Dre Virginie Prendki. Hôpital des Trois Chêne Département de médecine interne, de réhabilitation et de gériatrie



Documents pareils
Intérêt diagnostic du dosage de la CRP et de la leucocyte-estérase dans le liquide articulaire d une prothèse de genou infectée

Les Infections Associées aux Soins

Anatomie. Le bassin inflammatoire. 3 grands cadres. 4 tableaux. Spondylarthrite ankylosante. Spondylarthrite ankylosante 26/10/13

Genou non traumatique

Dr Ottaviani Service de Rhumatologie Hôpital Bichat Staff du 23 Mai 2014

Douleurs des mains. Douleurs des mains les plus fréquentes: pertinence, causes, traitements. C.Zenklusen septembre 2013

Les formes cliniques. Maxime Breban

POURQUOI L HYGIENE HYGIENE = PROPRETE HYGIENE = PREVENTION DES INFECTIONS COMMUNAUTAIRES ET DES INFECTIONS ASSOCIEES AUX SOINS

Cette intervention aura donc été décidée par votre chirurgien pour une indication bien précise.

Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports. Comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins

Accidents des anticoagulants

Item 182 : Accidents des anticoagulants

Infiltrats pulmonaires chez l immunodéprimé. Stanislas FAGUER DESC Réanimation médicale septembre 2009

Apport de la TDM dans les cellulites cervico-faciales

Que représentent les Spondyloarthrites Axiales Non Radiographiques? Pascal Claudepierre CHU Mondor - Créteil

La santé bucco-dentaire au cabinet OMS. Problèmes majeurs. Santé bucco-dentaire et santé générale. Santé. Déterminants sociaux et santé bucco-dentaire

SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS PROFESSIONNELLES. Spondylarthrites. Décembre 2008

DÉFICITS IMMUNITAIRE COMMUN VARIABLE

Arthralgies persistantes après une infection à chikungunya: évolution après plus d un an chez 88 patients adultes

Diagnostic différentiel des infections ostéoarticulaires

Tuméfaction douloureuse

Compte rendu d hospitalisation hépatite C. À partir de la IIème année MG, IIIème années MD et Pharmacie

Stratégies de dépistage des bactéries multirésistantes. Qui? Pourquoi? Comment? Après? L exemple des MRSA

Certificat SSO de formation postgrade en médecine dentaire générale

LES DOULEURS LOMBAIRES D R D U F A U R E T - L O M B A R D C A R I N E S E R V I C E R H U M A T O L O G I E, C H U L I M O G E S

Précautions standard et complémentaires : quelles mesures pour quels patients?

LA RECHERCHE INFIRMIERE: une exigence professionnelle / cas concret. La recherche infirmière. Cas concret : où se déroule-t-il?

Diagnostic des Hépatites virales B et C. P. Trimoulet Laboratoire de Virologie, CHU de Bordeaux

Laurence LEGOUT, Michel VALETTE, Henri MIGAUD, Luc DUBREUIL, Yazdan YAZDANPANAH et Eric SENNEVILLE

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la scintigraphie osseuse et le TEP-SCAN

Vue d ensemble : Office of Cellular, Tissue and Gene Therapies

TUBERCULOSE Nouveautés 2009

Mise au point sur le bon usage des aminosides administrés par voie injectable : gentamicine, tobramycine, nétilmicine, amikacine

Item 154 : Tumeurs des os primitives et secondaires (Évaluations)

Actualisation de la prescription en biologie rhumatologie

Sérodiagnostic de la polyarthrite rhumatoïde

La maladie de Still de l adulte

Dr Pascale Vergne-Salle Service de Rhumatologie, CHU de Limoges. Membre enseignant chercheur EA 4021

PSDP et usage des pénicillines - ESAC

Qu est-ce qu un sarcome?

o Non o Non o Oui o Non

Lymphome non hodgkinien

Leucémies de l enfant et de l adolescent

Définition de l Infectiologie

Le diagnostic de Spondylarthrite Ankylosante? Pr Erick Legrand, Service de Rhumatologie, CHU Angers

Fièvre sans foyer chez l enfant de moins de 3 mois

MINISTERE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES DIRECTION GENERALE DE LA SANTE- DDASS DE SEINE MARITIME

Service de Biothérapies

La prise en charge de votre polyarthrite rhumatoïde

«Actualités et aspects pratiques de l antisepsie»

