BRAMI Maximilien 2013-2014. Digitalisation de l économie, quel avenir pour la distribution en assurance?



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BRAMI Maximilien 2013-2014 Digitalisation de l économie, quel avenir pour la

P a g e 2 Sommaire Remerciements... 3 Synthèse... 4 Executive Summary... 5 Avant-propos... 6 Introduction :... 8 Partie 1 : Vers une digitalisation du secteur de l assurance... 11 I. Montée de l e-assurance... 11 A. Pourquoi un tel retard... 11 B. Pourquoi l utilisation d internet devrait augmenter fortement?... 14 II. Arrivée du Big Data... 22 A. Définitions et concepts... 22 B. Comment cela pourrait révolutionner le secteur de l assurance?... 25 III. Le nomadisme devient la norme... 28 A. Définitions et concepts... 28 Partie 2 : Quel impact sur l avenir de la distribution en assurance... 30 I. Une forte digitalisation.... 30 A. Poussé d internet avec le consommateur en acteur principal.... 30 B. Internet viendra lui-même jusqu au consommateur... 32 C. La nature des produits d assurances va changer sous l influence de la digitalisation.... 34 II. Le paysage de la distribution chamboulé par la digitalisation... 40 A. Historique de la distribution... 40 B. Les nouveaux entrants et les nouvelles formes d assurance... 43 C. Les historiques... 52 Conclusion... 57

P a g e 3 Remerciements Mes premières pensées vont à Alix ANSAR, pour son soutien indéfectible, pour ce mémoire comme dans la vie. Mes remerciements vont aussi à mes proches, auprès de qui je n ai pu être très présent durant la préparation de ce mémoire. Je souhaite aussi remercier Patrice Michel LANGLUME, sans qui je n aurais pas eu la chance de préparer cette formation enrichissante, et qui a encadré ce mémoire. Merci aussi à toute l administration de l Ecole Supérieur d Assurance pour le travail formidable réalisé au quotidien afin de favoriser le travail et le confort des étudiants. J adresse aussi ma reconnaissance à tous les professionnels qui m ont aidé, directement ou indirectement à la rédaction de ce mémoire. A ce titre je souhaite mettre en exergue le rôle clef des personnes suivantes : Alain Brami, agent général, Generali Nathalie Benaphtali, Manager du Middle Office MB/GC/SP, Allianz Olivia Delaye, Responsible des Middle Office, Allianz Chantal Gallard, Technico-commercial au sein du Middle Office, Allianz Olivier Gully, Responsable de l innovation en automobile, Alllianz Enfin, la liste serait incomplète si j omettais de mentionner le soutien de toute la promotion des Masters 2, et en particulier les MA2A. Merci.

P a g e 4 Synthèse La distribution d assurance a connu au cours du siècle derniers des ruptures marquantes, qui ont avantagé de nouveaux entrant au détriment d acteurs historiques. Au début des années deux milles, l arrivée d internet laissé présager d une nouvelle rupture, plus brutale encore que les deux précédentes. Pourtant, le chamboulement n a pas eu lieu, et en France moins qu ailleurs. Aujourd hui pourtant, la situation est différente. François René de Chateaubriand avait comprit avec deux cents ans d avance sur l avènement d internet que pour qu une révolution s impose, elle devait d abord être à l œuvre au sein de la population 1. Les ingrédients nécessaires à cette révolution sont présents. Elle va bouleverser les acteurs en présence. En effet, il est probable que de nouvelles manières de distribuer l assurance vont s imposer. De nouveaux acteurs pourraient faire leur entrée, et le fonctionnement même pourrait s en trouver modifié, avec l utilisation du Big Data et des réseaux sociaux (assurance en peer to peer). Le rôle de chacun devra être redéfini, qu il s agisse des compagnies d assurances, des intermédiaires, et même celui des consommateurs Ainsi, parmi les historiques, seuls ceux qui feront eux aussi une révolution de leurs process et leurs façon de penser l assurances pourront espérer conserver leurs précarrés. 1 Toute révolution qui n est pas accomplie dans les mœurs et dans les idées échoue.

