Le contentieux : Un outil efficace pour contrôler la pollution atmosphérique? Maître Carl ENCKELL Avocat Associé Cabinet ADAMAS

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Transcription:

Le contentieux : Un outil efficace pour contrôler la pollution atmosphérique? Maître Carl ENCKELL Avocat Associé Cabinet ADAMAS

I. LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE ET LE SYSTÈME NORMATIF TRADITIONNEL DU DROIT DE L ENVIRONNEMENT: La réglementation II. LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE ET LES NOUVEAUX OUTILS NORMATIFS : L incitation (les instruments de marché)

I. LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE ET LE SYSTÈME NORMATIF TRADITIONNEL DU DROIT DE L ENVIRONNEMENT: La réglementation Le système normatif «traditionnel» du droit de l environnement repose sur un mécanisme réglementaire «unilatéral» à l égard des destinataires. En matière de pollution atmosphérique, la réglementation impose aux entreprises de respecter des seuils techniques (de rejets dans l atmosphère par exemple). Comment garantir l efficacité de ce système et quel avantage peut avoir le contentieux?

Exemple de la nouvelle réglementation thermique française applicable aux constructions de bâtiments neufs La nouvelle réglementation thermique (RT) française applicable aux constructions de bâtiments neufs est destinée à plafonner la consommation en énergie des bâtiments, c est-à-dire : - Chauffage, - refroidissement, - production d eau chaude sanitaire, - éclairage et auxiliaires Elle doit garantir la capacité théorique du bâtiment à respecter un seuil donné.

En pratique, ce seuil est exprimé en kilowattheures par mètre carré et par an. On parle de 50 kwh/m²/an (modulé selon les zones climatiques et les types de bâtiment) pour la réglementation thermique française applicable à partir de l année 2012 (RT 2012) «bâtiments à basse consommation» A partir de l année 2020, le seuil sera de 0 kwh/m²/an (RT 2020) «bâtiments à à énergie positive» Comment faire pour la mise en œuvre? La réglementation a prévu un double mécanisme de contrôle: avant l autorisation de construire puis après l achèvement des travaux

Contrôle avant l autorisation de construire Les textes prévoient que le demandeur (maître d ouvrage) du permis de construire joigne à son dossier une attestation selon laquelle le projet est conforme à la réglementation thermique (RT). C est le même mécanisme qui s applique à d autres normes : incendie, accessibilité handicapés Si le dossier ne répond pas à l exigence légale, l Administration doit refuser le permis.

En matière contentieuse? Un recours (devant le juge administratif) peut éventuellement garantir une bonne application de la règle de droit. Mais il s agit d un système purement déclaratif (comme pour les autres normes relatives à des émissions ou des rejets dans l atmosphère). Le maître d ouvrage ne prend donc pas trop de risques. En outre, la réglementation thermique n a pas de conséquence directe perceptible sur le voisinage. Le risque de recours est faible.

Contrôle après la réalisation des travaux Après l achèvement des travaux, le maître d ouvrage doit fournir à l administration, une attestation de conformité. Cette attestation est délivrée par un contrôleur technique, un diagnostiqueur, un organisme certificateur ou un architecte. C est à ce stade que va s apprécier l efficacité du système.

En matière contentieuse? La systématisation d un contrôle a posteriori ouvre de nouvelles perspectives: - la responsabilité des organismes certificateurs (responsabilité contractuelle vis-à vis des maîtres d ouvrage) - le contrôle des professionnels entre eux, car la réglementation thermique implique des investissements couteux - la responsabilité des maître d ouvrages à l égard des acheteurs des bâtiments

Questions? Comment et par qui la norme est-elle fixée pour de nouvelles technologies? Comment fixer le bon seuil? (pour la valorisation des déchets par exemple) Cela pose la question de la légalité et de l efficacité de la réglementation. Tendance à passer d une réglementation sectorielle (air, eau, déchets) à une réglementation intégrée. Quelle autre option que le contentieux pour assurer l efficacité du système normatif? : exemple de l instrument de marché

II. LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE ET LES NOUVEAUX OUTILS NORMATIFS DU DROIT DE L ENVIRONNEMENT: L incitation (les «instruments de marché») De nouveaux outils juridiques ont été mis en place pour sortir de la relation binaire: obligation / sanction. Ils tendent à récompenser les comportements vertueux. Nous connaissons déjà le cas de fiscalité «verte». Par exemple: la taxe générale sur les activités polluantes payée par les centre de stockage de déchets est variable selon la valorisation du biogaz. La mise en place d «instruments de marché» est un moyen plus original d incitation des destinataires (entreprises et industriels).

Exemple de la mise en place d un système d échange de quotas d émissions de gaz à effet de serre (GES) Ce dispositif fait reposer la lutte contre l émission de gaz à effet de serre sur le «marché» (le libre échange). Un marché artificiel de quotas d émission de gaz à effet de serre a donc été créé. Il est régulé à l échelle européenne. En pratique, l Europe puis chaque Etat (pays) membre de l union européenne fixe annuellement le nombre de quotas attribués aux entreprises concernées. Ces quotas ont une valeur marchande. Ce système original implique que la régulation publique utilise les mécanismes du marché (du commerce).

Il poursuit l objectif final d assurer une meilleure protection de l air et de l atmosphère : contribuer à la stabilisation et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour y parvenir, un droit de propriété a été instauré sur des quotas d émission de gaz à effet de serre. Le bon fonctionnement du marché financier de ces quotas implique qu une entreprise économe en émission de gaz puisse céder ses droits à une entreprise moins économe (donc plus polluante). Pour éviter des sanctions financières prévus par la loi, cette dernière aura intérêt à acheter les quotas disponibles. Le système d échange a donc pour but d'inciter progressivement les entreprises à réduire leurs émissions de CO² en investissant dans des installations moins polluantes ; le total des quotas en circulation étant fixé pour garantir une réduction globale des émissions.

Ces quotas d émissions relèvent-t-ils d une information financière (secrète) ou environnementale (publique)? C est la question qu a posée la Ville de Lyon en 2006 dans le cadre de la renégociation d un contrat de délégation de service public de l installation de chauffage urbain municipale. La Ville a souhaité prendre en compte les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle a demandé à l administrateur du registre national des quotas (une institution financière publique française) de lui communiquer des informations permettant d optimiser les conditions de la renégociation du contrat : a - volumes de quotas vendus en 2005 par les exploitants gérant les 209 sites de chauffage urbain français auxquels avaient été affectés des quotas d émission ; b - date des transactions ; c - identité des acheteurs.

2 séries de textes sont applicables : - La loi spéciale relative au mécanisme financier de valorisation des quotas de gaz à effet de serre: selon laquelle information financière est confidentielle - La loi générale relative à la protection de l environnement selon laquelle une information environnementale est publique Ces deux textes de loi proviennent de deux directives européennes. En pratique, l administration a refusé de communiquer les informations demandées par la ville de Lyon. Un procès a eu lieu et a conduit à une décision de la Cour de Justice de l Union Européenne (plus haute juridiction de toute l Union Européenne, dont les décisions s imposent aux 27 pays membres)

Arrêt de la Cour de Justice de l Union Européenne du 22 décembre 2010 : Le régime de confidentialité (pendant une période de 5 ans) prévu par le texte spécial relatif aux quotas de gaz à effets de serre l emporte sur le régime de communication immédiate prévu par le texte général relatif à l environnement. Les informations demandées ne relèvent donc pas d informations environnementales mais du secret des affaires. L instrument de marché mis en place l emporte sur l objectif poursuivit. Pourtant, la confidentialité n est pas nécessairement une garantie de l efficacité du système, dès lors que celui-ci a déjà révélé des limites : spéculation, financiarisation et quelques cas de fraude.

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