Compétitivité et Carbone



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Transcription:

Page 1 DU BILAN GAZ A EFFET DE SERRE AU PLAN D ACTIONS : UN LEVIER DE COMPETITIVITE POUR LES ORGANISATIONS Le 28 Octobre 2014 à Lille www.rencontres-regionales-carbone.fr > Nord-Est Compétitivité et Carbone Par Gilles PENNEQUIN - Conseiller sénior développement soutenable, compétitivité et territoires à la Délégation inter ministérielle à l intelligence économique D2IE Bonjour, Tout d abord je souhaitais vous présenter mes plus plates excuses, de ne pouvoir être avec vous pour ces Rencontres Régionales du Carbone de Lille. Des contraintes professionnelles, liées à ma présence impérative à une réunion sur Paris m amène à vous délivrer un message par personne interposée. Je remercie Magaly d assurer cette délicate mission. D autant plus qu il s agit d un exercice difficile pour vous, contraints d écouter un discours rédigé par un autre ; et aussi pour moi qui doit m adresser à vous à distance, plutôt que face à un public, devant lequel je pourrais le cas échéant accentuer ou infléchir telle ou telle proposition en fonction de la tension de la salle, des regards désapprobateurs que je pourrais percevoir en scrutant les visages qui me feraient face Fait important, je précise ici que je m exprime à titre individuel et non en qualité de haut fonctionnaire en charge du développement soutenable, de la compétitivité et des territoires au sein de la D2IE. Bon, je me lance! En premier lieu, je dirai que si l on se réfère au récent accord entre les 28 pays de l'union Européenne de vendredi et samedi derniers, les acteurs économiques engagés dans la réduction des émissions de GES peuvent être satisfaits, puisque l Europe souhaite s engager dans «La politique énergétique et climatique la plus ambitieuse au monde, la plus juste et la plus efficace.» selon le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. Comme vous le savez, l'accord fixe des objectifs communs sur le «paquet énergie climat» proposé par la Commission européenne pour lutter contre les gaz à effet de serre d'ici 2030. Pour rappel, le cadre énergie-climat 2030 comporte 4 principaux objectifs, qui ont été discutés lors du Conseil européen : Réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l Union européenne par rapport à 1990 Porter à 27% la part des énergies renouvelables (ENR) dans la consommation Améliorer de 27% l efficacité énergétique Enfin, les dirigeants européens ont décidé d'augmenter les objectifs d'"interconnexions" entre réseaux électriques au sein de l'union, pour les porter à 15%. Le plan du nouveau président de la Commission Jean-Claude Juncker prévoit d'investir 300 milliards d'euros dans l'économie.

Page 2 Les pays les plus pauvres, dépendant des énergies fossiles, ont eux obtenu des compensations financières pour les efforts qu'ils devront consentir. Un fonds alimenté par 2% des ventes de certificats du système des quotas européens d'émission de CO2 a ainsi été créé. Ce résultat augure de beaucoup de travail en perspective pour le développement de l efficacité énergétique, pour la promotion des ENR, pour les ACV, pour les analyses carbone, qui sont pour moi un moyen et non une fin en soi. Pour celles et ceux qui sont attentifs à la lutte contre le réchauffement climatique, la transition vers une économie à bas carbone constitue un axe stratégique majeur de l'union Européenne et une chance pour les négociations climatiques qui vont se dérouler en Décembre 2015, dans le cadre de la COP21 à Paris. Mais cette décision ne fait pas que des heureux. De nombreuses voix s élèvent pour critiquer cette stratégie ambitieuse de l Europe en général et de la France en particulier, au nom de la perte de compétitivité que connaîtrait l Europe du fait des contraintes qu elle s impose de façon unilatérale dans la lutte contre le réchauffement climatique alors même : «qu en décarbonant de 90 % son système électrique, pour plusieurs milliers de milliards d euros et aux frais des consommateurs qu elle prétend protéger, l Europe ne réduirait que de 0,9 % le stock de gaz néfastes dans l atmosphère en 2050» selon Albert Bressand qui a rédigé un article en juillet 2013, intitulé : «transition énergétique : bonnes intentions et mauvais calculs» pour la Fondapol. Un peu plus loin dans l article, Albert Bressand indique que l Europe a transféré 215 milliards d euros pour soutenir la transition de pays (principalement la Chine et l Inde) qui ne lui en reconnaissent aucun mérite et la menacent même de guerre commerciale. Pour l auteur, le moment est venu de stopper la fuite en avant... de redonner ses droits à l analyse économique pour une stratégie qui ne soit plus l otage des symboles et des lobbies. Il s adonne à une analyse sans complaisance des coûts et avantages des trois objectifs fondateurs de la «coûteuse ligne Maginot climatique qu impulsent aujourd hui Berlin et Bruxelles» selon l expression de l auteur. Selon différents think tanks, syndicats professionnels, et plusieurs rapports parlementaires, les contraintes carbone appliquées à la France pénaliserait l'économie française alors même que la France ne représente que 1,2 % des émissions de CO2 mondiales et en représentera moins de 1 % à horizon 2020, et qu'en outre les Français ont déjà, sans taxe carbone, des performances remarquables en matière d'émissions : la France affiche un niveau d'émission de 5,6 tonnes de CO2 par habitant et par an, alors que la moyenne de l'union Européenne se situe à 8,1 tonnes de CO2 par habitant et par an. Le rapport de la cour des comptes sur la mise en œuvre par la France du paquet énergie-climat du 16 janvier 2014 exprime plusieurs doutes sur l efficacité macroéconomique des mesures engagées en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. Pour ne prendre qu un exemple, celui du photovoltaïque, le rapport indique que «le marché mondial de la filière solaire photovoltaïque a augmenté environ de 60 % par an sur la dernière décennie... Le potentiel de croissance du marché mondial du photovoltaïque est considéré par tous les analystes comme très important sur le long terme (17 % de croissance moyenne annuelle du marché jusqu en 2020). Pour l Europe, les scénarios varient de 100 à 160 GWh à l horizon 2016. Sur ce marché en pleine croissance, l amont de la filière photovoltaïque échappe aux industriels français. Fin 2011, parmi les 7 entreprises ayant produit plus d un GWh de modules dans l année, cinq étaient chinoises ou taiwanaises, une allemande et une américaine.

