Tribunal de première instance de Bruxelles - Jugement du 8 novembre 2006 Exercices d'imposition 1998 à 2002 Arrêt Avocats: Maître Nathalie Hollasky, loco Maître Gérard van den Berg - pour les requérants III. Discussion 1.Les demandeurs ont conclu le 24 septembre 1987, un premier bail de location d un immeuble situé à Uccle, rue..., 46 (pièce B1 85 du dossier administratif). Un second bail portant sur cet immeuble a été conclu le 12 septembre 1996 par le seul demandeur, outre le bailleur (pièce B1 76 du dossier administratif). Le 25 juin 1996, les demandeurs ont sous-loué une partie de cet immeuble à la SPRL S dont la demanderesse était la gérante. Ils ont déclaré le revenu provenant de la sous-location à titre de revenus divers. Par des avis de rectification des 7 août 2000 et 26 juin 2003, (pièces B1 61 et B1 33 dans la cause RG n 2004/6880/A du dossier administratif), le fonctionnairetaxateur a estimé que les loyers provenant de la sous-location d une partie de l immeuble sont imposables à titre de rémunérations de dirigeant d entreprise, sur base des articles 32 et 33 du CIR 1992. Après avoir cité l article 344, 1er, du CIR 1992, les avis de rectification de la déclaration mentionnent que la sous-location avait pour but d éluder l impôt ou d en réduire la charge et considèrent, sur base des éléments de fait qui y sont mentionnés, que le contrat de sous-location est simulé et qu il sera dès lors, considéré comme inexistant. 2.Les demandeurs soutiennent que les avis de rectification de la déclaration sont nuls pour défaut de motivation, en ce que le fonctionnaire-taxateur, après avoir cité l article 344, 1er, du CIR 1992, ne fait pas application de cette disposition, mais de la théorie de la simulation. Les avis de rectification précités fondent les taxations litigieuses sur la théorie de la simulation, en ce qu ils précisent, sur base des éléments de fait qui y sont mentionnés, que le contrat de sous-location sera considéré comme inexistant.
La circonstance que le fonctionnaire-taxateur cite de manière superflue l article 344, 1er, du CIR 1992 puisqu il fait application de la simulation, n implique pas nécessairement que les avis de rectification de la déclaration ne sont pas légalement motivés. Ces avis en l espèce, mentionnent les éléments de fait sur base desquels le fonctionnaire-taxateur a considéré le contrat de sous-location comme simulé, ce qui permettait aux demandeurs de comprendre le point de vue de l administration et d exercer leurs droits de la défense. Ils ont d ailleurs répondu à ces avis de rectification de la déclaration en faisant valoir que d une part, le contrat de sous-location a une existence réelle et n a pas été conclu pour éviter l impôt et que d autre part, l article 344, 1er, du CIR 1992 ne peut s appliquer en l absence d une autre qualification possible pour les loyers de la sous-location. Les avis de rectification de la déclaration sont en conséquence, suffisamment motivés, en ce qu ils ont permis aux demandeurs de comprendre la position de l administration et d y opposer la leur. 2.Le défendeur soutient que le contrat de sous-location entre les demandeurs et la SPRL S est simulé, en ce qu ils n ont pas respecté toutes les conséquences juridiques des actes qu ils ont conclus. Tant le bail principal du 24 septembre 1987 que celui du 12 septembre 1986 interdit la sous-location, de sorte que le contrat de sous-location du 25 juin 1996 conclu par les demandeurs viole cette interdiction. La simulation suppose l existence de deux actes concomitants : un acte apparent, destiné à être opposé aux tiers, et un acte secret qui seul correspond à la volonté des parties et détruit tout ou partie des effets juridiques de l acte apparent. Lorsque les tiers ont démontré que l acte apparent ne correspond pas à la volonté réelle des parties parce qu elles n en acceptent pas toutes les conséquences juridiques, ils peuvent se prévaloir de l acte secret. En l espèce, le défendeur admet la réalité de l occupation d une partie de l immeuble par la SPRL S. La violation de l interdiction de sous-louer l immeuble qui fait l objet du bail principal implique que les demandeurs n ont pas respecté cette obligation prévue dans le bail principal, ce qui peut éventuellement engager leur responsabilité contractuelle vis-à-vis de leur bailleur, mais ne signifie pas que le contrat de
