COMPRESSION MÉDULLAIRE NON TRAUMATIQUE et SYNDROME DE LA QUEUE DE CHEVAL (231)



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COMPRESSION MÉDULLAIRE NON TRAUMATIQUE et SYNDROME DE LA QUEUE DE CHEVAL (231) 1. Compression médullaire non traumatique 1.1 Connaissances requises 1.1.1 Décrire les principaux symptômes révélateurs 1.1.2 Décrire la séméiologie clinique du syndrome de compression médullaire (syndrome rachidien, syndrome lésionnel, syndrome sous-lésionnel) 1.1.3 Décrire le degré d urgence et la place cruciale de l IRM médullaire 1.1.4 Citer les causes principales de compressions épidurales 1.1.5 Citer, au titre du diagnostic différentiel, les principales tumeurs intramédullaires, la myélopathie cervicarthrosique, le syndrome syringomyélique, les myélopathies inflammatoires 1.1.7 Principes du traitement des compressions médullaires 1.2 Objectifs pratiques : 1.2.1 Chez un patient réel ou simulé atteint de compression médullaire non traumatique : conduire l interrogatoire et l examen clinique proposer une stratégie diagnostique et thérapeutique 1.2.2 Evoquer le diagnostic de compression médullaire sur un cas vidéo LES POINTS FORTS - Urgence diagnostique (IRM) et thérapeutique - Reconnaissance rapide des formes débutantes : douleurs rachidiennes + gêne motrice MI - Compression médullaire constituée : syndrome lésionnel radiculaire + syndrome sous-lésionnel (moteur, sensitif, sphinctérien) + syndrome rachidien (douleur, raideur) - Diagnostic positif : IRM - Etiologie : extradurale (métastases vertébrales, myélopathie cervicarthrosique) ; intradurale et extramédullaire (méningiome, neurinome) ; médullaire (tumeur, malformations vasculaires) - Diagnostic différentiel : PRN, SEP, SLA, Sclérose combinée de la moelle La compression de la moëlle ou des dernières racines rachidiennes formant la queue de cheval constitue une urgence diagnostique et souvent thérapeutique neuro-chirurgicale. La reconnaissance des différents syndromes cliniques de compression médullaire entraînera la réalisation de l IRM qui confirmera le diagnostic et précisera la stratégie thérapeutique. 1. PHYSIOPATHOLOGIE La moëlle chemine du trou occipital au bord supérieur de L.2 dans un canal ostéoligamentaire inextensible. Elle est plus courte que le canal rachidien, expliquant un décalage entre le niveau vertébral et celui du métamère médullaire (exemple : le métamère D.12 est en regard de la vertèbre D.9). 1

De la moëlle émergent les nerfs rachidiens qui sortent par les trous de conjugaison. La moëlle se termine par le cône terminal au niveau des dernières vertèbres dorsales et de L.1 ; les dernières racines rachidiennes (L.2 à L.5 et les racines sacrées) forment la queue de cheval. La moëlle est entourée d une pie-mère épaisse, résistante, puis par l arachnoïde où circule le liquide céphalo-rachidien (LCR) et la dure mère qui réalise un fourreau cylindrique épais. L espace extra-dural est graisseux, rempli de vaisseaux, surtout veineux. La moëlle est organisée transversalement en métamère et longitudinalement en fibres longues. Celle-ci comporte des fibres sensitives et des fibres motrices : - les fibres sensitives se répartissent : - En voie spino-thalamique qui véhicule la sensibilité thermo-algique. Elles croisent à chaque niveau métamérique, elles cheminent dans le cordon latéral de la moëlle du côté opposé. - En voie lemniscale qui véhicule le tact épicritique et la sensibilité profonde située dans le cordon postérieur de la moëlle, homolatéral. Elles croiseront plus haut à la partie inférieure du bulbe. - le faisceau pyramidal moteur après avoir croisé dans le bulbe descend dans le cordon latéral de la moëlle. De cette organisation anatomo-fonctionnelle, certains éléments cliniques orientent vers une compression médullaire : - l atteinte pyramidale et sensitive des deux membres inférieurs ou des quatre membres, - l existence d un niveau sensitif correspondant à la limite supérieure de l atteinte sensitive, - la dissociation des troubles sensitifs aboutissant au maximum au syndrome de Brown- Sequard, - l association de signes centraux et périphériques. 2. CLINIQUE La compression médullaire non traumatique doit être diagnostiquée dès les premiers signes cliniques car elle nécessite une prise en charge urgente. 2.1 La compression médullaire débutante : Elle est dominée par des douleurs rachidiennes tenaces, rebelles aux antalgiques avec raideur segmentaire rachidienne. Elle s associe très précocement à des troubles moteurs aux membres inférieurs qui entraînent simplement une gène fonctionnelle dans les tâches quotidiennes. Une déformation de la colonne vertébrale est parfois observable dès cette phase précoce. Les troubles sensitifs et surtout sphinctériens sont en général beaucoup plus tardifs. Cette symptomatologie impose la réalisation d une IRM rapide. 2.2 La compression médullaire constituée : Le diagnostic de compression médullaire non traumatique est posé sur l existence d un syndrome lésionnel et d un syndrome sous-lésionnel associé le plus souvent à des signes rachidiens. 2

