Métiers porteurs : le rôle de l entrepreneuriat, de la formation et de l insertion professionnelle Synthèse analytique préparée par la MICI - juin 2013 A l occasion de la relance du débat sur l insertion des jeunes en Afrique, l Agence française de développement (AFD) et le GRET, publient une étude réalisée en 2011 sur les «métiers porteurs : le rôle de l entrepreneuriat, de la formation et de l insertion professionnelle». Elle part du constat que malgré l existence de «secteurs porteurs» ou «métiers porteurs» dans les pays en développement, un fort taux de chômage subsiste. Cette étude interroge donc la notion même de métiers porteurs, leur rôle dans l insertion professionnelle des jeunes et les facteurs favorables à leur déploiement. Elle se base sur une étude de terrain dans trois pays aux contextes économiques et sociaux variés : le Sénégal, Madagascar et la République démocratique du Congo. 1. Secteurs et métiers porteurs : définitions La notion de «métiers porteurs» est entendue de manière différente selon les acteurs qui la portent. Pour les décideurs politiques, les métiers porteurs créent de la valeur ajoutée et participent à la création d emplois. Pour les entrepreneurs, cette notion est fonction de l existence ou du potentiel du marché. Pour les jeunes, ce sont les métiers qui génèrent un bon revenu, qui garantissent une certaine sécurité et qui offrent des perspectives de développement à long terme. L exercice d un métier porteur est, par ailleurs, valorisé et valorisant. Pour les centres de formation, ce sont des métiers demandés par les entreprises et qui attirent les jeunes. La notion de «secteur porteur», entendue généralement au niveau macro-économique, est souvent assimilée à celle de «métier porteur» alors qu elle n est pas nécessairement corrélée au développement de l emploi (par exemple, le secteur de l industrie pétrolière). De même, un métier peut être considéré comme «porteur», indépendamment d un secteur (par exemple la comptabilité). En revanche, beaucoup d exemples montrent que les deux vont souvent de pair (par exemple, le secteur de l informatique et des TIC comporte de nombreux métiers porteurs). Parmi les secteurs porteurs identifiés au cours de l étude de terrain, l artisanat, dans la diversité des métiers porteurs qu il recouvre, est cité comme haut potentiel de développement d emplois. Cette caractéristique est d autant plus vraie lorsque plusieurs conditions sont réunies : bonne organisation et structuration des filières, capacité à concurrencer les produits d importation, possibilité pour l entreprise de faire évoluer les compétences et accéder à des technologies adaptées pour répondre aux attentes évolutives des marchés. 2. Les métiers porteurs : facteurs clés de l insertion professionnelle Le secteur de la micro, petite et moyenne entreprise (MPPME), principal vecteur d insertion professionnelle pour les jeunes, regorge de métiers porteurs mais les dispositifs classiques d enseignement technique et de formation professionnelle et d appui au secteur privé semblent occulter le rôle de l entrepreneuriat et de la formation professionnelle dans le déploiement de ces métiers. En effet, la capacité des entreprises à recruter ou à créer des nouveaux emplois (auto-emploi) dépend de leur capacité à se structurer et de l existence d une offre de compétences utiles et recherchées. Or, dans la majorité des pays africains, les contraintes qui pèsent aujourd hui sur la création et le développement des entreprises ne permettent pas aux jeunes de réunir toutes les conditions préalables à la création d entreprises (capital social, capital technico-technologique,
