Plaies, pansements et douleurs des soins Plaies sans douleurs: un challenge multidisciplinaire Luc Téot Service Brûlés-Chirurgie Plastique Hôpital Lapeyronie - CHU Montpellier 1. Les grands types de plaies Les plaies sont des effractions de la barrière cutanée. Elles se classent en deux grandes catégories : les plaies aigues (traumatologie, morsures, gelures, brûlures) et les plaies chroniques (escarres, plaies du pied diabétique, ulcères). D origines différentes, elles sont comparables dans les soins qu elles nécessitent. La prise en charge d une plaie a pour but de de désinfecter, permettre une cicatrisation rapide et esthétique, éradiquer la douleur et restituer au corps son intégrité aussi souvent que cela est possible. Depuis quelques années, de nouvelles techniques sont apparues qui révolutionnent le potentiel de traitement des plaies et la qualité de la cicatrisation. Avant de l aborder en dernière partie, voici un aperçu de quelques pathologies courantes associées à des plaies. A. Les plaies aiguës : traumatologie, morsures, gelures, brûlures. Les plaies aiguës se déclarent sous l action de facteurs extérieurs ponctuels et traumatismes souvent imprévisibles - qu on peut considérer comme des accidents de la vie. Les plaies qui sont produites sont de nature différente de celles produites par les maladies, mais elles n en demandent pas moins de précaution, ne sous-entendent pas moins de douleurs ou de risques de dégradation physique. Les plaies représentent environ 13% des admissions au service des urgences. Elles concernent principalement la tête (49%), le membre supérieur (36%), et le membre inférieur (13%). Les morsures Les morsures sont des plaies à la fois contuses et fortement souillées. Leur principale complication est l infection. Le risque infectieux est déterminé par l animal en cause, la localisation de la morsure (main en particulier), les antécédents de la victime et la qualité des soins locaux de la plaie. Le traitement repose avant tout sur un lavage soigneux par irrigation sous pression et un parage drastique avec débridement des tissus. Les gelures Les gelures sont des lésions aiguës périphériques causées par des phénomènes vasomoteurs facilitant le gel des tissus, lors d'une exposition prolongée au froid. Elles se traduisent par des lésions ischémiques distales évoluant vers des phlyctènes. Le traitement initial consiste en un réchauffement rapide, des soins locaux et un protocole de «re perfusion».
Les brûlures Dans certains cas, les brûlures peuvent nécessiter une hospitalisation et des décès peuvent être à déplorer. La cicatrisation des brûlures est fortement dépendante d'un certain nombre de facteurs (surface atteinte, profondeur, âge du patient, qualité de la réanimation, qualité du traitement local) et l un des problèmes essentiels reste l'appréciation de la profondeur de la brûlure lors de l'examen initial car elle conditionne les soins à apporter : * S'il est facile d'affirmer l'érythème (1er degré) où la peau garde sa circulation superficielle et son pouls capillaire, ou encore la carbonisation (3ème degré) où les veines sont thrombosées sous une peau cartonnée et insensible, il est plus difficile de différencier avec exactitude le deuxième degré profond du deuxième degré superficiel * Le deuxième degré superficiel constitue l'atteinte de la partie superficielle de l'épiderme, sans atteinte du derme. La cicatrisation sera complète en 15 à 21 jours, sans cicatrice disgracieuse séquellaire. * Le deuxième degré profond constitue une atteinte partielle du derme, qui peut donc en théorie cicatriser spontanément. Selon l'étendue de cette atteinte, on peut assister à une cicatrisation complète en 21 à 30 jours, soit à une non cicatrisation si la lésion est trop étendue ou s'est secondairement approfondie. Le traitement actuel des patients brûlés fait, en général, appel à des techniques de nettoyage (détersion) accéléré des plaies basées sur des méthodes chimiques, enzymatiques et surtout chirurgicales, et, dans certains cas particuliers, à des techniques de détersion retardée. L'accélération de la détersion d'une brûlure a plusieurs buts importants pour la survie des patients et leur réhabilitation fonctionnelle et esthétique : limiter des conséquences de la réponse physiologique de l'organisme à la brûlure et à la présence de tissus nécrotiques, limiter l'infection des plaies, accélérer les possibilités de recouvrement naturel ou chirurgical, améliorer la qualité des résultats fonctionnels et cosmétiques à long terme. B. Les plaies chroniques : escarres, plaies du pied diabétique, ulcères. Les plaies chroniques, au contraire des plaies aiguës, s inscrivent dans le déroulement prévisible de certaines pathologies ou conditions physiques (vieillesse, atteintes veineuses, maladies de «civilisation» ). Les escarres Les escarres représentent une pathologie fréquente chez les personnes âgées, les patients neurologiques ou les patients en milieu de réanimation. La prévention des escarres fait actuellement en France des progrès constants et l on peut affirmer qu apprendre à traiter les