Page 3 Concernant spécifiquement le marché carbone et son impact sur la compétitivité : Il faut noter que de nombreux industriels émetteurs de gaz à effet de serre se sont opposés à la politique carbone voulue par l Union Européenne, arguant essentiellement de la distorsion de concurrence entre les pays soumis à la contrainte carbone et ceux qui, au titre de l histoire du capitalisme, n y étaient pas soumis, avec les conséquences sociales dramatiques qu elle pourrait générer dans les pays développés. Leur principal argument réside néanmoins dans le fait qu une telle politique donne naissance à des fuites carbone, phénomène qu on peut décrire ainsi : en renchérissant les coûts de production européens, le système mis en place favorise les producteurs extra-européens qui émettent plus de GES par tonne. Cette politique de lutte contre les émissions de GES en Europe peut même entraîner la création de «paradis pour pollueurs» par «dumping environnemental». Certains vont même jusqu à poser la question suivante : «Pourquoi ne pas attendre que l'énergie devienne plus chère par elle-même?» Qu en est-il réellement! Faut-il donner crédit aux critiques adressées aux politiques de transition énergétique en général et aux analyses sur le carbone en particulier. Selon l Institut Montaigne, dans un article intitulé «faire de la transition énergétique un levier de compétitivité», le think tank indique qu il est important de rappeler les principes qui doivent fonder une bonne politique de l énergie. Celle-ci doit permettre de concilier simultanément trois objectifs : Premièrement : assurer des prix compétitifs, tant pour la consommation individuelle que pour les usages professionnels ; Deuxièmement : rendre fiables les sources et les circuits d approvisionnement d énergies primaires et secondaires ; Et enfin : réduire les nuisances à l environnement et notamment l impact sur le risque climatique. L analyse carbone permet de justifier le troisième objectif celui du Climat! Il est important de le défendre, comme vous le faites car l enjeu climat à lui seul justifie pleinement cette politique de transition énergétique. A mes yeux, l analyse carbone est essentielle, mais elle est insuffisante selon moi pour motiver à elle seule, les entreprises et les collectivités territoriales dans leur mobilisation en faveur de la transition énergétique. Il me semble, à titre personnel, que la question de notre souveraineté énergétique dans un contexte géopolitique particulièrement tendu avec de nombreux pays producteurs d énergies fossiles, constitue un thème plus facilement mobilisateur pour les politiques qui douteraient encore de l emballement climatique. Décrire l augmentation de la vulnérabilité de nos économies aux approvisionnements énergétiques constitue un thème tout aussi puissant que celui des émissions de GES. L argument de la compétitivité d une politique bas carbone n est pas non plus suffisamment mis en avant auprès des collectivités publiques et des entreprises privées. Lors de sa sortie en novembre 2012, le rapport Gallois intitulé : «Pacte pour la compétitivité de l'industrie française», de voix se sont élevées pour s étonner que cet intéressant rapport sur la compétitivité ne fasse suffisamment mention au coût de l énergie. Alors que pour un certain nombre de secteurs, l énergie est pourtant un poste de dépense direct prépondérant. Interrogé sur ce sujet, M. Gallois a rappelé qu on ne pouvait faire

