LES SYNDROMES MYELOPROLIFERATIFS Pr Marc VASSE Juin 2007
LES SYNDROMES MYELOPROLIFERATIFS I - DEFINITION II LA LEUCEMIE MYELOÏDE CHRONIQUE (LMC) A Circonstances de decouverte B Diagnostic biologique C Pronostic D Évolution E Diagnostic différentiel F Bases du traitement III LA POLYGLOBULIE PRIMITIVE (MALADIE DE VAQUEZ) A - Diagnostic biologique B Diagnostic différentiel C Bases du traitement IV LA THROMBOCTHEMIE ESSENTIELLE
DEFINITION Anomalie clonale de la cellule souche hématopoïétique multipotente Pathologies : - Leucémie myéloïde chronique (LMC) - Myélofibrose idiopathique - Polyglobulie de Vaquez - Thrombocytémie essentielle Regroupe 3 notions : - pathologies dérivant du tissu myéloïde - prolifération maligne - «chronique» : différenciation terminale des éléments myéloïdes Points communs cliniques et évolutifs : - splénomégalie habituelle - hyperplasie des lignées myéloïdes (avec prédominance sur une lignée) - Formes de transition entre les pathologies - évolution terminale en leucémie aiguë (fréquence variable)
LEUCEMIE MYELOÏDE CHRONIQUE Prolifération prédominante de la lignée granuleuse et d une anomalie chromosomique quasi-spécifique (Chromosome Philadelphie) ou son équivalent moléculaire Évolution clinique en 3 phases : - chronique - accélérée - transformation aiguë Épidémiologie - Étiologies : Représente 20 % des leucémies Atteinte préférentielle de l adulte jeune (20 50 ans) Facteurs favorisants : - Radiations ionisantes - Dérivés du benzène
LMC : CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE Début insidieux, difficile à préciser, Symptomatologie non spécifique : - Altération État Général, - Pesanteur hypochondre gauche Découverte fortuite (40 % des cas) lors d un examen systématique Découverte lors d une complication (goutte, infarctus splénique, TVP insuffisance respiratoire par leucostase) Exceptionnellement, découverte au stade de transformation aiguë (TA), la phase chronique étant passée inaperçue Splénomégalie dans 50 % des cas hépatomégalie
LMC : DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE (1) Hémogramme : + + + - Hyperleucocytose > 50 G/L (85 % des cas), souvent 100 300 G/L - Hématies : Normal le plus souvent, anémie très modérée possible - Plaquettes : (500-800 G/L). Thrombopénie rare - Formule leucocytaire : 90 95 % de granuleux Myélémie constante (myélocytes et métamyélocytes, promyélocytes (3 5%) blastes possibles ( < 5 %) Éosinophilie, Basophilie +++
LMC : HEMOGRAMME
LMC : DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE (2) Myélogramme : - Riche +++ - Hyperplasie de la lignée granuleuse (90 95 % des éléments) - Tous les stades de maturation représentés, léger excès de myéloblastes ( < 10 %) et de promyélocytes - lignées éosinophile et basophile - pourcentage érythroblastes. - Hyperplasie mégacaryocytaire Biopsie médullaire : (pas indispensable) - Disparition totale des vésicules adipeuses - Hyperplasie lignées granuleuses et mégacaryocytaires - Réticulose discrète dans 20 à 30 % des cas
LMC : MYELOGRAMME
LMC : DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE (3) Caryotype : t(9;22) = chromosome Philadelphie (95 % des cas) Cassure sur chromosome 9 : oncogène abl ( ( protéine activité TK) Cassure sur chromosome 22 : bcr (breakpoint cluster region) Gène de fusion hybride Protéine hybride p210 à activité tyrosine- kinase Pouvoir prolifératif
