L'ESS en France : définition et panorama 2013 J'aborderai mon intervention à partir des deux thématiques demandés qui sont la définition de l'ess et son panorama, en développant, dans la seconde partie : - en premier lieu : L'ESS actrice du développement socio économique des territoires, en parlant, en particulier : - des Pôles Territoriaux de Coopération Economique (PTCE) - des Chambres Régionales de l'economie Sociale et Solidaire (CRESS) - en deuxième : L'ESS au service des territoires ruraux - je donnerai ensuite quelques éléments sur l'implantation diversifiée de l'ess dans les régions - je rappellerai, enfin, la place des emplois et des entreprises dans leurs territoires et leur proximité avec les habitants, avant de conclure. 1. Définition de l'ess La définition actuelle est, me semble-t-il, assez claire dans le projet de loi ESS en cours de mise en place. Je reprendrai donc, en grande partie des passages de celle-ci Ce préambule indique : "«Produire autrement», «entreprendre autrement», «consommer autrement» sont des formules qui illustrent les aspirations modernes à une plus grande maîtrise de l activité économique pour satisfaire des préoccupations de long terme : cohésion sociale, ancrage territorial des emplois, développement durable " Il rappelle les fondements historiques de l'ess et ses principes fondamentaux : "L économie sociale est apparue au cœur du XIXème siècle dans les pays occidentaux, principalement sous la forme d associations et de coopératives, ainsi que de sociétés de secours mutuels, afin d apporter des réponses collectives aux besoins sociaux, distinctes de l entrepreneuriat capitaliste. Cette distinction par rapport au secteur capitaliste classique se fondait - et se fonde toujours - sur au moins trois exigences fondamentales : - la gestion en commun de la structure en associant ses participants sur le principe «une personne = une voix», et non plus sur celui de la proportionnalité entre les droits de vote et le nombre de parts sociales détenues,
- le consentement à une limitation de la lucrativité de l activité, au nom de la poursuite d objectifs sociaux, de prévoyance et de mutualisation, - l absence de spéculation sur les parts sociales de l entreprise." L'économie sociale "historique" est composée des associations, des mutuelles, des coopératives et des fondations. On constate que, si ce modèle économique s'est constitué empiriquement dans un premier temps, il a vu son régime juridique progressivement reconnu et défini. Il a également fait l'objet d'une évolution en fonction de son intervention auprès de publics vulnérables ou de territoires délaissés, c'est ce qui a conduit à parler d'économie solidaire. Cela a donné naissance à de nouveaux acteurs dans le domaine de l'insertion de publics fragilisés : entreprises d'insertion, associations intermédiaires, régies de quartier, chantiers d'insertion, entreprises adaptées,... Depuis quelques années est apparu le concept d'entreprises sociales qui se revendiquent de l'esss sans en avoir les statuts, tout en s'inscrivant en partie dans ce qui fonde l'ess. Leur revendication porte essentiellement sur le fait qu'elles donnent priorité à leur activité sociale auprès de publics en difficulté. La loi prend en compte ces entreprises en assortissant leur reconnaissance au respect d'un socle minimum de valeurs et principes de l'ess. Cette partie est encore en phase de discussion, en particulier sur la question de la pérennité du respect de ces valeurs et principes dans le temps par ces entreprises sociales. Le préambule de la loi indique à ce propos : "Cette évolution de l économie sociale et solidaire illustre l importante créativité du secteur qui mêle principes de gestion, principes de gouvernance, et utilité sociale, ainsi que sa capacité à incarner les aspirations les plus innovantes des formes d entreprendre, dans un souci constant du bien commun." Ce texte conclut : "En France, des pans entiers de notre économie ne seraient pas ce qu ils sont s ils n avaient pas été (ou n étaient pas encore) construits sur les principes de l économie sociale et solidaire : protection sociale, accès au crédit, production agricole, tourisme de masse, aide à domicile, grande distribution, recyclage, services aux entreprises, action sanitaire et sociale " 2. panorama de l'ess L'ESS actrice du développement socio économique des territoires : L'ESS porte : - entre 7 à 14% des emplois régionaux,` - entre 7 et 27% des emplois par département (source : Observatoire national de l'ess- CNCRES, d'après INSEE CLAP 2010). Par ailleurs, l'ess porte :