P a g e 5 Executive Summary During the last century selling insurance knew striking breaks, which favored new enterers in disadvantage of historic actors. At the beginning of the year two thousands, the arrival of Internet led to a new breakthrough, rougher still than two previous ones. Nevertheless, the shake-up did not take place, in France even less than other parts. However, today the situation is different. François René de Chateaubriand had understood two hundred years before the age of Internet that for a revolution to take place, first it had to be appropriated by the society. Today we have all the ingredient to benefit of this revolution. It will perturb the present actors. New manners to sell insurance are going to take place. New actors could make their entrance on the market and change the functioning of the system as we know it by using Big Data and social networks (peer to peer insurance). And so the role of each insurance companies, each intermediary, and even that of the consumers shoud be redefined.

P a g e 6 Avant-propos Le monde a connu ces dix dernières années un fantastique bond en avant, une forte évolution des technologies disponibles, et surtout leur diffusion au grand public. Un terme permet d en capter un très grand nombre, la digitalisation : «La numérisation est la conversion des informations d'un support (texte, image, audio, vidéo) ou d'un signal électrique en données numériques que des dispositifs informatiques ou d'électronique numérique pourront traiter». Cette définition de Wikipédia ne permet même pas d imaginer la moitié de ce que peut apporter la Digitalisation : Mobilité, anticipation, nouvel élan pour la mondialisation, nouveau produits, nouveaux risques La liste est longue, et non exhaustive. Ce mémoire a pour but d anticiper les grands bouleversements qui attendent la distribution d assurance, impactée de plein fouet par la révolution numérique. Les risques professionnels, qui présentent des profils et des enjeux tout à fait particuliers, seront écartés au profit des risques de la vie privée. Dans ce contexte de digitalisation massive de l économie, quel avenir pour la Nous commencerons par introduire notre sujet en montrant à quel point la société française est déjà impactée par cette révolution, sans qu il soit question d assurance. Apres cette introduction, notre première partie sera consacrée à la digitalisation du secteur de l assurance, tandis que la seconde tentera une prospective de la distribution d assurance. Afin de soutenir ce plan et la problématique principale de notre mémoire, certaines questions nous serviront de fil d Ariane :

P a g e 7 Le digital est-il une révolution ou une évolution? Certains acteurs seront-ils favorisés et d autres, au contraire, menacés? Ce nouveau contexte pourrait-il être la source de nouveaux besoins, de nouveaux produits, ou même de nouvelles façons d envisager le cycle de production inversé? De nouveaux entrants pourraient-ils bouleverser l ordre établi grâce à une plus forte capacité d innovation? Les points de ventes physiques ont-ils encore une raison d être, et si la réponse est positive, comment doivent-ils évoluer? Nous espérons qu au terme de ce parcours de réflexion émergera une vision proche du monde de l assurance dans dix ans.

P a g e 8 Introduction : Est-ce utile de se demander quelles seront les conséquences de la digitalisation si les français ne sont pas acteurs de ces évolutions? Non, bien évidemment. C est pour cela que nous allons d abord montrer à quel point la vie de nos concitoyens est influencée par ces évolutions technologiques. D ailleurs l étude suivante pose la bonne question : les français ont-ils la sensation de vivre une révolution qui facilite leur vie quotidienne? Ils répondent majoritairement oui, à 65% 2. Si l on considère les acteurs qui feront l assurance de demain (les moins de 35 ans), on atteint même la proportion de 81% d opinions favorables. 2 Les français et les innovations technologiques CSA/Orange - juin 2011

P a g e 9 Au-delà du ressenti des français, des chiffres absolus montrent la poussée de la révolution au sein de notre population. Ainsi, l évolution du pourcentage d internaute en France est éloquente 3. 100% 80% 60% 40% 20% 0% 80% 80% 83% 66% 71% 72% 36% 39% 43% 47% 30% 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Pourcentage d'internaute Il en est de même pour les chiffres 4 d utilisateurs de réseaux sociaux. On peut aussi s intéresser de manière plus spécifique à Facebook, le plus important d entre eux. Vingt-six millions d utilisateurs actifs 5, dont 63% se connectent tous les jours, passent 5.18 heures en moyenne à interagir avec leur réseau. Et que dire du nombre d utilisateurs de SmartPhone, outil indispensable du nomade : 42% de possesseurs, dont 74% l utilise pour rechercher des biens ou des services sur internet. Les français, par des données pures mais aussi leurs propres ressentis expriment qu ils vivent de manière entière la révolution digitale. Fort de ce constat, la suite 3 Données disponibles grâce à l Union internationale des communications - 2013 4 Social, Digital and mobile around the word We are Social Singapore January 2014 5 Données disponible grâce à Facebook - 2013

P a g e 10 logique est d analyser les conséquences de ce plébiscite technologique sur le secteur de l assurance et plus spécifiquement sur ses modes de distributions. Pour cela, analysons la digitalisation du secteur de l assurance.

