Cartographie des instances collectives de Solidarité Internationale

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Transcription:

Aout 2014 Cartographie des instances collectives de Solidarité Internationale Étude pour l Agence Française de Développement - Synthèse - J.-E. Beuret et A. Cadoret Démarche de l étude Objectifs : Rendre plus lisible le paysage actuel des collectifs et plateformes d Organisations de Solidarités Internationales françaises (enjeu cartographique) et, Apprécier l efficacité des efforts de structuration engagés (enjeu évaluatif). L étude doit alimenter le dialogue entre les pouvoirs publics et les OSI sur les formes de structuration et le soutien public mis en œuvre les plus pertinents. Méthodologie : Analyse des documents et sites web des plateformes Plus de 60 entretiens auprès de plateformes, personnes ressources, interlocuteurs des plateformes à l AFD et au MAE Questionnaire en ligne auquel trente plateformes ont répondu Analyse transversale de 16 évaluations externes de plateformes réalisées 2 ateliers en régions Nord-Pas-de Calais et Rhône-Alpes 1 atelier de réflexion sur l élaboration de cartes mentales, avec les membres du comité de pilotage 1 atelier de mise en discussion des résultats provisoires et de collecte d idées auprès de 23 plateformes. Limites : Les échelles régionales et infrarégionales n ont été que rapidement explorées, de même que les connexions internationales, ainsi que les complémentarités ou recouvrements avec des réseaux internationaux. Fig.1 : des plateformes membres d autres plateformes : graphe d acteurs La dynamique de la structuration des OSI en instances collectives : moteurs, polarisation Plus de soixante instances collectives d OSI ont été identifiées et étudiées (recensement non exhaustif). Les dynamiques de création sont souvent alimentées par les interactions entre les pouvoirs publics et les OSC (Organisations de la société civile). Nombre de plateformes sont nées d une convergence d intérêts et d initiatives entre des acteurs de la société civile et des acteurs publics. L agenda international est aussi déterminant. La création et/ou le renforcement de plateformes d OSI françaises répond souvent à l ouverture d espaces internationaux d échange et d action. Les OSI françaises montrent une réactivité et une capacité de réponse importante grâce aux instances collectives qu elles créent. L existence d une instance centralisée de dialogue entre les OSC et les pouvoirs publics est un atout. La CCD (Commission Coopération Développement) a joué un rôle clé dans le passé : le CNDSI est appelé à jouer ce rôle. La relation entre les OSC et l État a été le moteur de l émergence d une représentation unitaire et reconnue des ONG (Coordination Sud - CSUD), utile à l échelle nationale et pour porter une parole à l international. CSUD a su réunir des familles d acteurs dotées de visions, langages, valeurs, à la fois différents et convergents, mais reste un acteur composite. La création de plateformes s est accélérée durant les vingt dernières années. Des ONG de plus en plus nombreuses fusionnent rarement mais se regroupent : la concertation en tant que support pour une construction collective (d argumentaires, d actions, de campagnes, de compétences ) est au cœur de ce mode de structuration du milieu des OSI. p.1

Plateformes et collectifs d Organisations de Solidarité Internationale : qu est-ce c est? Les plateformes et collectifs d OSI sont nombreux. L étude a travaillé sur une soixantaine de plateformes, mais il existe des instances de concertation informelles ainsi que des plateformes situées à l interface entre la solidarité internationale et d autres secteurs qui complètent ce paysage. Le nombre de membres est compris entre 5 et plusieurs centaines. Certaines plateformes ont un nombre d adhérents modeste mais travaillent avec un large réseau de correspondants qui alimentent leurs travaux et en bénéficient. Les plateformes sont souvent un trait d union entre des structures (ONG, syndicats, collectivités publiques, entreprises, fondations, mutuelles, établissements publics) et secteurs différents (solidarité internationale, économie sociale et solidaire, environnement..). La majorité des plateformes ont une gouvernance propre, avec un statut associatif ou un portage par un membre et un comité