Globalisation financière et stabilité bancaire : Quel rôle pour le contrôle des capitaux et la réglementation prudentielle des banques?



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Globalisation financière et stabilité bancaire : Quel rôle pour le contrôle des capitaux et la réglementation prudentielle des banques? Nabila BOUKEF JLASSI 4 Février 25 Introduction La stabilité financière a été au cœur du débat économique ces dernières décennies. En effet, la conjoncture économique mondiale a été marquée par d importants mouvements de capitaux internationaux allant de pair avec une succession de crises financières. Face à l augmentation des risques financiers subis par les économies, mettre en œuvre des moyens pouvant assurer la stabilité économique et financière est devenu la priorité des décideurs politiques et des organismes internationaux de régulation financière (comme le FMI, la Banque Mondiale, etc.). Un pays est moins sujet à des problèmes de stabilité financière s il est doté d institutions régis par une réglementation adéquate et un niveau de supervision élevé. En couvrant les différents risques auxquels sont exposés les banques et les marchés financiers tout en assurant une bonne application des règles et des lois instaurées, le cadre réglementaire représente ainsi un des piliers de la stabilité financière. L objectif poursuivi par les autorités, ayant en charge la mise en place d un tel cadre, serait de revoir et d adapter les règles et les lois existantes aux changements de l architecture des systèmes financiers et aux nouveaux risques auxquels ces derniers font face. Cela est d autant plus impératif en présence d une forte interconnexion entre les marchés et d un mouvement de capitaux internationaux de grande envergure. Dès lors, il s agit de trouver la réponse politique Université d Orléans (Laboratoire d Economie d Orléans)

optimale à un risque systémique touchant, non seulement des institutions isolées, mais aussi l économie dans sa totalité. Pour ce faire, un nouveau cadre réglementaire macro-prudentiel est indispensable pour compléter la régulation micro-prudentielle. Le contrôle des capitaux internationaux représente une des solutions réglementaires permettant de pallier au risque d instabilité financière. Cela est d autant plus important que les mouvements de capitaux internationaux continuent à affluer vers les pays en développement, augmentant ainsi les risques nés d une telle politique de libéralisation financière externe. Le présent papier se propose d étudier l efficacité du contrôle des capitaux à assurer la stabilité financière dans les pays en développement. I. Globalisation financière et crise bancaire : de la réglementation micro-prudentielle à la réglementation macro-prudentielle A. Insuffisance du cadre réglementaire micro-prudentiel et rôle de la réglementation macro-prudentielle La réglementation bancaire traditionnelle a pour principal objectif l assurance de la stabilité des institutions bancaires prises séparément. Les économistes défendaient l idée qui stipule que l assurance de la stabilité individuelle des banques (réglementation microprudentielle) peut aboutir à la stabilité du système bancaire dans son ensemble. Toutefois, la présence d une réglementation bancaire traditionnelle n a pas empêché la succession des crises bancaires ces dernières décennies. En effet, les crises ont eu lieu partout dans le monde indépendamment du niveau de développement du pays ou de l efficacité de la réglementation. De ce fait, les économistes et les décideurs politiques se sont penchés sur la question de l efficacité du système de réglementation et de supervision bancaire à savoir : pourquoi un tel cadre règlementaire n a pas réussi à assurer la stabilité des systèmes bancaires des pays touchés par les crises? Quelles sont les méthodes de régulation et de supervision les plus efficaces, qui permettent d assurer la performance et la stabilité des banques et du secteur financier en général? Malgré une riche littérature portant sur les déterminants de la fragilité du secteur bancaire, il n existe toujours pas de consensus sur la meilleure configuration possible de la régulation bancaire. Selon Santos (2), cela s explique par une incompréhension de la relation entre la 2

régulation bancaire et la faillite des marchés, mais aussi par l interaction des réglementations bancaires entre-elles. Une littérature abondante est consacrée à l explication des raisons et des conséquences des crises financières et bancaires ainsi qu aux réformes proposées pour prévenir de tels risques. Ces réformes consistent principalement en un changement de la réglementation et des normes de surveillance. Toutefois, il s est avéré au fil du temps que ces réformes étaient insuffisantes pour éviter la succession des crises financières et bancaires dans le monde. La Banque des règlements internationaux (BRI), le FMI et la Banque mondiale ont proposé une amélioration des pratiques de régulation et de supervision visant à renforcer la stabilité bancaire. Ces tentatives de changement du cadre réglementaire de la part des institutions internationales sont motivées par l idée que, si tous les décideurs politiques dans tous les pays mettent en œuvre certaines pratiques de réglementation et de supervision, ceci peut permettre d'éviter les crises bancaires et leur propagation. Toutefois, les crises récentes que Freixas (2) qualifie de crises de régulation soulignent l échec de la réglementation bancaire à atteindre son objectif principal. Ainsi, ces crises ont mis en exergue la nécessité d aller au-delà d une réglementation micro-prudentielle. En effet, la régulation bancaire traditionnelle ne prend pas en compte les changements importants survenus suite à la mondialisation des marchés financiers. Ici, il s agit de faire face à un risque systémique de plus en plus important. Acharya (29) explique que la responsabilité limitée des banques et la présence d externalité négative des faillites bancaires sur la santé des banques saines entraînent un risque systémique. Les mécanismes de régulation tels que la politique de fermeture des banques ou les exigences minimales en capital qui se basent uniquement sur les risques propres à une banque donnée ne parviennent pas à atténuer le risque systémique et peuvent même l accentuer. En effet, il s est avéré que ni la discipline du marché ni la réglementation et la supervision des institutions financières ne sont suffisantes pour prévenir le risque systémique. Des réformes du cadre réglementaire international s avèrent indispensables afin de limiter la probabilité et l impact de ce risque systémique. L objectif de ces réformes est d assurer la stabilité du secteur financier dans sa totalité et non celle des institutions prises individuellement. Les décideurs politiques se sont donc intéressés aux solutions complémentaires à la réglementation micro-prudentielle (traditionnelle). Il s agit d adopter une approche macro-prudentielle visant la maitrise du risque systémique émanant de 3

