps plein et connaissant parfaitement la culture du lean management. Les points essentiels mis en évidence dans cette démarche sont : L accompagnement au changement culturel s effectue sur le long terme : le concept «lean» provient des USA, où des consultants ont essayé de transposer le concept d origine japonaise aux entreprises américaines. Or la compréhension d une autre culture n est pas chose aisée et nécessite un certain nombre d investissements. Par exemple, la standardisation des tâches se fait avec beaucoup moins de difficulté au Japon. La mise en place du lean dans l informatique doit se faire en permettant, comme pour le lean manufacturing, de penser la production simultanément au produit grâce à une équipe dédiée et une ingénierie de process. La participation de l ensemble des parties prenantes à la prise de décision est un point essentiel dans l efficacité d une démarche lean. Mais cela reste difficile pour notre culture. Peu d entreprises semblent spécialisées dans la mise en place de démarches lean relatives au développement applicatif, cependant les boites à outil issues des démarches Qualité sont tout à fait appropriées et transposables. De même la résolution de problème n est pas envisagée de manière identique entre les cultures. L équipe responsable du lean management est un coach en résolution de problèmes, et il faut expliquer que les problèmes à résoudre ne doivent pas être perçus comme des délits. L application de tout ou partie des principes du lean management a tout son sens pour gouverner, architecturer et gérer le SI de l entreprise : 1. Le Juste à temps consiste, de manière globale, en la «réduction de la non valeur ajoutée», notamment la réduction du Lead Time, c est-à-dire du délai entre l initiation du processus et la livraison à l utilisateur final. Cette réduction peut s effectuer par l élimination de processus inutiles, un travail sur les 7 gaspillages, etc. Pour les études du SI, cette réduction peut s effectuer par l emploi de méthodes de développement à la fois adaptées pour le client et pour l efficacité de l équipe de développeurs (par exemple : un bon dosage entre cycle en V, Agile ou Scrum). Ne faire que ce qui est nécessaire, ce qui est bien souvent contraire aux préceptes issus des écoles d ingénieurs. 2. La Standardisation des opérations peut passer par la technique classique du 5S, particulièrement applicable au Data Center, ainsi que de manière générale par l utilisation rigoureuse de méthodes de gestion de projet. Les outils de Ticketing sont également souvent mis en avant. Dans le développement applicatif, la mise en place 10

d une gestion d un catalogue interne de produits et services réduit la redondance des composants aux niveaux technique et fonctionnel. 3. La gestion de la Polyvalence des hommes managés par le lean management nécessite d assurer une bonne formation et de déployer des Skills Matrix. Le lean management doit permettre entre autres de faciliter le travail des équipes de production, de gérer efficacement les compétences, d accroitre la montée en autonomie des équipes, de planifier les ressources, de répartir la demande client et ainsi de se projeter au-delà des pratiques quotidiennes. 4. Le Visual management permet de matérialiser efficacement les principes du lean management. Cela passe, par exemple, par le partage visuel dans un lieu accessible des actions, des plannings, des problèmes et des indicateurs de suivi de la performance, ou encore par l organisation de réunions éclairs (5 minutes). 5. La Résolution de problèmes doit considérer les problèmes comme des opportunités et adresser la cause plutôt que le symptôme. Plusieurs méthodes peuvent faciliter ce travail : la mise en place de matrice de résolution de problèmes et l incitation à l auto-qualité, la méthode du A3 ou la méthode du QRCI-8D 6. Tous ces éléments nécessitent une Gouvernance adaptée afin de donner du sens à la démarche, d impliquer les équipes sur le terrain, de respecter les personnes et d obtenir un soutien fort du top-management. Il peut être adéquat de désigner un gardien du lean (un ingénieur en chef). Celui-ci doit être «polyglotte», c'est-à-dire capable de comprendre le langage, la vision, les besoins de l ensemble des acteurs, c est un véritable médiateur interculturel de proximité. Il doit garantir que les opérations répondent bien à un besoin collectif et non individuel. Cependant, la philosophie du lean management est un changement culturel radical pour certaines organisations. Il est ainsi pertinent de : appliquer le lean management par étape, en commençant par les processus répétitifs et simples ; mettre en œuvre des méthodes de type Agile associées à un cadre global d ingénierie ; mettre en place une gestion des tâches par priorités ou par contraintes ; documenter progressivement les processus afin de favoriser la réutilisation. 11

