- Synthèse de l atelier 3 - Analyser un document ou un objet

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Transcription:

- Synthèse de l atelier 3 - Analyser un document ou un objet Comment enseigner la traite de manière à éviter les points d achoppement révélés par l enquête musée réalisée en 2011 auprès des élèves. les élèves pensent que les esclaves sont échangés contre de la pacotille. Ils sont essentiellement marqués par les conditions de vie des esclaves et notamment par les objets de violence. Ils ne font pas la différence entre traite et esclavage ; les esclaves sont noirs et les esclavagistes sont blancs. Faire évoluer cette vision nécessite un certain nombre de préalables : Distinguer l histoire de la mémoire : la mémoire se place du côté du sensible, elle porte jugement, elle relève de l éducation civique alors que l histoire se place du côté du réfléchi, elle ne porte pas de jugement, elle contextualise. Prendre le temps de faire émerger les représentations des élèves afin de dégager l objectif d apprentissage. Ici les élèves ont une vision manichéenne de la traite ; il est important de leur faire appréhender le contexte historique : économie, société La traite est avant tout un commerce qui a pris appui sur l existence de sociétés esclavagistes. Tout élève a de part ce qu il a lu vu ou entendu, une représentation sur les périodes historiques abordées. Si on ne prend pas le temps de recueillir ses représentations, on risque de ne pas faire évoluer ses compétences historiques. Ici il s agira de l amener à distinguer esclavage et à comprendre que la traite est un commerce. Eviter la surenchère documentaire qui éparpille les élèves et ne leur permet pas de faire des liens entre tout ce qui leur est présenté. Faire des choix éclairés, judicieux mais restreints d objets ou documents en fonction de l objectif d apprentissage. Lutter contre la tentation de l exhaustivité ; l élémentaire n est là que pour poser des fondations solides qui seront retravaillées au collège et au lycée. L exhaustivité risque de fragiliser ses fondations. L entrée sensible est une bonne entrée car elle marque les élèves ; l enquête révèle que les élèves qui ont pu bénéficier d une approche sensorielle avec la présentation d échantillons de produits exotiques, ont mieux retenu les produits d échanges et de retour. L entrée par le récit fictionnel est une entrée judicieuse mais elle ne peut se suffire à elle-même, elle doit être absolument mis au regard de la réalité historique (voir atelier «Graines de Cacao») L atelier 3 s est déroulé tel qu aurait pu se dérouler une séance en classe. Bertrand GUILLET, conservateur en chef et directeur du château des ducs de Bretagne, a sorti des objets des réserves du château. Dans un premier temps nous avons fait émerger les représentations des stagiaires. Ils ont observés et pris en main ces objets, ont essayé de les identifier et ont indiqué ce qu ils pensaient de leur rôle ou rapport avec la traite négrière. Bertrand Guillet a ensuite éclairé les stagiaires afin de replacer ces objets dans leur réalité historique.

Alors que la charge des programmes est souvent avancée comme une difficulté par les enseignants, ils ont ici pu prendre la mesure de l importance de choix judicieux et concis. En une heure trente d atelier avec seulement 9 objets et documents, l essentiel de ce que doit retenir un élève de la traite négrière a été dit. La présentation organisée des objets a permis de parcourir une campagne de traite du début à la fin. Les objets présentés Vous en trouverez ici le détail des propos de l atelier Indienne de la manufacture Charles Forestier 1780 Est-ce que c est fabriqué à Nantes? Est-ce que ça pouvait servir pour des vêtements? C était fabriqué à Nantes pour être échangé contre des captifs? Est-ce que c est un objet de valeur ou pas? Fabriqué à Nantes, oui, mais est-ce que c est acheté par des marchands ou pas? Au départ c est pas fabriqué à Nantes, c est ramené par la compagnie des Indes. Pourquoi avez-vous dit que c était fabriqué à Nantes? Parce que c est du coton, c est ça? Oui!... mais je le sais. Mais quand ça venait de Chine, est-ce que c était en soie ou en coton? C était moins cher de les faire faire à Nantes, une fois qu on avait compris le procédé de fabrication, il y avait qu à les copier et c était moins cher que de les faire venir et puis ça permettait peutêtre de développer les industries à Nantes j imagine? Il s agit bien d une indienne, en coton, fabriquée à Nantes dans les années 1780. Une première chose très intéressante a été dite «la compagnie des Indes, fabriqué à Nantes». Nantes participe au commerce de la compagnie des Indes et nous sommes une économie globale. C est l une des explications de la place de Nantes dans la traite négrière. Effectivement la cargaison d un navire de la compagnie des indes est constituée d indiennes parce que c est à la mode et aussi parce qu il y a eu