l interconnexion entre les institutions financières et entre les marchés. Une telle politique macro-prudentielle peut être identifiée par son objectif (limiter le risque systémique ou le risque à l'échelle du système financier), par son champ d'analyse (le système financier dans son ensemble et ses interactions avec l'économie réelle), par l ensemble des compétences et des instruments mis en œuvre et leur gouvernance [FSB, IMF et BIS 2, 2]. Les travaux ayant traité les limites de la réglementation micro-prudentielle ont souligné le rôle complémentaire que pourrait avoir une réglementation macro-prudentielle. Une étude menée par la Bank of England (29) explique que «La politique macro-prudentielle est l ingrédient manquant au cadre réglementaire récent. Ces dernières décennies, il y avait un très grand écart entre la politique macroéconomique et la réglementation des institutions financières individuelles. Si la politique macro-prudentielle avait été mise en place afin d'accroître la résistance aux chocs du système financier et de modérer l'abondance de l'offre de crédit à l'économie, et surtout au système financier, les crises auraient été moins coûteuses». Cette étude souligne donc l idée que l inefficacité partielle de la réglementation bancaire traditionnelle aurait joué un rôle non négligeable dans le déclenchement des crises financières et l aggravation de leur coût. Dès lors, il est indispensable d intégrer une dimension macroéconomique au cadre règlementaire traditionnel. Ceci permettra de prendre des mesures ciblant les conditions cycliques de l ensemble du système afin d atteindre l objectif de la stabilité financière systémique [Blanchard et al. 2]. Borio (23) fait la distinction entre les deux approches micro-prudentielle et macroprudentielle à travers leurs objectifs et leur caractérisation du risque (tableau 3-). L auteur identifie ainsi trois raisons principales expliquant la nécessité de compléter la régulation existante par une dimension macro-prudentielle. Premièrement, les objectifs que cible une approche macro-prudentielle englobent ceux de la réglementation micro-prudentielle. Deuxièmement, le renforcement de l'orientation macro-prudentielle va dans la direction d'une meilleure performance économique. Troisièmement, les facteurs à l origine de l'instabilité financière ne peuvent être maitrisés par une simple approche micro-prudentielle. L approche macro prudentielle défini par Borio (23) reconnait donc les effets de l équilibre général expliqué plus tard par Hanson et al. (2). Contrairement à l approche micro-prudentielle qui assure la stabilité des institutions financières individuelles et vise donc un équilibre partiel, ces 2 FSB, IMF et BIS: Financial Stability Board, International Monetary Fund et Bank for International Settlements. 4

auteurs trouvent qu une approche macro-prudentielle reconnaît l'importance de l équilibre général et des expositions communes entre les institutions. Par ailleurs, dans une ère de globalisation financière caractérisée par des mouvements importants des capitaux internationaux, les pays émergents et en développement ont vécu plusieurs épisodes de boom-bust ou d afflux massif et de retrait soudain de ces capitaux. Dans la plupart des cas, cette dynamique des flux de capitaux internationaux est suivie par des crises bancaires. Les crises sont liées au caractère volatile des capitaux internationaux et à une forte interconnexion des systèmes financiers entraînant une propagation rapide des risques. De ce fait, le contrôle des capitaux constitue l une des politiques de réglementation mise en place par les états et dont le principal objectif serait de faire face aux externalités négatives émanant de l instabilité des flux de capitaux. Le contrôle des capitaux n est pas une nouveauté. En effet, une telle politique a déjà été adoptée par plusieurs pays tels que le Chili, le Brésil et la Colombie depuis les années 99. Aujourd hui, il y a un retour important vers l adoption du contrôle des capitaux suite à une succession de crises financières dans le monde. Ces dernières ont été fortement corrélées aux mouvements de capitaux internationaux [Jeanne, 24]. Le contrôle des capitaux se définit comme une politique visant à agir sur le volume, la composition ou l allocation des flux de capitaux privés. Une telle régulation viendrait à l encontre d une libéralisation financière complète des marchés financiers. Son objectif est d assurer la stabilité des flux de capitaux entrants ou sortants du pays afin de diminuer l instabilité financière et macroéconomique. Selon Jeanne et al. (22), le contrôle des capitaux peut être considéré comme une politique macro prudentielle. Les auteurs expliquent que durant un boom-bust de crédit, la réglementation macro-prudentielle est contra-cyclique puisque le risque systémique augmente durant la période du boom de crédit et baisse durant la période d effondrement de ce dernier. De la même façon, l objectif du contrôle prudentiel des capitaux est de contrecarrer l effet systémique déstabilisant du boom-but des flux de capitaux. A l inverse, Pasricha (22) explique que le contrôle des capitaux, de par son rôle principalement macroéconomique, ne peut être considéré comme une politique macro-prudentielle que s il est appliqué pour maîtriser ou pour prévenir le risque systémique. Dès lors, une telle politique doit reposer sur des mécanismes de gouvernance qui assurent une utilisation efficace du contrôle des capitaux comme instrument macro-prudentiel. Ainsi, le contrôle des capitaux ou toutes autres mesures 5

