Décision du Défenseur des droits MLD-2015-179



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Transcription:

Paris, le 08 octobre 2015 Décision du Défenseur des droits MLD-2015-179 Le Défenseur des droits, Vu l article 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vu la loi organique n 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ; Vu le décret n 2011-904 du 29 juillet 2011 relatif à la procédure applicable devant le Défenseur des droits ; Vu le code pénal, et notamment ses articles 225-1 et 225-2 ; Saisi par Monsieur X, procureur de la République près le tribunal de grande instance de B, à la suite d une plainte déposée pour discrimination à raison du handicap, par Monsieur Y. Décide de présenter les observations suivantes. Jacques TOUBON

Avis au procureur de la République de B Par soit transmis en date du 12 novembre 2014, Monsieur X, procureur de la République près le tribunal de grande instance de B, a saisi le Défenseur des droits aux fins que lui soit apporté un avis juridique à la suite d une plainte déposée par Monsieur Y, le 12 août 2013, auprès des services de la gendarmerie de V FAITS ET PROCEDURE 1. Monsieur Y s est présenté à la gendarmerie nationale de V le 12 août 2013, afin de déposer plainte à l encontre de la société L AGENCE S pour discrimination à raison du handicap dans l accès à un logement. 1. Lors de son audition, Monsieur Y explique être en situation de handicap physique depuis un accident survenu en 2012, l ayant rendu paraplégique. Monsieur Y indique avoir vendu sa résidence principale le 15 juillet 2013 au motif qu elle n était plus adaptée à son handicap physique puisqu il se déplace, depuis lors, en fauteuil roulant. Il a donc entamé des démarches afin de trouver une maison de plain-pied disponible à la location. Dans le cadre de ses recherches, il a pris l attache de l agence S à Rives afin de visiter des logements correspondant à ses critères de recherche. Monsieur Y a déposé un premier dossier pour une maison sur la commune de Les Abrets. Il n a pas été donné suite à son dépôt de dossier. Le logement ayant été loué par la suite, Monsieur Y explique n avoir pas cherché à connaître les motifs du rejet de son dossier. 2. Par la suite, l intéressé indique avoir trouvé une annonce sur le site «L» mise en ligne par l agence S de Rives pour une maison à louer sur la commune A. Monsieur Y a pris l attache de l agence afin de déposer un dossier de candidature. L intéressé indique que le loyer charges comprises s élevait à un montant de 595 euros mensuels avec un dépôt de garantie de 590 euros, sommes auxquelles s'ajoutaient des honoraires de 500 euros. Il précise qu il était demandé de justifier de revenus d au moins trois fois le montant du loyer, soit d au moins 1 500 euros par mois. 3. Le 3 juillet 2013, Monsieur Y a visité le logement accompagné d un ami ainsi que d un commercial de l agence, et a déposé un dossier le jour même. Lors de son audition, il indique avoir été contacté à plusieurs reprises par la suite par l agence S qui lui a demandé de fournir des garanties supplémentaires : fourniture de garants, d un contrat à durée indéterminée, obtention de l accord de son banquier pour bloquer l équivalent d une année de loyer sur un compte bancaire. Par la suite, Monsieur Y s est vu téléphoniquement indiquer que le logement ne lui serait pas loué. Lorsqu il a demandé les raisons ayant conduit au rejet de son dossier, il lui a été répondu que l agence n avait pas à lui fournir d explication. 4. Monsieur Y indique à l officier de police judiciaire (OPJ) avoir «compris que le seul motif de refus d attribution du logement était mon handicap. En effet, ma fille a appelé en se disant intéressée par le logement et il lui a été précisé que la seule condition était d avoir des revenus trois fois supérieurs au montant du loyer. ( ) l appartement en question est toujours en location à ce jour, et a même fait l objet d une mise à jour