de coordination ad-hoc. D autres sont pilotées par un membre et n ont pas de gouvernance propre : c est une limite si la plateforme entend porter un discours public et/ou se renforcer. Certaines plateformes restent informelles ce qui peut être un atout pour adapter le niveau d activité aux besoins et aux ressources, fusionner ou se transformer au gré des besoins : mais la gouvernance doit être claire et collective. Les ressources financières et humaines sont variables, avec un paysage globalement divisé en trois tiers : des plateformes faiblement ou non financées, sans ressources humaines stables ; des plateformes financées disposant de 1,5 à 6 salariés sous des statuts divers ; des plateformes établies reposant sur des ressources humaines et financières conséquentes et stables. La fréquence d apparition des mots-clés correspondant aux fonctions assumées (cités par les répondants à l enquête) compose la figure suivante : Fig.2 : une image simplifiée des mots clés caractérisant ce que font les plateformes Quatre fonctions ont été recensées L échange et la diffusion d informations Le renforcement (des membres et/ou de réseaux homologues) La mobilisation (des membres ou du grand public) La représentation et le plaidoyer Des plateformes «techniques» assument plutôt des fonctions d échanges, de capitalisation, d études Mobilisation et plaidoyer sont associés dans les plateformes plutôt «politiques» Les plateformes se situent avant tout dans une posture de coopération avec les pouvoirs publics, dont elles entendent d abord alimenter et influencer l action. p. 2

Cartographie générale : vision d ensemble La carte ci-contre (fig.3) est basée sur l appartenance des OSC membres, très souvent impliquées dans plusieurs collectifs et plateformes. Elle vise à objectiver le réseau des plateformes et collectifs (même s il s agit d un regard particulier). Fig.3 : carte des plateformes et collectifs basée sur les appartenances des membres La carte en p.1 est basée sur l appartenance de chaque plateforme à d autres plateformes. Plus les traits sont épais, plus elles ont de membres en commun ; les organisations les plus connectées entre elles sont proches. CSUD, au centre de la carte, est le nœud de réseau central. CSUD, le F3E et le CRID constituent un axe central, associant des fonctions de représentation, de professionnalisation, d animation d une vie militante du secteur. Les plateformes proches sont inscrites dans des «sphères» : la sphère du développement durable (Sud Est de la carte) associe la souveraineté alimentaire, les questions climatiques, l accès à l eau et l assainissement ; la sphère de l éducation au développement et à la solidarité Internationale (Sud Ouest) ; la sphère de la mondialisation et de sa régulation (Nord Ouest) ; une sphère associant des questions de migration et des préoccupations relatives à l espace méditerranéen (Nord Est). Les plateformes les plus éloignés du centre sont ouvertes sur d autres secteurs ou échelles, ou relèvent de secteurs peu représentés dans ce paysage (santé, action humanitaire). Des modèles de complémentarité Il existe plusieurs modèles de complémentarité entre plateformes d un même secteur : des complémentarités thématiques, avec une répartition des tâches et groupes cibles ; des complémentarités sociales, liées à la composition des plateformes, entre des plateformes dont l efficacité repose sur l «entre soi» (pour construire des compétences et messages forts) et d autres qui s enrichissent des différences entre leurs membres et y puisent une légitimité ; des complémentarités fonctionnelles entre une plateforme technique qui produit des savoirs sans prendre parti, une plateforme qui construit le plaidoyer des OSC du secteur, une plateforme mixte OSCacteurs publics qui alimente les politiques publiques françaises et des messages portés vers l international, parfois une plateforme qui mobilise le grand public (fig.4). Fig.4 : modèle de complémentarités fonctionnelles : deux illustrations (secteur agricole et secteur de l eau) p. 3

