Instantie Hof van Cassatie Onderwerp Huwelijksvermogensrecht. Ontbinding van huwelijk door echtscheiding. Tijdstip. Gevolgen wat de goederen betreft. Pluraliteit van echtscheidingsvorderingen. Criterium Datum 24 februari 2005 Copyright and disclaimer Gelieve er nota van te nemen dat de inhoud van dit document onderworpen kan zijn aan rechten van intellectuele eigendom, die toebehoren aan bepaalde betrokkenen, en dat er u geen recht wordt verleend op die desbetreffende rechten. M&D Seminars wil u met dit document de nodige informatie verstrekken, zonder dat de in dit document vervatte informatie bedoeld kan worden als een advies. Bijgevolg geeft M&D Seminars geen garanties dat de informatie die dit document bevat, foutloos is, zodat u dit document en de inhoud ervan op eigen risico gebruikt. M&D Seminars, noch enige van haar directieleden, aandeelhouders of bedienden zijn aansprakelijk voor bijzondere, indirecte, bijkomstige, afgeleide of bestraffende schade, noch voor enig ander nadeel van welke aard ook betreffende het gebruik van dit document en van haar inhoud. M&D Seminars - 2008 M&D CONSULT BVBA Eikelstraat 38-9840 DE PINTE Tel. 09/224.31.46 - Fax 09/225.32.17 info@mdseminars.be - www.mdseminars.be
24 FEVRIER 2005 C.03.0152.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N C.03.0152.F V. M., demanderesse en cassation, représentée par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, boulevard Emile de Laveleye, 14, où il est fait élection de domicile, contre D O. S., défendeur en cassation. I. La décision attaquée
24 FEVRIER 2005 C.03.0152.F/2 Le pourvoi en cassation est dirigé contre l arrêt rendu le 11 juin 2002 par la cour d appel de Liège. II. La procédure devant la Cour Le président de section Philippe Echement a fait rapport. L avocat général Thierry Werquin a conclu. III. Le moyen de cassation La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants : Disposition légale violée Article 1278, alinéa 2, du Code judiciaire tel qu'il a été modifié par l'article 19 de la loi du 30 juin 1994 modifiant l'article 931 du Code judiciaire et les dispositions relatives aux procédures du divorce, applicable au litige en vertu de l'article 45, 2, de la même loi. Décisions et motifs critiqués L'arrêt attaqué, après s'être référé à l'exposé des faits de la cause du premier juge, confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les effets du divorce entre époux quant à leurs biens remontaient non au 16 novembre 1989, date de la requête en divorce pour cause déterminée du défendeur, mais au 13 novembre 1998, date à laquelle la demanderesse a introduit son action en divorce, aux motifs : «(que) l'article 1278, alinéa 2, stipule que le divorce remonte entre les époux quant à leurs biens, en cas de pluralité de demandes, au jour de la première d'entre elles, qu'elle ait abouti ou non ; que le Code judiciaire ne fait aucune distinction particulière lorsqu'il envisage le cas de la pluralité de demandes et que l'on ne doit plus tenir
24 FEVRIER 2005 C.03.0152.F/3 compte comme auparavant du point de savoir si le divorce a été prononcé sur une première demande ou au contraire, sur une demande postérieure ; que lors des travaux préparatoires, la solution fut justifiée par la considération qu'«une période suspecte commence du point de vue patrimonial, dès qu'une procédure en divorce est engagée» (rapport Merckx- Van Goey, p. 84 et R.T.D.F., 1994, p. 321) ; que c'est bien 1e climat de suspicion matrimoniale qui est la ratio legis de l'alinéa 2 de l'article 1278 ; que la coexistence des actions, exigée par certains auteurs, est une condition que l'on cherche en vain dans le texte légal et qui serait injuste si la collaboration conjugale n'a pas repris entre la fin de la procédure qui n'a pas abouti et 1e commencement de celle qui a abouti ; que l'esprit de la loi commande de décider que, même lorsque la coexistence dans le temps fait défaut, il y a pluralité de demandes pourvu que la collaboration conjugale n'ait pas repris entre les procédures (voir Divorce, commentaire pratique, t. I, E. Vieujean : Les effets du divorce pour cause déterminée, VI 2.2., p. 47; J.L. Renchon, Les grandes lignes de la réforme opérée par la nouvelle loi du 30 juin 1994 sur les procédures en divorce, R.T.D.F., 1994, p. 171) ; que l'on objectera vainement qu'il suffirait d'entreprendre une procédure en divorce basée sur des causes approximatives ou carrément imaginaires pour obtenir ultérieurement des gains financiers puisque, si la solidarité familiale n'existe plus et que la séparation de fait perdure jusqu'à l'aboutissement d'une autre procédure en divorce, les parlementaires qui se sont exprimés au cours des travaux préparatoires de la loi trouvent injuste que les effets patrimoniaux ne remontent pas à la date effective à laquelle la solidarité familiale a cessé ; qu'il n'y a pas lieu non plus d'exiger que les procédures, si elles ne coexistent pas, s'inscrivent dans un même processus de divorce, caractérisé par une unité de temps et d'intention, cette distinction ne figurant pas dans le texte et ne correspondant pas non plus à la ratio legis décrite ci-avant dans l'hypothèse où il y a séparation de fait ininterrompue depuis la première demande (contra Y.H. Leleu, Actualités de droit familial, le point en 2001, CUP, vol. 49, p. 64-65 et Chron. dr. not., vol. XXXIV, 2001, p.190 et s.) ;
