Prise en charge des thrombopénies pendant la grossesse

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Transcription:

Dr Pierre MONCHARMONT Laboratoire d immunologie plaquettaire EFS Rhône Alpes Site de Lyon Gerland

Introduction La thrombopénie maternelle n est pas un événement rare en cours de. Elle impose un diagnostic étiologique précis en vue d une prise en charge adaptée à la pathologie. Définir les conséquences pour les s ultérieures est indispensable en vue de mettre en place un suivi correspondant à la pathologie maternelle observée et, si nécessaire, une thérapeutique adaptée.

Introduction Le diagnostic de thrombopénie maternelle établi, il est indispensable de rechercher chez la mère sa ou ses causes et d apprécier la répercussion fœtale et néonatale réelle ou potentielle. Les étiologies sont très nombreuses et couvrent des domaines très variés incluant des pathologies secondaires à la, des pathologies familiales, infectieuse et immunitaires.

Introduction L immunisation anti-plaquettaire peut se répercuter sur les fonctions assurées par les plaquettes dans l organisme, soit par diminution de leur nombre, soit par blocage de certaines protéines présentes à la surface des plaquettes dus aux anticorps et jouant un rôle fonctionnel majeur, soit par les deux. Chez une patiente comme chez le fœtus et le nouveau-né, de telles atteintes peuvent aboutir à des complications hémorragiques graves, l hémorragie intracrânienne (HIC) représentant la forme majeure.

Diagnostic de la thrombopénie maternelle L existence d une thrombopénie peut être recherchée en présence : de signes évocateurs (pétéchies, purpura, hémorragies), dans le contexte d une pathologie donnée, ou être découverte de façon fortuite à l occasion d une numération sanguine pratiquée en cours de ou peu avant l accouchement (programmation d une anesthésie péridurale par exemple).

Diagnostic de la thrombopénie maternelle Un nombre de plaquettes inférieur à 150 x 10 9 /L et surtout une diminution importante des plaquettes doivent conduire à établir le diagnostic étiologique après avoir éliminé des anomalies biologiques telles que: l agglutination des plaquettes à l EDTA (contrôle sur tube citraté) la présence de microagrégats (réalisation d un frottis sanguin),

LES THROMBOPENIES NON IMMUNES

La thrombopénie gestationnelle Elle est détectée surtout en fin de, reste isolée, modérée (taux de plaquettes à 70 x 10 9 /L ou plus). Elle peut avoir déjà été présente lors de s antérieures. Elle disparaît spontanément après l accouchement Cette thrombopénie n aurait aucune conséquence pour le fœtus. Ce diagnostic est fréquent (75% des cas). Cependant, les autres causes de thrombopénie maternelle et les causes de thrombopénie fœtale doivent être éliminées avant de poser ce diagnostic.

La thrombopénie gestationnelle La conduite à tenir est simple. La surveillance de la et les conditions de l accouchement reposent sur les données obstétricales. La disparition de la thrombopénie maternelle et l absence de thrombopénie néonatale sur les huit premiers jours de vie doivent être recherchées après l accouchement, en particulier chez la primipare. Le ou les mécanismes en cause seraient: Une consommation accrue de plaquettes au niveau placentaire. Une dépression de la mégacaryocytopoièse maternelle.

Les thrombopénies secondaires à une pathologie de la En dehors des thrombopénies d origine immunologique, de nombreuses pathologies peuvent être responsables de thrombopénie pendant la. Ces causes constituent le diagnostic différentiel. La toxémie gravidique Associant une hypertension artérielle et une protéinurie, elle peut aboutir à une éclampsie avec convulsions dans les formes sévères. L ischémie placentaire induite par le défaut de développement des artères spiralées provoque une atteinte des cellules endothéliales avec une activation et une destruction des plaquettes. La thrombopénie, observée dans 10 à 15% des cas, reste modérée et est présente dès le premier trimestre.

