Compétence en matière de pensions alimentaires entre époux Madame X, de nationalité française et Monsieur Y, de nationalité allemande sont mariés mais vivent séparés depuis 9 mois. Depuis cette date, Monsieur Y a quitté l Espagne pour l Allemagne. Quant à Madame X, elle est revenue en France. Madame X voudrait saisir le juge français afin de demand le paiement d une pension alimentaire à son mari. Elle envisage deux possibilités : agir avant tout divorce ou demand la pension dans le cadre d un divorce. Le juge français peut-il être compétent? 1. Quel est le problème de droit intnational privé? 1.1. La question est de savoir quelles juridictions peuvent être compétentes pour jug des pensions alimentaires. 1.2. Les parties au litige sont de nationalités divses (française et allemande) et ont vécu dans des pays différents (Espagne, Allemagne, France). Ils sont séparés et vivent aujourd hui dans des pays différents (France et Allemagne) 1.3. Ces éléments d extranéité conduisent en droit intnational privé à un conflit de juridictions. 2. Quels sont les sources qui pmettent de répondre à la question posée? 2.1. Existe-t-il des conventions intnationales ou autres sources intnationales qui pmettent de trouv une solution au problème posé? 2.2. Les parties sont de nationalité française et allemande et vivent en France et en Allemagne, Etats membres de l Union européenne. 2.3. Il s agit donc en l espèce d un litige intnational situé dans l Union Européenne. Page 1 de 8
3. Il existe des sources communautaires du droit intnational privé. Sont-elles applicables? 3.1. En matière de compétence, de reconnaissance et d exécution des décisions de justice, il convient, en premi lieu, de vérifi si le Règlement du 22 décembre 2000 concnant la compétence, la reconnaissance et l exécution des décisions de justice en matière civile et commciale est applicable. 3.2. Ce règlement est entré en vigueur le 1 mars 2002 (art. 76) 3.3. Aux tmes de son article 66 1. Les dispositions du présent règlement ne sont applicables qu'aux actions judiciaires intentées et aux actes authentiques reçus postérieurement à son entrée en vigueur 3.4. C est bien le cas en l espèce, l éventuelle action intvenant en 2009 ou plus tard. 4. N existe-t-il pas d autres sources qui pourraient prévaloir sur le Règlement? 4.1. L article 67 prévoit que Le présent règlement ne préjuge pas de l'application des dispositions qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions et qui sont contenues dans les actes communautaires ou dans les législations nationales harmonisées en exécution de ces actes. 4.2. Il n existe pas en l espèce de dispositions communautaires particulières 4.3. L article 71 1 dispose que Le présent règlement n'affecte pas les conventions auxquelles les États membres sont parties et qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l'exécution des décisions. 4.4. De telles conventions n existent pas entre la France et l Allemagne. 4.5. Le Règlement peut donc être envisagé. 5.Quel est son champ d application matériel? 5.1. Selon son article premi 1: Le présent règlement s'applique en matière civile et commciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne recouvre Page 2 de 8
notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives. 5.2. En l espèce, les questions posées relèvent, selon le droit français (applicable pour qualifi en tant que lex fori : arrêt Caraslanis, Cass. Civ., 22 juin 1955), de l état des psonnes. Il s agit bien d une matière civile. 5.3. En conséquence, les questions posées relèvent bien a priori du Règlement. 6. L objet du litige ne relève-t-il pas d une exclusion? 6.1. Toutefois, selon l article 1 2, Sont exclus de son application: a) l'état et la capacité des psonnes physiques, les régimes matrimoniaux, les testaments et les successions; b) les faillites, concordats et autres procédures analogues; c) la sécurité sociale; d) l'arbitrage. 6.2. La pension alimentaire relève du devoir de secours entre époux. Il s agit d une question d état et de capacité des psonnes. 6.3. Cette matière est donc a priori exclue par le 2. 7. Existe-t-il d autres sources communautaires? 7.1. Oui : le Règlement n 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. 8. Est-il applicable à la question posée? 8.1. L article 72 est relatif à son entrée en vigueur prévue le 1 août 2004. Le Règlement s'applique à compt du 1 mars 2005 à l'exception des articles 67, 68, 69 et 70, qui s'appliquent à compt du 1 août 2004. 8.2. Le Règlement est bien applicable à la question qui se pose en 2010. 9. Existe-t-il des dispositions transitoires? Page 3 de 8