La résistance d'agents infectieux aux médicaments antimicrobiens

Tout ce qu il faut savoir sur le don de moelle osseuse

COMMISSION NATIONALE D EVALUATION DES DISPOSITIFS MEDICAUX ET DES TECHNOLOGIES DE SANTE. AVIS DE LA COMMISSION 08 février 2011 CONCLUSIONS

BIOPSIE de MOELLE OSSEUSE

Spondylarthropathies : diagnostic, place des anti-tnf et surveillance par le généraliste. Pr P. Claudepierre CHU Henri Mondor - Créteil

Vaccinations pour les professionnels : actualités

Apport de la biologie moléculaire au diagnostic des parasitoses

L arthrose, ses maux si on en parlait!

Guide de Mobilisation. de cellules souches pour mon. Autogreffe AVEC LE SOUTIEN DE. Carnet d informations et de suivi pour le patient et sa famille

Spondylarthrite juvénile. Dr Sandrine Lacassagne Hôpital Necker 25 Novembre 2010

Allocution d ouverture de Jean DEBEAUPUIS, Directeur Général de l Offre de soins

La polyarthrite rhumatoïde est-elle une maladie courante parmi la patientèle d'un rhumatologue?

TECHNIQUES D AVENIR LASER DOPPLER IMAGING LASER DOPPLER IMAGING LASER DOPPLER IMAGING

Les facteurs de croissance lignée blanche Polynucléaires neutrophiles Grastims

Qui et quand opérer. au cours du traitement de l EI?

Réflexions sur les possibilités de réponse aux demandes des chirurgiens orthopédistes avant arthroplastie

Traitement des Pseudarthroses des Os Longs par Greffe Percutanée de Moelle Osseuse Autologue Concentrée

GRANULOMATOSE SEPTIQUE CHRONIQUE

Le syndrome SAPHO Ostéomyélite multifocale chronique récidivante Spondylarthrite hyperostosante pustulo-psoriasique

TRAITEMENT DE LA POLYARTHRITE RHUMATOIDE

24/01/ 2014 EQUIPE «REFERENTE» POUR L UTILISATION DES CATHETERS VEINEUX PERIPHERIQUES ET CENTRAUX : QUELLE PLACE POUR L INFIRMIERE?

Maladie de Hodgkin ou lymphome de Hodgkin

I Identification du bénéficiaire (nom, prénom, N d affiliation à l O.A.) : II Eléments à attester par un médecin spécialiste en rhumatologie :

MINISTERE DE LA SANTE, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPEES

MODULE D EXERCICE PROFESSIONNEL NOTION MÉDICO-ÉCONOMIQUE DES DE RADIOLOGIE ET IMAGERIE MÉDICALE. Dr F Lefèvre (1-2), Pr M Claudon (2)

Psoriasis & Sport. Pour un meilleur accès des personnes psoriasiques aux activités sportives. Qui le psoriasis touche-t-il?

Compliance (syn. Adhérence - Observance) IFMT-MS-Sémin.Médict.Nov.05 1

Item 95 Maladies sexuellement transmissibles : infections urogénitales à gonocoque et Chlamydia trachomatis (en dehors de la maladie de Nicolas-Favre)

PROTHÈSE TOTALE DE GENOU

ELABORATION DU PLAN DE MONITORING ADAPTE POUR UNE RECHERCHE BIOMEDICALE A PROMOTION INSTITUTIONNELLE

Docteur, j ai pris froid!

QU EST-CE QUE LA TUBERCULOSE?

Résistance aux Antimicrobiens: Ensemble, nous pouvons réduire ce risque

DIAPOSITIVE 1 Cette présentation a trait à la réglementation sur les thérapies cellulaires.

SURVEILLANCE PROVINCIALE DES INFECTIONS NOSOCOMIALES

Trucs du métier. L arthrite psoriasique en l absence du psoriasis. clinicien@sta.ca. Avez-vous un truc? Son épidémiologie et son expression

PLACE DE L IRM DANS LE BILAN D EXTENSION DU CANCER DU RECTUM. Professeur Paul LEGMANN Radiologie A - Cochin Paris

Le traitement conservateur des tumeurs malignes des membres a largement remplacé les amputations

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève décrète ce qui suit :

Streptocoque B :apports des tests en fin de grossesse, nouvelles propositions.