sous-location ne correspond pas à la réalité, d autant plus que le défendeur ne conteste pas que la SPRL S a obtenu la jouissance d une partie de cet immeuble. Il en va de même de l interdiction d affecter le bien à l exercice d une activité professionnelle prévue par le second bail principal. D après le défendeur, le contrat de sous-location conclu avec la SPRL S le 25 juin 1996, est antérieur au second bail principal conclu le 12 septembre 1996, de sorte qu une partie de l immeuble a été sous-louée par les demandeurs pour une période non encore couverte par un bail principal avec le propriétaire. Le contrat de sous-location du 25 juin 1996 couvre la période du 1er juillet 1996 au 28 février 2005 (pièce B1 93 du dossier administratif). Le premier contrat de bail principal couvre la période du 1er mars 1988 au 28 février 1997 (pièce B1 86 du dossier administratif). Le second bail principal a été signé le 12 septembre 1996 et couvre la période du 1er mars 1997 au 28 février 2005 (pièce B1 78 du dossier administratif). Pour la période du 1er juillet 1996, date à laquelle le contrat de sous-location a pris cours, au 28 février 1997, les demandeurs disposaient de la jouissance de l immeuble dont ils ont sous-loué une partie, en vertu du premier contrat de bail principal. A partir du 1er mars 1997 jusqu au 28 février 2005, ils avaient la jouissance de cet immeuble sur base du second contrat de bail. Ainsi, pour la période couverte par le contrat de sous-location, les demandeurs avaient la jouissance de l immeuble sous-loué en vertu de premier, puis du second contrat de bail principal. Ils n ont dès lors pas concédé plus de droits qu ils n en possédaient eux-mêmes en sous-louant une partie de ce bien. Le défendeur relève qu un loyer a été payé par la SPRL S alors que le contrat de sous-location n était pas encore en cours et que les modalités de payement des loyers prévues par le contrat de sous-location n ont pas été respectées, au moins pour les années 1997 et 1998. Ces constatations ne signifient pas que le contrat de sous-location est simulé. En effet, la simulation implique que les tiers, dont l administration fiscale, peuvent écarter l acte apparent dont les parties n ont pas respecté les effets juridiques et se prévaloir de l acte secret qui correspond à la volonté réelle des parties.
La violation des modalités de payement des loyers n autorise pas en l espèce, le défendeur à écarter le contrat de sous-location (acte apparent) pour se prévaloir de l absence de sous-location (acte secret), à défaut de démontrer que ce contrat n a pas d objet réel, à savoir, l absence d une réelle mise à disposition de la SPRL S d une partie de l immeuble. Le défendeur soutient encore que les loyers payés par la SPRL S en vertu du contrat de sous-location sont une fois et demi plus élevés que la quote-part du loyer payée au propriétaire pour la partie de l immeuble sous-loué. Ce loyer serait donc manifestement excessif et une partie de celui-ci viserait autre chose que la mise à disposition d une partie de l immeuble. Le défendeur peut se prévaloir de la simulation de la cause du payement de tout ou partie du loyer par la SPRL S, à la condition de démontrer qu il n a pas été payé en contre-partie de la jouissance d une partie de l immeuble mais pour une autre cause. Le contrat de sous-location prévoit que le loyer mensuel est de 30.000 anciens francs toutes charges comprises, telles que les consommations d eau, de gaz et d électricité, les impôts et taxes, les assurances, l entretien et le nettoyage (pièce B1 93 du dossier administratif). Le loyer prévu par le contrat de bail principal ne comporte pas les coûts des consommations ni les taxes relatives au bien loué, qui sont à la charge du preneur (pièces B1 79 et B1 87 du dossier administratif). Les loyers prévus par le contrat de bail principal et par le contrat de souslocation ne peuvent pas être comparés sans déduire les frais de consommations du loyer versé par la SPRL S puisque le bail de sous-location fixe le montant du loyer toutes charges comprises, ce qui n est pas le cas du bail principal. Il n est dès lors pas établi que le loyer de la sous-location serait une fois et demi plus élevé que la quote-part du loyer du bail principal qui correspond à la partie sous-louée de l immeuble. Le défendeur ne démontre pas davantage que le loyer de la sous-location serait excessif, ce qui ne résulte pas du seul fait qu il est plus élevé que le loyer principal, ni que tout ou partie du loyer de la sous-location aurait une autre cause que la contre-partie de la jouissance de l immeuble par le SPRL S, dont il reconnaît la réalité.