P a g e 11 Partie 1 : Vers une digitalisation du secteur de l assurance I. Montée de l e-assurance La vente de contrat d assurance est en retrait dans notre pays si l on compare avec les moyennes des pays européens. Seulement 4% en France, quant en Angleterre le chiffre est de 37% (jusqu à 66% pour les contrats automobiles). Même dans des pays comparable, ou la tacite reconduction est en vigueur, comme l Espagne, l Italie ou les pays nordiques. Voyons quelles en sont les raisons. A. Pourquoi un tel retard Comme toujours, la France peut invoquer la sempiternelle «exception culturelle» pour justifier son retard. Mais cela serait un peu réducteur. Analysons ensemble la multitude de raisons à ce retard. Tout d abord, certains arguent que l implication de la France dans la technologie du minitel aurait eu un impact sur la transition à l internet. Cependant, la France présente un maillage du haut débit tout à fait satisfaisant : 83 % des français

P a g e 12 ont accès à internet, et 53 % le font depuis leurs Smartphones 6. Cet argument apparait donc comme marginal. Une explication plus intéressante est celle qui porte sur les cycles de prix en France de la principale assurance vendue par internet : l assurance automobile. En effet, le cycle de prix de ce produit est orienté vers le bas depuis 2004 grâce à la baisse du nombre d accident, à la menace de N. Sarkozy de fixer les prix s ils ne baissaient pas 7 et à l agressivité des mutualistes sur ce secteur 8. Or, la principale raison de changement d assureur invoquée par les consommateurs est la recherche d un meilleur prix, à 91% tout de même 9. Les mutualistes, exception française, sont eux aussi une des raisons du retard dans l Hexagone. En effet, ils génèrent auprès des consommateurs un fort sentiment d attachement à la marque. Les consommateurs seraient ainsi moins enclins à quitter leurs assureurs «militants» au profit de marques ne générant aucun affectif (comme Direct Assurance). De plus, la digitalisation de la distribution demande des investissements énormes en IT. En effet, il faut renouveler la distribution directe, mais aussi former les réseaux physiques à l utilisation d internet. Par exemple, les agents devraient pouvoir répondre en 15 minutes à une sollicitation par internet. La plupart des réseaux n en sont pour l instant pas encore capable. De surcroit, aux yeux des assureurs, ces investissements n étaient pas nécessaires en raison d une des spécificités de l assurance française, la tacite reconduction des contrats. En effet, grâce à celle-ci, le coût d acquisition est faible, et sa fidélité 6 Sources : Etude 2014 : Institut national de Singapour - disponible SlideShare : 7 L assurance auto face à la baisse des accidents de la route - Jean-Luc De Boissieu - Revue D'économie Financière 8 Assurance sur Internet : La Croissance En Marche! - Niek Ligtelijn - Stéphane Favaretto 9 Assurance et internet : Les Français privilégient-ils le prix au dépend de la qualité? News Assurances

P a g e 13 importante. Pourquoi investir massivement dans l avenir quand le présent est satisfaisant? Enfin, il est impossible de ne pas traiter cette notion d exception culturelle française. En effet, les français sont en retard dans de nombreux domaines en termes d achat sur internet. C est vrai pour les biens culturels : les français ne sont que 41% 10 à avoir déjà acheté sur internet un film ou de la musique, contre 47% en UE. Parmi eux, seulement 26% ont commandé un billet de spectacle via ce mode de distribution, contre 38% des européens 11, alors que nous avons un des meilleurs réseaux internet d Europe! Les français ignorent ce qu est l enseignement par les MOOCs («massive open online course», ou cours en ligne ouvert et massif), et ne l utilisent que très peu par rapport aux anglo-saxons. Ils sont aussi méfiants vis-à-vis des banques en ligne. Ils sont 48% 12 à ne pas s y intéresser, même en échange de frais moins cher. 30 % des sondés estiment même que rien ne remplace le contact humain. Ces exemples n ont qu un seul but, montrer que les français sont culturellement éloigné de l utilisation d internet, et que cela affectent en conséquence la distribution d assurance par ce mode de distribution. Cependant, comme vu dans l introduction, nous observons une accélération de la montée d internet. Analysons pourquoi. 10 Cinq à choses à savoir sur les habitudes des français France.info/tv 15/05/2014 11 Internet : cinq choses à savoir sur les habitudes des Français - www.francetvinfo.fr 12 Données disponibles grâce à l AGEFI - 2013

