3 Les premiers résultats des plans d'actions Les résultats que nous avons obtenus en ce qui concerne les plans d'action, résultent de l'analyse de 48 entreprises seulement. Revenons sur notre échantillon. 3.1 Description de l'échantillon En ce qui concerne les plans d'actions des entreprises, les données dont nous avons disposées étaient bien moins nombreuses. En effet, les expérimentations régionales, qui se déroulent sur deux années, n'ont pas toutes débutées au même moment. Lorsque nous avons effectué la collecte et l'analyse des données concernant les plans d'actions, au cours de l'été 2005, certaines régions n'avaient pas encore entamé cette phase, comme par exemple la région PACA, la région Rhône Alpes ou encore la Lorraine. De plus, la multiplicité des interlocuteurs, du fait de la seule présence de consultants régionaux dans les phases d'accompagnement de certaines régions, ne nous a pas permis d'obtenir la totalité des informations. La partie concernant les plans d'actions résulte donc de l'analyse de 48 entreprises, soit un peu plus de 60%. 3.2 Le passage à l'action par catégorie d'enjeux Si l'on regroupe les actions par catégorie d'enjeux, autrement dit selon le caractère stratégique, social, environnemental ou autres facteurs, on aboutit aux résultats suivants : 237
21% se référant plutôt à des moyens 38% 22% 19% Stratégie Social Environnement Autres se référant plutôt à des fins Figure 53 : les actions classées selon les catégories d'enjeux correspondantes Nous pouvons remarquer que la majorité des actions (59%) touchent les enjeux de moyens, relevant plutôt d'une rationalité procédural. Cependant, 41% des actions abordent des enjeux de fins, autrement dit de l'ordre de la rationalité substantive. De plus, les champs sociaux et environnementaux sont pris en compte de manière équivalente. Le fait que, dans un premier temps, les enjeux relevant de la rationalité procédurale sont privilégiés, peut s'expliquer par deux facteurs. Tout d'abord les consultants accompagnateurs sont, pour la plupart, issus du conseil en management et plus particulièrement de la qualité. Ils ont alors, et parfois malgré eux, tendance à aider l'entreprise à aller dans cette direction. Cela est aussi lié au type d'entreprise, doté d'un système de management ISO 9001 et/ou ISO 14001, que l'on a choisi au départ. Le risque était qu'elle "s'accroche" au système de management avant tout. C'est en partie ce qui s'est produit. L'expression d'un champ de rationalité substantive élargi reste donc assez difficile à mettre en œuvre dans les entreprises. Néanmoins, le fait de travailler par enjeux les encourage à prendre en considération ces aspects. 238
Nous l'avons vu, les enjeux dits de moyens relevant d'une dominante de rationalité procédurale sont plus générateurs d'actions. Cependant, certains d'entre eux peuvent également avoir des répercutions sur la rationalité substantive et en particulier : les enjeux 9 relations avec les sous-traitants, fournisseurs et politique d'achats, et 10 produits, éco-socio-conception. Ces derniers, bien que classés dans la catégorie "stratégie et management" ont des répercutions en terme de rationalité substantive puisqu'ils font directement référence aux modes de production et modes de consommation. Ce sont en réalité des enjeux de développement durable transversaux, qu'il convient d'analyser séparément. Or, ces enjeux qui faisaient partie, en termes de performance, des enjeux les plus faibles, sont ici pourvu d'un très grand nombre d'actions (autour de 25 actions chacun). Les entreprises ont accordé une importance élevée aux deux enjeux ayant trait aux modes de production et de consommation. Elles ont donc bien perçu la nécessité, dans une perspective de développement durable, d'avoir une approche impliquant toute la chaîne de production et d'utilisation des produits qu'elles contribuent à mettre sur le marché. nombre d'actions pour chaque enjeu 40 nombre d'actions 30 20 10 0 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 managériaux sociaux les enjeux environnementaux autres facteurs Figure 54 : représentation du nombre d'actions pour chaque enjeu Tous les enjeux, sans exception, voient des propositions d'actions correspondantes au sein du panel d'entreprises étudiées. Cependant certains enjeux de développement durable distants tels que l'intégration territoriale de l'entreprise (18), le transport des salariés, la 239
logistique (19 et 27), la gestion des externalités (20) et enfin la biodiversité (25) sont très peu présents dans les plans d'actions, représentant en cumulé 31 actions alors que le système de management à lui-seul en totalise 32. Il semblerait donc, que dans un contexte concurrentiel, les entreprises de notre échantillon soient conscientes de la nécessité de mener une réflexion stratégique sur l'ensemble du cycle de vie des produits, intégrant des partenaires économiques présents dans le monde entier. Par contre, cette réflexion se fait au détriment d'une réflexion sur les impacts locaux (qu'ils soient environnementaux, économiques ou sociaux) de l'entreprise sur son territoire. La question des enjeux de développement durable de long terme, même si la correction des importances permet de les revaloriser, est donc encore bien insuffisamment prise en compte. Un des éléments de