Page 4 l impasse sur ces questions : «Il faut regarder tous les coûts des entreprises et pas uniquement le coût du travail ( ), en particulier le coût de l énergie. C est un atout français et il faut le préserver», a-t-il martelé lors d une audition au Sénat. Alors que l anticipation et la diminution de sa dépendance aux énergies et en particulier aux énergies fossiles, est une manière efficace aussi de gagner en compétitivité. L anticipation d une augmentation du prix de l énergie décrit par de très nombreux experts à commencer par l Agence Internationale de l Energie s avère un levier formidable pour convaincre de la nécessité d anticiper de nouvelles menaces économiques et sociales liées au prix croissant de l énergie. Sur le thème du coût de l énergie et de ses conséquences, la modélisation de la précarité énergétique qui existe notamment chez ERDF ou chez EDF, permet d ores et déjà de mesurer la future extension de cette précarité qui pourrait croître dans des proportions considérables en cas de doublement du prix de l énergie à 10 ans. Ces outils et l analyse qu y en ressort peuvent apparaître comme un excellent moteur pour la mobilisation des pouvoirs publics, soucieux d éviter des catastrophes sociales annoncées. Si je reviens sur la question de la compétitivité des entreprises, selon le bureau d études, Syndex, dans un rapport qui s intitule : «Les dérèglements climatiques, les nouvelles politiques industrielles et les sorties de crise» : «le principal critère retenu pour déterminer si la compétitivité des entreprises est affectée réside dans leur capacité à répercuter le coût du carbone dans le prix de leurs produits, en fonction de la concurrence internationale». A l échelle européenne, le Conseil européen a souvent rappelé, au titre de la «situation économique et financière» de l Union, de la nécessité de «protéger la compétitivité internationale de l industrie européenne». La commission entend préserver la compétitivité de ses entreprises et elle a l intention de prendre des actions en vue d éviter les fuites «potentielles» de carbone qui soient compatibles avec le droit du commerce international (OMC). La Commission européenne considère que la meilleure façon de réduire les atteintes à la compétitivité et les risques de fuites de carbone reste de trouver un accord international satisfaisant, grâce auquel les pays tiers vers lesquels on pourrait constater un risque de fuite de carbone, seraient soumis à une forme de contrainte carbone équivalente, du moins à terme. Voici quelques éléments de l actuel débat qui traverse notre pays à l heure des discussions sur la politique de transition énergétique et de l accueil par la France de la Cop21. La France va accueillir la COP21, elle ne peut promouvoir les mesures en faveur de la maîtrise des émissions de GES que si elle s'est dotée de crédibilité dans ce domaine et a fait une part de la preuve de l'utilité de cette mesure. D'autre part, prétendre que l'action est vaine est d'un autre registre que de critiquer les mesures carbone en soi. Mais pour la France la situation est plus complexe du fait de l atout économique que représente le parc nucléaire (qui produit une électricité bon marché sans carbone). L enjeu pour notre pays est de veiller à ce que le développement des énergies renouvelables ne renchérisse pas le coût de l énergie pour les industriels, et n augmente pas les investissements en centrales thermiques pour assurer l apport d énergie ce que l on appelle le «backup» des ENR du fait de l intermittence de cette énergie. Ainsi, le groupement des filières dites «électro-intensives» (comme l acier, l aluminium, le chlore ), dont l énergie représente plus de 20% des coûts, a rappelé que face à une concurrence mondiale, la maîtrise des coûts énergétiques est un facteur essentiel de compétitivité». D après les électro-intensifs, leurs usines représentent «50.000 emplois directs et 100 à 120.000 emplois indirects» dans l Hexagone. Parmi les solutions évoquées pour éviter la perte de compétitivité de nos firmes du fait de contraintes environnementales, et carbone en particulier, la France est relativement isolée dans ses tentatives répétées pour introduire un mécanisme d ajustement aux frontières, presque tous les autres États membres craignant des