ayant pour objectif la gestion des mouvements des capitaux internationaux, n est pas nécessairement macro-prudentiels. Toutefois, dans certains pays, l introduction du contrôle des capitaux a été motivée par le désir de faire face aux vulnérabilités systémiques liées à une croissance rapide des crédits domestiques. Ces derniers ont été alimentés par une entrée massive des capitaux. Dans ce cas, les motivations du contrôle des capitaux sont directement liées aux risques systémiques et l on peut donc considérer cette politique comme macro-prudentielle. Jeanne (24) explique que dans le cas d une économie recevant des capitaux étrangers (libéralisation des entrées des capitaux), le gouvernement peut réduire les prêts domestiques à un niveau socialement optimal en imposant une taxe sur les emprunts étrangers (exemple : taxer les prêts des non-résidents aux résidents). Sachant que de telles taxes dépendent du lieu de résidence des prêteurs, il s agit donc d une politique de contrôle des capitaux (à l instar de celle qui a été mise en place au Brésil en 29). Selon l auteur, une telle politique peut donc avoir le même effet sur les emprunteurs et les investisseurs qu une taxe macro-prudentielle domestique. Ainsi, la mise en place d un contrôle des capitaux internationaux peut être considérée comme une politique macro-prudentielle pouvant agir sur le risque d instabilité financière. De même, selon Ostry et al. (2), si l entrée des flux de capitaux dans les pays émergents et en développement permet une baisse des coûts de financement et signale la confiance des marchés dans les fondamentaux économiques des pays hôtes, un arrêt soudain de ces flux peut compliquer la gestion macroéconomique et engendrer des risques financiers importants. Sur le plan macroéconomique, le risque est qu un afflux des capitaux conduise à une appréciation du taux de change et nuise à la compétitivité du secteur commercial. Le principal risque de fragilité financière serait le fait que cet afflux de capitaux étrangers augmente le niveau d endettement extérieur libellé en devise étrangère et alimente éventuellement les booms de crédits domestiques (notamment des crédits libellés en devises étrangères) et les bulles d'actifs (avec des effets négatifs importants dans le cas d'une inversion soudaine des capitaux internationaux). De telles préoccupations justifient l'imposition de contrôles sur les entrées de capitaux, non seulement en considérant les pays séparément, mais aussi en tenant compte de l interconnexion entre eux. 6

II. Stabilité bancaire et politique de contrôle des capitaux dans les pays en développement: une étude empirique L expansion du risque systémique issue de la globalisation financière représente un des principaux défis auxquels sont confrontées les autorités de régulation. Dès lors, une approche macro-prudentielle de la réglementation est mise en place. Une telle politique est venue compléter la règlementation déjà existante et intègre en plus la maitrise et la prévention du risque systémique dans ses objectifs. Afin de déterminer les épisodes de stress financier nécessitant une intervention règlementaire plus efficace, des mesures de stabilité financière ont été proposées dans la littérature académique. Plusieurs travaux empiriques se sont intéressés au niveau de crédit au secteur privé (boom de crédit) comme un signe précurseur de déclenchement des crises bancaires. Reinhart et Rogoff (29) trouvent que la majorité de ces crises se déclenchent à la suite d un boom de crédit. De même, Mendoza et Terrones (22) montrent que le cycle de crédit est un cycle de «boom» et de «bust». Presque toutes les crises ont eu lieu suite à un boom de crédit. Un tel effet dépend de l importance de la déviation du crédit par rapport à sa valeur d équilibre. Ainsi, un intérêt particulier a été accordé aux moyens d identification du niveau critique du crédit au-delà duquel l économie est exposée à un risque de crise systémique. Gournichas, Valdès et Landerretche (GVL) (2) calculent la déviation du ratio du crédit au secteur privé rapporté au PIB par rapport à sa tendance déterminée par un filtre Hodrick- Prescott (HP) et avec un paramètre de lissage de. Par la suite, les auteurs identifient le boom de crédit quand l écart du ratio Crédit privé / PIB par rapport à sa tendance dépasse une certaine valeur critique. GVL (2) supposent donc que la tendance du crédit au secteur privé constitue la valeur d équilibre du ratio. Toute valeur au-delà de la tendance (valeur positive du «gap de crédit») constitue un niveau excessif de crédit au secteur privé. Mendoza et Terrones (28) utilisent la même méthode pour identifier le gap de crédit (en utilisant l écart par rapport à la tendance déterminée par le filtre HP). Par la suite, afin d identifier le seuil critique à partir duquel l excès de crédit est considéré comme un épisode de boom, les auteurs utilisent la méthode d identification du seuil adopté par le FMI (24). Ce dernier définit le seuil au-delà duquel l excès de crédit atteint son niveau critique (boom de crédit). Ce seuil est égal à.75 fois l écart type du «gap de crédit» déjà calculé. Le boom de crédit a lieu durant l année où le gap de crédit atteint son pic par-dessus le seuil. Le choix de la valeur,75 est justifié par le fait 7