- plus de 10% des emplois dans les 2/3 des zones d'emploi, - et entre 15 et 27% des emplois dans 15% des zones d'emploi. Elle est présente dans tous les secteurs d'activité, de l action sociale la plus souvent citée, aux activités financières, au commerce, en passant par l éducation, la culture, le sport, etc. L'ESS s'organise fortement dans sa présence sur les territoires, aussi bien en matière de regroupement d'entreprises que par la pérennisation des chambres régionales de l'économie sociale et solidaire. J'aborderai donc ces deux points avant d'aller plus loin : Les Pôles Territoriaux de Coopération Economique (PTCE) : au nombre de 23 dans la phase expérimentale en cours, ces pôles ont pour vocation de réunir des acteurs économiques sur un territoire ou autour d'une thématique pour générer et porter des actions de développement économique. Les 5 structures de l'ess porteuses de cette action (LE LABO, LE RTES, LE MES, LE COORACE, LE CNCRES, en donnent une définition précise : "Un Pôle Territorial de Coopération Economique (PTCE) se définit comme un groupement d acteurs sur un territoire initiatives, entreprises et réseaux de l économie sociale et solidaire, petites et moyennes entreprises, collectivités locales, centres de recherche et organismes de formation qui met en œuvre une stratégie commune et continue de coopération et de mutualisation au service de projets économiques innovants de développement local durable." Ces acteurs sont donc dans une logique de développement économique local autour d'une coopération entre les entreprises, les pouvoirs publics, les habitants,... Il s'agit d'une stimulation et d'une innovation de l activité économique sur la base de coopérations territoriales. Les Chambres Régionales de l'economie Sociale et Solidaire (CRESS) : elles sont présentes dans chacune des régions, en phase avec chacun de ces territoires. Cependant, cette proximité en fait un réseau encore en mouvement et l'ensemble des CRESS ont décidé, au sein du CNCRES, depuis 2004, de s'organiser pour mettre en place une coordination nationale permettant de faire avancer la vision territoriale de l'ess. Pour les CRESS, lieu de regroupement de tous les acteurs de l'ess dans chaque région, il ne peut y avoir d'ess que dans les territoires car c'est une économie de proximité. Les CRES(S) sont des associations représentatives et transversales qui ont vocation à réunir les acteurs de l économie sociale (et solidaire) de leur région : les associations, les coopératives, les fondations d'entreprise de l'ess, les mutuelles, les syndicats employeurs de l économie sociale et dans la plupart des régions, les réseaux d'économie solidaire et de développement local. Les CRES(S) s'engagent à favoriser la démocratie et la solidarité dans l'économie Pour s'en donner les moyens, elles axent leurs actions autour de trois grands objectifs : 1) Structurer et représenter l'ess 2) Accompagner le développement des entreprises et filières de l'ess 3) Faire connaître l'ess 4) promouvoir et proposer des formations pour et sur l'ess
L'ESS au service des territoires ruraux : - L'ESS est parfois le principal employeur en milieu rural (ADMR) et y maintient des services, soins et liens indispensables à la population locale. - Ainsi dans les territoires, l ESS assure non seulement une partie non négligeable de l activité économique, mais plus encore l attractivité de ces mêmes territoires à travers l offre de services et loisirs qu elle y apporte (soins, activités culturelles, de loisirs ), participant pleinement à l économie présentielle et résidentielle, en parallèle de l activité productive du territoire.` - Autre donnée témoignant de l implantation de l ESS en priorité dans les territoires : 75% des 100 premières entreprises coopératives ont leur siège situé en région, contre 10% des 100 premières entreprises françaises (source : Panorama sectoriel des entreprises coopératives, COOP FR, 2012). Une implantation diversifiée : L'observatoire national de l'ess donne un éclairage intéressant dans son panorama 2012. J'en extrairai quelques éléments intéressant les territoires : "Les emplois, organisations et entreprises de l ESS répondent le plus souvent aux besoins spécifiques d une population locale. Pour ce faire les organisations et entreprises de l ESS optimisent l utilisation des ressources locales disponibles et mobilisent tous les acteurs locaux autour de projets au service du développement des territoires." Une étude précise des données montre : - Les établissements et emplois de l ESS sont majoritairement en ile-de-france, Rhône- Alpes et