Le HELLP syndrome Il associe: Une hémolyse (Hemolysis) avec présence de schizocytes. Une augmentation du taux des enzymes hépatiques (Elevated Liver Enzymes). Une thrombopénie (Low Platelet count). Cette pathologie apparaît entre la 27 ème et la 36 ème SG et peut se compliquer d une coagulation intravasculaire disséminée de mauvais pronostic. La thrombopénie peut être sévère (moins de 50 x 10 9 /L). La stéatose hépatique gravidique aiguë (1 / 17000 à 1 / 20000 s)

Les thrombopénies indépendantes d une pathologie de la Les thrombopénies avec atteinte systémique Les thrombopénies infectieuses La thrombopénie de la maladie de Willebrand de type 2B Les thrombopénies familiales

Les thrombopénies avec atteinte systémique : Le purpura thrombopénique thrombopathique (PTT) / Syndrome hémolytique et urémique (SHU) Dans ces pathologies, la microangiopathie s accompagne biologiquement d une anémie hémolytique mécanique avec fragmentation des hématies (schizocytes) et d une thrombopénie. Le PTT apparaît en général avant la 24 ème semaine de (SG) avec manifestations neurologiques, fièvre et insuffisance rénale. Le traitement repose sur la réalisation d échanges plasmatiques et de transfusions de plasma frais congelé. Le SHU est exceptionnel en cours de.

Les thrombopénies infectieuses Une infection bactérienne ou virale lors d une peut être à l origine d une thrombopénie. Le diagnostic du type d infection permet d initialiser une thérapeutique adaptée.

La thrombopénie de la maladie de Willebrand type 2B Le facteur Willebrand présente, dans cette pathologie, une affinité accrue pour le complexe GP Ib IX V. Ce phénomène induit une agglutination plaquettaire à l origine de la thrombopénie. L augmentation du taux du facteur Willebrand en fin de peut provoquer une thrombopénie sévère.

Les thrombopénies familiales La thrombopénie peut être connue avant la ou être révélée par une numération sanguine réalisée dans ce contexte. La thrombopénie peut s aggraver au cours de la en suivant l évolution du taux «physiologique». Une correction de la thrombopénie s effectue après l accouchement avec un retour au taux antérieur. Une numération des plaquettes est à réaliser chez les membres de la famille.

LES THROMBOPENIES IMMUNES

Rappel d immunologie plaquettaire Remarque préalable: Si certains systèmes antigéniques plaquettaires spécifiques sont actuellement bien définis, des progrès substantiels restent à réaliser dans la connaissance des antigènes plaquettaires et des anticorps correspondants. Sur le plan technique, rapportés à d autres domaines de l immunologie, des progrès considérables sont à effectuer, notamment dans le diagnostic en routine au laboratoire

Les antigènes portés par les plaquettes Ils sont très nombreux et intéressent différents systèmes. 1 Le système ABO Les antigènes A et/ou B sont présents à la surface des plaquettes. 2 Les antigènes du CMH ou antigènes HLA Seuls les antigènes HLA de classe I sont portés par les plaquettes. 3 Les antigènes propres aux plaquettes Vingt sept systèmes ont été décrits. Seuls 6 sont clairement définis. En nomenclature internationale, les systèmes sont dénommés «Human Platelet Antigen» (HPA). Ils sont numérotés de 1 à 27. Exemple : HPA-1.

Chaque système est bi-allèlique. Il comporte deux allèles, un allèle «a» de haute fréquence et un allèle «b» de basse fréquence. Dans dans 2 systèmes, un troisième allèle a été décrit. Exemples : Antigènes HPA-1a, HPA-5b. Trois systèmes sont importants et à connaître en pratique courante, car responsables de la majorité des conflits immunologiques : - Système HPA-1. - Système HPA-3. - Système HPA-5.

Des antigènes spécifiques sont portés par les trois GP majeures (GP Ia IIa, GP IIb IIIa et GP Ib IX). - Antigènes du système HPA-1 GP IIb IIIa. - Antigènes du système HPA-3 GP IIb IIIa. - Antigènes du système HPA-5 GP Ia IIa. Ces systèmes sont le plus souvent impliqués dans les allo-immunisations.