Le syndrome radiculaire lésionnel Il est constitué de douleurs radiculaires souvent isolées au début. Elles sont de topographie constante signalant le dermatome lésionnel (névralgies cervico-brachiales, algies thoraciques en ceinture). Elles surviennent en éclairs, par salves et elles sont impulsives à la toux. Elles peuvent s estomper dans la journée avec l activité physique et ne se manifester qu au repos, surtout la nuit, à heures fixes, pouvant s atténuer à la déambulation nocturne. Elles peuvent être associées à un déficit radiculaire objectif avec hypoesthésie en bandes dans le territoire douloureux avec abolition, diminution ou inversion d un réflexe, pouvant même aboutir à un déficit moteur dans le même territoire radiculaire avec amyotrophie. Ces symptômes sont au début plus discrets à l étage thoracique ou abdominal qu au niveau cervical où la névralgie cervico-brachiale est plus typique. Ce syndrome radiculaire lésionnel permet donc de déterminer le niveau et d orienter les explorations neuro-radiologiques. Le syndrome sous-lésionnel Il associe des troubles moteurs, sensitifs et sphinctériens. L atteinte motrice correspond à un syndrome pyramidal. Son intensité est variable. Au début, il s agit simplement d une fatigabilité à la marche, d une difficulté à la course, d une maladresse en terrain accidenté, cédant à l arrêt. Cette gène n est pas douloureuse, elle correspond à la claudication intermittente de la moëlle décrite par Déjerine. Progressivement, on observe une réduction du périmètre de marche. A l extrême, l atteinte pyramidale peut aboutir à une paraplégie ou une tétraplégie spastique. Les troubles sensitifs accompagnent habituellement les signes moteurs mais le plus souvent de façon retardée. Le patient décrit des picotements, des fourmillements, une sensation de striction, d être pris dans un étau, de ruissellement d eau glacée, de brûlures parfois exacerbées au contact. Un signe de Lhermitte est possible (décharge électrique le long du rachis et des membres à la flexion du cou). Le malade décrit une impression de marcher sur du coton ou du caoutchouc avec une gène plus marquée à la marche lors de la fermeture des yeux (signant la souffrance cordonale postérieure). Le déficit sensitif n est pas toujours complet, il peut être initialement cordonal postérieur (atteinte de la sensibilité discriminative, de la proprioception) ou spino-thalamique (déficit thermo-algique). Le syndrome de Brown-Sequard correspondant à une souffrance d une hémi-moëlle est bien l expression de cette dissociation de sensibilité avec un syndrome cordonal postérieur et un syndrome pyramidal homolatéraux à la lésion,et avec un déficit spino-thalamique du côté opposé. Les troubles sphinctériens : Les troubles urinaires (miction impérieuse, dysurie), sexuels ou ano-rectaux (constipation) sont très tardifs dans les compressions médullaires sauf si la lésion est située dans le cône terminal. Par contre, dans les compressions médullaires évoluées, les troubles sphinctériens sont quasi-constants. 3