P a g e 14 B. Pourquoi l utilisation d internet devrait augmenter fortement? 1. Les français sont de plus en plus connectés. Les français vivent une révolution. En effet, internet prend de plus en plus de place dans leur vie. Une part très importante des foyers sont connectés (voir graphique), parfois en 100% 80% 60% 40% 20% 0% 20% 80% 80% 20% 2002 2012 foyer non connectés foyer connectés fibre optique. De surcroit, de plus en plus de terminaux mobiles embarquent internet (42%). Ces Smartphones (comprendre téléphones intelligents), utilisés par des mobinautes (c est-à-dire des internautes sur mobiles) ont fait exploser le temps passé sur internet. La moyenne française est de 27.7 13 heures par mois, contre 26 heures en Europe. Et cette moyenne cache de très grandes disparités. Ainsi, les 18-24 ans passeraient plus de 5 h par jour sur internet. Enfin, si la France ne se classe que 36ème 14 en terme de débit moyen, le haut débit pour tous devrait être atteint en 2017. La France est en passe de devenir une place forte d internet, avec des citoyens de plus en plus connectés. Fort de ce constat, il apparait évident qu internet occupera bientôt une place centrale en distribution d assurance. En effet, internet à de nombreux avantages pour les assurés et les assureurs. 13 Les français passe en moyenne ( ) La dépêche 14/03/2014 14 Données disponible grâce à Wikipédia

P a g e 15 2. Internet permet de comprimer les coûts En effet, ce vecteur de distribution s assimile à de la vente directe. Ainsi, le premier poste d économies est l absence de rémunération d intermédiaires. En plus de ce premier poste, il est plus facile de comprimer les coûts de gestion en passant par internet 15. Tous les documents sont déjà numérisés, pas d appels téléphoniques, l assuré remplit lui-même les champs nécessaires, économisant ainsi de la main d œuvre. Le «do it yourself 16» sur internet permet de gagner du temps, et de l argent. 3. Les 18-34 ans sont mûrs pour l e-assurance Comme nous l avons déjà montré plus haut, plus de 81% des moins de 35 ans estiment que leur vie a été révolutionnée par internet. D ailleurs, dans toutes les statistiques étudiées dans le cadre de ce mémoire, cette tranche s est révélée être la plus en pointe et la plus audacieuse. Quelques exemples : En termes de navigation mobile : Ils sont 64% à posséder un SmartPhone, contre une moyenne de 34% sur l ensemble de la population. Ils naviguent sur internet depuis leur mobile plus d une heure par jour, contre à peine quelques minutes France entière. En termes de dématérialisation 17 : Les moins de 35 ans sont près de 50% à accepter l archivage électronique de la fiche de paye, alors que seulement 32%. En termes de relation commerciale : Les jeunes sont la seule population qui ne désire pas forcément une rencontre en face à face pour déclencher un acte d achat en assurance 18. 15 Souscrire une police pour une heure de déplacement Thomas D.Meyer Le Temps 06/11/2014 16 Faites le vous-même. 17 Les français et la dématérialisation Ifop pour GenerixGroup Septembre 2012 18 Données disponible auprès de l AGEFI - 2013