CHROMOSOME PHILADELPHIE Mutation dans cellule souche pluripotente Retrouvé dans toutes les mitoses des précurseurs granuleux, monocytaires, plaquettaires, érythrocytaires et lymphocytaires Absent dans les fibroblastes et cellules extra-hématopoïétiques Si Ph absent, réarrangement bcr/abl mis en évidence par southern blot, RT-PCR ou hybridation par fluorescence in situ (FISH)
MISE EN EVIDENCE PAR FISH DU RARRANGEMENT bcr/abl DANS LA LMC
LMC : DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE (3) - Autres examens : (intérêt accessoire ou «historique») Phosphatases alcaline leucocytaires : effondrée en phase chronique, quand acutisation opérateur dépendant Hypervitaminose B12 : due à l de la transcobalamine I (leucocytaire) Hyperuricémie souvent massive allopurinol
LMC : PRONOSTIC Taille de la rate Taux de blastes sanguins et de plaquettes Hématocrite Sexe (masculin mauvais pronostic si < 45 ans) Age (mauvais pronostic si avancé) Débord sous- splénique sous-costal important Index de Sokal Score < 0,8 : pronostic favorable Score > 1,2 : pronostic défavorable
- Transformation aiguë (TA): LMC : EVOLUTION Brutale et inopinée, quelquefois révélée par un hémogramme de surveillance Peut être précédée par une phase intermédiaire, dite d accélération - anémie - hyperleucocytose moins bien contrôlée par le traitement - des basophiles - rajeunissement cellulaire progressif - myélofibrose - anomalies chromosomiques supplémentaires au caryotype Souvent fièvre, AEG, splénomégalie douloureuse, douleurs osseuses lors de la TA du score des PAL leucocytaires en absence d infection Blastes > 30 % dans la moelle osseuse LAL commune (25%), LAM (65%), mixte (10%)
LMC : DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL (1) - Myélofibrose idiopathique : Métaplasie myéloïde de la rate et myélosclérose Splénomégalie + + + Hépatomégalie ± marquée AEG + + + Hémogramme : Anémie normocytaire normochrome ( 100 g/l) Dacryocytes (Hématies en «larmes») Hyperleucocytose modérée (10-50 G/L) Myélémie franche, Erythroblastose Plaquettes :,, normales ou (Formes initiales avec hypercytose, cytopénie quand évolution) Absence de Chromosome Ph BOM : au début, hyperplasie avec fibrose pauci cellulaire Scintigraphie médullaire à 111 Indium: fixation splénique
LMC : DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL (2) - Leucémie myélomonocytaire chronique (LMMC) : Forme des sujets âgés : Hémogramme : - Anémie - Hyperleucocytose modérée Myélémie modérée mais monocytose + + + Myélogramme : moelle riche, myélodysplasique, excès de blastes Lysozyme sérique et urinaire Évolution ± rapide vers LA (30 % des cas) Forme juvénile : Cytologie : semblable à forme des sujets âgés Hypersplénisme Hb F Hypergammaglobulinémie Pronostic :
LMC : DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL (3) Leucémies à polynucléaires neutrophiles et réactions leucémoïdes : - Rarissimes - Polynucléose et splénomégalie - Le plus souvent, réaction leucémoïde avec hypersécrétion de G-CSF (suppuration profonde, pancréatite, cancer + + +) Leucémies à polynucléaires éosinophiles : - Rarissimes - Si anomalies du caryotype ou TA Leucémies à polynucléaires basophiles : - Rarissimes Myélémies isolées discrètes : tabagisme majeur, infections sévères
LMC : TRAITEMENT - Cf cours de chimiothérapie anticancéreuse