que, si la déviation annuelle du crédit par rapport à la tendance a été distribuée normalement, la probabilité d observer ces valeurs extrêmes sera de 5 %. Ces résultats sont robustes en utilisant des seuils de,5 et 2. De même, dans une étude sur l origine des crises bancaires et de la performance des indicateurs utilisés, Borio et al. (22 et 29) s intéressent au crédit au secteur privé comme l un des déterminants de déclenchement des crises bancaires. Pour ce faire, les auteurs calculent le gap de crédit comme la déviation du crédit privé/pib par rapport à sa tendance. Ils utilisent la méthode du filtre HP pour déterminer la tendance en fixant un paramètre de lissage de 6 au lieu de pour des données annuelles. Ils trouvent que le gap de crédit, calculé à partir du ratio de crédit privé rapporté au PIB, est l indicateur de crise bancaire le plus fiable. Récemment, une méthode similaire a été utilisée par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (Basel Committee on Banking Supervision ou BCBS) (2). En effet, parmi les dispositifs proposés pour limiter le risque systémique, il a été recommandé de mettre en place des exigences réglementaires en capitaux propres et ce en réponse à la situation cyclique de l économie. De ce fait, ils ont choisi d adosser ce volant contra-cyclique à un proxy du risque systémique, qui est l écart du ratio crédit / PIB par rapport à sa tendance. Ainsi, le comité de Bâle III propose la publication régulière de la différence entre la valeur actuelle du ratio du crédit au secteur privé rapporté au PIB et sa tendance ou «le gap de crédit». La libéralisation du mouvement des capitaux internationaux fait partie des principaux facteurs pouvant être à l origine d une offre excessive de crédit par les banques domestiques. En effet, les booms de crédits sont souvent alimentés par un afflux de capitaux étrangers et fortement corrélés aux crises bancaires. De plus, dans le cas des pays en développement, les secteurs bancaires sont souvent mal réglementés et sous-capitalisés. Une entrée de capitaux étrangers intermédiés par le secteur bancaire, en augmentant la disponibilité de fonds, va encourager les banques à octroyer davantage de crédits. Dans un tel cadre de réglementation bancaire laxiste, une augmentation du niveau des crédits accordés au secteur privé ne sera pas forcément accompagnée de projets d investissement fiables. Ceci va donc exposer les pays à des chocs externes et déstabiliser leurs secteurs financiers. Ainsi, la mise en place d un contrôle des capitaux internationaux constitue l une des politiques de réglementation visant à limiter le risque des booms de crédits et à assurer ainsi la stabilité du secteur financier et bancaire. Dans le cas de certain pays, l efficacité de cette politique a été 8

vérifiée. En effet, son adoption a permis l augmentation de la résistance des pays aux chocs extérieurs subis suite au déclenchement de la crise mondiale récente. On peut citer à titre d exemple, la mise en place de la taxe sur la dette à court terme par le Brésil ou encore les exigences de réserves non rémunérées sur les entrées de dettes à court terme imposées par le Chili, la Colombie et la Thaïlande. La présente partie empirique fait l objet d une étude sur l efficacité du contrôle des capitaux à assurer la stabilité financière dans les pays en développement. Ici, nous nous intéressons au «gap de crédit» comme mesure de stabilité financière, évaluée par la déviation du crédit au secteur privé (rapporté au PIB) par rapport à sa tendance. Cette mesure nous permet d identifier le niveau excessif du crédit comme une période de stress financier pouvant mener à une importante instabilité financière. Ainsi, une valeur positive du «gap» indiquerait un niveau excessif du crédit. Nous menons une évaluation empirique en données de panel de la relation entre la stabilité financière (mesurée par le gap de crédit) et le contrôle des capitaux. Le choix des variables explicatives utilisées se base sur la littérature empirique, théorique et la disponibilité des données. Nous distinguons deux catégories : les variables macroéconomiques et les variables relatives au secteur bancaire. Ainsi, nous retenons la croissance économique, l inflation, la flexibilité du régime de change, la supervision bancaire, la marge d intérêt nette, le ratio «dépôts bancaires/ crédits» et la variation des engagements envers l étranger rapportée au PIB (en distinguant dans une deuxième étape les entrées des dettes et les entrées des IDE et des investissements de portefeuilles rapportées aux PIB). Notre variable d intérêt sera l indice de contrôle des capitaux. Le modèle de base utilisé est spécifié dans l équation : () Où, est la mesure de la déviation du crédit au secteur privé rapporté au PIB par rapport à sa tendance pour le pays i à l instant t. Une valeur positive du «gap de crédit» indique un niveau excessif de crédit. est notre variable d intérêt qui mesure le contrôle des capitaux internationaux. 9

est le vecteur des variables de contrôle utilisées couramment dans la littérature traitant les déterminants du gap de crédit. Nous conduisons cette régression en données de panel sur un échantillon de 25 pays en développement pendant la période allant de 986 à 2. En partant d un modèle de moindre carré ordinaire, nous effectuons une série de tests préliminaires : Le test d Hausman pour choisir entre effet fixe et effet aléatoire, le test de Wald modifié pour tester l hétéroscédasticité et le test de Wooldridge pour tester l autocorrélation des erreurs. Les résultats des tests confirment la présence de problèmes d hétéroscédasticité et d autocorrélation de premier ordre (p < 5%). Dans ces conditions, il y a lieu de recourir à la méthode d estimation des moindres carrés généralisés réalisables MCG (FGLS : Feasible Generalized Least Squares). A. Présentation des variables:. Mesure de stabilité financière: Nous nous sommes basés sur les travaux empiriques cités ci-dessus pour construire notre indice de stabilité financière. Pour ce faire, nous avons calculé la tendance à long terme du crédit au secteur privé rapporté au PIB en utilisant le filtre Hodrick-Prescott (HP) avec un paramètre de lissage de comme c est la règle pour les données annuelles. Le gap de crédit sera par la suite calculé comme suit : Les graphiques ci-dessous (annexe 3-) montrent la déviation du ratio crédit au secteur privé rapporté au PIB par rapport à sa tendance et ce dans notre échantillon de pays en développement. Concernant les pays ayant vécu une crise bancaire entre 986 et 2, nous remarquons qu un écart positif entre le ratio et la tendance (gap de crédit positif) est suivi, dans la plupart des cas, d un épisode de crise bancaire. Ceci nous confirme donc que le gap de crédit peut être une mesure fiable de la stabilité du secteur financier, pouvant annoncer une période de stress financier. Nous calculons par la suite le seuil du gap de crédit selon la méthode adoptée par le FMI (24) et nous identifions les périodes de boom de crédit dans notre échantillon de 25 pays en