3.Le défendeur demande que le contrat de sous-location ne lui soit pas opposé en ce qu il viole plusieurs dispositions légales. Il s agit de l article 1717 du Code civil, suivant lequel le preneur peut sous-louer le bien sauf si cette faculté lui a été interdite, et de l article 1728 du même Code suivant lequel, le preneur doit user de la chose suivant la destination qui lui a été donnée par le contrat de bail. Le défendeur soulève encore la violation de l article 4, 2, de la loi du 20 février 1991 concernant les règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur, suivant lequel le preneur peut sous-louer une partie du bien avec l accord du bailleur, et la violation de l article 19 du Code des droits d enregistrement. D après la jurisprudence de la Cour de cassation dont le défendeur se prévaut, " l administration peut demander qu un acte juridique ne lui soit pas opposé lorsqu il viole une règle de droit d ordre public en vue d éluder des impôts " (Cass., 5 mars 1999, www.cass.be). Les dispositions précitées du Code civil et de la loi du 20 février 1991 ne sont pas d ordre public, de sorte que cette jurisprudence n est pas applicable. Le bail de sous-location ne peut être inopposable à l administration du seul fait qu il n a pas été enregistré. Contrairement à ce que soutient le défendeur, il n y a pas simulation lorsque les parties accomplissent des actes dont elles acceptent toutes les conséquences, en vue de bénéficier d un régime fiscal plus favorable, mais qui violent une disposition légale. Cette thèse se fonde sur une interprétation de l arrêt de la Cour de cassation du 8 juin 1961, suivant lequel, " il n y a ni simulation prohibée à l égard du fisc, ni partant fraude fiscale, lorsque, en vue de bénéficier d un régime fiscal plus favorable, les parties, usant de la liberté des conventions, sans toutefois violer aucune obligation légale, établissent des actes dont elles acceptent toutes les conséquences, même si la forme qu elles leur donnent n est pas la plus normale " (Cass., 8 juin 1961, Pas., 1961, I, p.1083). Cet attendu ne vise pas la violation d une disposition légale, mais d une obligation légale. Il signifie que les parties ne violent aucune obligation légale lorsque, usant de la liberté des conventions, elles établissent des actes dont elles
acceptent toutes les conséquences en vue de bénéficier d un régime fiscal plus favorable. Si les parties acceptent toutes les conséquences de leurs actes, mais que ceux-ci violent une disposition légale, il ne peut se déduire de cet arrêt qu il y a simulation (J. Kirkpatrick, " L opposabilité au fisc des conventions illicites non simulées ", J.T. 2000, p. 193). 4.Le défendeur soutient sur base de l article 344, 1er, du CIR 1992 que le contrat de sous-location lui est inopposable, à savoir qu il peur agir comme si ce contrat n existait pas, sans qu il soit nécessaire de requalifier cet acte. D après l article 344, 1er, du CIR 1992, " n est pas opposable à l administration des contributions directes, la qualification juridique donnée par les parties à un acte ainsi qu à des actes distincts réalisant une même opération lorsque l administration constate, par présomptions ou par d autres moyens de preuve visés à l article 340, que cette qualification a pour but d éviter l impôt, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualification réponde à des besoins légitimes de caractère financier ou économique ". Pour faire usage de cette disposition, l administration doit donner à l acte une autre qualification que celle choisie par les parties qui respecte les effets juridiques de cet acte. En effet, " il découle de ce texte, comme des travaux préparatoires de la loi du 22 juillet 1993 qui a introduit cette disposition dans le Code des impôts sur les revenus 1992, que seule la qualification d un acte peut être rendue inopposable à l administration fiscale et que celle-ci ne peut, partant, lui donner une autre qualification qu en respectant les effets juridiques de cet acte ; Attendu que l arrêt énonce que l article 344, 1er, " ne prévoit pas l identité des effets juridiques entre l opération requalifiée et l opération présentée au fisc " ; Qu en s abstenant de vérifier si les effets de l opération nouvellement qualifiée et ceux de l opération initialement qualifiée étaient similaires, l arrêt ne justifie pas légalement sa décision de faire application de l article 344, 1er ; " (Cass., 4 novembre 2005, n F.04.0056.F, www.cass.be). A défaut de donner à l acte une autre qualification que celle choisie par les parties et de démontrer que les effets juridiques de cette autre qualification respectent les effets juridiques de cet acte, le défendeur ne peut faire application de l article 344, 1er, du CIR 1992 afin que la qualification du contrat de souslocation lui soit inopposable.
En conséquence, les demandes seront déclarées fondées. ** ** ** PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, siégeant en premier ressort, Statuant contradictoirement, Vu la loi du 15 juin 1935 sur l emploi des langues en matière judiciaire; Joint les causes inscrites au rôle général sous les numéros 2001/5549/A, 2001/8997/A et 2004/6880/A ; Déclare les demandes recevables et fondées; Ordonne de recalculer les suppléments de cotisation à l impôt des personnes physiques des exercices d imposition 1998, 1999, 2001 et 2002, établis dans le chef des demandeurs sous les articles de rôle 708324046, 709137999, 737107173 et 737104557, en considérant que les loyers perçus du chef de la sous-location litigieuse sont imposables à titre de revenus divers ; Ordonne de recalculer la cotisation primitive à l impôt des personnes physiques de l exercice d imposition 2000, établie dans le chef des demandeurs sous l article de rôle 712376401, en considérant que les loyers perçus du chef de la sous-location litigieuse sont imposables à titre de revenus divers ; Ordonne le dégrèvement de ce qui a été enrôlé en excédent ; Condamne le défendeur à restituer, avec les intérêts moratoires, toutes sommes indûment payées du chef des cotisations ainsi dégrevées; Condamne le défendeur aux dépens de l instance Tribunal : Mme M. MORIS, juge unique