24 FEVRIER 2005 C.03.0152.F/4 qu'on pourrait se demander pourquoi le législateur a prévu une solution différente à l'alinéa 4 de l'article 1278 du Code judiciaire dans le cas d'une séparation de fait non suivie d'une demande immédiate en divorce ; qu'il semble que le législateur n'a tout simplement pas aperçu le problème lorsqu'il a modifié cet alinéa 4 et qu'en outre s'agissant juridiquement d'une autre situation, le législateur a pu vouloir des solutions différentes, en limitant expressément les effets injustes engendrés par la séparation de fait ; qu'en l'espèce la première requête remonte au 16 novembre 1989 ; qu'ensuite de celle-ci les époux n'ont vécu séparés que jusque dans le courant de 1990, la vie commune reprenant à cette époque jusqu'au 11 juillet 1997; que lorsque (la demanderesse) cite (1e défendeur) en déchéance de son action et postule le divorce reconventionnellement à son profit, (le défendeur) déclare renoncer à poursuivre son action et demande qu'il soit statué en l'état (cfr procès-verbal d'audience du 30 mars 2000) ; qu'il déclare reconnaître avoir eu une liaison extraconjugale depuis 1997, c'est-à-dire depuis qu'il a quitté à nouveau le domicile conjugal ; qu'une vie commune de plus de 7 ans s'est donc écoulée entre la reprise de 1a vie commune et la demande reconventionnelle de (la demanderesse) avec les heurts et malheurs que peut comporter toute vie conjugale, (le défendeur) ayant entrepris des activités commerciales qui se sont révélées désastreuses puisque les sociétés créées par lui subirent deux faillites ; qu'il y a eu indiscutablement pendant cette période de 7 ans maintien de la solidarité conjugale, les exemples cités par (la demanderesse) le démontrant, même si malheureusement cela se retourne contre elle ; qu'ainsi elle a payé les dettes communes en raison du régime matrimonial des époux; qu'elle avait pourtant pris des avis juridiques et qu'il lui avait été conseillé d'entamer une procédure de séparation judiciaire de biens ou une modification du régime matrimonial (...) ; qu'elle n'en a rien fait, consacrant par sa prise en charge des dettes du ménage sa solidarité avec son époux ; que sans doute bien mal lui en a pris puisqu'elle n'en a eu aucune reconnaissance, que du contraire, celui-ci l'ayant quittée en 1997 pour une autre femme ; qu'elle a d'ailleurs obtenu le divorce sur la base de l'abstention de son mari dans le paiement des dettes communes ;
24 FEVRIER 2005 C.03.0152.F/5 que dans le cadre de l'analyse de l'article 1278 ce n'est pas à proprement parler la notion de réconciliation au sens de l'article 1284 du Code judiciaire qui doit guider le juge mais d'une manière plus générale l'examen du maintien ou non de la collaboration patrimoniale des époux même si les deux vont généralement de pair ; qu'au vu des pièces produites, cette solidarité a joué à plein et (la demanderesse), bien que renseignée sur ce qu'elle aurait pu faire pour y échapper, n'a malheureusement pris aucune mesure de sauvegarde, ayant sans doute ses propres raisons telles que celles de tenter de sauver son couple ; que les règles du régime matrimonial ne peuvent être modifiées que par la séparation de biens judiciaire, le changement volontaire de régime ou le divorce, toutes voies que (1a demanderesse) n'a pas suivies en son temps ; que sans doute, (le défendeur) a pris certains engagements d'honneur qu'il pourrait certes respecter à l'heure actuelle mais dont la défaillance durant la vie commune aurait dû alerter (la demanderesse) ; que si son père a consenti certaines avances (au défendeur) - soit 122.500 francs (... ) et 371.468 francs (...) -, il appartiendra à celui-ci de récupérer le montant des prêts consentis, mais ce n'est pas personnellement à la (demanderesse) de le faire en 1a présente procédure, à moins que son père ne soit décédé et qu'elle en soit l'héritière auquel cas cet élément devrait intervenir au cours des opérations de liquidation ; qu'en fonction des principes dégagés ci-dessus, les effets du divorce entre les parties doivent remonter à la date du 13 novembre 1998 comme l'a dit le notaire Godin en son avis (...) et le jugement dont appel qui doit être confirmé à cet égard». Griefs En vertu de l'article 1278, alinéa 2, du Code judiciaire tel qu'il a été modifié par la loi du 30 juin 1994, en cas de pluralité de demandes en divorce, le jugement ou l'arrêt qui prononce le divorce remonte à l'égard des époux en ce qui concerne leurs biens au jour de la première d'entre elles, qu'elle ait abouti ou non ; cette disposition légale n'impose pas la condition