GP ROLE FONCTION Ia IIa Récepteur du collagène Activation plaquettaire IIb IIIa Fixation du fibrinogène Agrégation Ib IX Récepteur du facteur Activation plaquettaire Von Willebrand ( vwf ) Récepteur de la thrombine IV Récepteur du collagène Adhésion au collagène

La recherche des anticorps anti-plaquettes Elle concerne : - Les anticorps fixés sur les propres plaquettes du patient (autoanticorps). - Les anticorps libres sériques (allo- et/ou auto-anticorps). Les techniques se classent en deux catégories principales : - Les techniques globales. - Les techniques spécifiques. Elles permettent de travailler à deux niveaux : - La détection des anticorps (dépistage). - L identification du ou des anticorps dépistés.

Les techniques globales (dépistage) Elles permettent de savoir si des anticorps anti-plaquettes sont présents ou non, sans en préciser la spécificité. Cytométrie en flux (équipement). Test de «Coombs plaquettaire» radioactif (Substances radioactives). Test ELISA (Enzyme Linked ImmunoSorbent Assay) de réalisation aisée. Immunocapture de réalisation aisée.

Les techniques spécifiques (identification) Elles précisent la spécificité du ou des anticorps anti-plaquettes. «Monoclonal Antibody-specific Immobilization of Platelet Antigens» assay (MAIPA) (+++), technique de référence. Western-blot. Immunoprécipitation.

Le groupage plaquettaire Le phénotypage peut être réalisé si les sérum-tests contenant les anticorps dirigés contre l antigène correspondant sont disponibles. En pratique courante, il est impossible. Le groupage plaquettaire repose sur des techniques de biologie moléculaire: - Sequence Specific Primers-Polymerase Chain Reaction (SSP-PCR). - Restriction Fragment Length Polymorphism-PCR (RFLP-PCR). Ces techniques étudient le gène et non l antigène exprimé à la surface des plaquettes. Un groupage plaquettaire doit être vérifié sur un deuxième prélèvement.

- La recherche des anticorps anti-plaquettes demande du temps (72 heures pour une identification). Une réponse complète en urgence (pour un allo-anticorps par exemple) est impossible. - Les tests demeurent manuels et «artisanaux». - Les prélèvements doivent être de qualité, en quantité suffisante (les plaquettes sont des cellules fragiles), conservés à température ambiante (+++) et acheminés rapidement au laboratoire (moins de 48 heures). Le volume de prélèvement sur anti-coagulant doit être adapté à l importance de la thrombopénie existant chez la patiente (15 ml si la thrombopénie est > 50 x 10 9 /L, 20 ml si la thrombopénie est < 50 x 10 9 /L). Pour le nouveau-né, le volume prélevé est fonction du poids.

Purpura thrombopénique idiopathique (PTI) Une peut déclencher ou aggraver un PTI. La découverte d un PTI lors d une n est pas un événement rare. La conjonction de deux facteurs accroît la probabilité de découverte: La femme jeune en période d activité génitale est à risque pour le PTI. Une numération sanguine est souvent réalisée au cours d une.

Sur le plan clinique, deux formes existent, la forme aiguë et la forme chronique. La forme aiguë se rencontre essentiellement chez l enfant, dans environ 60 % des cas après un épisode viral ou une vaccination. La thrombopénie est souvent sévère. L évolution est généralement favorable mais dans 10 % des cas elle devient chronique.

La forme chronique se rencontre principalement chez l adulte jeune, plus souvent chez la femme. La thrombopénie est généralement modérée. En cours de, un PTI maternel peut retentir sur le fœtus et le nouveau-né. De 10 à 15 % des enfants nés de mère avec PTI ont une thrombopénie sévère à la naissance. Les auto-anticorps maternels de classe G passent le placenta et vont se fixer sur les plaquettes du fœtus qui sont ensuite détruites. La thrombopénie avec ses complications peut aller jusqu à la mort in utero.

Sur le plan thérapeutique, la base reste le traitement médical. Il n est pas fondamentalement différent de celui mis en place en l absence de. Il est réalisé en fonction de l intensité de la thrombopénie et du risque hémorragique. Il importe de maintenir un taux de plaquettes suffisant (supérieur à 50 x 10 9 /L) en fin de pour éviter les complications hémorragiques lors de l accouchement que ce soit par voie basse ou par césarienne.