une interdiction de fabriquer des indiennes en France. Puis cette interdiction est levée ; dés 1760 des manufactures d indiennes se créent à Nantes. Nantes occupe une place importante dans la fabrication d indiennes ; à la fin du XVIIIe siècle, environ 3000 ouvriers travaillent à leur fabrication. Nantes se spécialise dans la redistribution des produits de la Compagnie des Indes. Il y a à Nantes une maitrise de cette économie autour des indiennes, que ce soit de la production locale ou de l importation de toiles venant d Inde et non de Chine, car la soie ne faisait pas partie des cargaisons de traite. C est un objet de luxe qui vaut très cher, qui équivaut environ à un salaire journalier. Les indiennes restent un élément fondamental puisque c est ce que demande avant tout les marchands africains. Question : Pourquoi Nantes a le monopole de la compagnie des Indes? La compagnie des Indes a le monopole du commerce vers l Inde et la Chine mais n a pas encore de port. Nantes est une place portuaire et a l avantage d avoir formée une communauté extrêmement habile et négociante comme à Bordeaux où elle-ci est déjà fortement engagée dans le commerce en droiture. Question : Est-ce qu on a développé des manufactures en France parce que c était moins cher que de les faire venir d Inde? Oui bien sûr parce qu en plus elles étaient fortement taxées. Image à déconstruire : «traite et esclavage c est la même chose.» Manille de traite 18 e siècle Bracelet/Bijou/Attache/Fermeture/Bronze/Modèle identique/pour marquer au fer les esclaves à l oreille/objet le plus énigmatique. C est un modèle générique. Ce n est pas un bracelet, une boucle d oreille. C est un lingot, c'est-à-dire que derrière la forme il y a le métal. Donc vous êtes là encore face à une cargaison de traite : textile, fer, bronze, étain. On a ici un réseau d échanges entre l Europe et l Afrique sur des matières premières importantes. En fonction des localisations africaines vous avez des étalons différents : manille, barre de fer Aujourd hui en Afrique y compris sur le plan archéologique vous trouvez très peu de manilles car dès qu elles étaient dans les mains des africains, elles étaient fondues. Les manilles récupérées viennent de naufrages ou alors sont restées en Europe. Image à déconstruire : «ce sont des bijoux pour les africains et ils sont capables d échanger un esclave pour un bijou.»

Perles de traite 18 e siècle Attachées par 3 ou 4 pourquoi?/verroterie/ Pâte de verre ou verre/ Où est-ce fabriqué?/monnaie d échange ou autre chose?/amorce de négociation/utilisées en Europe ou non/couleurs signifiantes ou non/ Transformées ou utilisées tel quel? Leur attache n est pas signifiante, c est uniquement pour des raisons de conservation. Les couleurs n ont pas de signification particulière. C est du verre. Cette verroterie est fabriquée en Europe ; ça peut être du Murano ou venir de Hollande. Si certaines ont pu être portées sur des coiffes etc., ça reste de l échange de verre ; c est aussi un lingot et chaque région a sa spécificité et sa façon de les désigner ; on ne trouvera pas toujours le même terme dans les livres de compte, en Angola par exemple, on trouvera le mot razade. C est le même processus que pour le métal. On est dans une économie globale. Si on lit un livre de compte on peut s apercevoir dans l amorce de négociation (c est ce qu on retrouvera sous l appellation «Présents»), les perles sont effectivement utilisées mais en très petite quantité par rapport au volume global des perles utilisées dans la Traite. Il s agit d une monnaie d échange et on est bien loin de l image de l esclave échangé contre des pacotilles au sens «objet sans valeur». Le terme «Pacotille» vient de la notion de «Paquet». On n a pas de monnaie alors on crée des étalons avec de la petite marchandise (perle, manille) et de la grande marchandise (indienne). Un esclave s échange contre un certain nombre de paquets. Question : Pourquoi les africains sont demandeurs de ce type de produits alors qu il y a une production textile en Afrique et des mines? Plusieurs thèses historiques, en voici une. L arrivée des occidentaux en Afrique a fait basculer l économie des pays africains ; notamment des portugais et espagnols ont eu la volonté délibérée de noyer le marché traditionnel de produits européens. Les produits importés se sont trouvés être moins chers que les produits locaux. La seconde : l importance du tissu dans l affirmation du rang social, dans les états africains. Le textile et la propriété était un signe de pouvoir. En parallèle, les plantations coloniales aux Antilles avaient besoin d esclaves et par le jeu de l offre et de la demande, les esclaves ont été échangés contre des paquets composés de verre, de métal et de textile. Les perles pouvaient être transformées en Afrique en bijoux au même titre que le métal. Dans les grands musées comme Branly et le Métropolitan, on retrouve des plaques de bronze faites au Bénin, qui on été fabriqués à partir des métaux de la traite. Au Métropolitan, une des plaques représente d ailleurs la nature de l échange. Image à déconstruire : «c est des bijoux pour les africains et ils sont capables d échanger un esclave pour un bijou.»