Le syndrome rachidien Il comporte des douleurs permanentes et fixes, soit localisées ou plus diffuses à type de tiraillement, de pesanteur ou d enraidissement rachidien. L effort les renforce mais elles existent aussi au repos en particulier la nuit. Elles sont peu ou pas sensibles aux antalgiques usuels. La raideur segmentaire du rachis apparaît très précocement et doit être recherchée systématiquement. Une déformation segmentaire (cyphose, scoliose, torticolis) peut être retrouvée parfois avec des douleurs. La douleur rachidienne spontanée localisée est augmentée lors de la percussion des épineuses ou à la palpation appuyée de la musculature para-vertébrale en regard de la zone lésionnelle. 2.3- FORMES CLINIQUES PARTICULIERES : La compression médullaire chez l enfant : La sémiologie diffère peu de celle de l adulte mais il est toujours plus difficile de mettre en évidence les douleurs rachidiennes ou radiculaires chez les petits enfants. Par contre, il est classique d observer très précocement une déformation rachidienne à type de scoliose ou de cyphose ou de port de tête un peu «guindée». L existence d une boiterie ou de troubles sphinctériens doit faire évoquer le diagnostic. Chez l enfant les compressions médullaires tumorales peuvent s exprimer par un tableau d hypertension intra-crânienne avec œdème papillaire, hémorragie méningée ou hydrocéphalie. La compression médullaire selon le niveau La compression cervicale haute entre C1 et C4 : le syndrome sous-lésionnel est constitué d une quadriplégie spastique, le syndrome lésionnel peut s exprimer par une paralysie diaphragmatique, une paralysie du sterno-cléïdo-mastoïdien, du trapèze ou par un hoquet signant la compression phrénique. La compression cervicale basse entre C5 et D1 : elle s exprime par une paraplégie spastique et une névralgie cervico-brachiale. Lors d une compression entre C8 et D1, il est habituel d observer un Claude Bernard Horner homolatéral. La compression de la moelle dorsale donne une paraplégie, des douleurs en ceinture thoracique associées à une anesthésie en bande. La compression de la moelle lombo-sacrée donnera une paralysie des quadriceps avec disparition des réflexes ostéotendineux rotuliens mais avec des réflexes ostéotendineux achilléens vifs et un signe de Babinski bilatéral. Il s y associe des troubles sphinctériens. La compression au niveau du cône terminal est suspectée devant des troubles moteurs à type de déficit de la flexion de la cuisse sur le bassin, une abolition des réflexes cutanés abdominaux inférieurs, une abolition du réflexe crémastérien mais avec un signe de Babinski. Il existe de façon constante et sévère des troubles sphinctériens ainsi que des troubles sensitifs de niveau D12- L1. 4

3. EXAMENS COMPLÉMENTAIRES 3.1 L imagerie par résonance magnétique (IRM) avec injection de Gadolinium est l examen de première intention lorsqu une souffrance médullaire est cliniquement suspectée. Elle doit être réalisée par un Neuroradiologue entraîné avec plusieurs séquences en T1, en T2, avec injection de GADOLINIUM. Elle permet l étude du cordon médullaire dans les trois plans et l observation des structures avoisinantes. Elle permet de déterminer la topographie lésionnelle, épidurale, intradurale extramédullaire ou intramédullaire. Lors d un processus compressif épidural, les anomalies squelettiques avoisinantes devront être recherchées. Les tumeurs intradurales extramédullaires sont visualisées par des masses arrondies ovoïdes jouxtant la moelle. Les lésions intramédullaires s accompagnent d un élargissement du cordon médullaire avec une lésion médullaire dont la sémiologie IRM est dépendante de l étiologie. L IRM permet de faire une cartographie du processus tumoral en déterminant la hauteur, la dimension, les rapports avec les structures avoisinantes du processus lésionnel. La nature pleine ou kystique permet de donner une orientation étiologique. Le réhaussement par injection de Gadolinium signe une rupture de la barrière hémato-encéphalique. L IRM permet de plus d apprécier le risque potentiel de souffrance médullaire suraiguë redoutée dans des compressions médullaires lentes. 3.2 Les autres examens : - Les radiographies rachidiennes simples peuvent révéler des modifications osseuses à type d érosion d un pédicule, d un élargissement d un trou de conjugaison, d un élargissement du diamètre transversal ou antéro-postérieur du canal rachidien et enfin d un aspect lytique ou condensant vertébral aboutissant à une vertèbre ivoire ou à un tassement. Ces signes topographiques osseux sont le plus souvent tardifs. - La myéloscanner est aujourd hui réalisée qu en cas de contre-indication à l IRM. Il permet de bien visualiser les structures squelettiques. - Les potentiels évoqués somesthésiques et moteurs permettent d apprécier l état fonctionnel des voies lemniscales et pyramidales mais ils ne constituent pas un instrument diagnostique de première intention. 4. ETIOLOGIE 4.1 Les causes extra-durales Elles sont dominées par les métastases néoplasiques vertébrales compliquées d une épidurite métastatique. Les cancers primitifs les plus fréquemment retrouvés sont les néoplasmes du poumon, du sein, de la prostate et du rein. Un envahissement néoplasique vertébro-épidural est fréquemment rencontré au cours d hémopathies malignes comme les lymphomes non Hodgkiniens, les leucémies aiguës ou les myélomes. 5