P a g e 16 Les assurés de demain sont donc déjà mûrs pour une transition des actes d achats vers internet en assurance. 4. Montée des prix des assurances de masse Les prix des assurances de masse devraient augmenter pour des raisons structurelles dans les années à venir. Plusieurs phénomène sont à l œuvre et expliquent cette hausse. La fréquence des événements climatiques est à la hausse ces dernières années 19, probablement à cause du réchauffement rapide du climat. Si l on considère comme admis cette hypothèse, alors la fréquence de ces évènements augmentera de manière importante 20, puisqu il est en va de même, selon les projections, des émissions de CO2. Un autre facteur indiscutable est l évolution des taux de TVA. Ceux-ci ont ainsi beaucoup augmentés, et cela ne devrait pas aller en diminuant. La situation des comptes publics français est désastreuse, et la tendance n est pas à une amélioration rapide. Dans ce contexte, on imagine mal un gouvernement de gauche comme de droite baisser les taux de TVA, première source de recettes de l Etat. Bien que les produits d assurance ne soient pas directement soumis à cette taxe, cela impactera fortement leurs prix. En effet, le principe même de l assurance est la réparation d un préjudice subit, ce qui implique d acheter des biens ou des services soumis à la TVA afin de dédommager le client. 19 Naturate climate change - A decade of weather extremes 20 Increasing frequency of extreme El Niño events - Institut de recherche pour le développement/cnrs

P a g e 17 Ainsi, en 2014, nous avons pu assister à une augmentation de 7% à 10% dans le bâtiment, et de 19.6% à 20 % dans la majorité des autres secteurs de l économie (et aussi de 8 % à 10% en Corse). Cela a entrainé une augmentation des MRH (Multi Risques Habitation) jusqu à 5% 21. Enfin, la baisse du loyer de l argent impact fortement les résultats financiers des entreprises d assurances. Or, une grande part de leurs profits tirait son origine du placement de l argent collecté auprès des assurés sur les marchés financiers. Cela conduisait les assureurs à se lancer dans une guerre des prix afin d attirer à eux le maximum de capitaux, afin de les placer. A présent la priorité est donnée à une croissance saine, c est-à-dire un S/P (Sinistres sur Primes) équilibré. Ainsi, non seulement les résultats financiers ne seront plus intégrés aux tarifs, mais en plus la concurrence risque d être moins importante. La conséquence la plus probable sera une hausse structurelle des prix 22. Puisque la recherche d un prix moins élevé est la première raison invoquée par les acheteurs de produit d assurance sur internet, cela devrait mécaniquement augmenter les ventes via ce mode de distribution. 5. La fidélité est en baisse. Nous avions vu ci-dessus qu une des causes de la résilience des modes de distribution classique était l attachement des français à leurs marques. Analysons à présent pourquoi cette tendance se présente baissière pour les prochaines années. a. Valeur mutualiste en déclin 21 Pourquoi vos primes d assurances vont augmenter en 2014 - Express 22 Assurance sur Internet : La Croissance En Marche! - Niek Ligtelijn - Stéphane Favaretto

P a g e 18 Le monde mutualiste de l assurance est à la croisée des chemins, et risque de perdre auprès des consommateurs français son avantage affectif pour deux raisons. En premier lieu, le modèle mutualiste peine à se réinventer en ce début de 21 ème siècle. Il présente un encéphalogramme plat, sauf si l on prend en compte la croissance générée par les «filiales» en structure société anonyme (SA). Et ce mouvement est même plus fort hors de France, puisque dans de certains pays on observe des mouvements de démutualisation massifs (Royaume Unis, pays nordiques comme la Finlande ou la Suède ou même les Etats Unis avec l Equitable, racheté par AXA, qui pour se faire à procéder à une démutualisation) 23. Conséquence, (ou cause diront certains) les mutualistes empruntent aux concurrents classiques leurs process, leurs marchés et leur relation client. Certains cèdent aux économies de marchés, au risque de tout perdre (Groupama). D autres adoptent la gestion standardisée par plateforme téléphonique ou voient leurs offres se banaliser. Ainsi, la MAIF préfère quitter la SFEREN plutôt que laisser son offre se standardiser. En effet, les exigences de Solvabilité 2 imposent aux groupements de mutuelles davantage d intégration. Cela fait le lien avec le deuxième grand péril qui pèse sur l affection portée au monde mutualiste : Les exigences réglementaires. Le secteur mutualiste va devoir se consolider. En effet, ces acteurs sont forcés par l Europe et Solvency 2 de renforcer leurs fonds propres afin de respecter leur obligation de SCR (Solvency Capital Requirement). De plus, l Union Européenne a pour but d intégrer l assurance européenne. C est d ailleurs répété dans le préambule de Solvency II. Cependant, la mutuelle d assurance est presque une exception française. Son modèle est donc en danger 23 La Finance Mutualiste à la croisée des chemins - Olivier Pastre - Krassimira Gecheva