Le traitement comporte l utilisation : d une corticothérapie dont les résultats sont variables. des immunoglobulines humaines intraveineuses (IGIV). Dans un contexte de, la thérapeutique doit cependant être adaptée. [Complications liées à la corticothérapie (diabète gestationnel, hypertension artérielle, ). Cas des formes sévères. Problème de l emploi des immunosuppresseurs.]. de médicaments stimulant la production de plaquettes (agonistes de la thrombopoïétine, eltrombopag et romiplostim). Il existe des rémission spontanées complètes ou incomplètes après l accouchement.

Autres maladies auto-immunes D autres maladies auto-immunes peuvent induire des thrombopénies maternelle, fœtale et néonatale par auto-anticorps (lupus érythémateux disséminé, syndrome de Sjögren, ). Ces pathologies peuvent exister avant la, apparaître ou s aggraver durant la en cours. L atteinte fœtale par les auto-anticorps suit le même mécanisme que dans le PTI. La thérapeutique maternelle doit être adaptée à la pathologie et au contexte de en cours.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Elle est responsable de la thrombopénie fœtale et néonatale (TFNN). Les allo-anticorps anti-plaquettes présents chez la femme enceinte traversent le placenta et vont se fixer sur les plaquettes du fœtus qui portent le ou les antigènes hérités du père et contre lesquels sont dirigés le ou les allo-anticorps maternels. Il en résulte une thrombopénie plus ou moins sévère accompagnée ou non d hémorragie viscérale et/ou intracrânienne voire d une mort in utero.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Dans la population caucasienne, la spécificité la plus souvent en cause est HPA-1a (Mueller-Eckhardt et al.1989, Davoren et al. 2004). Cependant, selon les études, jusqu à 10% de TFNN avec anticorps anti-hpa-5b peuvent être graves (Kaplan et al. 1991). Des spécificités plus rares sont également impliquées [HPA-15a et HPA-15b, HPA-9w (Kaplan et al 2005), HPA-13w (Bertrand et al. 2007), ]. La fréquence de la TFNN est de l ordre de 1 pour 1000 naissances, soit un taux actuellement supérieur à celui de la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né. Il a été récemment montré que des anticorps anti-hpa-1a de faible avidité pouvaient provoquer des TFNN (Peterson et al. 2013).

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes En l absence d antécédent, le diagnostic clinique de la TFNN est réalisé chez un nouveau-né présentant des symptômes tels que pétéchies, purpura, hémorragie viscérale et/ou intracrânienne ou asymptomatique suite à la découverte d une thrombopénie lors d une numération sanguine faite à titre systématique ou dans un contexte particulier (infection par exemple).