développement. En comparant les périodes de boom de crédit à celles des crises bancaires, nous remarquons que la plupart des pays ayant vécu une crise bancaire ont atteint le seuil critique de crédit au secteur privé (boom de crédit) à la même période (voir tableau 3-3 et annexe 3-). Tableau :Boom de crédit VS crise bancaire dans les pays en développement Pays Afrique du sud Boom de crédit Argentine 989 Crises bancaires Pays Boom de crédit Crises bancaires - Malaisie 997 997 989 /995 / 2 Mexique 994 994 Brésil 989 / 993 99 / 994 Maroc 997 Chili 28 - Pakistan - - Chine 23 998 Pérou 999 Colombie - 998 Philippines 997 997 Costa Rica 28 987 et 994 Russie 993 998 et 28 Rép. tchèque 993 996 Sri Lanka 995 989 Egypte - - Thaïlande 997 997 Guatemala - - Tunisie 986 99 Hongrie 99 et 28 99 et 28 Turquie 997-2 2 Inde 28 993 Uruguay 22 22 Indonésie 997 997 Source: Auteur 2. Variables de mesure du contrôle des capitaux: Nous utilisons successivement deux indices de contrôle des capitaux : l indice de Quinn et l indice de Chin et Ito. Indice Quinn : Cet indice a été développé par Quinn (997) et récemment actualisé par Quinn, Schindler et Toyoda (2). La version originale de l indice mesure le contrôle des capitaux sans distinction entre les entrées et les sorties. L indice de Quinn est construit à partir de la base de données

«AREAER» 3. L objectif de cet indice est de capturer l intensité des restrictions sur le mouvement des capitaux. L indice de Quinn représente ainsi la somme de deux catégories de contrôle des capitaux appliquées sur les résidents (avoirs à l étranger) et les non-résidents (engagements envers l étranger). Chaque catégorie de contrôle est comprise entre et 2. L indice de Quinn est donc compris entre et 4, avec la valeur la plus importante expliquant un niveau d ouverture élevé. Nous utilisons la mesure de Quinn actualisée et publiée par l «External Balance Assessment» du FMI (23), dans lequel l indice de Quinn est rééchelonné sur un intervalle [ ] avec la valeur indiquant le niveau de contrôle le plus élevé. Indice Chinn et Ito : Nommé Kaopen, l indice de Chinn et Ito (28) (actualisé) a déjà été défini dans le premier chapitre comme la composante principale de quatre variables binaires, k, k2, k3 et k4, issues du rapport annuel du FMI «AREAER». Ces quatre variables mesurent la présence de taux de change multiples, la présence de restrictions sur les transactions du compte courant, la présence de restrictions sur les transactions du compte de capital et enfin le degré de libéralisation des exportations. Selon les auteurs la prise en compte de ces quatre composantes dans le calcul de l indice Kaopen permet de bien cerner le contrôle des capitaux. L indice varie entre -,86 et 2,44 avec la valeur la plus grande indique un niveau d ouverture dejure important. L indice couvre un échantillon de 82 pays entre 97 et 2 (version actualisée de la base de données). Nous utilisons le Kaopen inversé, de telle façon que la valeur la plus élevée mesure le contrôle des capitaux le plus important. Ainsi, nous obtenons un indice mesurant l intensité du contrôle et non l intensité de la libéralisation financière dejure. Les deux indices de contrôle des capitaux sont fortement corrélés : Indice de Chinn-Ito Indice de Chinn-Ito Indice de Quinn Indice de Quinn.729* 3 AREAER: Annual Report on Exchange Arrangements and Exchange Restrictions 2

3. Variables de contrôle: Croissance du PIB (notée Croiss.): La croissance du PIB mesure la santé globale de l économie, qui à son tour peut refléter le niveau de la demande de crédit. Ainsi, une augmentation de la croissance du PIB peut mener à une augmentation du crédit. La croissance économique est donc corrélée positivement avec la demande de crédit. En effet, Dell Ariccia et al. (22) expliquent qu en période d expansion, un bon niveau de croissance économique améliore la solvabilité des emprunteurs. Les prêteurs répondent alors avec une augmentation de l offre et un assouplissement des conditions de crédit. Une augmentation du crédit augmentera ainsi l investissement et la consommation. De même, Aysan et al. (2) expliquent qu une augmentation de la croissance économique est généralement suivie d une augmentation de la consommation et de l investissement. Ceci engendre une augmentation de la demande de crédit. Notre mesure de croissance du PIB est extraite de la base des données de la Banque mondiale (WDI). On s attend à une relation positive entre le gap de crédit et la croissance du PIB. Inflation (notée INFL.): Barajas et al. (29) identifient différentes variables macroéconomiques pour prédire des booms de crédit pouvant mener à une instabilité financière. Ils trouvent qu un boom de crédit qui se déclenche en période de forte inflation est plus susceptible d aboutir à une crise. Bakker et Gulde (2) étudient l expérience vécue par les nouveaux membres de l UE pendant les années 2, d une entrée importante de capitaux étrangers. Ils expliquent alors que les pays, vivant une accélération de l activité économique et de l inflation et ayant un régime de change fixe, ont vécu des épisodes de boom de crédit difficile à contenir. Une augmentation de l inflation, en baissant le taux d intérêt réel, aura tendance à augmenter la demande de crédit. Nous nous attendons ainsi à avoir un effet positif de l inflation sur la croissance du crédit. Nous utilisons ici l inflation mesurée par l indice des prix à la consommation. La variable est extraite de la base des données de la Banque mondiale (WDI). On s attend en revanche à un problème d endogéneité entre le crédit au secteur privé et l inflation. Pour pallier à ce problème, nous utilisons la moyenne mobile géométrique sur trois ans de l inflation comme suit : Moy. Mob. Inflation =.5*inflation (t-) +.3* inflation (t) +.2 *inflation (t+) 3