POLYGLOBULIE DE VAQUEZ Augmentation de la masse sanguine: >32 ml/kg chez la femme, > 36 ml/kg chez l homme Rare avant 40 ans, survient habituellement après 50 ans Faible prédominance masculine Symptomatologie : Non spécifique, en relation avec l inflation volémique et l hyperviscosité : Céphalées, vertiges, paresthésies, somnolence, dyspnée, troubles de la vue, Spécifique : Prurit à l eau + + + Signes cliniques : Érythrose cutanée (visage, paume des mains) et muqueuse Splénomégalie modérée (2/3 cas) HTA possible Veines rétiniennes congestives (Fond œil)
POLYGLOBULIE DE VAQUEZ : DIAGNOSTIC (1) Hémogramme : - Polyglobulie normocytaire normochrome - Hb > 16 g/dl chez la femme, > 18 g/dl chez l homme - Hyperleucocytose modérée (10 15 G/l) avec PNN dans 50% des cas - Discrète basophilie possible - Hyperplaquettose modérée (400 600 G/l) Mesure de la masse sanguine : confirmation de la polyglobulie ( > 32 ml/kg chez la femme, > 36 ml/kg chez l homme) Mutation Jak-2 V617F : présente dans plus de 99% des cas Biopsie Ostéo-Médullaire : - hypercellularité de la moelle osseuse - raréfaction des adipocytes - des mégacaryocytes Croissance spontanée des progéniteurs érythropoïétiques
Biopsies osteo-medullaires Moelle normale Maladie de Vaquez Culture de progéniteurs érythropoïétiques :
POLYGLOBULIE DE VAQUEZ : DIAGNOSTIC (2) Dosage de l EPO sérique : N l ou dans la maladie de Vaquez Phosphatase alcaline leucocytaire très de la vit B12 sérique, de l acide urique Fer sérique parfois en raison de l intense activité hématopoïétique Myélogramme sans intérêt
POLYGLOBULIE DE VAQUEZ : EVOLUTION Survie : 15 à 20 ans (peu de celle sujets normaux de même âge) Transformation possible en : - Splénomégalie Myéloïde avec Myélofibrose (30 % des cas) - Leucémie aiguë (10-15% des cas, favorisée par 32 P) Complications : - Thromboses : principales causes de mortalité de la M. de Vaquez veineuses ou artérielles, sièges divers (cérébral, membres inférieurs, coronaires, veines sus-hépatiques syndrome de Budd-Chiari - Hémorragies : épistaxis, hémorragies digestives - Crises de goutte - Ulcères gastriques
POLYGLOBULIE DE VAQUEZ : DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL (1) Éliminer les fausses polyglobulies : - Hémoconcentrations - Thalassémies mineures - Polyglobulie du nouveau-né Éliminer polyglobulies secondaires (hypersécrétion d EPO) : - Désaturation artérielle en O 2 : - Altitude - Pneumopathies obstructives chroniques - Tabagisme - Malformations cardio-vasculaires (shunt droit-gauche, anévrismes artérioveineux pulmonaires) - Mauvais transfert de l oxygène vers les tissus - Hb anormales ayant trop d affinité pour l O 2 - Déficit en 2,3 DPG - Methémoglobinémies congénitales
POLYGLOBULIE DE VAQUEZ DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL (2) Production inappropriée d EPO : - Pathologie rénale : - Cancer du rein - Sténose de l artère rénale - Polykystose rénale - Hépatome - Hémangioblastome du cervelet - Fibrome utérin - Troubles endocriniens : Phéochromocytomes, adénome de la surrénale, maladie de Cushing
POLYGLOBULIE DE VAQUEZ BASES DU TRAITEMENT Saignées : traitement d urgence quand forte polyglobulie - 400 ml/jr pendant une semaine Normalisation hématocrite - 400 ml une à 2x par mois: traitement de fond chez sujet jeune microcytose sidéropénique Normalisation hématocrite Hydréa : 1 000 mg/jr., de façon continue Vercyte : 25 mg/jr, indiqué quand hyperplaquettose associée 32 P : voie IV, 0,1 mci/10 kg de poids Normalisation hématocrite en 2 à 3 mois, rémissions complètes d 1 à 2 ans. Essentiellement chez sujets âgés Interféron alpha : Dans formes résistantes
THROMBOCYTHEMIE ESSENTIELLE Voir cours sur les Pathologies de l Hémostase Primaire