sur le site L le 09 août 2013. ( ) Je pense que ma situation financière me permet aisément de m acquitter d un loyer mensuel de 600 euros.». 5. En effet, l intéressé précise qu il avait fourni des documents nécessaires attestant de ses ressources : - Son épouse perçoit une rente mensuelle de 450 euros ainsi qu une allocation de 220 euros ; - Le montant de sa pension d invalidité était de 3 000 euros mensuels, - Il avait vendu deux biens qui lui avaient rapporté 320 000 euros au total ; - Que la vente d un troisième bien, dont la valeur était fixée à 138 000 euros, était en cours. 6. Le 14 août 2013, poursuivant l enquête, l OPJ a effectué des recherches sur le site «L» et a constaté que l annonce, mise en ligne le 6 juin 2013, l était toujours et avait fait l objet d une mise à jour le 13 août 2013 à 17 heures 50 minutes. Le procès-verbal d investigation indique que le logement est vraisemblablement vacant depuis le mois de juin 2013. 7. Lors de son audition par les services de gendarmerie de P le 20 août 2013, Madame C, responsable de la gestion du parc locatif de l agence S de Rives, indique qu elle a fait visiter le logement à Monsieur Y et confirme le dépôt de son dossier le jour de la visite. Elle informe l OPJ que les garanties demandées par l agence pour la location de ce bien sont les suivantes : «normalement il faut gagner trois fois le montant du loyer, soit trois fois 595 euros ( ). Le candidat doit fournir sa pièce d identité, un RIB, s il est salarié, ses trois derniers bulletins de salaires, son contrat de travail ou attestation d employeur et enfin, son dernier avis d imposition». Elle précise que «Pour Monsieur Y, il m a fourni l ensemble des documents nécessaires, avec la variante, qu étant handicapé à 100%, il a fourni ses bulletins de pension invalidité». Enfin, Madame C informe l OPJ qu à son retour à l agence, elle a transmis l ensemble du dossier au service Assurance R, garantissant les loyers et charges impayés, dont l'avis détermine la validation du dossier. Le service Assurance R lui a communiqué un avis défavorable concernant le dossier de Monsieur Y au motif que les pensions d invalidité et assurances, notamment maladie, ne sont pas prises en compte au titre des ressources. 8. Madame C a alors demandé à Monsieur Y s il lui était possible d avoir des garants afin de faire passer son dossier. Madame C indique toutefois que la propriétaire du bien, Madame F, étant titulaire d une assurance loyers impayés dont elle voulait continuer à bénéficier, le cumul avec les garants de Monsieur Y aurait été contraire aux dispositions de la loi dite «Boutin». En conséquence, le dossier de Monsieur Y a été rejeté. 9. Madame C précise qu il s agit des critères de l Assurance R et que celle-ci avait connaissance de certaines ressources complémentaires de l intéressé mais pas de leur intégralité. 10. Le 21 août 2013, l OPJ a pris l attache du délégué du Défenseur des droits à Grenoble, Monsieur D, lequel a estimé que le défaut de prise en compte d une pension d invalidité dans le traitement d une demande d obtention d un logement constituait une discrimination indirecte à l endroit de Monsieur Y et de toute personne bénéficiant de ce type de ressources. Il est précisé que cette pension est saisissable au même titre qu un salaire et apporte une garantie supérieure au bailleur du fait de sa pérennité. Enfin, les vérifications effectuées concernant les dispositions de la loi