L objectif d un tel calcul est de donner plus de poids à l effet de l inflation passé sur le crédit qu à l effet éventuel du crédit sur l inflation future. Régime de change (notée EXCH): Selim Elekdag et Fei Han (22) trouvent aussi qu une plus grande flexibilité du régime de change peut améliorer la stabilité financière en réduisant l effet des facteurs externes sur la dynamique du crédit domestique. Aussi, Magud et al. (2) montrent que le degré de flexibilité du régime de change dans les économies émergentes est négativement corrélé avec la croissance du crédit au secteur privé et la part des crédits libellés en devises. Enfin, Dell Ariccia et al. (22) expliquent que, dans une économie avec un régime de change fixe, la politique monétaire est dirigée vers l objectif du maintien du taux de change fixe et est, de ce fait, incapable de répondre efficacement à une croissance rapide du crédit. Dans un tel régime, un faible taux d intérêt mondial peut engendrer un faible taux d intérêt domestique qui à son tour va augmenter la croissance du crédit domestique. Récemment, Magud et al. (24) ont trouvé qu un régime de change flexible, appuyé par une politique macro-prudentielle, permet aux pays de lisser leurs cycles de crédit durant une période de boom et de retrait (bust) de flux de capitaux. On s attend donc à avoir une relation négative entre la flexibilité du régime de change et le gap de crédit. Dans notre régression, on utilise la classification fine du régime de change defacto proposée par le FMI. Le régime de change est classé du plus fixe au plus flexible sur un intervalle allant de à 5. Supervision bancaire (notée Superv.) La qualité de la supervision peut agir sur l efficacité de la réglementation bancaire et contribuer ainsi à la diminution des crédits accordés au secteur privé dès lors que ces derniers atteignent un niveau critique. Selon Frait et al. (2), la réglementation bancaire est juste un prérequis à la stabilité financière. La qualité de la supervision importe davantage. Dell Ariccia et al. (22) trouvent que les booms de crédit ont souvent lieu suite à certaines réformes financières, à un afflux important de capitaux internationaux suite à la libéralisation du compte de capital et pendant une période de forte croissance économique. Ces épisodes de booms de crédit sont plus fréquents sous un régime de change fixe, quand les politiques macroéconomiques sont laxistes et que la supervision bancaire est insuffisante. Les auteurs expliquent qu en présence d une supervision efficace, les superviseurs peuvent appliquer leurs pouvoirs discrétionnaires pour prendre des mesures telles que l imposition d exigences plus 4

élevées en fonds propres. Ce resserrement des normes d octroi des crédits permet d éviter une expansion rapide de ces derniers. Nous nous attendons donc à un effet négatif de la mesure de supervision bancaire sur le boom de crédit. Nous utilisons la mesure de supervision bancaire construite par Abiad et al. (28). Cette variable évalue le degré de réglementation et de supervision prudentielle. Quatre dimensions sont utilisées pour calculer l indice de supervision : - Si le pays a adopté des ratios d adéquation du capital conformément à l accord de Bâle I. - Si les agences de supervision bancaires sont indépendantes du pouvoir exécutif et détiennent des pouvoirs juridiques suffisants. - Si les agences de supervision bancaire conduisent une supervision efficace sur place ou sur pièces (on-site and out-site). - Si les agences de supervision bancaire des pays couvrent toutes les institutions financière sans exception. Marge d intérêt nette % (notée MIN) : Une marge d intérêt nette (MIN) peut être due à un niveau élevé de spread bancaire. Un spread important s explique par une hausse du taux de prêt qui décourage la demande de crédit. Un niveau élevé de spread peut aussi découler de l inefficience des banques et du système financier. Ceci revient à dire que la banque ne peut pas assurer efficacement sa fonction d intermédiaire et transférer les fonds des épargnants aux investisseurs (Pua Tan, 22). Au contraire, Igan et Tamirisa (29) trouvent une relation positive entre la MIN comme mesure de rentabilité des banques et la croissance du crédit au secteur privé. De même, Adrian et Shin (2) trouvent qu une augmentation de la MIN rehausse la valeur de la banque, renforçant ainsi sa capacité à augmenter son levier et à prendre davantage de risques. Les résultats empiriques, relatifs à l effet de la MIN sur le niveau du crédit au secteur privé, sont ambigus. Ainsi, il n existe pas de consensus quant à l effet de la MIN sur le crédit au secteur privé. Toutefois, les bénéfices réalisés par les banques sur les nouveaux prêts sont généralement évalués par la MIN ou par le volume des crédits accordés. Généralement, les banques font face à un arbitrage entre marge élevée et volume de crédit élevé. Le choix visant à accroître le volume de crédit impliquera une baisse de la marge d intérêt. Cette perte, en termes de baisse des taux d intérêt, est dès lors compensée par l effet de volume du crédit. Ceci est le cas des 5