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes La numération plaquettaire doit être réalisée quotidiennement jusqu à l obtention d un taux de plaquettes d au moins 100 G/L. La thrombopénie du nouveau-né peut en effet s aggraver dans les jours qui suivent l accouchement ou n apparaître que secondairement. La thrombopénie peut persister plusieurs semaines.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Il est important de maintenir un taux de plaquettes supérieur à 50 G/L. Le traitement et le suivi sont fonction du taux de plaquettes et des signes cliniques observés. Trois situations peuvent être retenues : - Taux inférieur à 30 G/L ou saignement Si cette situation est présente dans les 24 premières heures de vie, l enfant doit être transfusé avec des plaquettes, même en l absence de résultast biologiques.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes - Taux compris entre 30 et 50 G/L sans saignement Habituellement aucun traitement n est nécessaire mais la surveillance du taux de plaquettes doit être maintenue afin de détecter une diminution. Le suivi s effectue en néonatalogie. La surveillance clinique s accompagne d un contrôle quotidien du taux de plaquettes jusqu à l obtention d un taux d au moins 100 G/L. En cas de prématurité ou de pathologie associée (détresse respiratoire, infection, ), la transfusion plaquettaire doit être effectuée pour maintenir un taux de plaquettes supérieur à 50 G/L. - Taux supérieur à 50 G/L La surveillance s effectue en maternité. Le suivi du taux de plaquettes doit être maintenu afin de détecter une diminution. Le contrôle quotidien du taux de plaquettes est pratiqué jusqu à l obtention d un taux d au moins 100 G/L.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes La TFNN peut apparaître dès la première et être grave d emblée (+++). Dans une série de 77 femmes alloimmunisées anti-hpa-1a, 51% étaient des primipares et, chez 86% d entre elles, l enfant présentait une thrombopénie sévère (taux de plaquettes inférieur à 50x10 9/ L) (Bertrand et al. 2011). En l absence de recherche des anticorps anti-plaquettes ou de groupage plaquettaire systématique chez la femme enceinte, la fréquence de la TFNN est très probablement sous estimée. Il en est de même chez le nouveau-né du fait de l absence de numération plaquettaire systématique.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Le diagnostic est établi après réalisation des examens suivants: Chez la mère: numération formule sanguine, recherche d anticorps anti-plaquettes, groupage plaquettaire. Chez le père: groupage plaquettaire. Chez le nouveau-né: numération formule sanguine, recherche d anticorps anti-plaquettes, groupage plaquettaire.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Les tests de cross-match Pratique d un test de cross-match entre le sérum ou plasma de la patiente et les plaquettes de son conjoint après réalisation de la recherche d anticorps anti-plaquettes fixés chez le père et en disposant des groupages ABO de la patiente et de son conjoint (les anticorps anti-a et anti-b donnent de faux positifs en cas d incompatibilité ABO entre les conjoints). Ce test est impossible avec le nouveau-né (la thrombopénie et le faible volume du prélèvement ne permettent pas d obtenir un nombre suffisant de plaquettes pour réaliser le test). Mais il peut être effectué à distance en conservant le sérum ou le plasma congelé de la mère.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Le titrage de l allo-anticorps maternel Pour les anticorps anti-hpa-1a, à la naissance, le taux de plaquettes du nouveau-né n est pas lié au titre de l anticorps maternel. Des facteurs génétiques maternels tels que groupe sanguin ABO et antigène HLA DRB3*01:01 ne sont pas corrélés à ce taux. La technique de titrage est réalisé avec le test de MAIPA indirect (technique de référence) utilisant un étalon standard international à 100 UI/mL (NIBSC).

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Il est très important de disposer de l ensemble des examens pour poser le diagnostic, mais également pour le suivi et la prise en charge des s ultérieures. Lors des s suivantes: Chez la mère: recherche d anticorps anti-plaquettes avec titrage de l anticorps anti-hpa-1a s il y a lieu. Pour les allo-anticorps anti-hpa-1a, le titrage est réalisé avec le test de MAIPA indirect.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Le titre d anticorps anti-hpa-1a maternels, réalisé avant la 28 ème SG ou avant tout traitement immunomodulateur, est corrélé à la gravité de la thrombopénie fœtale. Le seuil retenu est de 28 UI/mL. Une thrombopénie fœtale sévère est observée lorsque le titre d anti- HPA-1a maternel est supérieur ou égal à 28 UI/mL. En dessous de 28 UI/mL, le tire d anti-hpa-1a ne peut être considéré comme un paramètre prédictif du statut fœtal.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Les associations d anticorps peuvent aggraver l état fœtal et compliquent la recherche d un donneur compatible. Des cas de thrombopénie néonatale par anticorps anti-hla de classe I ont été décrits. En raison de l importance de la thrombopénie, certains enfants ont reçu des transfusions de plaquettes. Mais cette notion de thrombopénie par anticorps anti-hla est contestée. Chez le père: groupage plaquettaire si le conjoint n est pas le même que lors de la précédente.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Chez le foetus: Si le père biologique est hétérozygote pour le système en cause, réalisation d un groupage plaquettaire fœtal sur liquide amniotique ou prélèvement de villosités choriales (16-17 ème SG par exemple). Cet examen doit être réalisé dans un laboratoire spécialisé disposant d un agrément pour le diagnostic ante-natal (agrément nominal). Des études ont montré que le groupage plaquettaire pouvait être effectué sur l ADN fœtal libre présent dans le plasma maternel (technique non invasive de diagnostic ante-natal) avec une bonne concordance avec les résultats de génotypage effectué sur d autres types de prélèvement (Noguès et al. 2011, Le Toriellec et al. 2013).