P a g e 19 face aux volontés d uniformisation de l Union, et la survie de cette forme juridique est en danger. Cela devrait créer des entités toujours plus importantes, dispersant ainsi le contact avec les sociétaires, ainsi que leurs droits de votes. Le lien entre les français et le monde mutualiste s effiloche continuellement, sans que l on en voit la fin. b. Une tendance de fonds Des études nous montrent que les jeunes (16-24) ans sont une cible «magasineuse». Elles proviennent du New York Times, de «Le Temps» ou encore du Quebec 24 nous présentent cette cible comme la plus inconsistante, la plus infidèle ou encore très volatile. C est d ailleurs l avis de Xavier Jahan, qui a consacré sa thèse de MBA en Administration des affaires de Laval à la «fidélisation des jeunes adultes en assurance automobile». Il remarque que lorsque le nombre moyen de devis demandé par des prospects lambda est de trois, le jeune en demande quatre (+33%). De plus, 37% des 16-25 ans ont déjà changé d assurance, et parmi ceux-ci 87% reconnaissent l avoir fait pour le prix. Les jeunes sont donc moins fidèles. Est-ce dû à leur statut de jeune, ou bien est-ce une tendance de fond qui s imposera en même temps que leur génération? Notre choix porte sur la première option. 24 Nous n avons pas réussi à trouver des sources françaises fiables, et nos tentatives de sondage n étaient pas représentatives de la population française (moins de cent sondés). Voilà pourquoi nous avons utilisé des données étrangères pour exprimer une situation qui nous parait aussi être française.

P a g e 20 c. Le coup de pouce de la loi Hamon Le projet de loi Consommation, dit «loi Hamon», qui sera bientôt présenté au parlement devrait considérablement modifier la relation que les assurés ont avec leurs assureurs. Elle ne concerne pour l instant que l automobile et l habitation, mais a vocation à s étendre petit à petit à tout le secteur de l assurance du particulier. Par cette loi, l assuré pourra résilier son assurance à tout moment dès lors qu il aura déjà été assuré durant une année pleine. Ainsi, un consommateur qui verra une offre intéressante sur un site internet pourra y souscrire dans la journée. Cela va forcer les assureurs à revoir toute leur communication, afin d attirer à eux le plus de clients. Cette nouvelle possibilité, et les remous médiatiques qu elle va provoquer, va forcément impacter de manière significative la volatilité des assurés. Or, internet est déjà utilisé par 75 % des assurés afin de comparer leurs tarifs. Majoritairement, ils ne concluent pas leurs recherches par un acte d achat, et cela parce que la procédure pour changer d assurance est trop lourde pour être effectuée par internet. Dès lors que cette loi permettra de changer d assurance comme de chemise, l achat par internet devrait considérablement augmenter. Il est intéressant de voir l impact que l arrivée de Free a eu dans les comportements d achats. En effet, son arrivée n a pas seulement fait baisser les prix, mais aussi instauré une nouvelle habitude, le forfait sans engagement. Depuis l instauration de ce nouveau type d abonnement, la volatilité des clients a explosé.

P a g e 21 Ainsi, B&You, la structure low-cost internet de Bouygue estimait en 2012 que 50% de ses clients étaient des anciens clients de Free 25, pourtant créé tout juste six mois plus tôt. La création de ces forfaits libres de tout engagement permet au consommateur d adopter un comportement opportuniste, migrant plusieurs fois par an pour obtenir de meilleurs tarifs en fonction des offres. Pire, l opérateur ne peut plus financer des offres de bienvenues qui excluent les clients actuels, puisque ceux-ci, s estimant lésés, s en vont immédiatement chez le concurrent. Free a révolutionné le secteur, qui est sans cesse obligé de se réinventer. Les revenues par usager ont tellement baissé que nous assistons aujourd hui à une concentration du secteur (rachat de SFR par Numéricâble et mise en vente de BouyguesTélécom). 25 Sources obtenues auprès de la section actualité de B&You

