Pr Ag. W. Achour Centre National de greffe de Moelle Osseuse INFECTIONS SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES EN DEHORS DU SIDA : CAS CLINIQUE

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D A N S L E S PAY S F R A N C O P H O N E S

Transcription:

Pr Ag. W. Achour Centre National de greffe de Moelle Osseuse INFECTIONS SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES EN DEHORS DU SIDA : CAS CLINIQUE

A la fin juillet 2010, un jeune homme hétérosexuel, d une vingtaine d années, consulte son médecin pour l apparition brutale d un écoulement urétral accompagné de dysurie et de douleur pharyngée Quatre jours auparavant, à l occasion d un voyage au Japon, il a eu un rapport sexuel vaginal protégé et oral non protégé avec une femme L examen clinique retrouve une inflammation urétrale et pharyngée

QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC? SUR QUELS ÉLÉMENTS?

Urétrite et pharyngite gonococcique Notion d un rapport sexuel à risque, non protégé Symptomatologie d urétrite aigue avec écoulement urétral et dysurie Symptomatologie de pharyngite aigue Délai d incubation de 4 jours 2 à 6 j dans urétrite gonococcique / 1 à 5 semaines (généralement 2 à 3 semaines) dans urétrite non gonococcique

QUELS PRÉLÈVEMENTS MICROBIOLOGIQUES A VISÉE ÉTIOLOGIQUE DEMANDEZ VOUS?

Prélèvements microbiologiques Prélèvement urétral Coloration de Gram : CGN intra cellulaires : sensibilité >95% et de spécificité supérieur à99 %, forte valeur prédictive positive Mise en culture : Réussite dépend de la qualité du prélèvement et des conditions de transport des échantillons ou encore de l ensemencement immédiat du milieu de culture Prélèvement pharyngé Mise en culture Echantillon d urine 10 a 20 ml du premier jet d urine, de préférence après ne pas avoir urine pendant > 2 heures Test d amplification des acides nucléiques (TAAN) pour C. trachomatis +/ N. gonorrhoeae (plus sensible que la culture) TAAN sur urines (+) à N. gonorrheoae

QUEL TRAITEMENT PRESCRIVEZ VOUS?

Principes généraux Viser C. Trachomatis, sauf si tests de chlamydia ( ) Taux d échec < 5% Monodose +++ (Taux sériques > 4 x CMI90 pour 10 H) Infection à N. gonorrhoeae : C3G +++ Azithromycine (2g) (Barry and Klausner, 2009): émergence de souches avec CMI élevées en Europe et aux USA Spectinomycine (2mg en IM) (Barry and Klausner, 2009) : inefficace pour traitement des infections pharyngées/génitales (51,8%/98.2%) Résistance documentée rare et sporadique

Principes généraux C3G +++ (Barry and Klausner, 2009) : Bactéricidie maximale à4 x CMI Efficacité thérapeutique infection génitale / pharyngée : Ceftriaxone 250 : 99,2% /98,9% Céfixime 400 : 97,5%/92,3% Dose usuelle Pic sérique (mg/l) Demi vie (H) Taux 10H après pic sérique (mg/l) CMI 90 limites hypothétiques (10H conc>4) (mg/l) Cefixime 400 mg 4,5 3 4 0,446 0,795 0,112 0,199 Ceftriaxone 125 ou 250 mg (données pk pour 125 mg) 13,5 5,8 8,7 4,086 6,086 1,022 1,521 Pas de capacité pharmacologique suffisante pour s accomoder avec CMI

Données Tunisiennes (Abdelhedi et al, Rev Tun Infect 2011) Etude rétrospective (2004 10), Sfax 107 souches de N. gonorrhoeae Prélèvements urétraux (95%) Taux de résistance aux ATB : béta lactamase (+) : 24 % Tétracycline : 25% Fluoroquinolones : 33% (10% en 2006 à 69,6% en 2010) 16/24 des souches béta lactamase (+) Spectinomycine et C3G : aucune résistance