Provence-alpes-Côte d azur, mais l ESS témoigne d une implantation plus forte dans les régions de l ouest de la France : Bretagne, Pays-de-La-Loire, Poitou- Charentes. - Si l on considère la part d emploi relevant de l ESS par rapport au reste de l économie, l ESS est fortement implantée en Bretagne, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes, Bassenormandie, le poids de l ESS dans ces régions étant compris entre 12,1 et 14% de l emploi total (pour une moyenne française à 10,3%). Ces régions doivent cette caractéristique à une part importante de leur tissu associatif qui représente près de 10% de l emploi régional à lui tout seul. - La coopération est quant à elle fortement implantée dans les régions Bretagne et Champagne-Ardenne, et les mutuelles en Poitou-Charentes, Bourgogne et Languedoc- Roussillon, le département des deux-sèvres restant le berceau de l assurance Mutualiste. - Pour autant, l implantation de l ESS dans les territoires varie du simple au double et il existe une grande diversité de situations régionales et infrarégionales. Très présente en secteur urbain, l ESS est également porteuse de nombreux emplois et activités en milieu rural comme l aide à domicile. Par ailleurs, les activités portées par l ESS étant très liées aux marchés économiques locaux, leur implantation reflète également les inégalités économiques existant d un territoire à l autre. Des emplois et entreprises non délocalisables :`
De par l implication des membres dans la création et la gouvernance des organisations et entreprises de l ESS (principe de double qualité), ces dernières sont des acteurs émanant des territoires, portant des services de proximité et créant des emplois non délocalisables. Elles interviennent notamment dans la mise en place de services d intérêt général répondant à des besoins sociaux dans les territoires (services aux personnes, petite enfance, santé...), et soutiennent le développement d activités et de filières nouvelles en fonction des ressources des territoires (éco construction, filière bois...). L ESS favorise les ressources locales en s appuyant sur des circuits courts ou en soutenant la mise en place, et en relocalisant les activités économiques. La constitution de pôles territoriaux de coopération économique, permet notamment, comme je le disais plus haut, de développer la compétitivité et l offre des organisations et entreprises de l ESS d un territoire, autour de projets de mutualisation et de coopération générant des plus-values économiques localement. Conclusion La place des entreprises de l'ess dans les territoires régionaux et infra régionaux, en particulier dans la proximité avec les différentes instances des pouvoirs publics dans les territoires, est un facteur de développement économique dans les pays. Le "pays" est, pour l'ess un niveau pertinent d'intervention et de collaboration car il correspond à un regroupement voulu, souvent en lien avec la réalité d'un bassin de vie, avec ses deux composantes : économique et sociale, c'est un niveau vécu plus qu'imposé. De ce fait, le "pays" est en corrélation avec cette économie de proximité qu'est l'ess, La définition qu'en donnait la loi Pasqua en 1995 renforcée par la loi Voynet en 1999 est en phase avec cette notion : "c'est un territoire présentant une «cohésion géographique, économique, culturelle ou sociale, à l'échelle d'un bassin de vie ou d'emploi» afin d'exprimer «la communauté d'intérêts économiques, culturels et sociaux de ses membres» et de permettre l'étude et la réalisation de projets de développement. La démarche volontaire et contractuelle des communes est un élément important de la capacité de développement des "pays". Les acteurs de l'ess, souvent partenaires des collectivités territoriales et locales ou de l'etat dans l'accompagnement des politiques publiques. Les deux exemples que j'ai cité (CRESS et PTCE) sont des lieux de regroupement des acteurs de l'ess au plan régional (pour les CRESS, mais elles répondent aux demandes de tous les territoires d'une région) et local (pour les PTCE). Dans certaines régions, des collaborations existent déjà entre les CRESS et les "pays", le plus souvent dans le cadre d'une observation des entreprises de l'ess et la production d'information sur ces entreprises afin de permettre aux "pays" de prendre les décisions nécessaires pour l'encouragement du développement des entreprises et des emplois de l'ess dans leur territoire.
Il nous revient, ensemble, de poursuivre ce travail, tant en matière de création directe que d'accompagnement des entreprises et des démarches d'emploi.