P a g e 22 II. Arrivée du Big Data A. Définitions et concepts Qu est-ce que le Big Data? Littéralement, «Grosse Données», il s agit d un concept né avec internet et les évolutions technologiques du stockage de masse. La définition que nous pouvons trouver dans Wikipédia est la suivante : «Le Big Data [ ], désigne des ensembles de données qui deviennent tellement volumineux qu'ils en deviennent difficiles à travailler avec des outils classiques de gestion de base de données ou de gestion de l'information». Cependant, cette définition est trop réductrice, et n illustre pas la nature de cette révolution à venir. Le cabinet d actuariat Optimind-Winter étoffe cette définition de façon importante puisqu il donne trois caractéristiques au lieu d une seule : La première est la notion de quantité massive de données. Il s agit de la caractéristique évoqué par Wikipédia. Ensuite vient la notion d informations non structurées. En effet, le Big Data implique que les informations proviennent de sources diverses, et donc que la façon dont elles sont structurées est différente de celle du système interne d une société d assurance. La diversité des sources est d ailleurs la troisième caractéristique. Les sources sont à la fois internes et externes, d origines marchandes ou non. Revenons sur la notion de quantité massive de données. En quoi cela est-il différent des masses que nous avions auparavant?

P a g e 23 Tout d abord, la technique a fait des progrès énormes. A l origine de 56Kilobits/seconde, le débit internet des ménages français est aujourd hui au minimum deux cents fois plus rapide pour l ADSL (haut débit). Si l on résonne avec les nouvelles technologies en matière de réseau (4G et fibre optique), la vélocité est deux-milles fois plus importante. Inventés en 1956, les disques durs ont eux aussi connu cette augmentation exponentielle. Tous les dix-huit mois, la capacité maximale du meilleur disque dur du marché est multipliée par deux. Grâce à ces évolutions techniques, la société est en parallèle entrée dans l ère des réseaux sociaux, du commerce en ligne et des communautés internet (tel que la communauté des possesseurs d Harley Davidson, ou l équipe Razer sur Word of Warcraft, un jeu massivement multijoueur). Ces deux évolutions ont permis de collecter toujours plus de données sur les consommateurs. Une statistique permet de mettre en lumière cette extraordinaire évolution : 90% des données disponible sur la toile furent crées durant les vingt-quatre derniers mois. En 2012, 2.8 zettaoctets de données ont été générées (cf encart de droite). C est-à-dire à peu près mille fois les données disponibles sur internet en 2003.

P a g e 24 A présent, prenons l exemple de la société d Allianz cherchant à mieux connaitre ses clients et prospects grâce au Big Data. Ainsi, nous pourrons mettre en lumière les deux dernières caractéristiques évoqués par Optimind-Winter. Si cette société achète des informations à Facebook, les données seront livrées selon la classification de Facebook. Si Allianz veut avoir une vision globale, elle pourra aussi acheter des données à Google et à Amazon. Pour être tout à fait complet, Allianz devra aussi structurés ses données en interne, puisque les structures sont différentes en IARD et en assurances de personnes, en particulier et en assurance de groupe. Ainsi, toutes ces données devront être retraitées pour pouvoir être utilisées de façon efficiente par Allianz.

P a g e 25 B. Comment cela pourrait révolutionner le secteur de l assurance? Le Big Data influera particulièrement deux missions de l assureur : l analyse du fondement de l assurance, le risque, la distribution du produit. 1. L analyse du risque Revenons tout d abord sur la question de l appréciation du risque. Tout d abord, celle-ci va évoluer en amont, puisque le nombre de sources qui permettent de mesurer les variables conduisant à la réalisation d un risque va augmenter. La matière première de l assurance s en retrouve considérablement accrue. Prenons l exemple de l assurance automobile. Actuellement, le prix d une assurance est calculé à partir de données fournies par le portefeuille d une part, et par la sécurité routière d autre part. Demain, toutes les voitures seront connectées, et fourniront quantités de données permettant de déterminer les facteurs aggravants. Ainsi, il sera possible de déterminer qu un modèle de voiture en particulier est plus soumis aux accidents en cas de pluie que la moyenne des autres voitures. Les actuaires pourront donc faire varier le tarif de l assurance de la voiture en fonction de la région où roule l assuré, de la période de l année durant laquelle il circule le plus ou avec son type de conduite. Et cela est la deuxième grande évolution dans l appréciation du risque : les données en temps réel. Il est possible par exemple de suivre une aggravation du risque au sein d une habitation grâce à la consommation d énergie, le nombre d appareils connectés ou encore les données météorologiques. L assureur aura donc pour