Un florilège des fausses bonnes idées dans le secteur des transports



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Fédération Nationale des Associations d Usagers des Transports Association agréée de consommateurs Conférence de presse du vendredi 16 septembre 2011 Un florilège des fausses bonnes idées dans le secteur des transports La FNAUT combat les idées fausses - par exemple les parkings en centre-ville, le mégacamion, la TIPP flottante - mais aussi les fausses bonnes idées. Elle est évidemment favorable à l innovation. Mais bien des innovations techniques ou politiques, loin d être les solutions-miracles universelles vantées par leurs promoteurs, ne sont que des gadgets ou n ont que des créneaux de pertinence très étroits. Elles engendrent des débats stériles, des pertes de temps et des gaspillages d argent public, ou entretiennent des illusions et détournent l attention des vraies questions et des solutions de fond. Pendant ce temps, que de bonnes idées, basées sur le bon sens et l expérience acquise chez nos voisins européens, qui restent mal exploitées ou même inexploitées en France! SOMMAIRE Exemple 1 : le Segway, un gadget encombrant Exemple 2 : le «tramway sur pneus», une invention inutile Exemple 3 : le «téléphérique urbain», un créneau très étroit Exemple 4 : la montée par la porte avant des bus, ou l usager au service de l exploitant Exemple 5 : la gratuité totale des transports, une tarification sociale est plus efficace Exemple 6 : la voiture électrique, aucune voiture n est «citadine» Exemple 7 : les biocarburants, un bilan carbone défavorable Exemple 8 : la voiture en libre service, un encouragement à l usage de la voiture Exemple 9 : la maison pas chère, favorise l étalement urbain Exemple 10 : le PTZ, une aide perverse Exemple 11 : dix Ecopolis, une idée de technocrates Exemple 12 : les gares TGV «exurbanisées», une erreur persistante Exemple 13 : l électrification intégrale du réseau ferré, une idée dogmatique Exemple 14 : la suppression des passages à niveau, une solution très limitée Exemple 15 : l abandon des LGV, une idée sommaire Exemple 16 : la LGV Alpes-Atlantique, un rêve Exemple 17 : le car peut remplacer le train, une analyse incomplète Exemple 18 : développer les aéroports de province, sans effet sur les aéroports parisiens Exemple 19 : R-shift-R, une usine à gaz pour le ferroutage Exemple 20 : les canaux à grand gabarit, le rail disponible pour moins cher Conclusion : une prudence justifiée par l expérience FNAUT - 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris - téléphone : 01 43 35 02 83 - courriel : contact@fnaut.org 1/7

Exemple 1 : le Segway, un gadget Le gyropode auto-équilibré Segway peut être utile pour effectuer des déplacements internes à un entrepôt ou des missions de surveillance. Mais il est totalement inadapté à la ville, où il n est qu un gadget encombrant pour touristes branchés. Il est dangereux pour les piétons et même pour ses utilisateurs (le patron de la firme Segway s est tué en conduisant un tel engin, il est tombé dans un ravin). A l inverse, le vélo pliable, le vélo à assistance électrique (VAE) et le vélo en libre service sont des innovations très utiles qui ont élargi le créneau de pertinence du vélo. Exemple 2 : le «tramway sur pneus», une invention inutile On devait assister à une révolution : la qualité de service du tramway pour deux fois moins cher, les villes moyennes pourraient enfin s offrir une technique plus performante que le bus. Le résultat est un fiasco cinglant à Nancy et Caen avec le TVR bricolé par Bombardier, véhicule hybride mal conçu, aussi coûteux que le tramway sur rails, de capacité trop limitée, souvent en panne, incapable de fonctionner en tram-train. A Clermont-Ferrand, c est le matériel Translohr, mieux conçu, qui a été retenu. Mais aujourd hui, le Syndicat Mixte des Transports Clermontois fait appel à la RATP «parce que les incidents, pannes, déraillements se multiplient sur la ligne», explique son vice-président. Et malgré ces difficultés, c est le Translohr qui a été choisi avec un entêtement incompréhensible par la RATP pour équiper les lignes franciliennes Chatillon-Vélizy- Villacoublay et Saint-Denis - Sarcelles. En définitive, le «tramway sur pneus» est une invention (qui date en fait du début du 20ème siècle) sans véritable intérêt, qui aura surtout servi à retarder l adoption des solutions fiables : tramway, trolleybus ou BHNS suivant l importance du trafic potentiel. Exemple 3 : le «téléphérique urbain», un créneau très étroit Nouvelle solution-miracle, elle aussi présentée comme une alternative au tramway mais bien moins coûteuse : le transport par câble ou «tramway aérien». Contrairement au tramway sur pneus, il a son créneau de pertinence : le