«Boutin» invoquées par Madame C laissent apparaître que l obligation de non cumul des garanties s impose au bailleur et non à la personne candidate à l obtention d un bien et, qu en tout état de cause, la seule assurance loyer impayé suffisait à pallier un éventuel défaut de paiement de Monsieur Y. 11. Monsieur J, directeur de l agence S, a été auditionné le 23 août 2013 par les services de gendarmerie de Pen qualité de témoin. Il ressort de son audition que l attribution à un locataire du bien visé par la plainte de Monsieur Y appartient au courtier R, en qualité de gestionnaire de l assurance loyers impayés de la propriétaire, lequel émet un avis quant à la solvabilité des candidats à la location, et que l agence S doit suivre cet avis. Monsieur J indique avoir contacté le courtier R lequel l a informé que les allocations ou pensions d invalidité ne sont pas «suffisamment saisissables pour répondre aux critères de solvabilité économique». Le témoin a précisé que le courtier R avait souscrit le contrat d assurance loyers impayés auprès de Z France IARD. 12. Le 23 août 2013, les services de gendarmerie de P ont clôturé la procédure pour transmission au procureur de la République de B afin qu il apprécie notamment l opportunité de poursuivre l enquête par l audition des représentants de la société R par les services de police territorialement compétents. 13. Par soit transmis du 9 septembre 2013, le parquet de B a transmis l intégralité de la procédure au parquet de Nanterre, pour poursuivre l enquête et entendre un représentant de la société R. 14. Le 8 avril 2014, sur instructions du procureur de la République de N, les services de police de N ont procédé à la convocation de Monsieur H, gérant de la société R, dans le but d être entendu sur les faits, le 28 avril 2014. 15. Monsieur H ne s est pas présenté à cette convocation et n a pas donné les motifs de sa carence. Après vérifications par l OPJ, il est apparu que la société n était plus domiciliée à N mais à C depuis deux ans et demi. 16. Ce même jour, la procédure a été clôturée au commissariat de C et transmise pour compétence au commissaire de police de Courbevoie. 17. Le 2 juin 2014, lors de son audition par les services de police de Courbevoie, Monsieur H indique que la société R est une société de courtage d assurance que le bailleur a mandaté pour souscrire un contrat d assurance loyers impayés pour le compte de la propriétaire du bien que Monsieur Y souhaitait prendre en location. Il explique que la situation de handicap de Monsieur Y n a rien à voir avec le rejet de son dossier. Il poursuit en indiquant que «cette personne a pour revenus une indemnité de la caisse primaire d assurance maladie qui n est pas réputée pérenne et stable ; elle peut être remise en question à tout moment. C est la raison pour laquelle, dans le contrat Z, le revenu de la CPAM n est pas considéré comme un revenu. Contractuellement, nous ne pouvions dire à l assuré donc le bailleur que nous allions garantir en cas de loyer impayé. Si ils le veulent, les bailleurs peuvent louer sans assurer». Quant à la question de la provision d un an de loyer sur un compte bancaire, Monsieur H indique qu il ne s agit en aucun cas d une demande formulée par sa société. Il précise, par ailleurs, lorsqu il est interrogé sur la précarité supposée des 3 000 euros de pension d invalidité de Monsieur Y dont le handicap n est pas susceptible d évoluer, que dans l esprit du rédacteur du contrat l indemnité CPAM s entend comme l indemnisation d une maladie et non comme le versement d une pension définitive. Il ajoute que le rôle de R se borne à indiquer au bailleur si «la demande d agrément colle au contrat». Enfin, il indique que le contrat Z n exclut pas les bénéficiaires de pensions de la caisse d allocations familiales (CAF). Le problème réside, selon lui, dans l évaluation de la régularité et la pérennité des versements.

18. Par télécopie du même jour et à la suite de l audition de Monsieur H, Monsieur G, responsable du service loyer impayé de la société R, confirme l impossibilité de cumul des garanties pour le bailleur dans les rapports locatifs et ajoute que leur contrat d assurance loyers impayés opère une distinction entre les allocations versées par la CAF et celles versées par la CPAM compte tenu de ce que ces dernières peuvent être «révisées, suspendues ou supprimées à tout moment» et ne rentrent donc pas dans le calcul de solvabilité des candidats locataires. Monsieur G joint à cette télécopie les dossiers de locataires en situation de handicap ayant reçu des avis favorables ainsi que l avis défavorable émis à l encontre du dossier de Monsieur Y. 19. Le 4 juin 2014, l OPJ prend l attache de Monsieur G, lequel lui confirme avoir traité la demande d agrément concernant Monsieur Y. Il confirme avoir émis un avis défavorable au seul motif que les pensions de la CPAM ne sont pas prises en compte au titre des ressources des candidats. Il figure au procès-verbal que la société R n a, à ce jour, jamais été mise en cause à la suite de pratiques discriminatoires et que, contrôlée dans le cadre d un audit, elle a été bien notée quant à son respect de la législation en vigueur. 20. Ce même jour, la procédure a été close en l état et transmise au procureur de la République de Nanterre, puis au procureur de la République de B pour compétence. DISCUSSION 21. Conformément à l article 225-1 du Code Pénal : «Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée». 22. L article 225-2 du Code Pénal interdit en outre de refuser ou de subordonner la fourniture d un bien ou d un service, à l un des critères de discrimination prohibés par l article 225-1 précité, parmi lesquels figurent le handicap. 23. La discrimination prohibée par les dispositions précitées du Code pénal est prouvée dès lors que les éléments constitutifs du délit sont caractérisés à savoir d une part, l élément matériel c est-à-dire la différence de traitement fondée sur un critère prohibé et, d autre part, l élément intentionnel c est-à-dire la conscience de l auteur de se livrer à des agissements discriminatoires. 24. Il ressort du dossier que la candidature de Monsieur Y n a pas été retenue, compte tenu de ce que la nature de ses ressources ne correspondait pas à celles prises en compte par la société R aux fins de calculer la solvabilité d un candidat locataire. 25. Les investigations montrent en effet que la propriétaire du logement exige une garantie loyers impayés, dans le cadre d'un contrat fourni par cette société, et ce quel que soit le locataire proposé par l'agence. Cette dernière, L AGENCE S, est tenue de respecter sa volonté et de se rapprocher de la société d'assurance afin de faire valider le dossier. Dès lors, aucune discrimination ne peut être reprochée, ni dans son élément matériel, ni dans son élément intentionnel, à la propriétaire ou à l'agence. Les agents de L AGENCE S ont même tenté de proposer d'autres garanties financières,