capital financier) ni aux entreprises existantes de sortir d une logique de survie au profit de la mise en place d une organisation structurée et pérenne (environnement peu favorable en termes de qualité des infrastructures, de fiscalité, de règlementation, d accès aux services d appui financiers et non financiers, de personnel présentant les qualifications recherchées, des comportement des employés dans l entreprise ). De plus, la dimension entrepreneuriale est souvent absente des formations proposées et leur contenu ne répond que partiellement aux besoins des MPME. La définition d une méthode pour identifier les métiers porteurs devrait permettre de mettre en place des services d appui nécessaires à l exercice de ces métiers et de définir des référentiels métiers appropriés ainsi que de sensibiliser différents acteurs sectoriels et transversaux à leur nécessaire implication dans le développement de ces métiers. 3. Les leviers favorables au développement des métiers porteurs L innovation Même si la notion de «métiers porteurs» ne renvoie pas nécessairement à celle de «nouveaux métiers», l innovation participe bien souvent au développement d activités nouvelles. La facilitation de l innovation chez les MPME passe par un accompagnement pour l intégration du processus innovant et par la limitation du risque financier qu encoure une entreprise qui se lance dans une logique d innovation. L entrepreneuriat Le développement des métiers porteurs passe également par la promotion de l entrepreneuriat au sens large : esprit d entreprendre, capacité d entreprendre, création et développement de l entreprise. Ainsi, l initiative entrepreneuriale peut être valorisée au travers de campagnes de sensibilisation, notamment dans les métiers artisanaux aujourd hui déconsidérés aux yeux des jeunes, mais aussi au travers de l intégration de la dimension entrepreneuriale dans les cursus de formation professionnelle. La capacité d entreprendre, quant à elle, se développe grâce à l acquisition complète des compétences nécessaires à l exercice d un métier selon différents moyens d apprentissage entrepreneurial ainsi que par l appui que proposent les organisations en charge du secteur privé et les institutions de micro-finance. L appui à la création et au développement de l entreprise reste un élément essentiel au déploiement des métiers porteurs. Malgré la mise en place de dispositifs de simplification administrative, les services d appui aux entreprises restent largement insuffisant, inadaptés aux besoins des entreprises et difficiles d accès. Beaucoup de prestataires privés se sont développés en substitut ou complément aux organisations faitières mais les problématiques liées à leur fonctionnement (gouvernance, financement, actions) et à leur reconnaissance par les entrepreneurs subsistent. La formation professionnelle Quelques tentatives de définition de politiques publiques en matière de formation professionnelle existent mais l impact de ces politiques sur le terrain reste faible. L étude met en avant la nécessité de renforcer la capacité des organisations intermédiaires dans l ingénierie et le pilotage des activités de formation professionnelle, pour les jeunes et les entrepreneurs déjà installés, ainsi que l implication des entreprises dans la gestion des centres de formation professionnelle (mise en œuvre d une activité de production et de référentiels métiers en adéquation avec les besoins du
marché, accueil des jeunes en entreprise dans le cadre de la formation par apprentissage ou par alternance ). La recherche de synergie et de mise en cohérence des politiques et des acteurs La prise en compte des dynamiques économiques et sociales territoriales permet de «mettre en regard la cartographie des compétences et des formations existantes et potentielles avec les créneaux et métiers porteurs identifiés dans le pays». Sans pour autant rentrer dans une logique de spécialisation des régions en fonction des activités, les métiers porteurs nécessitent un accompagnement spécifique, en lien avec le territoire dans lequel ils s insèrent. La recherche de synergies et de mise en cohérence des politiques et interventions des différents acteurs est un élément indispensable à la recherche d adaptation des compétences aux évolutions des besoins.