LE SI «INDUCTEUR» DU LEAN MANAGEMENT DANS LES MÉTIERS LE LIEU OÙ TRANSITENT TOUTES LES INFORMATIONS De par le niveau actuel de pénétration du Système d Information dans l entreprise et la complexification des flux de données, la DSI est le lieu où transitent toutes les informations, elle est l une des fonctions à même de détecter et de mesurer les écarts de performance. Lors de changements organisationnels, la DSI peut alors saisir l opportunité de piloter ou copiloter une démarche lean management. La DSI, qui a réussi à appliquer le lean management pour son propre fonctionnement et a acquis suffisamment d expérience, peut devenir le leader de l entreprise en termes de conduite des projets de lean management. Les équipes SI en charge du lean management peuvent acquérir de l expérience par un contact répété avec les équipes métiers. Elles peuvent ensuite apporter leur expérience aux métiers en ce qui concerne la maîtrise des flux de données et le passage de l approche produit à l approche process. BUSINESS CASE : PROCESS CHANGE REQUEST CHEZ TOYOTA MOTOR EUROPE (TME) Les membres du groupe de travail ont visité la DSI de TME afin de réaliser ce business case. Le but de cette visite était l échange large et en situation (Gemba) sur la contribution de la fonction SI, et du SI à la mise en œuvre du lean management dans l entreprise (et en l occurrence hors DSI). La DSI de TME a montré la possibilité d appliquer pour le SI les 14 principes issus du Toyota Production Système (TPS) : 1. Faire toujours le lien avec les besoins du client ; 2. Se concentrer sur la valeur ajoutée pour le client ; développer des processus en flux continu en éliminant les gaspillages (Muda) ; 3. Éviter la sur- ou sous-activité. Segmenter le travail en petites tâches ; 4. Prendre les décisions sur le terrain (Gemba) ; 5. Stopper et revoir le processus dès l apparition d un problème (Jidoka) ; 6. Mettre en œuvre un processus standard ; 7. Utiliser la technologie pour accompagner la mise en œuvre des processus ; 8. Rendre visible le processus et ses résultats ; 9. Développer l esprit d équipe ; 10. Intégrer les fournisseurs ; 11. Utiliser les principes du PDCA pour développer une démarche d amélioration continue ; 12. Prendre des décisions après un consensus et en considérant toutes les options ; 13. Baser ses décisions sur la vision à long terme ; 14. S assurer que les managers ont toujours une compréhension complète et précise du système Toyota. 12

Le contexte de Toyota Motor Europe (TME) Les valeurs de TME D une part, les décisions sont prises sur le long terme et la construction d une organisation apprenante est importante. Les principes d apprentissage sont pris en compte, ainsi que la croissance des savoir-faire, par exemple en connaissance du Business pour les architectes, en Java pour les analystes D autre part, le choix de l internalisation/externalisation du travail à la DSI TME prend en compte la charge des équipes, les coûts, mais également le maintien de l emploi sur le long terme, un des éléments de la politique Toyota. Les outils et mécanismes de prise de décision La DSI de TME utilise les outils de résolution de problème et de partage d idées du Toyota Production Système, appelés Stop and solve problems, A3, démarche Nemawashi large (en tête à tête avec toutes les parties prenantes au projet utilisateurs, mais également prédécesseurs sur le poste ) menée en Ringi, la réunion finale, censément de prise de décision, étant de pure forme. La fonction Système d Information M. Masai, DSI de TME présente l objectif du SI comme étant de contribuer à l amélioration du business, et pas seulement de fournir du logiciel. Pour ce faire, sont nécessaires : une direction claire (déploiement d objectifs jusqu au niveau de chaque individu et en cohérence avec la stratégie de la compagnie : Hoshin Kanri) aidant à atteindre les objectifs principaux et à réagir rapidement aux évolutions de l environnement ; un management des process et de leurs résultats par le PDCA (Plan-Do-Check-Act), systématique ; chaque projet de la DSI, qui sont autant de projets de performance, a son PDCA ; une approche complémentaire aux objectifs stratégiques et pratiques : ainsi la DSI se focalise-t-elle davantage sur ce dont la compagnie a besoin, plutôt que sur les demandes des utilisateurs ; une focalisation process («fix Business process first») : Toyota réfléchit d abord au process ; des prototypes IT peuvent être faits sur une section ou un segment du business, pour automatisation future. La DSI de TME gère un plan à moyen terme se caractérisant par : communication, identification des besoins, synthèse et construction du consensus. Son rôle en «Business kaizen» est d autant plus marqué que le métier, comme le marketing, le commercial, est moins familiarisé avec ces outils (à l inverse de la production). 13