lesquelles se sont heurtées à une impossibilité légale de les mettre en place, démontrant ainsi qu'il n'était pas dans leur intention de refuser la location à M. Y. 26. S'agissant de la société R, les éléments d information recueillis auprès de Messieurs G et H laissent apparaître que le contrat Z n exclut pas les bénéficiaires de pensions de la caisse d allocations familiales (CAF) mais les bénéficiaires de prestations versées par la CPAM, ces dernières étant susceptibles d être «révisées, suspendues ou supprimées à tout moment». 27. L audition de Monsieur G et les télécopies qu il a produites démontrent que le critère déterminant du rejet du dossier de Monsieur Y a été l évaluation de la «régularité et la pérennité» de sa pension d invalidité. 28. Or, la pension d invalidité, ressource propre à une personne handicapée, offre des garanties importantes au bailleur puisqu elle ne peut être suspendue qu en cas de perception d un revenu équivalent, et est cessible et saisissable dans les même limites et conditions qu un salaire. 29. Si l on prend en compte le fait que Monsieur Y perçoit une pension d invalidité relative à son handicap, et que c est en raison de la nature de cette ressource que la société R a rendu un avis défavorable à la candidature de l intéressé, on peut considérer que l élément matériel de l infraction est constitué. 30. Il s agit là d un cas de discrimination directe à raison du handicap de Monsieur Y mettant en cause la compagnie d assurance garantissant les loyers impayés et le courtier lesquels, en tant que professionnels, ne peuvent ignorer l exclusion de fait que les critères qu ils imposent entrainent pour les personnes handicapées bénéficiaires d allocations versées par la CPAM. 31. Les pièces jointes à la télécopie du 4 juin 2014 de Monsieur G établissent que d autres dossiers de locataires en situation de handicap ont reçu des avis favorables auparavant. De plus, l audition de Monsieur H a permis d établir que le rôle de la société R se borne à vérifier que la demande d agrément correspond aux critères déterminés par Z France IARD. 32. Il n en reste pas moins qu au regard des différents éléments portés à la connaissance du Défenseur des droits, le dossier parait suffisant pour caractériser l infraction de discrimination fondée sur le handicap, dans ses éléments matériel et intentionnel. 33. Ainsi qu en attestent les pièces produites à la procédure, la prise de décision de ne pas garantir les loyers impayés, basée sur le fait que le revenu considéré était une prestation versée par la CPAM au titre de l invalidité a été faite en toute connaissance de cause de la qualité de personne handicapée du candidat locataire, situation difficilement réversible au vu des éléments fournis par l intéressé. 34. Par ailleurs, cette situation étant révélatrice de pratiques discriminatoires de certains assureurs, consistant en l exclusion systématique par certains contrats d assurance garantie des loyers impayés, de la prise en compte, au titre des ressources, des pensions et allocations accordées aux personnes handicapées dans le cadre de l évaluation de la solvabilité d un candidat au logement, le Défenseur des droits se saisit de cette problématique. 35. Tel est l avis que le Défenseur des droits peut adresser au procureur de la République près le tribunal de grande instance de B.