Conférence id4d - L insertion des jeunes en Afrique : comment la société civile inspire-t-elle l action publique? 13 juin 2013 à l AFD SYNTHESE Intervenants : - Sandra Barlet, responsable de la thématique Services aux entreprises, Formation & Insertion professionnelles au Gret - Christian Fusillier, chef de projet senior au sein de la division Education et Formation professionnelle de l AFD - André Gauron, consultant en formation professionnelle - Annick Huyghe Mauro, consultante associée au Gret - Régine Gillet Tchos, juriste-conseil en Politiques de l'emploi, Formation, Entrepreneuriat et RSE au sein de l association Agir pour l emploi des jeunes APEJ La société civile a contribué à la mise en place de dispositifs d insertion en Afrique. Certains ont déjà été repris par les collectivités et/ou les Etats. Par exemple, le dispositif CAP Insertion en Mauritanie, initié par le GRET, s ancre progressivement dans le pays, grâce à l implication d un Ministère et d une collectivité (Barlet). Les conditions de réussite, de passage à l échelle et de pérennisation de ces initiatives font encore débat. Il n y pas de «modèle fixe» (Barlet). Mais à la lumière des enseignements tirés de ces dispositifs, quelques facteurs clés de succès se dessinent. Accompagner les jeunes jusqu à la création d activité On pourrait définir l accompagnement comme étant «aider les jeunes à mobiliser les ressources qu ils ont en eux, mais aussi leur apporter les ressources individuelles qui leur manquent» (Gauron). Au Cameroun par exemple, le programme AFOP (Appui à la Formation Professionnelle), dispositif innovant en cours d expérimentation, essaye de résoudre des freins majeurs à l insertion des jeunes agriculteurs : le foncier et l accès à un crédit (Fusillier). Mais lever ces freins et former les jeunes n est pas suffisant : il faut aussi les accompagner dans leur création d activité car «le problème est le passage de la période où ils sont insérés dans un dispositif à l installation de ces jeunes dans un emploi durable» (Gauron). Mobiliser la grande variété d acteurs publics et privés ancrés sur le territoire Chacun des acteurs (les institutions locales ou nationales, les entreprises et leurs représentants, les jeunes et les structures de formation) a un rôle à jouer en matière d insertion. «On ne peut pas ne pas agir sur cet ensemble» (Barlet). Favoriser le «travailler ensemble» est incontournable. «L inadéquation emploi-formation tant décriée en Afrique est une conséquence directe de l absence de culture du «travailler ensemble» des acteurs publics et privés du monde de l éducation et de l entreprise» (Gillet Tchos). Or, dans ce système d acteurs, la société civile peut inspirer l action publique ou être vue comme une potentielle opposante au pouvoir en place. Les pouvoirs publics en Afrique essaient de la tenir en marge de toute gestion sociale (Gillet Tchos). «Si on veut que la société civile puisse inspirer l action publique, il faut alors que l action publique respecte la société civile dans ses spécificités et son originalité» (B. Duriez, MFR). L implication des institutions est également clé pour que les acteurs locaux s approprient les dispositifs et souhaitent les déployer. Il faut «dialoguer et négocier, avant et pendant l action. Sinon, le dispositif de toute façon ne s ancrera pas» (Barlet). Les collectivités locales peuvent jouer un rôle certain dans la mise en place des dispositifs (Gauron). S appuyer sur les acteurs du territoire permet également d élaborer des dispositifs adaptés au contexte local. «Les problématiques sont locales, les réponses doivent être locales» (Barlet). Se doter d outils d évaluation La méthodologie d évaluation fait actuellement défaut (Gauron). «Tant que l on manque d outil qualitatif de mesure, on a du mal à justifier et à convaincre, y compris les pays eux-mêmes et le ministère des Finances, à inscrire au budget des États davantage de moyens en faveur de l insertion» (Fusillier). Mobiliser plus de ressources Davantage de ressources financières doivent être mobilisées car ces dernières sont actuellement insuffisantes. «L accompagnement coûte cher» (Gauron). Intégrer la question de l insertion au sein des politiques publiques existantes La question de l insertion doit être intégrée aux politiques existantes en matière d emploi, d éducation et de formation professionnelle. «Si l on veut un changement d échelle, il y a bien besoin d un minimum de cadrage de politique, qui ne passe pas forcément par une politique spécifique liée à l insertion». (Fusillier). Enfin, la politique économique menée est déterminante. «Si on veut faire de l insertion, il faut créer des emplois, et pour créer des emplois, cela renvoie à la croissance et donc, d abord, à une politique macro-économique» (Gauron). 2