banques dans les pays développés où un niveau élevé de concurrence bancaire impliquerait obligatoirement une baisse de la marge d intérêt et une augmentation du volume de crédit. Cette relation n est pas évidente dans les pays en développement, où le secteur bancaire est caractérisé par un faible niveau de concurrence. Il n y a donc pas de pression sur les prix et les banques peuvent avoir une marge d intérêt élevée tout en augmentant le volume des crédits accordés. Dans le cas de la présente étude, menée sur un échantillon de PED, nous nous attendons à une relation positive entre la marge d intérêt et le gap de crédit. Dépôts / Crédit (notée DEP/CRE) : Le ratio dépôt/crédit mesure les ressources stables de base (core -funding) que la banque mobilise pour accorder des crédits. Hahm et al. (23) trouvent un lien positif et significatif entre les sources de financement autres que les ressources stables ou les «non core liabilities» et la croissance du crédit. Le recours à de telles sources de financement est dû à une croissance des crédits plus rapide que celle des ressources de base des banques (les dépôts). Ceci explique la raison pour laquelle les «non core liabilities» des banques sont devenus la cible des politiques macro-prudentielle. En effet, un ratio faible et décroissant des dépôts sur les crédits est dû à un problème de financement des banques. Ainsi, une augmentation du recours à des ressources autres que les ressources stables (non core-funding) pour financer les crédits est une source d instabilité financière. De même, Shin and Shin (2) étudient la dynamique des «non core liabilities» dans le secteur bancaire Coréen. Les auteurs trouvent que cette dynamique est fortement liée au comportement de prise de risques des banques. Enfin, Kilinc et al. (23) mènent une étude sur la relation entre les crédits et les «non core liabilities» dans le secteur bancaire Turque. Ils trouvent qu une augmentation de la demande de crédit est liée à recours excessif aux «non core liabilities» et qu il existe une relation robuste entre ces derniers et le niveau de crédit bancaire. Ce ratio mesure donc le risque de liquidité auquel une banque peut faire face. Plus le ratio est élevé, moins la banque sera exposée à un risque de liquidité et moins elle aura recours au «non core-funding» pouvant être à l origine d un boom de crédit et d une instabilité financière. Notre ratio dépôt/crédit est extrait de la base de donnée «Financial Development and Structure Dataset» (23). On s attend donc à une relation négative entre le ratio dépôt/crédit et le gap de crédit. 6

Entrée des capitaux (Notée Ent.Cap.): Dans la littérature académique, il est de plus en plus évident qu il existe une relation forte entre l augmentation des entrées de capitaux étrangers et la croissance du crédit au secteur privé. Une banque peut augmenter ses ressources non seulement par le biais de dépôts bancaires, mais aussi par l attrait de l endettement extérieur (en cas d insuffisance des «core funding»). Dans le cas des pays émergents et en développement, une réglementation bancaire généralement laxiste et un besoin de financement important font qu une telle disponibilité des fonds pourrait être mal allouée. En effet, les banques ont tendance à prendre plus de risques en augmentant l allocation des crédits et atteignent ainsi un niveau excessif ou «boom de crédit». Ce dernier phénomène est fortement lié à un déclenchement des crises bancaires, exposant ainsi le pays en question à une forte instabilité financière et économique. Hahm et al. (23) expliquent que les engagements des banques envers le secteur étranger constituent la principale composante des «non core-liabilities» dans la majorité des pays émergents. Ceci s explique par le fait que les marchés de financement bancaire ne sont pas assez développés pour supporter une croissance rapide des crédits bancaires. Les auteurs trouvent qu une vulnérabilité élevée aux crises de change et aux crises de dettes est associée à un niveau important des engagements bancaires envers le secteur étranger. La relation positive entre les entrées de capitaux étrangers et les booms de crédits a été confirmée dans plusieurs travaux empiriques. Calderon et Kubota (22) mènent une étude sur la relation entre les entrées bruts des capitaux étrangers et le déclenchement des booms de crédit pour un échantillon de 7 pays entre 975 et 2 en utilisant des données trimestrielles. Ils trouvent que la probabilité qu un pays vive une période de boom de crédit est très élevée si un tel épisode est précédé par un afflux des capitaux internationaux. Reinhart et Reinhart (28) mènent une étude exhaustive sur l effet de l afflux des capitaux «capital flow Bonanzas 4» sur les agrégats macroéconomiques des pays. Les auteurs utilisent un échantillon de 8 pays entre 98 et 27. Ils concluent qu un tel afflux de capitaux étrangers dans les pays émergents a tendance à apprécier la devise nationale, menant ainsi à un boom des prix d actifs. Un tel mouvement des prix d actifs aura tendance à encourager l expansion des crédits domestiques, ce qui aura pour conséquence d affaiblir le secteur 4 Le «Bonanzas des flux de capitaux» est défini comme la déviation du niveau des flux de capitaux nets de sa tendance de plus de point de son écart type standard. 7

bancaire et de l exposer ainsi au risque de faillite. Ainsi, les auteurs trouvent que dans les pays émergents, l afflux de capitaux étrangers est lié à un risque élevé de crise bancaire systémique, de crise de change et d épisodes d inflation élevée. De même, Caballero (22) s intéresse à l effet de ce Bonanzas (afflux important) des capitaux internationaux sur la probabilité de déclenchement des crises bancaires. L auteur met l accent sur le boom des crédits comme canal de transmission entre ces deux phénomènes (afflux des capitaux versus crises bancaires). L étude est menée sur des données annuelles couvrant la période 973-28 pour un large échantillon de pays. L auteur trouve qu un afflux des capitaux à la date t est suivi d une crise bancaire systémique à la date t+ même en absence de boom de crédit. Il trouve aussi que cette probabilité de crise bancaire systémique à la date t+ est multipliée par trois en présence de Bonanzas des capitaux à la date t. Furceri, Guichard et Rusticelli (2) étudient la réponse des crédits domestiques aux chocs initiaux des entrées des capitaux sur un échantillon de pays développés et émergents entre 97 et 27. Ils trouvent qu en cas de choc d entrée des capitaux, le ratio crédit/pib a tendance à augmenter de 2 % durant les deux premières années qui suivent le choc. Cet effet s inverse à moyen terme avec une baisse de 4% du ratio 7 ans après le choc initial. Tout comme Caballero (22), Furceri, Guichard et Rusticelli (2) soulignent le fait que l effet des entrées de capitaux sur le niveau des crédits domestiques dépendrait de la composition de ces capitaux, à savoir la part des flux de dettes et des IDE dans les engagements envers l étranger. Plus récemment, Furceri et al. (22) étudient la relation entre les épisodes d afflux des capitaux étrangers et les vulnérabilités financières en analysant l effet de tels épisodes sur l'évolution du crédit intérieur. Il utilise un modèle IRF (fonction de réponse impulsionnelle) du crédit intérieur aux entrées massives de capitaux, sur un panel de pays développés et émergents de 97 à 27. Les résultats trouvés montrent que dans les deux ans qui suivent le début des entrées massives de capitaux (capital boom), le ratio du crédit rapporté au PIB augmente d'environ 2 points de pourcentage. L'effet est en revanche inversé sur le moyen terme avec le crédit rapporté au PIB qui diminue de près de 4 points de pourcentage (sept ans après le boom initial). Furceri et al. (22) montrent aussi qu un tel effet d une entrée massive des capitaux dépend de la nature de ces derniers (dette vs investissement de portefeuille vs IDE). Enfin, les résultats trouvés suggèrent également que l'effet à court terme des flux de capitaux sur le boom de crédits domestiques dépend de la politique 8