Les tumeurs vertébrales bénignes (hémangiome, condrome ) ou primitivement malignes (sarcome) sont plus rares. La myélopathie cervicarthrosique peut aboutir à une compression médullaire lente cervicale. Elle concerne des patients de plus de 40 ans ayant comme antécédents des névralgies cervico-brachiales, des torticolis, voire des traumatismes rachidiens cervicaux. Le syndrome sous-lésionnel comporte un syndrome pyramidal spastique progressif avec des troubles sensitifs subjectifs dont le classique signe de Lhermitte. Le syndrome lésionnel comprend des signes sensitifs et moteurs avec abolition des réflexes ostéotendineux, une amyotrophie sur un ou sur les deux membres supérieurs. L IRM confirme la cervicathrose avec une étroitesse du canal cervical et une arthrose préférentiellement sur la partie inférieure du rachis cervical. Les spondylodiscites et les épidurites infectieuses à pyogène peuvent être à l origine d une compression médullaire extradurale. Lorsqu il s agit du bacille de Koch, on parle de mal de Pott. La hernie discale, préférentiellement au niveau dorsal, peut être une étiologie de compression médullaire extradurale. L hématome épidural lors d un traitement aux antivitamines K ou après une ponction lombaire peut entraîner une compression médullaire. 4.2 Les causes intradurales extra-médullaires Elles sont dominées par les tumeurs bénignes : Les méningiomes concernent avant tout les femmes de plus de 50 ans présentant une compression médullaire lente typique s exprimant par des troubles de la marche progressifs associés à un modeste syndrome lésionnel radiculaire. La localisation tumorale est thoracique dans deux tiers des cas. L IRM confirme la localisation intradurale extramédullaire habituellement postérieure avec une lésion à limite nette, de taille ovoïde, allongée selon le grand axe rachidien. L implantation tumorale se fait sur la duremère. Les neurinomes concernent autant les hommes que les femmes de n importe quel âge. Pour la moitié des cas, ils sont de localisation cervicale, dans un quart des cas thoracique et dans le quart restant thoraco-lombaire. Sémiologiquement, ils s expriment comme une compression médullaire lente mais avec un syndrome radiculaire plus marqué que pour les méningiomes, en particulier avec des douleurs. Des radiographies rachidiennes mettent en évidence un élargissement du trou de conjugaison. L IRM confirme que la tumeur est située sur une racine spinale, le plus souvent dorsale. Le neurinome apparaît en hypersignal en T2 et peut prendre l aspect d un sablier. Ils peuvent survenir dans le cadre d une maladie de Von Recklinghausen, surtout s il existe plusieurs neurinomes, des signes cutanés (tâches café au lait), des antécédents familiaux. 6