escarres, c'est tout d'abord apprendre à comprendre les mécanismes de la cicatrisation normale et pathologique. Pathologie longtemps ignorée l'escarre devient en ce début de troisième millénaire une pathologie à part entière et abandonne son statut de fatalité. Il est possible de soigner les escarres par des gestes professionnels clairement identifiés, faciles à mettre en œuvre et qui permettront l amélioration de l état du malade. Le pied diabétique Les chiffres concernant les effets pernicieux du diabète sont effrayants et une prise en charge active avec des actions de prévention efficaces sont urgentes : elles demandent de bien comprendre la physiopathologie du pied diabétique, afin d'en reconnaître les différents aspects et pouvoir ainsi prendre des mesures adaptées. Ces mesures passent largement par l attention portée aux plaies qui peuvent se déclarer sur les pieds diabétiques. On regroupe sous le terme générique de pied diabétique l'ensemble des manifestations pathologiques atteignant le pied et directement en rapport avec la maladie diabétique sous-jacente : ces atteintes sont principalement imputables à l'effet délétère du diabète sur les nerfs périphériques et/ou sur la circulation artérielle des membres inférieurs et sont souvent précipitées par la survenue d'une infection. Cette pathologie est dominée par la survenue d'une ulcération et le risque d'amputation qui en fait toute la gravité. Bien que les données varient grandement d'un pays à l'autre, voire d'une région à une autre, on estime qu'environ 15 % des diabétiques présenteront un ulcère du pied au cours de leur vie. Une récente enquête menée en France chez des diabétiques de type 2 (étude ENTRED) rapporte que 7 % d'entre eux soufrent ou ont souffert. La présence d'une ulcération est un facteur de surmortalité dans la population diabétique avec un risque de décès multiplié par 2,4 par rapport à un diabétique indemne de plaie. En outre, la récidive est habituelle, puisque survenant chez 70% des patients dans les 5 ans qui suivent la cicatrisation de l'ulcère initial. Le pronostic est dominé par le risque d'amputation : en effet, au moins 50 % de toutes les amputations des membres inférieurs sont réalisées chez les diabétiques qui représentent "seulement" 3 à 5 % de la population et dans 70 à 90 % des cas, l'amputation est précédée d'une ulcération du pied. Globalement, le fait d'être diabétique multiplie par 10 à 40 le risque d'amputation et certaines données récentes montrent que l'incidence des amputations n'a pas diminué ces dernières années. Le pronostic d'une amputation chez le diabétique est très sombre : dans les 5 ans après le geste initial, une nouvelle amputation est nécessaire dans près de 50 % des cas et le pourcentage de survivants n'est que de 58 %. Les ulcères de jambe L'ulcère de jambe est une affection très fréquente dont le poids social et économique est considérable. Considéré par bien des patients comme une fatalité, il est actuellement accessible w des thérapeutiques
efficaces pouvant dans la majorité des cas être utilisées en ambulatoires. Ainsi, une cicatrisation peut être le plus souvent être obtenue à condition d'employer une démarche diagnostique et thérapeutique rigoureuse utilisant au mieux une collaboration entre divers acteurs qu'ils soient médicaux (médecin généraliste, dermatologue, angiologue, chirurgien vasculaire, endocrinologue, interniste, etc.) et paramédicaux (infirmier(e)s, kinésithérapeutes, etc.). Aujourd hui, en France, les estimations sont les suivantes : - 800.000 personnes souffrent d ulcères de jambes (1% de la population) - 500.000 ont des brûlures, dont 10% sont des brûlures profondes - 200.000 sont des traumatisés (services des urgences) avec des plaies (50%) - 80.000 diabétiques ont à des degrés plus ou moins avancés, mais tous avec un risque de pronostic vital pour eux, des plaies du pied du diabétique - 300.000 sont soignées pour des escarres - et enfin, un nombre non précisé de personnes endurent les douleurs des plaies cancéreuses. On peut estimer un total d environ un million et demi de patients intéressés à une meilleure prise en charge. La douleur est elle un facteur important dans la plaie? Depuis plusieurs années, il devient évident que les douleurs des plaies sont un problème de plus en plus pris en considération. La souffrance devient inacceptable, et les techniques doivent s adapter à cette exigence. Les douleurs dans les plaies peuvent être de différentes origines : douleurs opérationnelles liées aux changements de pansements, douleurs chroniques d origines multiples, toutes avec un retentissement psychologique certain. Ces différentes composantes de la douleur doivent être reconnues, analysées en collaboration avec des spécialistes de la douleur et prises en charge de manière complémentaire. Un traitement de fond est nécessaire, comme l est également une bonne prise en charge de la douleur au changement de pansement. Ce point est très important, car les laboratoires et compagnies impliquées dans le traitement des plaies ont fait de gros efforts pour mettre sur le marché des pansements non adhérents sur la plaie, peu adhérents sur les berges, voire capables de délivrer localement des substances antalgiques en «relarguage» permanent. Ces techniques permettent aujourd hui «d officialiser» la douleur comme problématique numéro un de la vulnologie. Une journée Nationale, s intégrant dans le projet VULNUS verra le jour en 2008. Bibliographie : JPC N 46 - Décembre 2004 Tome IX : atténuation de la douleur au cours des procédures de renouvellement de pansements Auteurs : M. Briggs, F.-D. Ferris, C.S. Glynn, K. Harding, D. Hofman, H. Hollinworth, D.-L. Krasner, C. Lindholm, C. Moffatt, P. Price, M. Romanelli, G. Sibbald, M. Stacey, L. Téot JPC N 56 - Décembre 2006 Tome XI : Enquête internationale : la douleur au quotidien chez les
patients souffrant de plaies chroniques Auteurs : S. MEAUME, O. GUIBON JPC N 58 Mai 2007 Tome XII : Douleur et pansement Auteurs : S. HAULON, G. ABITBOL, V. GAUTIER, N. CHARASZ Collectif et WARNET, S. (2007). "Plaies chroniques, cicatrisation et gestion de la douleur." Revue de l'infirmière(130): 11-27. GRAFF-CAILLEAUD, G. (2005). Le pansement - Spécificités, techniques et nouveautés - L'escarre. Revue de l'infirmière: 14. GUILLEMIN, E. (2007). "Réfection des pansements vasculaires et gestion de la douleur." Revue de l'infirmière(130): 18-19. LIRON, A. (2007). "Conseils pratiques d'une infirmière conseil en pansements." Revue de l'infirmière(130): 20-22. MEAUME, S., DEREURE, O. et al. (2005). Plaies et cicatrisations. PARIS, MASSON.