Quelques défaillances de coordination On observe des défaillances de coordination dans certains secteurs avec des complémentarités sousexploitées, ignorées ou «mises de côté» par des acteurs qui se mettent et/ou sont mis en concurrence. La coordination entre les plateformes et les acteurs publics est parfois affectée par une approche défaillante de la concertation, trop dépendante des personnes qui en ont la responsabilité, ou par le fait que certains acteurs publics stimulent parfois la création de plateformes sans suffisamment tenir compte des plateformes existantes. Les impacts de l action des plateformes relèvent de : La qualité de l action de chacun, via la professionnalisation de l action des OSC et l innovation au service du secteur, Les secteurs de la santé et de l aide humanitaire sont assez peu structurés en plateformes, avec des biais de représentation plus sectoriel (représentation prépondérante des enjeux Sida), des passerelles limitées entre acteurs de l urgence et du développement et une coordination difficile entre acteurs humanitaires et autres intervenants en situation de crise : elle contribue au retard des OSC françaises en matière de «post crise» et de peacebuilding. Une plateforme spécifique pourrait contribuer à des rapprochements, coordinations et consortiums entre acteurs du développement et de l urgence. Le paysage est fragmenté mais le regroupement de plateformes apporterait peu de gains d efficience. Il serait par contre souhaitable d encourager le dépôt de demandes de financement communes, par des plateformes dont les thématiques sont proches, pour stimuler la mutualisation de moyens et le fait de s inscrire dans un projet commun tout en préservant l identité et la visibilité de chacun. A quoi servent les plateformes et collectifs? Impacts et plus-value La qualité globale à l échelle de l action du secteur français de la solidarité internationale, via l innovation, l anticipation (inventer les sujets de demain) et la mise en cohérence et la création de synergies entre les actions (création de références partagées, rapprochements ), d une part entre OSC, d autre part entre les OSC et les pouvoirs publics (création d espaces de dialogue et coopération, actions visant à enrichir les politiques publiques), Une plus-value est obtenue grâce au fait d agir en collectif, en particulier en matière de plaidoyer - «on est plus fort car on est ensemble» -, de professionnalisation, de mise en synergie, (avec un brassage, un enrichissement mutuel des plateformes et des supports d actions collectives) et d innovation (portée par un réseau d acteurs capables de s approprier et de porter l innovation). L influence, via un plaidoyer légitimé, éclairé et porté par une expertise collective, qui améliore la qualité globale de l action française, mais aussi internationale, à travers un message des acteurs français à l international plus audible (car porté conjointement par des acteurs publics et privés). Parce qu une plateforme est plus qu un projet : deux points clés pour progresser Animation, conduite de la concertation et vie collective Deux tiers des points faibles relevés dans les évaluations externes concernent l animation de la vie collective au sein des plateformes. Sont parfois soulignés un manque d appropriation de la vie du collectif par les membres, des efforts insuffisants de construction d un projet partagé, de concertation des membres, un manque d horizontalité dans la vie collective, une valorisation insuffisante de ce que font les membres, un processus décisionnel trop rapide ou trop lent, des problèmes de validation et de portage des messages portés par la plateforme. L investissement dans des supports favorisant le rapprochement et des formats d échanges attractifs est très inégal d une plateforme à l autre. La mise en œuvre de stratégies visant l appropriation, l implication, l exploitation de complémentarités entre les membres, ou l utilisation de signes renforçant l identité du collectif, est toute aussi inégale. La configuration de la plateforme doit être pensée pour favoriser la vie collective : certaines sont trop centrées sur l équipe opérationnelle de la plateforme. Il existe un déficit de réflexion au sein des plateformes sur les «compétences-métiers» spécifiques à réunir pour, au-delà de la mise en œuvre d un projet, consolider leur vie collective (compétences en conduite de la concertation, animation, consolidation de réseaux..). p. 4