Les arachnoïdites qui correspondent à une réaction inflammatoire des leptoméninges peuvent engainer la moelle et entraîner un tableau de compression médullaire. On les observe dans les suites de méningite ou au cours de maladies inflammatoires comme la sarcoïdose. 4.3 Les causes intra-médullaires Elles sont dominées par les tumeurs qui dans deux tiers des cas sont soit des épendymomes, soit des astrocytomes. L IRM met en évidence un élargissement de la moelle avec effacement des espaces liquidiens périmédullaires et visualise la tumeur qui peut comporter une note charnue en hypersignal en T2 plus ou moins associée à des formations kystiques. Les malformations vasculaires (cavernome, angiome, fistule artério-veineuse durale) peuvent aboutir à un tableau de compression médullaire lente avec un risque hémorragique et ischémique potentiel. L IRM visualise la malformation vasculaire. L artériographie médullaire en établit le type précis et la stratégie thérapeutique. La syringomyélie consiste en une cavité intramédullaire. La plainte principale des patients est avant tout des douleurs à type de névralgie cervico-brachiale, de douleurs dans l épaule, dans les bras à type d étau ou de brûlures. Il s y associe un syndrome suspendu au niveau des membres supérieurs le plus souvent avec déficit moteur, amyotrophie, abolition des réflexes ostéotendineux et surtout hypoesthésie dissociée (purement thermoalgique) suspendue. Une scoliose est retrouvée dans un tiers des cas. L IRM met en évidence la cavité centro-médullaire pouvant remonter jusqu au bulbe. Il peut s y associer une malformation d Arnold Chiari (les amygdales cérébelleuses s engagent dans le trou occipital) ou un aspect d arachnoïdite séquellaire d infection ou d hémorragie méningée. Les cavités syringomyéliques peuvent survenir également dans les suites d un traumatisme. 5. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL Tout tableau clinique compatible avec une souffrance médullaire nécessite une IRM pour détecter une compression médullaire lente curable dans un délai rapide car le patient reste en permanence exposé à un risque d accident médullaire aigu même sur un processus d évolution lente. Des diagnostics trompeurs peuvent simuler la compression médullaire. Devant l installation subaiguë d une paraparésie ou paralysie flasque avec aréflexie ostéotendineuse des membres associée à des troubles sensitifs mais sans trouble sphinctérien, une polyradiculonévrite peut être évoquée. L apparition d une paraparésie spastique progressive avec d autres signes de souffrance médullaire associés peut être le premier signe d une sclérose en plaques surtout de forme chronique progressive d emblée qui nécessitera la réalisation, en plus de l IRM médullaire, d une IRM encéphalique et d une ponction lombaire. La sclérose latérale amyotrophique peut simuler une compression médullaire mais les signes sensitifs et sphinctériens sont absents. Il existe de plus des fasciculations et une amyotrophie. 7

La sclérose combinée de la moelle s observe au cours de la maladie de Biermer. Le diagnostic est biologique : macrocytose et déficit vitaminique B12. 6. PRINCIPES DU TRAITEMENT La compression médullaire constitue toujours une urgence thérapeutique car le tableau peut s aggraver en quelques heures aboutissant à une paraplégie complète et définitive. Tout malade suspect d avoir une compression médullaire doit être transféré en milieu neurochirurgical pour définir les meilleures modalités thérapeutiques. 8

LE SYNDROME DE LA QUEUE DE CHEVAL (231) 2. Syndrome de la queue de cheval 2.1 Connaissances requises 2.1.1 Décrire les principaux symptômes et signes cliniques du syndrome de la queue de cheval complet, incomplet et latéralisé 2.1.2 Enoncer les éléments cliniques différenciant ce syndrome d une polyradiculonévrite aiguë et d un syndrome du cône médullaire 2.1.3 Connaître le statut de grande urgence neurochirurgicale du syndrome et, par conséquent, l urgence de l IRM 2.1.4 Citer les causes les plus fréquentes 2.1.5 Connaître la séméiologie clinique et radiologique d une sténose du canal lombaire 2.2 Objectifs pratiques 2.2.1 Chez un patient réel ou simulé atteint d un syndrome de la queue de cheval : conduire l interrogatoire et l examen clinique proposer une stratégie diagnostic et thérapeutique 2.2.2 Evoquer le diagnostic de syndrome de la queue de cheval sur un cas vidéo LES POINTS FORTS - Urgence diagnostique (IRM) et neurochirurgicale - Clinique : troubles sensitifs (MI, anesthésie en selle), moteurs (radiculaires MI), ROT abolis, génito-sphinctériens (dysurie, incontinence) - Diagnostique positif : IRM - Etiologie : hernie discale, épendymome, canal lombaire étroit - Diagnostic différentiel : syndrome cône terminal, PRN - Urgence chirurgicale Le syndrome de la queue de cheval constitue une grande urgence neurochirurgicale. Il correspond à une souffrance des dernières racines rachidiennes L2-L5 et les racines sacrées formant la queue de cheval en dessous du cône terminal de la moelle. Il constitue donc un syndrome neurogène pluriradiculaire du périnée et des membres inférieurs. 1. CLINIQUE Le diagnostic de syndrome de la queue de cheval doit être évoqué devant : - des troubles sensitifs : les douleurs sont fréquentes à type de radiculalgie (cruralgie, sciatalgie) ou des douleurs pluriradiculaires d un ou des deux membres inférieurs. Des douleurs sacrées périnéales et génitales sont fréquemment associées favorisées par les efforts à glotte fermée (toux, défécation ). Des paresthésies dans les membres inférieurs sont fréquentes de topographie radiculaire. Une hypoesthésie périnéale, des organes génitaux externes et de l anus, est retrouvée constituant une anesthésie en selle. 9