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Dans une étude, 59 échantillons prélevés chez 32 patientes HPA-1a négatif entre la 8 ème et la 38 ème SG ont été analysés (Noguès et al. 2011). Cinquante cinq échantillons ont été trouvés HPA-1a positif, résultat confirmé par le groupage du nouveau-né ou par le groupage fœtal sur liquide amniotique. Cette détection a été obtenue sur 20 plasmas prélevés avant la 20 ème SG.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Quatre échantillons ont été détectés HPA-1a négatif. Ce résultat a été confirmé sur des échantillons prélevés ultérieurement chez les femmes enceintes. Si le fœtus est porteur de l antigène reconnu par l anticorps maternel, la numération des plaquettes par ponction de sang cordonnal est possible. Mais ce geste est dangereux et ne doit pas être recommandé.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Aucun consensus n existe sur le plan international en matière de thérapeutique curative. En cas de thrombopénie néonatale sévère (moins de 30 x 10 9 /L) et/ou d hémorragie viscérale et/ou intracrânienne apparaissant dans les 24 premières heures de vie: Transfusion de plaquettes compatibles si disponibles (fichier de donneur typés) ou, à défaut, de plaquettes tout venant (passage de la période critique). En absence de plaquettes compatibles, il est possible de prélever les plaquettes de la mère qui doivent être lavées (élimination des anticorps maternels) et irradiées (prévention de la GVH post-transfusionnelle). L effet d une thérapeutique associée par IGIV à fortes doses (1g/kg/J) ne débute que 18 à 24 heures après l injection.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes En l absence d hémorragie et d un taux de plaquettes supérieur à 30x10 9 /L, suivi de la numération plaquettaire. Une baisse peut survenir plusieurs jours après la naissance. Si chute du taux, adaptation de la thérapeutique. Dans certains cas, utilisation d IGIV à fortes doses (1g/kg/J) pendant 2 jours. Le contrôle est réalisé quotidiennement jusqu à l obtention d un taux de plaquettes de 100 G/L ou plus.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Lors de s ultérieures et si les antécédents sont graves (cas index), si le fœtus est porteur du ou des antigènes contre lesquels la mère est alloimmunisée, un traitement préventif de la thrombopénie fœtale peut être entrepris (même en l absence de numération plaquettaire fœtale). Il est débuté le plus tôt possible (20 ème SG ou avant). Trois modalités de traitement immunomodulateur existent : Stéroïdes seuls. IGIV seules. Stéroïdes et IGIV associés.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Une étude a montré que l association stéroïdes IGIV était la plus efficace chez des patientes allo-immunisées anti-hpa-1a (Bertrand et al. 2011). Deux critères ont été retenus pour établir l efficacité de cette thérapeutique : l absence d hémorragie intra-crânienne et un taux de plaquettes de «sécurité» de 50 giga/l ou plus. Sur 92 s avec traitement immunomodulateur maternel, aucun cas d hémorragie intra-crânienne n a été observé chez les enfants (+++).