Financement, soutien public et évaluation Les plateformes sont souvent très dépendantes des financements publics et, parfois, du seul soutien de l AFD. La recherche de financements privés est difficile pour des plateformes sans réalisations directes au Sud : en attestent les échecs de recherches méthodiques engagées par certains. Le complément de financement dégagé par la vente de services pose problème pour des plateformes d intérêt général, pourvoyeuses de services gratuits. Ces difficultés spécifiques d accès aux financements doivent être reconnues par un taux de cofinancement plus adapté. Les plateformes ont aussi pour spécificité d avoir une part d activités récurrentes, puis une «part variable» d activités qui évoluent de projet en projet, inscrites dans des processus de structuration à long terme : les projets devraient mentionner des activités relevant de ces catégories, à présenter de façon adaptée. En plus du soutien financier, le soutien non financier des pouvoirs publics joue un rôle clé (reconnaissance, accès à des espaces d expression et de participation, dialogue et conseils, actions convergentes, facilitation de contacts, etc....) dans la consolidation des plateformes : soutien financier et non financier devraient être envisagés conjointement. Les indicateurs d évaluation utilisés ne sont pas suffisamment adaptés aux spécificités des plateformes et aux enjeux de la vie collective. Une réflexion collective sur des indicateurs et formes d évaluation spécifiques est indispensable. Recommandations Recommandations adressées à l AFD : parce qu une plateforme est plus qu un projet Mieux baliser le champ : il s agit de mieux définir les contours des instances collectives d intérêt général à soutenir (un consortium opérationnel, un regroupement de personnes ne sont pas des plateformes) et ce qu est l intérêt général. Au lieu de «Structuration du Milieu Associatif» (intitulé inadapté aux enjeux), retenir quatre objectifs autour d une ligne de financement intitulée «Structuration, Innovation, Qualité» : structuration de la coopération non gouvernementale ; professionnalisation du secteur, innovation et anticipation des besoins futurs ; participation aux politiques publiques et qualité globale de l action de Solidarité Internationale ; ancrage de l action de Solidarité Internationale dans la société civile ; chaque projet devant contribuer à un ou plusieurs de ces objectifs. Limiter l accès à cette ligne de financement à des instances collectives regroupant au minimum 8 à 10 personnes morales effectivement engagées. Augmenter le taux de cofinancement, compte tenu des difficultés de financement spécifiques des plateformes et de leur rôle d intérêt général et d alimentation de l action publique. Inciter les plateformes à coopérer entre-elles, en encourageant le dépôt de demandes de financement communes pour des plateformes relevant d un même secteur et de taille diverse. Interroger les plateformes sur leur positionnement aux côtés des autres instances collectives d OSI, au sein d un secteur donné, à chaque demande de financement. Mettre en place des exigences et un cadre spécifique au financement des plateformes, une plateforme étant plus qu un projet. Les plateformes devront notamment préciser la façon dont elles entendent répondre aux enjeux spécifiques à la conduite d une dynamique collective, en termes de compétences, gouvernance, processus de concertation et de consolidation du réseau de leurs membres. Exiger que chaque projet soumis à financement soit présenté en distinguant les activités récurrentes de la plateforme, les activités nouvelles, la dynamique à moyen et long terme dans laquelle le projet s inscrit. Limiter les délais d instruction mais aussi permettre un dépôt anticipé des demandes de financement puis la possibilité d ajustements conséquents, en début de projet triennal, pour éviter des ruptures temporaires de financement d activités récurrentes. Interroger les plateformes sur les compétences et outils spécifiques qu elles ont ou entendent réunir en matière de conduite de la vie collective d une part, et d évaluation d autre part. p. 5