réponse pourrait se trouver, dans un chapitre du SD21000 sur lequel nous avons peu insisté dans ces expérimentations, à savoir, l'entreprise elle-même considérée comme une partie intéressée qui peut s'appuyer sur les autres parties intéressées en leur formulant aussi des attentes. Un autre élément pourrait également résider dans la nécessité de s'appuyer non plus sur des approches volontaires mais sur des démarches obligatoires. Enfin, les leviers d'actions sur des enjeux tels que les transports ou la biodiversité, semblent inaccessibles à des entreprises souvent impliquées dans des chaînes de production au sein desquelles elles n'ont qu'une faible marge de manœuvre. Il semblerait que les donneurs d'ordre soient plus en mesure d'avoir une action réelle sur ces enjeux, ce qui pose la question de l'organisation de la transaction le long de la chaîne de la valeur. Ces différents éléments seront repris dans notre dernier chapitre. 3.3 Analyse des actions selon les grilles de performance 3.3.1 L'estimation de la progression Afin de pouvoir analyser les progrès réalisés par les entreprises en matière de développement durable, nous avons fait l'estimation de la performance que les entreprises pouvaient atteindre grâce aux actions programmées. Les résultats présentés ci-dessous ne résultent pas d'une nouvelle évaluation a posteriori mais bien d'une projection de leur performance éventuelle, en faisant l'hypothèse que les actions programmées ont été réalisées. 240
Stratégie et management 13% Estimation Environnement 21% 5% 25% 62% 74% P initiale = 1.39 P finale =1.99 1.31 2.14 Social 11% Autres facteurs 2% 44% 31% 58% 54% 1.36 2.13 Performance augmentée Performance confortée Données non classables 1.45 2.10 Figure 55 : estimation de l'augmentation des performances suite au plan d'actions Dans la majorité des cas, les actions permettent d'augmenter la performance, de l'ordre de 62% pour les enjeux de stratégie et de management et jusqu'à 74% pour l'environnement. Les entreprises ont privilégié les actions permettant une amélioration de leur performance. Nous avons également fait figurer le pourcentage d'actions permettant de conforter les niveaux de performance. Les pourcentages sont assez significatifs, compris entre 26 à 64% selon les catégories. Cela signifie que les entreprises ont, dans un bon nombre de cas, surestimé leur niveau de performance lors du diagnostic. La phase de définition du plan d'actions leur a permis de prendre conscience de cette surestimation et de planifier les actions leur permettant de valider réellement ces performances. En enfin, par données non classables, nous entendons les actions qui ne figurent pas explicitement dans les grilles de niveau de performance. Ces actions peuvent notamment être caractéristiques de la filière, mais également être générales, les grilles du diagnostic n'étant pas exhaustives. Il est important de noter qu'il existe peu d'actions planifiées ne correspondant pas à des critères de la grille. C'est un point sur lequel nous reviendrons dans le paragraphe suivant. Nous pouvons également remarquer que les actions planifiées vont permettre aux entreprises, si elles sont réellement mises en place, d'atteindre un niveau de performance 241
moyen autour de 2 sur l'échelle de 0 à 4, ce qui était un des objectifs initiaux des expérimentations. Cependant, il convient de modérer cette conclusion, l augmentation de performance à 2 ne touchant que les enjeux pour lesquels les entreprises ont planifiés des actions. Ainsi, pour des enjeux tels que la biodiversité, qui portent très peu d'actions, la performance moyenne n'atteindra pas le chiffre de 2. 3.3.2 Le suivi des grilles Il est intéressant de noter que, contrairement à ce que nous pensions au départ, les entreprises se sont souvent cantonnées à suivre les grilles de performances proposées dans la construction de leur plan d'action. Elles n'ont que rarement proposé une solution innovante et ont cherché à augmenter leur cotation en suivant les propositions de l'outil. Cela peut s'expliquer, tout d abord, par des orientations données en ce sens par le consultant accompagnateur dont les compétences ne couvrent souvent pas tous les champs du développement durable. Cela peut également s'expliquer par l'accent mis au départ sur la nécessité d'être à un minimum de 2 sur l'échelle de 0 à 4 et sur tous les enjeux pour pouvoir s affirmer dans une perspective de développement durable. De plus, la situation des entreprises est souvent complexe. Pour de nombreux enjeux abordés, les entreprises ne s'étaient encore jamais posé la question de leur impact. S'il n'y a pas, en interne, de personnes "porteuses", "créatives", et qui ont déjà entamé une réflexion sur ce sujet, il est très difficile pour un chef d'entreprise de trouver ex-nihilo une solution innovante à un problème qu'il vient juste d'identifier. La tendance est donc naturellement de se reposer sur les grilles déjà existantes. Au départ, l'outil a été volontairement détaillé pour permettre à l'entreprise d'avoir des points de repère. Aujourd'hui, il doit être expliqué, afin d'éviter qu'il ne devienne un frein à l'innovation. Compte-tenu de ces résultats, peut-on considérer que les entreprises de notre panel se sont vraiment inscrites dans une démarche de développement durable? 242