GUIDE PATIENT - AFFECTION DE LONGUE DURÉE. La prise en charge du cancer du rein

dossier de presse nouvelle activité au CHU de Tours p a r t e n a r i a t T o u r s - P o i t i e r s - O r l é a n s

Psoriasis et biothérapies

L INSUFFISANCE CARDIAQUE

Programme National de Prévention des infections associées aux soins en ES,

PROFIL DE POSTE PRATICIEN ANATOMIE ET CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES

Hémostase et Endocardite Surveillance des anticoagulants. Docteur Christine BOITEUX

La goutte la maladie des rois

Recommandations régionales Prise en charge des carcinomes cutanés

Hépatite C une maladie silencieuse..

Transcription:

Arthrites septiques Dre Virginie Prendki Hôpital des Trois Chêne Département de médecine interne, de réhabilitation et de gériatrie Formation approfondie en GERIATRIE 16 avril 2015

PLAN Epidémiologie Physiopathologie. Méthodes diagnostiques : clinique/paraclinique. Prise en charge thérapeutique. Choix de l'antibiothérapie. Drainage articulaire. Dans le futur?

Cas clinique Mme D, 76 ans, HTA Histoire récente : - Prothèse totale de genou D pour gonarthrose. - Sortie hôpital J7. - J15 : inflammation cicatrice->pénicilline M po 7j M3 : douleur et inflammation du genou, impotence fonctionnelle, fièvre. Sang : GB=9.91 G/l, CRP=250mg/l, hémocultures nég.

Cas clinique Liquide articulaire : - GB=79 G/l, PNN=90%, pas de germe au direct. - Cristaux de pyrophosphate de calcium. Colchicine, vancomycine et gentamicine. J3 : pas de réponse au traitement ->corticoïdes. J5 : culture du liquide: Campylobacter fetus. CAT : arrêt corticoïdes, changement ATB (clarithromycine) et synovectomie-changement d insert. Culture de selles : C. fetus.

Epidémiologie/méthodologie Biblio : peu d ECT, études rétrospectives, définition de cas variable. Définition de Newman : >1 critère parmi les 4 suivants : - Microorganisme dans l articulation. - Microorganisme retrouvé ailleurs dans un contexte d arthrite d allure septique. - Signes cliniques typiques et liquide articulaire suspect en cas d ATB récente. - Signes histopathologiques d arthrite septique.

Epidémiologie Incidence Europe occidentale : 4-10/100 000 patients/an. + élevée dans: - Populations défavorisées, enfants et sujets âgés. - PR et prothèses ostéo-articulaires (30 à 70/100 000). Augmentation incidence due à : - Vieillissement population. - Procédures invasives. - Ttt immunosuppresseurs. Mader Drug and Aging 2000, Gavet JAGS 2005, Weston Ann Rheum Dis 1999, Mc Guire 1985, Shirtliff Clin Microb Rev 2002

Age et facteur de risque d arthrite septique? Gavet JAGS 2005, Weston VC 1999, Mc Guire 1985

Facteurs de risque

Délai moyen de diagnostic : 21j (1j-3m) Apyrexie : 10j (23%) Tx mortalité : 9.5% chez>80 ans vs 0.7% chez <60 ans Convalescence et physio: 23 (54%) Grabatisation : 3 (7%) Gavet JAGS 2005: étude rétrospective sur 335 patients

Physiopathologie Membrane synoviale : vascularisée++, absence de membrane basale. Voie hématogène >95%. Voie directe injection, arthroscopie 1 4 % traumatisme non visible x %

Scanning electron micrograph of a human neutrophil ingesting MRSA National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID)

Quels micro-organismes? Staphylococcus aureus++ puis streptocoques: 80-90% des étiologies. MRSA : nosocomial, drogues IV, sujets âgés?, infections de prothèse-> Souches nouvelles, PVL+: rares chez nous BGN: sujets âgés++ car infections urinaires et ulcérations cutanées. Gonocoque moins fréquent chez sujet âgé.

Gavet JAGS 2005

Quelles articulations? Etude rétrospective à Nottingham, UK: 242 patients Weston, Ann Rheum Dis 1999

Diagnostic Avant tout, la clinique++ : anamnèse, examen physique Signes inflammatoires. Epanchement. Limitation fonctionnelle. Fièvre. 5 à 20% : plusieurs articulations. Signes atténués chez le sujet âgé. Délai moyen de diagnostic : 21j (1j-3m) Apyrexie : 10j (23%) Tx mortalité : 9.5% chez>80 ans vs 0.7% chez <60 ans Convalescence et physio: 23 (54%) Grabatisation : 3 (7%)

Diagnostic Recherche soigneuse : - Signes de sepsis sévère, terrain. - Porte d entrée. - Bilan d extension : -locale (ostéomyélite) -systémique (endocardite, spondylodiscite). - Présence de matériel étranger.