9.1. Oui : l article 64 al. 1 prévoit que Les dispositions du présent règlement ne sont applicables qu'aux actions judiciaires intentées, aux actes authentiques reçus et aux accords entre parties conclus postérieurement à la date de sa mise en application telle que prévue à l'article 72" 9.2. En l espèce, l action ne sa intentée qu en 2010, soit après l entrée en vigueur du texte effective depuis le 1 août 2004. 10. N existe-t-il pas d autres sources qui pourraient prévaloir sur le Règlement? 10.1. L article 59 1 dispose : Sans préjudice des articles 60, 63, 64 et du paragraphe 2 du présent article, le présent règlement remplace, pour les États membres, les conventions existant au moment de l'entrée en vigueur du présent Règlement, qui ont été conclues entre deux ou plusieurs États membres et qui portent sur des matières réglées par le présent règlement. 10.2. Par ailleurs, conformément à l article 60, Dans les relations entre les États membres, le présent règlement prévaut sur les conventions suivantes dans la mesure où elles concnent des matières réglées par le présent règlement.... 10.3. Le Règlement peut donc être appliqué en l espèce. 11. Application matérielle 11.1. L article premi de ce Règlement dispose qu il s'applique, quelle que soit la nature de la juridiction, aux matières civiles relatives: a) au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux;b) à l'attribution, à l'excice, à la délégation, au retrait total ou partiel de la responsabilité parentale.2. Les matières visées au paragraphe 1, point b, concnent notamment: a) le droit de garde et le droit de visite; b) la tutelle, la curatelle, et les institutions analogues; c) la désignation et les fonctions de toute psonne ou organisme chargé de s'occup de la psonne ou des biens de l'enfant, de le représent ou de l'assist; d) le placement de l'enfant dans une famille d'accueil ou dans un établissement; e) les mesures de protection de l'enfant liées à l'administration, à la consvation ou à la disposition de ses biens. 11. 2. Il peut s agir en l espèce d une question relative au divorce dès lors que Madame X entend agir en divorce. 11. 3. Le règlement est donc a priori applicable. Page 4 de 8
12. Exclusions? 12.1. Toutefois, ce Règlement ne s applique pas dans ctaines matières précisées à l article 1 3. L article 1 3 e) précise qu il ne s applique pas aux obligations alimentaires. 12.2. Madame X veut obtenir une pension alimentaire. 12.3. Ce Règlement n est donc pas a priori applicable. 12.4. Conformément au considérant n 11 de ce Règlement : Les obligations alimentaires sont exclues du champ d'application du présent règlement car elles sont déjà régies par le règlement (CE) n 44/2001. Les juridictions compétentes en vtu du présent règlement sont généralement compétentes pour statu en matière d'obligations alimentaires par application de l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) n 44/2001. 13. Il reste à vérifi si le Règlement 44/2001 est bien applicable. 13.1. Le Règlement est applicable en France, Etat membre de l Union. 13.2. Le Règlement s applique directement en France (traité CE et CJCE, 1964, Costa C/ Enel). 13.3. Le juge français doit donc appliqu le Règlement 44/2001. 13.4. Sur les autres conditions d application, voir ci-dessus points 3 à 5. 14. Principe de compétence 14.1. Selon son article 2 1 : Sous résve des dispositions du présent règlement, les psonnes domiciliées sur le tritoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. 14.2. Les psonnes concnées sont bien domiciliées sur le tritoire d un Etat membre (France et Allemagne). Page 5 de 8
14.3. Le règlement est donc bien applicable. 15. Règles applicables 15.1. Aux tmes de l article 3 1 : Les psonnes domiciliées sur le tritoire d'un État membre ne peuvent être attraites devant les tribunaux d'un autre État membre qu'en vtu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre. 15.2. Le Règlement pose des règles de compétence en matière de pension alimentaire (art. 5-2: Une psonne domiciliée sur le tritoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre : 2) en matière d'obligation alimentaire, devant le tribunal du lieu où le créanci d'aliments a son domicile ou sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une demande accessoire à une action relative à l'état des psonnes, devant le tribunal compétent selon la loi du for pour en connaître, sauf si cette compétence est uniquement fondée sur la nationalité d'une des parties;. 