-Tableau de la vente de la cargaison du navire négrier le "Père de Famille" de Nantes [ ] Port-au-Prince 10 novembre 1788 - Plan, profil et distribution du navire la Marie Séraphique de Nantes [ ] René Lhermitte Vers 1770 C est grand, destiné à être affiché?/dessin avec détail de cargaison/aucun élément sur la vie des marins?/document difficile à aborder avec des élèves/très difficile à aborder au musée pour des problèmes de lisibilité/intéressant pour que les élèves voient le côté comptable. Ce sont des documents d archives économiques. Ils ont le format de l époque ce sont des folios qui ne sont pas destinés à être affichés, ce sont des livres de comptes privés d une campagne de traite. Ils n ont aucune vocation à parler de la vie de l équipage. Ce qu il faut savoir c est que le capitaine a souvent des parts dans la campagne ou tout du moins la confiance de l armateur. L armateur a besoin d un capitaine qui sache naviguer, tenir un équipage, négocier en Afrique, négocier aux Antilles et qui va devoir gagner de l argent. C est un système très établi qui tient sa comptabilité. Ce ne sont pas des livres de bord (qui racontent l expédition) mais des livres de traite qui recensent les achats pendant la campagne de traite. Le capitaine va ouvrir le livre de traite à son arrivée en Afrique et va y consigner tous les achats, pertes, frais etc. pour les remettre à l armateur à son retour. La traite peut durer de 15 jours à 3 mois ; parce que l offre n est pas toujours intéressante, qu on peut faire patienter un équipage pour faire monter les cours etc. Les comptables vont mettre en place des tableaux : un tableau de synthèse des achats en Afrique et un tableau de synthèse des ventes aux Antilles. Les dessins qui figurent sur ces documents sont excessivement rares. Ils n ont pas d équivalent. Pourquoi des dessins? On ne le sait pas. Par contre, ils ont un intérêt tout particulier car ce sont les seuls documents iconographiques qui existent et qui donnent une vision honnête et objective d une campagne de traite. En général les documents iconographiques ont été faits à la fin XVIIIe siècle par des abolitionnistes. Ces documents eux n avaient aucune vocation à circuler, à être supports de propagande L image de l entrepont permet d éclairer la fameuse idée de l entassement et les autres images permettent d aborder le temps d achat des captifs. Temps long car on achète les captifs à l unité, par lot de 3, de 5 ; tous les jours des pirogues ramènent les esclaves achetés à bord. Le capitaine loue une petite cabane dans laquelle s organise le commerce avec les négociants africains. Et ça prend beaucoup de temps pour arriver à la capacité du navire. Un captif qui est acheté au premier temps de la traite peut rester 2 mois sur le navire avant de traverser l océan. Ce que craignent les capitaines c est la fuite des esclaves. Ils sont donc ferrés pendant le temps de la traite. La nuit ils sont ferrés dans l entrepont, le jour ils sont ferrés sur le pont. Lorsque le bateau est loin des côtes, on ne craint plus la fuite donc on déferre les esclaves. La capacité du navire n est pas laissée au bon vouloir du capitaine. C est l armateur qui en fonction de la