Le cas étudié : Process Change Request Le Process Change Request est la proposition, par un fournisseur, d un changement dans le process de fabrication (de véhicule), ce changement devant apporter des améliorations/économies aux deux parties. Ce changement doit être approuvé par Toyota (et donc par les structures concourant à la conception/acquisition/fabrication/ commercialisation d un véhicule). Ce process, aucunement outillé, connaissait un taux de rebut allant jusqu à 30% (arrêt du process quelle qu en soit la cause : mobilité des personnes chez le fournisseur ou à TME, perte de documents ), un temps de cycle jugé long, une efficacité faible Le projet, de taille moyenne (env. 400 k, 9 mois environ), a été réalisé par une SSII turque, pour des questions de coût et de disponibilité des équipes TME. Ses intervenants ont, comme ceux de TME, participé aux démarches Genchi Gembutsu sur le sujet. Sont distinguées quatre phases aux projets informatiques de TME : 1. Requirement ; 2. Design ; 3. Construct ; 4. Test. Le Requirement consiste en la réalisation du A3 (surnommé Ringi : «tueur de réunions»), résultat d un Nemawashi de 5 mois environ (sur 9 mois de projet). Cette phase a été réalisée par le «Business» et la DSI. Toutes les options sont considérées (pas de sacralisation des besoins utilisateurs, des prototypes partiels ont été mis en œuvre durant cette phase pour test du process et évaluation). Le A3 du projet comporte les parties normalisées de : contexte de la décision ; situation actuelle et problèmes rencontrés ; situation à atteindre et améliorations à mettre en œuvre ; bénéfices envisagés et coûts éventuels ; organisation du projet ; situation par rapport au plan d actions stratégiques (long terme) ; retour sur investissement prévu. Le A3 a été montré et commenté. Des extraits sont présentés en figures 4 et 5 ci-après. Ensuite les trois phases de Design, Construct & Test sont menées en temps de cycle court, deux livraisons par semaine, ce qui permet de mettre en œuvre les principes fondamentaux de : Heijunka (lissage de charge entre les différents profils d intervenants sur ces trois phases) Jidoka (identification au plus tôt des anomalies, outillage avec JUnit test case) 14

Le résultat des tests est partagé avec les fournisseurs et des tests automatiques, pouvant entraîner revue de code, sont utilisés. L échange entre les intervenants (fournisseurs inclus) est aidé par des outils de visualisation (Obeya ). Suivi du projet Le projet fait l objet d un suivi et d un bilan en terme 1) de planning, 2)de qualité du logiciel produit et 3) de coût du support après mise en production : Résultats Figure 4 - Le projet quantifié en délai, coût et qualité. (Source : Toyoto Motor Europe) Les résultats du projet sont synthétisés dans le tableau en figure 5 ci-après et incluent : la non disparition des demandes de changement (de 30% estimé à 0) ; le maintien du temps de cycle du process (110 jours avant, 112 jours après, pour un objectif de 90 jours) ; la standardisation du process et le suivi paneuropéen des demandes de changement. Figure 5 - Les résultats du projet (Source : Toyoto Motor Europe) 15

Le lean management est une méthode de management systémique, bien qu il soit possible d appliquer certains outils indépendamment les uns des autres. La manière la plus pertinente de tirer le meilleur de cette méthode est de revoir l organisation entière de l entreprise, et notamment la gouvernance. La mise en œuvre du lean management passe autant par la refonte des processus que par l organisation des équipes et l application d une méthodologie à la conception des produits et services. Le Business Case a montré qu induire le lean management dans les métiers repose sur trois axes principaux : une conception simultanée process/application ; des décisions en alignement avec la stratégie à long terme ; une organisation très particulière de la fonction «Développement Logiciel», étendue à l entreprise (métiers ) et aux fournisseurs. 16