franchissement des coupures urbaines (fleuves, autoroutes) et, comme le funiculaire, la liaison entre une ville haute et une ville basse. Mais ce créneau est étroit (comme celui des navettes fluviales ou portuaires). Il n est adapté qu à des itinéraires rectilignes, et ses coûts en milieu urbain sont encore largement inconnus, sans parler des difficultés d insertion et d accessibilité aux usagers à mobilité réduite. Exemple 4 : la montée par la porte avant des bus, ou l usager au service de l exploitant Alors que l exploitation des bus en libre service avait été présentée quelques années auparavant, à juste titre, comme un progrès, cette obligation a été imposée afin de lutter contre la fraude et les incivilités. Mais elle est impraticable sur les tramways et réduit la vitesse commerciale des bus : aux arrêts très fréquentés, la montée est très lente car les usagers se bousculent à la porte avant et se répartissent difficilement dans le véhicule ; un usager occasionnel demandant un ticket au chauffeur ou ne sachant pas composter suffit à bloquer la montée. Mal respectée, l obligation n est viable qu aux heures creuses ou sur les lignes peu fréquentées. Pour réduire la fraude, il est plus efficace de faire des contrôles plus fréquents. FNAUT - 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris - téléphone : 01 43 35 02 83 - courriel : contact@fnaut.org 2/7

Exemple 5 : la gratuité des transports urbains, une tarification sociale est plus efficace Instaurée dans 14 réseaux dont 10 gérés par des communes d au plus 40 000 habitants, elle peut avoir des effets spectaculaires à court terme. Mais elle induit des déplacements inutiles, encourage l étalement urbain et prive de ressources le système de transport au moment où la clientèle augmente et où les recettes fiscales des collectivités diminuent. Dès lors qu une tarification sociale est offerte aux ménages à faibles revenus, la gratuité est une démarche perverse : ce qui intéresse en priorité les usagers actuels et potentiels, c est la fréquence, la fiabilité, le confort, un meilleur maillage du territoire. Une note de l UTP confirme le bien-fondé des positions de la FNAUT : «La hausse de fréquentation est le fait d anciens usagers qui utilisent davantage le réseau ou d anciens marcheurs qui prennent le bus pour de courts trajets : le report modal pour les trajets domicile-travail est très faible». «La gratuité ne permet pas d absorber efficacement le rebond de fréquentation qu elle suscite, elle peut donc à terme menacer la qualité du service rendu». «Enfin la malveillance s est développée, la relation personnel-usagers s est dégradée. On observe de nouvelles incivilités, comme l exigence de descendre en dehors des seuls arrêts du réseau ou de monter à tous les feux rouges». Exemple 6 : la voiture électrique, aucune voiture n est «citadine» La voiture électrique permet de réduire les nuisances locales (bruit, pollution chimique de l air) et les émissions de gaz à effet de serre (mais seulement si la production de l électricité consommée n en génère pas elle-même ). Il est donc intéressant d en équiper les flottes urbaines captives (administrations, entreprises). Ceci étant, contrairement à ce que les industriels et le gouvernement ne cessent de claironner, la voiture électrique ne constitue en rien une solution miracle. Son coût est élevé, son autonomie est limitée. La traction électrique ne corrige pas l inconvénient fondamental de la voiture en ville : la voiture électrique est aussi encombrante qu une voiture thermique. Elle va même doper les ventes des constructeurs dans le secteur des modèles urbains, alors qu'il faut réduire la place de la voiture en ville. Exemple 7 : les biocarburants, un bilan carbone défavorable Les biocarburants actuels, dits de 1ère génération, sont obtenus à partir de denrées agricoles : les surfaces qui leur sont consacrées sont considérables, au détriment de la production alimentaire. Les procédés culturaux et industriels nécessitent beaucoup d énergie et entraînent des émissions de gaz à effet de serre, N2O et CO2 : au total, leur bilan carbone est défavorable. La filière ligno-cellulosique, dite de 2ème génération, est plus prometteuse mais sa mise au point est encore lointaine. Exemple 8 : la voiture en libre service, un encouragement à l usage de la voiture Le covoiturage est un usage intelligent de la voiture, mais il ne faut pas en faire la panacée. L autopartage traditionnel est bien plus vertueux. Paris (Autolib ) et Lyon (Car2Go) vont mettre en place une offre de voiture en libre service. Dans cette formule calquée sur Vélib, le client n a pas de contrainte de réservation, une place de parking lui est assurée à destination ; la voiture peut être utilisée one-way, c est-à-dire restituée dans n importe quelle station. A l inverse de l autopartage, le libre service risque donc de faciliter l usage irréfléchi de la voiture! Mieux aurait valu encourager l autopartage traditionnel et le taxi, dont l efficacité est démontrée, que de les concurrencer en lançant une formule aux effets pervers prévisibles et à l équation économique douteuse, dont le contribuable pourrait faire les frais. FNAUT - 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris - téléphone : 01 43 35 02 83 - courriel : contact@fnaut.org 3/7