macroéconomique du pays d accueil. En particulier, il se trouve que cet effet est plus faible dans les pays ayant une plus grande flexibilité du taux de change réel et une politique budgétaire contra-cyclique. On en conclut donc que les entrées de capitaux étrangers, représentant une part importante des «non core liabilities» des banques, constituent un facteur important de déclenchement des booms des crédits. De ce fait, nous utilisons, dans la présente étude, trois différentes mesures des entrées des capitaux : Dans une première étape, nous utilisons la variation des engagements envers l étranger rapportée au PIB pour étudier l effet total des entrées des capitaux sur le gap de crédit. Dans une deuxième étape, nous désagrégeons notre mesure par nature des flux de capitaux en distinguant les capitaux les plus risqués de ceux qui présentent un moindre risque d instabilité (en nous basant sur les résultats trouvés dans le premier et le deuxième chapitre). Nous étudions donc successivement l effet de la variation de la dette étrangère rapportée au PIB (notée dette) et celui de la variation des stocks d investissements étrangers / PIB (investissements étrangers = IDE + investissement de portefeuille) (notée IDE.IPL). Ici, le signe attendu, quant à la mesure du total des engagements envers l étranger, est positif. Nous nous attendons aussi à ce que cet effet positif émane principalement de la variation du stock de dettes étrangères plutôt que de la variation du stock des capitaux d investissement. B. Présentation des résultats: L idée commune défendue par les régulateurs et les décideurs politiques est donc de mettre en place un cadre réglementaire adéquat qui permettra de combler les failles de la réglementation traditionnelle. Une réglementation macro-prudentielle a donc vu le jour. Son objectif consiste à cibler et à gérer le risque systémique et à assurer ainsi la stabilité financière dans les pays. Dans cette étude, nous nous intéressons au contrôle des capitaux comme instrument de régulation dont le principal objectif serait la bonne gestion des capitaux internationaux et du risque systémique qui en découle assurant ainsi la stabilité financière. L objectif du présent travail empirique est donc de montrer l efficacité d une telle politique de contrôle des capitaux dans l assurance de la stabilité financière dans les pays en développement. 9

Les estimations présentées ci-dessous (Tableau 2) ont été réalisées en utilisant la méthode des Moindres Carrés Généralisés. Afin de nous assurer de la robustesse de nos résultats, nous utilisons ici deux mesures du contrôle des capitaux (Indice Quinn et Indice Chinn Ito). Nous intégrons dans nos régressions une batterie de variables de contrôle macroéconomiques et bancaires susceptibles d affecter le crédit au secteur privé. La majorité des résultats obtenus sont conformes à la littérature académique sur les déterminants des booms des crédits. Rôle du cadre macroéconomique et bancaire sur la stabilité financière des PED : Nous commençons notre analyse (modèle) par une étude de l effet du cadre macroéconomique et bancaire sur la stabilité financière expliquée par le niveau du crédit accordé au secteur privé. Nous évaluons ainsi l effet de la croissance du PIB, de l inflation et du régime de change sur le gap de crédit. Nos résultats sont conformes à la littérature citée cidessus. La croissance économique agit positivement et significativement sur le gap de crédit. D un côté, une augmentation de la solvabilité des emprunteurs en période de croissance encourage l offre de crédit de la part des banques. D un autre côté, en période de croissance économique, il y a une augmentation de la consommation et de l investissement donc une augmentation de la demande de crédit. De même, l effet de l inflation est positif et significatif à %. En effet, une baisse du taux d intérêt réel suite à un niveau élevé d inflation aura tendance à augmenter la demande de crédit. Quant au régime de change, plus ce dernier est flexible, plus le gap de crédit est faible. Notre résultat est négatif et significatif à %. Ce résultat confirme donc l importance d adoption d un régime de change flexible pour assurer la stabilité financière et un niveau raisonnable d endettement. Nous nous intéressons par la suite à des mesures relatives au cadre bancaire. Nous testons d abord l effet de la marge d intérêt nette. Comme nous l avons expliqué ci-dessus, la relation entre la marge d intérêt nette (MIN) et le gap de crédit au secteur privé est ambigu et dépend du niveau de développement du pays et plus précisément du niveau de concurrence sur le secteur bancaire. Sachant que dans les PED la concurrence sur les secteurs bancaires est généralement faible, les banques peuvent se permettre de garder une marge importante (pas de pression sur les prix) tout en augmentant le volume de crédit accordé. 2