15.3. Il convient donc de distingu deux hypothèses: soit la demande de pension est faite hors divorce, soit elle est formée dans le cadre d un divorce. 16. Hors divorce 16.1. L article 5 2) indique que le tribunal du domicile ou de la résidence habituelle du créanci d aliments est compétent. 16.2. Madame X veut obtenir une pension. Elle se présente donc comme créancière. 16.3. Sa résidence habituelle est située en France. 16.4. Le juge français peut donc bien être saisi de cette demande de pension hors divorce. 17. Dans le cadre d un divorce 17.1. L article 3 1 dispose que Sont compétentes pour statu sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'état membre: a) sur le tritoire duquel se trouve: la résidence habituelle des époux, ou Page 6 de 8
la dnière résidence habituelle des époux dans la mesure où l'un d'eux y réside encore, ou la résidence habituelle du défendeur, ou en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l'un ou l'autre époux, ou la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande, ou la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et s'il est soit ressortissant de l'état membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l'irlande, s'il y a son «domicile»; b) de la nationalité des deux époux ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l'irlande, du «domicile» commun. 17.2. Cet article prévoit plusieurs critères de compétence qu il convient d examin. 17.3. Premi critère : la résidence habituelle des époux. Il n existe plus de résidence habituelle des époux puisque les époux sont séparés depuis 9 mois, Monsieur Y résidant en Allemagne, Madame X, résidant en France. 17.4. Second critère : la dnière résidence habituelle des époux dans la mesure où l'un d'eux y réside encore. Les époux résidaient en Espagne mais aucun ème d eux n y réside encore de sorte que le 2 critère ne saurait confér compétence aux juridictions d un Etat membre. 17.5. Troisième critère : la résidence habituelle du défendeur. La résidence habituelle du défendeur conduit à admettre la compétence des juridictions allemandes dès lors que Madame X veut agir et que Monsieur Y réside en RFA. 17.6. Quatrième critère : en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l'un ou l'autre époux. Madame X et Monsieur Y n envisagent pas a priori de divorce par consentement mutuel si bien qu un choix de juridiction n est pas possible. 17.7. Cinquième critère : la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande. Madame X ne réside que depuis 9 mois en France. Le délai d un an n est pas atteint. 17.8. Sixième critère : la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé Page 7 de 8
depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et s'il est soit ressortissant de l'état membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l'irlande, s'il y a son «domicile». Ce critère conduit à admettre la compétence des juridictions françaises. En effet, Madame X est française et réside en France depuis plus de six mois (9 mois). Le délai est ici atteint. 17.9. Septième critère : la nationalité des deux époux ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l'irlande, du «domicile» commun. : Les deux époux sont de nationalité différente, l un est Français, l autre allemand. Mais la CJCE a admis que cet article n impliquait pas que les époux soient de même nationalité. Il convient de considér les deux nationalités. Lorsque les époux possèdent chacun la nationalité de deux Etats membres, l'article 3, paragraphe 1, sous b, du Règlement n 2201/2003 s'oppose à ce que la compétence des juridictions de l'un de ces Etats membres soit écartée au motif que le demandeur ne présente pas d'autres liens de rattachement avec cet Etat, qu'au contraire, les juridictions des Etats membres dont les époux possèdent la nationalité sont compétentes en vtu de cette disposition, ces dnis pouvant saisir, selon leur choix, la juridiction de l'etat membre devant laquelle le litige sa porté ;(CJCE, 16 juillet 2009, affaire C-168/08) En l espèce, les deux époux sont de nationalité allemande et française. Rien n indique qu ils ont les deux mêmes nationalités, de sorte que la disposition ne saurait pmettre à Madame X de saisir les juridictions françaises. 17.10. En conclusion, les juridictions françaises ou les juridictions allemandes peuvent être compétentes dans l hypothèse d un divorce et les juridictions françaises en dehors d une procédure de divorce. Madame X peut donc en toute hypothèse saisir les juridictions françaises pour demand une pension alimentaire à son mari. Page 8 de 8