Exemple 9 : la maison pas chère, favorise l étalement urbain La maison à 100 000 euros lancée en 2005 par Jean-Louis Borloo a été un échec cinglant. Christine Boutin, autre ministre du Logement, n a pas été plus heureuse. Son dispositif de maison à 15 euros par jour proposé en 2008 privilégiait lui aussi l habitat individuel, forcément périurbain puisqu il fallait minimiser le coût du terrain. Il faut au contraire enrayer l étalement urbain, source de trafic automobile polluant et énergivore, et le mitage de l espace par l'habitat diffus, et densifier dans les zones déjà urbanisées et le long des axes lourds de transport collectif (on sait le faire sans entasser la population dans des tours et des barres). Exemple 10 : le PTZ, une aide perverse Le prêt à taux zéro PTZ, destiné à soutenir l accès à la propriété des ménages précaires, présente deux effets pervers : en subventionnant la demande de logements et non l'offre, on a provoqué une inflation des prix immobiliers et non une réduction du déficit de logements ; par cette inflation et en favorisant le neuf par rapport à l ancien, on a renforcé la tendance à l urbanisation diffuse. Le PTZ + est désormais octroyé sans condition de ressources, qu'il s'agisse d'un appartement, d'une maison, d'un bien neuf ou ancien. Mais les dossiers des ménages les plus riches sont les plus compétitifs dans les zones où les prix explosent et, s ils veulent devenir propriétaires, les plus pauvres devront s exiler toujours plus loin des centresvilles. Le PTZ + va donc renforcer la ségrégation sociale et le mitage périurbain. Une aide accrue de l Etat à la construction de logements sociaux serait plus efficace. Exemple 11 : dix Ecopolis, une idée de technocrates Dominique Strauss-Kahn puis par la commission Attali ont proposé de créer, on ne sait trop où, dix villes nouvelles de 50 000 habitants chacune, «espaces urbains durables intégrant haute qualité environnementale, mixité sociale et transports à la pointe de la technologie». Cyria Emelianoff, professeur en aménagement et urbanisme à l université du Maine au Mans, critique cette suggestion : «en France, les villes sont déjà construites. Dans la mesure où on a besoin de nouveaux logements, autant construire des écoquartiers comme il en existe déjà dans de nombreuses villes européennes et comme il s en projette dans plusieurs villes françaises. Mais pourquoi imposer des écoquartiers de 50 000 habitants? L urbanisme durable est par définition un urbanisme de finesse, adapté aux besoins locaux, c est plus un enjeu de réhabilitation de l existant que de construction neuve». Exemple 12 : les gares TGV «exurbanisées», une erreur persistante Pour bien des décideurs économiques et élus locaux, les gares TGV situées hors milieu urbain, à proximité d un carrefour autoroutier, valorisent la desserte d un territoire traversé par une ligne à grande vitesse et, grâce à un accès rapide à Paris, offrent des conditions favorables à l implantation d entreprises innovantes, à «une zone high-tech où s implanteront de grande sociétés délocalisatrices». La réalité est plus décevante. L absence de connexion entre TGV et transports régionaux ou locaux pénalise les voyageurs et ne permet pas une bonne diffusion de l effet TGV ; quant aux implantations d entreprises, elles restent le plus souvent anecdotiques. Malgré ces échecs répétés dénoncés de longue date par la FNAUT, et la correction prochaine de certaines erreurs (Lorraine, Avignon), le mythe des gares TGV exurbanisées persiste, et les projets poussés par les élus sont encore nombreux. Le projet d Allan (Montélimar) est particulièrement inepte. FNAUT - 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris - téléphone : 01 43 35 02 83 - courriel : contact@fnaut.org 4/7