capacité du navire décide du nombre d esclaves à ramener en essayant de faire en sorte de faire le choix le moins risqué. Il est hors de question de perdre un esclave. Un esclave coûte cher! Il coûte environ 150 livres ce qui correspond au salaire mensuel du capitaine ou au salaire annuel d un ouvrier nantais. Armer un navire coûte 300 000 livres ou l équivalent à la même époque d un hôtel particulier à Nantes. Pour réunir un tel budget l armateur avait besoin d actionnaires qui touchaient un retour sur investissement d où la nécessité d avoir une comptabilité précise afin de présenter le bilan comptable aux actionnaires. On trouve dans ce bilan comptable la coutume (éléments d amorce à la négociation), le courtage (éléments demandés par les négociants), les frais (frais de pirogue, de porteur ), la consommation (usages quotidien de l équipage). Il y a également ce qu on appelle le port permis. L armateur stipule au capitaine qu il aura tant de port permis ; ce qui signifie qu il permet lui permet d acheter personnellement un certain nombre d esclaves qu il pourra revendre, ce qui est une forme de gratification. On mentionne aussi le nombre de morts puisque c est une perte économique. Le deuxième document décrit le processus de vente aux Antilles. L image permet de voir les acheteurs qui arrivent, qui montent à bord, qui examinent les noirs, qui traitent avec le capitaine du marché et qui repartent avec leurs noirs. Ce sont les tableaux de vente qui désignent les acheteurs qui paient l armateur en sucre ; les valeurs indiquées sont des valeurs en tonneaux de sucre. Un esclave est acheté 150 livres et revendu 300 livres. C est donc une somme importante pour les planteurs qui ont besoin de renouveler leurs esclaves car la moyenne de la durée de vie sur une plantation est de dix ans. Le renouvellement pourrait se faire par reproduction interne mais il est plus économique de renouveler avec la traite. Le planteur va mettre beaucoup de temps à payer l armateur : on appelle cela la queue de traite. Ici elle est de deux ans mais peut durer de 10 à 15 ans. Lorsqu on regarde les acheteurs on constate qu il y a des noms africains ; peut être un noir libre, un mulâtre, un gérant de plantation noir mais il n y a pas que des blancs. On n est pas ici dans un rapport d épiderme mais dans une économie. On trouve aussi le chevalier Saint Georges pourtant une icône de l émancipation mais qui a acheté un petit négrillon. Image à déconstruire : L équipage était inexpérimenté, on bourrait les bateaux au maximum, peu importe les épidémies, les morts. Un esclave ne coûtait rien. C était un commerce juteux qui ne demandait pas grand investissement. Seuls les européens étaient esclavagistes. Petit modèle de pot à mélasse provenant de la raffinerie Renaud, rue de Richebourg Début du 19 e siècle Dépôt du service de l archéologie, Direction régionale des affaires culturelles au musée d histoire de Nantes C est un pot à Mélasse d une raffinerie nantaise. C est un objet qui symbolise l accomplissement et la finalité de l expédition négrière. Le gain de l expédition ne se fait pas sur la vente des esclaves : l achat et la vente des captifs va financer l expédition. Ce qui va faire les bénéfices, c est la valeur ajoutée sur le sucre. C est une denrée du quotidien qui est au cœur de l économie négrière. Evidemment on rapporte aussi du café et d autres denrées mais le sucre représente 70 à 80 % des produits rapportés. Image à déconstruire : c est la vente des captifs qui rapporte.

Armoire en acajou Nantes Vers 1760 C est un mobilier très particulier qui est produit au cours du XVIII ème siècle. Chaque port a son langage stylistique. Ces meubles sont fabriqués en acajou massif et ils sont principalement destinés à la grande aristocratie et à la grande bourgeoisie négociante. Ce sont des meubles qui participent de la réussite de l armateur en faisant référence par le matériau, l acajou, à un matériau venant des colonies. Ce sont des bois qui sont ramenés et traités par des ébénistes locaux pour produire un meuble participant à la réussite sociale de l armateur. Les madriers qui arrivent ont forcément été débités aux Antilles par une population esclave. C est un objet qui symbolise à la fois le système esclavagiste aux Antilles et qui participe à une démonstration sociale à Nantes. Rapporteur Véronique JULLIEN CPC Saint Sébastien Vertou Chargée de mission au Château des ducs