Diagnostic Mortalité: 11 à 50% Pronostic fonctionnel: 24% Ostéomyélite: 8 à 20%

Diagnostic biologique Aucune technique assez sensible et spécifique : pas de gold standard. GB, déviation G, CRP : Elevés (mais pas toujours). Ne distinguent pas l arthrite septique d autres formes aiguës. PCT sérique, dans le liquide articulaire? Monitorer traitement et suivre évolution++

Diagnostic microbiologique Prélèvements microbiologiques avant tout antibiotique 2 paires d hémocultures: + dans 25 à 50% des cas. Liquide articulaire: les 3C=cytologie, culture, cristaux Toujours ponctionner en cas de suspicion d arthrite septique sur articulation native. Si infection sur prothèse, à réaliser en radio ou au bloc!

Liquide articulaire: les 3C: cytologie, culture, cristaux Glucose>protéines, lactates et PCT Bactériologie: Gram (sensibilité 50%) Culture (sensibilité 67%) Inoculation dans flacon hémocultures 1 Toujours chercher les cristaux : microscope lumière polarisante, labo qualifié, T ambiante (pas frigo!). Envoi rapide, prévenir le laboratoire. PCR eubactérienne? 1: von Essen Ann Rheum Dis 1986

Cristal d'urate dans du liquide synovial, source: Wikipédia

Biopsie synoviale? Biopsie utile si : -examen bactériologique négatif -suspicion d infection à mycobactérie ou fungique (direct, culture, histopathologie, PCR). PCR utile dans les borrélioses, les arthrites réactionnelles (Chlamydia, Mycoplasme) et à gonocoque. PCR universelle (ARN 16S). Rahman MU et al. Arthritis Rheum, Lee AH et al. J Rheumatol 1991, Rosa PA et al. J Infect Dis 1989

Imagerie Radiographie clichés standard. US. CT. MRI (ostéomyélite? atteinte articulations profondes et tissus mous?). Ne peuvent distinguer causes infectieuses des autres. Scintigraphie osseuse (polynucléaires marqués).

Traitement Hospitalisation. USI si instabilité. Ponction articulaire diagnostique + hémocultures PUIS Antibiothérapie empirique initialement IV en URGENCE puis adaptée aux résultats : Aucun ECT. Large métaanalyse : aucun avantage d une molécule/autre 1. 1 Stengel Lancet Infect Dis 2001

Guide ATB HUG Pas d étude pour valider la durée. Jusqu à 4-6 semaines dont 1 à 2 semaines IV.

Choix d une antibiothérapie Particularités du sujet âgé Atypie sémiologique +++ Sévérité de l infection ++ Epidémiologie microbienne (co-morbidités, SLD, EMS) Modifications pharmacologiques Fonction rénale ++ Interactions médicamenteuses Effets secondaires ++ Compliance-adhérence aux traitements ++ Gavazzi et al 2002

Ponctions évacuatrices et chirurgie

Ponctions évacuatrices vs chirurgie Mathews Management of septic arthritis: a systematic review, Ann Rheum Dis 2007

Facteurs de risque d échec thérapeutique Clin Rheumatol 2014

Facteurs de risque de mortalité Clin Rheumatol 2014

Autres traitements Immobilisation (amplitude articulaire à préserver++), physio passive à la phase aiguë puis reprise physio active. Recherche (pas validés) : Corticoïdes. Bisphosphonates. Cytokines.

Algorithme de prise en charge

Take home message Arthrite fébrile = urgence : arthrite septique jusqu à preuve du contraire. Diagnostic + fréquent et pronostic + sévère chez sujet âgé. 2 paires hémocultures et ponction articulaire avant ATB. 3C pour le liquide: cellules, cristaux, culture. Débuter rapidement les ATB adaptés au terrain du patient et l écologie locale. Cocci+ : MSSA. Collaboration médecin-chirurgien.

Suffisamment rare pour ne pas y penser tous les jours Mais suffisamment fréquent pour en trouver plusieurs par an.

MERCI