Exemple 13 : l électrification intégrale du réseau ferré, une idée dogmatique Autre fausse bonne idée, avancée par Jacques Chirac. Des lignes restent à électrifier (par exemple Nevers-Chagny) voire à réelectrifier pour faciliter le transport du fret (conversion du 1500 V au 25 kv 50 Hz). Cependant une électrification est une opération coûteuse, justifiée seulement si elle concerne un volume suffisant de trafic voyageurs et/ou fret. L apparition de trains bi-mode a réduit le créneau des électrifications. Exemple 14 : la suppression des passages à niveau, une solution très limitée On admet souvent que la suppression des PN est la solution la plus efficace pour éviter les collisions entre trains et véhicules routiers. Mais la suppression d un PN par création d un ouvrage d art est coûteuse (typiquement entre 5 et 10 millions d euros). On ne pourra jamais supprimer 15 000 PN. Pour la même dépense, on peut sécuriser plusieurs PN en réaménageant la voirie, en améliorant la signalisation ou en installant un radar automatique. Seuls les 350 PN reconnus comme particulièrement dangereux doivent être supprimés rapidement. La suppression systématique des PN lors d une réouverture de ligne, exigée par Dominique Bussereau alors secrétaire d Etat aux Transports, est particulièrement absurde car elle double le coût des réouvertures et bloque ces opérations. Exemple 15 : l abandon des LGV, une idée sommaire Selon beaucoup d écologistes, les LGV étant coûteuses et créant de nouvelles coupures, une modernisation du réseau classique est préférable. C est oublier que la capacité globale du réseau ferré est devenue insuffisante avec la croissance rapide du trafic TER, qu une accélération des trains classiques permet rarement de capter le trafic aérien intérieur (qui pénalise les riverains des aéroports parisiens et contribue fortement au réchauffement climatique) et que les crédits destinés aux LGV se reporteraient plus vraisemblablement sur les autoroutes et aéroports que sur le réseau ferré classique. Exemple 16 : la LGV Alpes-Atlantique, un rêve Le projet Transline, défendue par l association ALTRO (présidée par René Souchon, président de la région Auvergne) est l exemple type de la fausse bonne idée. Tout le monde sait que les relations ferroviaires entre la façade atlantique et Lyon sont difficiles. Mais il ne suffit pas de tracer un trait sur la carte entre Limoges et Lyon, et de tenir des discours creux sur l aménagement du territoire, pour résoudre le problème. Il faut se préoccuper du trafic potentiel, et du coût de ce projet gigantesque. Les axes naturels de circulation est-ouest sont situé plus au nord (les axes diamétraux «passe-paris», Nantes-Bourges-Lyon) ou plus au sud (Bordeaux-Marseille), ils évitent les obstacles montagneux. Exemple 17 : le car peut remplacer le train, une analyse incomplète Dans de rares cas (aux heures creuses sur des lignes peu fréquentées), le car, moins consommateur d énergie et moins coûteux, est plus pertinent que le train. Mais d une manière générale, le car n offre ni la capacité à encaisser les pointes de trafic, ni la vitesse, ni le confort du train. Les transferts sur route sont pernicieux : ils s accompagnent d une forte perte de clientèle, de l ordre de 30 à 50% : en définitive, leur bilan économique, social et écologique est négatif. A l inverse, lors de la réouverture de la ligne Nantes-Pornic, le volume de la clientèle a triplé. FNAUT - 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris - téléphone : 01 43 35 02 83 - courriel : contact@fnaut.org 5/7

Exemple 18 : développer les aéroports de province, sans effet sur les aéroports parisiens C est l un des arguments avancés pour justifier la construction de l aéroport de Notre-Damedes-Landes. Mais un report massif du trafic passagers de Roissy ou Orly sur les aéroports de province est illusoire. Il est théoriquement possible, mais comment le faire accepter par les passagers franciliens et par les riverains des aéroports de province? Les relations intraeuropéennes directes (Marseille-Londres) ou touristiques moyen-courrier (vers l Espagne, le Maghreb,...) se développent rapidement depuis la province, le passage par Paris est déjà minoritaire : ce phénomène ne s est accompagné d aucun ralentissement de la croissance du trafic parisien. D autre part, le potentiel de trafic est trop faible en province pour justifier des dessertes intercontinentales fréquentes ; aucun aéroport ne peut y jouer le rôle de Münich ou de Manchester : Nice est saturé, Lyon est trop proche de Paris et concurrencé par Genève. Exemple 19 : R-shift-R, une usine à gaz pour le ferroutage «Innovation de rupture», le Road-shift-Rail (R-shift-R) prétend offrir «une solution globale de transport combiné compétitive et fiable». «Il dissocie dans le mode opératoire la fonction d embarquement/débarquement de la fonction de chargement/déchargement du wagon, ce qui autorise/implique la multiplication des postes d embarquement/débarquement. Rendant uniforme le profil bas des contenants roulants, ce qui rend possible la manutention sur terminal par le même système de portage, ce mode de travail en séries/parallèle doit permettre de proposer un service dont la