- Des troubles moteurs : ils sont de topographie monoradiculaire ou pluriradiculaire unie ou bilatérale le plus souvent asymétriques. Le déficit moteur peut se résumer à une impossibilité à marcher sur les pointes (atteinte de la racine S1) ou sur les talons (L5) ou à une impossibilité d étendre la jambe sur la cuisse (L4). A l extrême, l atteinte motrice peut aboutir à une paraplégie flasque avec amyotrophie. - Les réflexes : l abolition d un ou plusieurs réflexes ostéotendineux aux membres inférieurs est habituellement constatée. Les réflexes périnéaux, anaux, bulbo-caverneux, clitorido-anaux, sont abolis. - Les troubles génito-sphinctériens : ils apparaissent précocément en s exprimant par un retard à la miction ou de la nécessité de pousser pour uriner. Les mictions impérieuses sont fréquentes pouvant aboutir jusqu à incontinence. Habituellement, ces troubles sphinctériens et urinaires sont accompagnés d une insensibilité du passage urinaire. Sur le plan anal, la constipation est plus fréquente que l incontinence fécale. La survenue d un syndrome de la queue de cheval constitue une urgence diagnostique et thérapeutique. 2. DIAGNOSTIC POSITIF ET ETIOLOGIE L IRM est l examen de choix pour visualiser la compression de la queue de cheval. Le myéloscanner peut jouer un rôle diagnostique encore important. Les hernies discales et les épendymomes représentent les causes les plus fréquentes d un syndrome de la queue de cheval. Les hernies discales s expriment habituellement par un début brutal douloureux, déclenché par un effort faisant suite à des épisodes lombo-sciatalgiques. L IRM révèle une hernie exclue, latérale ou médiane, pouvant être associée à des lésions arthrosiques. Les épendymomes du filum terminal sont d évolution plus lente mais peuvent s accompagner d hémorragies méningées brutales s exprimant par une violente douleur lombaire. Les neurinomes, les métastases, les processus infectieux sont plus rares. Le syndrome du canal lombaire étroit peut être congénital ou acquis sur hernies discales étagées ou arthrose diagnostiqué à l IRM. Il s exprime par une claudication intermittente douloureuse progressive à l effort cédant à l arrêt de celui-ci. Il s y associe des paresthésies et des troubles sphinctériens pouvant aboutir à un syndrome de la queue de cheval. L électromyogramme mettra en évidence des signes neurogènes dans le territoire de queue de cheval. 10

3. FORMES CLINIQUES Selon la localisation de la compression, la sémiologie peut être variable. Les signes pluriradiculaires peuvent être unilatéraux ou le plus souvent bilatéraux mais asymétriques. Dans les syndromes de la queue de cheval lombo-sacrée, il existera une souffrance des racines L5 (sciatique) et des racines sacrées (anesthésie en selle et troubles génitosphinctériens). Dans la forme basse sacrée, il existera des douleurs sacrées, une anesthésie en selle et des troubles génito-sphinctériens importants. Dans les formes médianes, les racines qui descendent latéralement sont en général préservées. Ainsi, une compression médiane haute au niveau L2-L3 ne peut provoquer qu une souffrance des racines sacrées. 4. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL Il est constitué par l atteinte du cône terminal de la moelle qui donne une sémiologie assez proche mais complétée d un signe de Babinski, d une abolition des réflexes abdominaux inférieurs et de troubles sensitifs remontant jusqu à un niveau D12-L1. Les polyradiculonévrites ne présentent habituellement pas de troubles sphinctériens. Les syndromes plexiques lombaires par envahissement néoplasique par exemple sont visualisés par l imagerie pelvienne. Le syndrome de la queue de cheval constitue une urgence diagnostique et thérapeutique pour éviter un déficit moteur ou des troubles sphinctériens définitifs. 11