Urétrite et pharyngite gonococcique (CDC, 2010) Ceftriaxone (250 mg, IM, dose unique) PLUS Doxycycline (100 mg, p.o., 2 fois/j. x 7j) OU Azithromycine (1 g, p.o., dose unique) ( efficacité traitement infection pharyngée)

Le patient a été mis sous amoxicilline et adressé pour une consultation d infections sexuellement transmissibles A J12 : A J36 : patient ne rapporte pas de rapports sexuels depuis J1 d infection asymptomatique Examen : inflammation pharyngée culture ( ) prélèvement urétral et TAAN ( ) prélèvement pharyngé (+) à N. gonorrhoeae ceftriaxone (250 mg) àj26 inflammation pharyngée, prélèvement pharyngé (+) à N. gonorrhoeae

COMMENT EXPLIQUEZ VOUS LA PERSISTANCE DE N. GONORRHOAE AU NIVEAU DU PHARYNX?

Causes possibles infection contractée auprès d un nouveau partenaire traitement non suivi correctement ou incomplet infection due a d autres agents pathogenes présence de micro organismes résistants autres causes CMI ceftriaxone : 0,125 mg/l (J12) CMI si > 0,125 mg/l (GRASP) ou > 0,125 (ESSTI) ou > 0,5 mg/l CLSI (Barry and Klausner, 2009)

A J36 : inflammation pharyngée, prélèvement pharyngé (+) à N. gonorrhoeae ceftriaxone (500 mg) A J43 A J50 : inflammation pharyngée, prélèvement pharyngé (+) à N. gonorrhoeae consultation d ORL : pas d anomalies pharyngées ceftriaxone (1g en IV ) àj71 A J85 et J92 : pas d inflammation pharyngée, cultures ( ) des prélèvements pharyngés Caractérisation des souches de N. gonorrhoeae isolées : CMI ceftriaxone : 0,125 mg/l (J12 et J36), 0,25 mg/l (J50) Souches identiques : sérovar, séquençage complet Por B, ST2958 Allèle identique pena en mosaique (correlé à des échecs thérapeutique sous cefixime), altérations de mtrr et penb ( CMI des C3G)

EST CE QUE CES DONNES PERMETTENT DE CONCLURE À UN ECHEC THÉRAPEUTIQUE SOUS CEFTRIAXONE?

Echec thérapeutique confirmé Histoire clinique détaillée Exclusion d une réexposition et d une réinfection dans les limites du possible Souches pré et post thérapeutiques indifférentiables selon des marqueurs épidémiologiques hautement discriminants CMI ceftriaxone élevées Souches contenant des déterminants de résistance CMI

Résistance très rare aux C3G Asie ( CMI dès fin années 90 début 00) Australie, Europe, USA (résistance de novo, sélection ATB, diffusion clonale), souches très rares (M. Pennan et al., 2009) Japon : 1 ère souche résistance haut niveau ceftriaxone (CMI=2 mg/l), pharynx, asymptomatique, éradiquée s/s ceftriaxone IV (1 dose, 1g) (M. Ohnishi et al., 2011) Echecs thérapeutiques confirmés exceptionnels Sous cefixime : 2 cas de pharyngites, Japon (J. W. Tapsall et al., 2009) 2 cas d urétrites, Norvège (M. Unemo et al., 2010) Sous ceftriaxone : Cas de pharyngites 2 cas en Australie non corrélés àla résistance (J. Tapsall et al, 2009), 1 cas en suède corrélé à la résistance (M. Unemo et al., 2011)

Conclusion Adhésion stricte aux recommandations diagnostic et traitement des IST Prélèvements diagnostic étiologique, sensibilité aux ATB Émergence et diffusion de souches de sensibilité diminuée aux C3G échecs thérapeutiques exceptionnels augmentation des doses guérison Infection pharyngée : Souvent asymptomatique Taux de guérison < infection uro génitale réservoir pour infection et résistance aux antibiotiques dépistage : interrogatoire pratiques sexuelles, prélèvements extra génitaux