24 FEVRIER 2005 C.03.0152.F/6 supplémentaire que la collaboration conjugale n'ait pas repris entre la première demande, restée pendante devant le juge saisi, et la seconde. L'arrêt attaqué constate, par ses motifs propres et par adoption des faits de la cause constatés par le premier juge, que le défendeur a introduit une action en divorce pour cause déterminée le 16 novembre 1989, que la demanderesse a introduit une action en divorce pour cause déterminée le 13 novembre 1998, que par jugement du 25 avril 2000, le tribunal de première instance de Liège a débouté le défendeur de son action au motif qu'il ne faisait pas la preuve de ses allégations - en d'autres termes que l'action du défendeur n'a pas abouti - et que, par le même jugement, le tribunal a prononcé le divorce sur l'action de la demanderesse. Il constate ainsi que toutes les conditions posées par l'article 1278, alinéa 2, du Code judiciaire pour que les effets du divorce entre époux quant à leurs biens remontent à la date de la première demande sont réunies. En refusant néanmoins de faire rétroagir les effets du divorce au 16 novembre 1989 aux motifs que la collaboration patrimoniale a repris après l'introduction de la première procédure, l'arrêt introduit dans l'article 1278, alinéa 2, du Code judiciaire une condition que celui-ci ne contient pas, violant, partant, cette disposition légale telle qu'elle a été modifiée par l'article 19 de la loi du 30 juin 1994 modifiant l'article 931 du Code judiciaire et les dispositions relatives aux procédures du divorce, applicable aux litiges en cours au jour du prononcé de la décision de divorce en vertu de l'article 45, 2, de la même loi. IV. La décision de la Cour Attendu qu il ressort des constatations de l arrêt, et du jugement dont appel auquel il se réfère, que les faits pertinents de la cause peuvent être résumés ainsi qu il suit : 1. le 16 novembre 1989, le défendeur dépose une requête en divorce pour cause déterminée ;
24 FEVRIER 2005 C.03.0152.F/7 2. les époux vivent séparés durant un an environ et reprennent la vie commune jusqu au 11 juillet 1997 ; 3. le 13 novembre 1998, la demanderesse cite le défendeur afin qu il soit débouté de son action et introduit une demande reconventionnelle en divorce pour cause déterminée ; 4. le jugement prononcé le 25 avril 2000, passé en force de chose jugée, déboute le défendeur à défaut de preuve de ses allégations et prononce le divorce sur l action de la demanderesse ; Attendu qu en vertu de l article 1278, alinéa 2, du Code judiciaire, le jugement ou l arrêt qui prononce le divorce produit ses effets à l égard des époux, en ce qui concerne leurs biens, au jour de la demande, et en cas de pluralité de demandes, au jour de la première d entre elles, qu elle ait abouti ou non ; Qu au sens de cette disposition, il y a pluralité de demandes lorsque, comme en l espèce, deux demandes en divorce coexistent dans le temps ; Attendu que l arrêt qui, après avoir constaté qu une vie commune de plus de sept ans s est écoulée entre la reprise de la vie commune et la demande reconventionnelle de la demanderesse et que durant cette période la solidarité conjugale s est maintenue, fait remonter pour ce motif les effets du divorce entre les parties en ce qui concerne leurs biens au 13 novembre 1998, soit à la date de la seconde demande en divorce, ajoute une condition audit article 1278, alinéa 2, et, partant, viole cette disposition ; Que le moyen est fondé ; Et attendu que la cassation du dispositif relatif à la date à laquelle remontent les effets du divorce en ce qui concerne les biens des époux entraîne la cassation du dispositif relatif à l application de l article 1278, alinéa 4, du Code judiciaire en raison du lien existant entre ces décisions ;
24 FEVRIER 2005 C.03.0152.F/8 PAR CES MOTIFS, LA COUR Casse l arrêt attaqué ; Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l arrêt cassé ; Réserve les dépens pour qu il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ; Renvoie la cause devant la cour d appel de Mons. Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Philippe Echement, les conseillers Didier Batselé, Albert Fettweis, Christine Matray et Philippe Gosseries, et prononcé en audience publique du vingt-quatre février deux mille cinq par le président de section Philippe Echement, en présence de l avocat général Thierry Werquin, avec l assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.