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Le taux moyen de plaquettes de l enfant était de 46 giga/l dans le groupe avec stéroïdes seuls (11 s) (prednisone 0,5mg/kg/J) (donc inférieur au taux de sécurité de 50 giga/l), de 89 giga/l dans le groupe IGIV seules (27 s) (1g/kg/semaine) et de 135 giga/l dans le groupe stéroïdes - IGIV (54 s). En fonction de la gravité des signes cliniques observés sur le cas index, les protocoles suivants peuvent être appliqués. Hémorragie intra-crânienne : administration d IGIV seules de la 16 ème à la 18 ème SG puis association à des stéroïdes jusqu à la 30 ème SG.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Autres cas : administration d IGIV seules de la 20 ème à la 22 ème SG puis association à des stéroïdes jusqu à la 30 ème SG. Une césarienne peut être pratiquée jusqu à la 39 ème SG. L efficacité du traitement immunomodulateur peut être prédite. L évolution du titre des anticorps anti-hpa-1a est très variable : maintien d un titre bas, diminution jusqu à l accouchement, augmentation au cours du 2 ème ou du 3 ème trimestre de ou juste après l accouchement. La mesure de l aire sous la courbe (ASC) entre le premier et le dernier titrage, pondérée du nombre de SG représente un paramètre prédictif.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Un chiffre supérieur ou égal à 23UI/mL par SG est plus fréquemment observé chez les patientes qui ont donné naissance à un enfant avec thrombopénie sévère. L utilisation du traitement immunomodulateur donne un résultat satisfaisant (pas de thrombopénie majeure) dans environ 60 % des cas. Comme pour la thérapeutique curative, il n existe actuellement pas de consensus international sur le plan de la thérapeutique préventive.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes VERS DE NOUVEAUX TRAITEMENTS PREVENTIFS Les immunoglobulines anti-hpa-1a Dans une étude norvégienne (Killie et al. 2008) incluant 1990 patientes HPA-1a négatif, des anticorps anti-hpa-1a ont été détectés dans 172 s. Il s agissait de primipares dans 13 cas seulement. Les auteurs ont calculé que dans 60 cas, l immunisation s était produite après l accouchement (hémorragie fœto-maternelle.) L administration en post-partum immédiat d immunoglobulines anti-hpa-1a à des mères HPA-1a négatif ayant accouché d un enfant HPA-1a positif pourrait prévenir l apparition d une allo-immunisation anti-hpa-1a maternelle.

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes VERS DE NOUVEAUX TRAITEMENTS PREVENTIFS Les récepteurs du fragment Fc des immunoglobulines Les récepteurs fœtaux du fragment Fc des immunoglobulines (FcRn) jouent un rôle important dans le passage transplacentaire des immunoglobulines d origine maternelle (Chen et al. 2010). Le blocage des FcRn par les IgIV constitue un mécanisme important de leur action. Les anticorps anti-fcrn représentent une voie nouvelle sur le plan thérapeutique. Dans une étude réalisée chez l homme (18 volontaires), la survie de plaquettes dont les sites antigéniques HPA-1a sont occupés par un anticorps monoclonal anti-hpa-1a dont la partie Fc a été modifiée (réduction de fixation de Fc) est significativement augmentée par rapport aux plaquettes sensibilisées avec l anticorps anti-hpa-1a seul (Ghevaert et al. 2013).

L alloimmunisation foeto-maternelle anti-plaquettes Exemple de stratégie proposée en Norvège: Réaliser le groupage plaquettaire HPA-1 chez toutes les femmes enceintes [couplé au typage Rhésus (RH)]. Rechercher les anticorps anti-plaquettes (anti-hpa-1a) chez les femmes HPA-1a négatif (environ 2% de la population) : taux d immunisation d environ 10 %. Suivi des patientes. Programmer une césarienne chez les femmes avec un taux d anticorps anti-hpa-1a «à risque»: prévalence environ la moitié des patientes alloimmunisées. Augmentation d environ 100 césariennes / an. Traitement immédiat des nouveau-nés avec thrombopénies sévères. Réduction des complications graves des ¾. Rapport coût / efficacité démontré.

Conclusions Plusieurs points sont à souligner: Pour la TFNN: La sous estimation actuelle de la TFNN. La nécessité de répéter les prélèvements en cours de pour établir un profil évolutif des anticorps. L absence de dépistage systématique des anticorps anti-plaquettes et/ou du groupage plaquettaire chez les femmes enceintes malgré la fréquence de la TFNN (en partie responsable du point un). La nécessité d améliorer les connaissance des antigènes plaquettaires (problème des systèmes rares et des antigènes non testés en routine). La difficulté d obtenir des CPA HPA compatibles (voire HLA compatibles) en l absence d un fichier actualisé de donneurs typés.

Conclusions Pour le PTI: - Adapter la thérapeutique au contexte de. Intérêt des nouvelles molécules (eltrombopag, romiplostim). Pour la thrombopénie gestationnelle: - Le diagnostic doit être posé après avoir éliminé les autres causes de thrombopénie.