Principales recommandations adressées aux OSC Recommandations adressées aux pouvoirs publics : qualité des cadres de dialogue et liens en régions Une réflexion collective sur un cadre et des indicateurs d évaluation spécifiques à l action et au renforcement des plateformes mériterait d être mutualisée, de même qu une réflexion sur les compétences-métiers spécifiques à mobiliser dans les plateformes, en partenariat entre CSUD et le F3E. Certaines plateformes doivent accorder plus d attention aux profils et compétences spécifiques qu elles doivent réunir pour dépasser la seule exécution du/des projet(s), aux stratégies visant l appropriation de la plateforme et l implication des membres et aux formats d échange et outils collaboratifs utilisés, à rendre plus diversifiés et efficients. La qualité et l efficience de la conduite de la concertation et de la vie collective sont des enjeux majeurs. Des pistes sont proposées dans le rapport, pour obtenir des gains d efficience. Les plateformes qui entendent porter des processus d innovation doivent favoriser une ouverture permettant un portage collectif, l enrichissement et l appropriation des innovations produites. Les plateformes doivent penser leur configuration de façon à éviter une centralisation excessive. Chacune doit être un pôle central mais aussi le catalyseur de liens et coopérations entre ses membres, puis entre ses membres et des partenaires extérieurs. CSUD, en lien avec le MAE et l AFD, doit impulser l émergence d une instance collective de dialogue, coordination permanente ou spécifique en cas de crise, associant des OSI qui interviennent en situation de crises et post-crise. Le secteur de la Solidarité Internationale doit continuer son ouverture, notamment via les plateformes, vers les champs du développement durable et de l économie sociale et solidaire. Les plateformes nationales qui ne disposent pas d ancrage en région doivent se rendre plus accessibles et développer des collaborations avec des structures actives dans les régions. Pour les favoriser, les RRMA gagneraient à réaliser des cartographies simples des compétences et dynamiques en région (au-delà d un simple inventaire des acteurs). Des instances centrales de dialogues ont joué un rôle structurant dans le passé : le CNDSI est appelé à jouer ce rôle ; le MAE devra veiller à la qualité de ce cadre de dialogue (travaux en groupes restreints, rythme de travail, capacité d auto-saisine, suivi des produits du dialogue). Le MAE doit favoriser des espaces de dialogue interministériels avec les plateformes quand c est nécessaire (thématique migration et développement, éducation au développement...). Dans les espaces de dialogue qu il porte, le MAE doit favoriser la mise en place de mécanismes de suivi des propositions faites par les OSC ou coconstruites avec les OSC, qu elles aient été mises en œuvre ou non (à partir d un inventaire systématique de ces propositions). Le soutien du MAE aux RRMA les positionne comme un «nœud de réseau» et une charnière entre échelles régionales et nationales, ce qui est pertinent et à poursuivre. Mais d une région à l autre, les dynamiques, structures, répartition effective des compétences entre plateformes sont diverses. Les pouvoirs publics (MAE, régions) comme les plateformes nationales doivent veiller à respecter ce «polymorphisme» et exploiter au mieux les complémentarités qui existent. Les petites structures porteuses d initiatives de en régions sont souvent loin des plateformes : les distances, langages, formats d action sont des obstacles. Face à cela, les pouvoirs publics doivent encourager les initiatives régionales visant un maillage territorial par des collectifs locaux ou des structures relais, élaborer des actions spécifiques tournées vers ces «petits» acteurs et avoir une attention à ne pas trop formaliser, institutionnaliser et standardiser les choses. AFD : Agence Française de Développement CHD : Coordination Humanitaire et Développement CNDSI : Conseil National pour le Développement et la Solidarité Int. CSUD : Coordination SUD CRID : Centre de Recherche et d'information pour le Développement F3E : Etudes préalables, Etudes transversales, Evaluations ETP : Equivalent Temps Plein MAE : Ministère des Affaires Étrangères ONG : Organisation Non Gouvernementale OSC : Organisation de la Société Civile OSI : Organisation de Solidarité Internationale RRMA : Réseaux régionaux Multi-Acteurs Étude consultable auprès de la Division du Partenariat avec les ONG (DPO), Direction de la stratégie, des partenariats et de la communication (SPC) Agence Française de Développement- 5 rue Roland Barthes, 75598 Paris Cedex et sur le site www.afd.fr p. 6