Page 5 difficultés de mise en œuvre d un point de vue pratique (modalités de calcul du contenu en carbone des produits de base concernés) et juridique (compatibilité avec les règles de l OMC). Que dire à l échelle régionale et locale, Concernant spécifiquement vos missions auprès des PME-PMI, de plus en plus d analystes financiers considèrent que l intégration d une politique de Développement Durable et de RSE accroît à moyen et long terme les performances économiques des entreprises. Cela s explique, en partie, par la création d un nouveau modèle économique basé sur une récente manière d appréhender, globalement, les nouveaux défis auxquels les entreprises doivent faire face. Que ces défis soient ou non liés à des enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Il est prouvé que les entreprises ayant réalisé leur Bilan Carbone appréhendent cette problématique de manière beaucoup plus complète en analysant leur dépendance directe et indirecte aux énergies fossiles. Concernant vos interventions auprès des collectivités territoriales, il vous appartient d agir directement au service de la définition stratégique des territoires et de leurs entreprises en prenant appui sur les outils méthodologiques dont nous disposons, qui ne se limite pas à l analyse carbone. L enjeu d une stratégie territoriale durable et compétitive, repose sur le fait qu elle doit répondre à un marché local et chercher, simultanément, à répondre à des marchés internationaux. Il est essentiel d anticiper et d accompagner les entreprises pour qu elles se positionnent sur ces deux segments de marché. Le travail méthodologique doit être poursuivi au-delà de la simple analyse carbone pour s enrichir d approche faisant la démonstration sur le terrain des vulnérabilités nouvelles qui apparaissent du fait du renchérissement probable de toutes les ressources (énergies, eau, métaux, sols, ) du fait du «PIC ALL» que vont subir nos sociétés dans leur recherche de développement économique et social. Il faut travailler à la mise en œuvre d outils d aide à la décision ex-ante des acteurs économiques pour qu ils puissent, en conscience, rationnaliser leurs options stratégiques, optimiser leurs interventions financières à l heure où les contraintes budgétaires imposent plus encore qu auparavant à effectuer les bons choix pour leurs territoires. Grâce aux Datas disponibles, Il est à présent possible d élaborer une «carte d identité dynamique» des territoires à partir d une analyse multithématique et transversale des territoires pour dégager les facteurs de risques et opportunités de développement. Plusieurs outils existent déjà à l attention des acteurs territoriaux qui ont maintenant les moyens techniques de rendre compte de l aspect systémique d un territoire. De tels modèles territoriaux prospectifs sont en mesure de permettre aux acteurs territoriaux de mesurer, ex-ante, concrètement les mutations de leur territoire, qu elles soient le fait des dynamiques naturelles du territoire ou des politiques mises en œuvre. Ils permettent également de proposer des éléments de connaissance sur l attractivité et le fonctionnement socio-économique des territoires. Des progrès restent à faire cependant dans l analyse du métabolisme territorial (connaissance de l ensemble des stocks et flux d un territoire) pour répondre au besoin des acteurs territoriaux d appréhender de manière transversale et interconnectée l attractivité du territoire. L objectif est d aider les acteurs locaux à choisir les variables les plus pertinentes pour analyser leur territoire, ce pour mieux en comprendre le fonctionnement. Vos missions d experts doivent selon moi s inscrire dans une articulation des politiques économiques de court, moyen et long terme. Pour un territoire, plus que pour une entreprise, la prise en compte simultanée du temps court et long du développement est essentielle. Les responsables politiques doivent être les garants des emplois d aujourd hui mais également de s assurer que le développement du présent n hypothèque pas les chances d un développement futur du territoire. Il y a des victoires économiques à court terme qui constituent de véritables victoires à la Pyrrhus qui entrainent des coûts exorbitants pour la collectivité pour réparer les dégâts nés d un

Page 6 développement que l on qualifierait aujourd hui de non durable. Si le fonctionnement du marché est souvent de court terme, les externalités négatives qu il génère sont bien souvent de long terme. Beaucoup de travail en perspective!!! C est à nous de jouer!! Compétitivité et Carbone Par Gilles PENNEQUIN - Conseiller sénior développement soutenable, compétitivité et territoires à la Délégation inter ministérielle à l intelligence économique D2IE Retrouver l ensemble des supports de la journée sur www.rencontres-regionales-carbone.fr > Nord-Est Organisateurs de l évènement: Magaly PENNEQUIN et Gérard DE JONCKHEERE Responsables de l Antenne locale Nord-Est de l APCC nord-est@apc-carbone.fr Contact APCC Emeline IVARS Coordinatrice de l APCC contact@apc-carbone.fr / 01.84.16.95.76