tarification est comparable à celle de la route». Etudié dans le cadre du PREDIT par le Laboratoire d Economie des Transports et l INSA de Lyon, ce concept fumeux, d une ahurissante complexité, a donné lieu à un rapport de 418 pages publié début 2008 mais n a fait l objet d aucune application depuis lors. Pour augmenter le productivité du transport ferroviaire de fret est sans doute nécessaire pour enrayer son déclin. Un groupe d experts animé par Philippe Essig recommande la généralisation de l attelage automatique (utilisé dans le monde entier sauf en Europe) et du frein à commande électronique pour faire circuler des trains plus longs et plus lourds. Cette démarche réaliste, d un coût raisonnable, ne nécessiterait pas d innovation technologique. Quant au transport combiné lui-même, il est absurde de ne pas concentrer les efforts sur le combiné classique et l'autoroute ferroviaire sur la base du concept Modalhor. Ces deux versions du combiné se complètent parfaitement : pourquoi inventer de nouveaux concepts qui ne s'imposent pas? Ceci étant, le fret ferroviaire ne sera pas sauvé par la seule technique : il faut sauvegarder la capillarité du réseau ferré pour préserver l avenir et multiplier les opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) et assainir les conditions de concurrence rail/route. Exemple 20 : les canaux à grand gabarit, le rail disponible pour moins cher La voie d eau est moins bruyante et polluante que la route, et moins consommatrice d énergie (mais nettement plus que le rail selon l ADEME). Il est donc raisonnable de chercher à développer le transport sur les fleuves, qui disposent d importantes réserves de capacité. Les canaux inter-bassins sont par contre beaucoup moins pertinents économiquement, plus agressifs pour l environnement car, en France, ils doivent franchir des seuils élevés, et très coûteux (Seine-Nord : 4,5 milliards d euros ; Saône-Moselle : 10 à 13). Alors que le trafic de conteneurs entre un grand port et son arrière-pays industriel peut être énorme et justifier des aménagements fluviaux et ferroviaires importants, les trafics interbassins sont bien plus faibles et peuvent être assurés par le rail, celui-ci disposant de réserves de capacité mobilisables à un coût plus modeste. FNAUT - 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris - téléphone : 01 43 35 02 83 - courriel : contact@fnaut.org 6/7

Conclusion : une prudence justifiée par l expérience Le panorama qui précède montre qu il faut être ouvert à l innovation - technique, méthodes d exploitation ou initiatives plus politiques - mais aussi se méfier des idées à la mode, s interroger sur leur pertinence, leur créneau, leur coût économique, leur délai de mise au point, leurs effets pervers éventuels, et les expérimenter avec prudence : certaines sont excellentes car elles répondent à un besoin évident ou latent encore insatisfait, d autres ne sont que des caprices de chercheurs, d ingénieurs, de fonctionnaires «ayant des idées» ou croyant en avoir mais éloignés du terrain, ou d élus en mal de modernité et de tape-à-l œil. Les bonnes idées ont été précédées d une longue période de tâtonnements (voir l histoire de la bicyclette) et ne se sont pas imposées par hasard : le rail, par exemple, assure à la fois le guidage et la sustentation des véhicules, et n oppose qu une faible résistance au roulement. Les améliorations ou variantes d'une technique connue (VAE, alimentation par le sol du tramway, tram-train, train pendulaire, utilisation multimodale des voies rapides urbaines) en élargissent la gamme d utilisation (cela aurait pu être le cas du trottoir roulant de la RATP) ; elles ont souvent plus d'intérêt que des innovations plus radicales qui restent sur des marchés de niche et débouchent souvent sur des fiascos (le TVR, le SK de Roissy, le bus Evéole de Douai). Dans le transport public, l'innovation utile aujourd hui aux usagers concerne surtout l intermodalité, la billettique, l'information. Les initiatives plus politiques doivent, quant à elles, éviter le spectaculaire, ne pas se polariser sur le social à court terme, souvent contre-productif, mais au contraire se préoccuper de l intérêt à plus long terme des habitants et usagers des transports. En conclusion, il n existe pas de solution miraculeuse et universelle : il faut utiliser, en priorité, la panoplie des techniques et méthodes bien éprouvées, c est-à-dire copier, en adaptant au contexte français si nécessaire, ce qui fonctionne bien en Suisse (autopartage, car postal), en Allemagne (densité urbaine), en Belgique (code de la rue), dans les pays scandinaves (péage urbain),... FNAUT - 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris - téléphone : 01 43 35 02 83 - courriel : contact@fnaut.org 7/7