La journée de solidarité La logique initiale du législateur était de faire en sorte que, dans un grand élan de communion et de solidarité à l égard des personnes âgées et des personnes handicapées, un effort soit demandé aux forces vives de la nation, à savoir l employeur et le salarié. En somme, une logique gagnant-gagnant pour les caisses de l Etat. L employeur paye, généreusement, une contribution patronale dite «solidarité autonomie» de l ordre de 0,3 % des rémunérations qui est théoriquement affectée à la Caisse nationale de Solidarité pour l autonomie. Le salarié, de son côté, vient travailler 7 heures de plus dans l année civile sans rémunération supplémentaire. En ce début d année il est temps de penser, si ce n est déjà fait, aux modalités d accomplissement de cette journée. Si le dispositif existe maintenant depuis plus de 11 ans (Loi n 2004-626 du 30 juin 2004), la journée de solidarité suscite encore des interrogations. Qui est concerné par la journée de solidarité? Elle concerne tous les salariés qui relèvent du Code du travail aussi bien en Métropole, que dans les DOM et en Alsace-Moselle ainsi que le secteur agricole et la fonction publique. Par dérogation au Code local, qui prévoit par principe le chômage des jours fériés, dans les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, il est possible d effectuer la journée solidarité dans les conditions de droit commun. Les deux exceptions qui demeurent, pour ces départements, s avèrent être l impossibilité de positionner la journée de solidarité sur le 1 er et le 2 ème jour de Noël (25 et 26 décembre) et sur le Vendredi Saint. La journée de solidarité doit-elle être effectuée le lundi de Pentecôte? Elle peut intervenir ce jour-là, mais cela n est plus une obligation. Avant l entrée en vigueur de la Loi du 16 avril 2008, à défaut d accord collectif, la journée de solidarité était obligatoirement positionnée le lundi de Pentecôte. Cette Loi a modifié le dispositif et donne, désormais, plus de souplesse sur les modalités pour accomplir cette journée. 1
Comment est déterminée la journée de solidarité? Par principe, c est un accord d entreprise, d établissement ou à défaut un accord de branche qui fixera les modalités d accomplissement de cette journée. A défaut d accord collectif, c est l employeur qui déterminera les modalités et ce, après consultation du Comité d entreprise ou des Délégués du personnel s ils existent. Quelle forme peut prendre la journée de solidarité? Selon les dispositions légales, l accord collectif ou la décision unilatérale de l employeur peut prévoir : - soit le travail d'un jour férié précédemment chômé dans l'entreprise autre que le 1 er mai ; - soit le travail d'un jour de repos accordé au titre d'un accord collectif relatif à l'aménagement du temps de travail prévu à l'article L. 3122-2 du Code du travail (RTT) ; - soit toute autre modalité permettant le travail de 7 heures précédemment non travaillées en application de dispositions conventionnelles ou des modalités d'organisation des entreprises. La date retenue doit théoriquement s appliquer à tous les salariés de la Société. Il pourra en aller différemment dans certains cas, notamment si l entreprise fonctionne 24h/24h, 7 jours/7 jours, les dimanches, les jours fériés, si elle est ouverte toute l année. Dans un tel cas, la journée retenue peut être fixée par catégorie de salariés, par service, voire individuellement. Peut-on envisager un fractionnement de la journée de solidarité? Oui, depuis les changements apportés par la Loi de 2008. Il est tout à fait possible d organiser la prise de la journée de solidarité (soit 7 heures pour un salarié à temps complet) en plusieurs fois. Il est ainsi envisageable que, par exemple, sur un mois donné, le salarié fasse 1 heure de plus durant 7 jours afin d accomplir sa journée de solidarité. En cas de fractionnement, des dispositions particulières devront être prises pour les salariés ayant un «statut» spécifique (temps partiel, convention de forfait en jours ou en heures sur l année). 2
Le salarié qui cumule deux emplois doit-il effectuer une journée de solidarité chez les deux employeurs? Tout dépend des circonstances. Plusieurs situations distinctes peuvent se présenter. Dans le cas où le salarié a deux emplois à temps partiel, et que le cumul des deux demeure en dessous de la durée légale du temps de travail, il devra effectuer une journée de solidarité chez chaque employeur au prorata de sa durée contractuelle. Ainsi un salarié qui a un emploi à hauteur de 20 heures hebdomadaires d un côté et 10 heures de l autre, devra effectuer chez le 1 er une journée de solidarité de 4 heures (7 heures/35 heures x 20 heures) et chez le second une journée de solidarité de 2 heures (7 heures/35 heures x 10 heures). Dans le cas où le cumul des deux emplois à temps partiel dépasse la durée légale du temps de travail, l intéressé effectuera 7 heures au titre de la journée de solidarité chez chacun de ses deux employeurs au prorata de la durée contractuelle du travail. Enfin, dans l hypothèse où le salarié cumule un contrat de travail à temps complet et un autre à temps partiel, il n effectuera qu une journée de solidarité et ce sera chez le 1 er employeur. Comment doit-on procéder pour les salariés à temps partiel? L'employeur peut individualiser la journée de solidarité pour chaque salarié à temps partiel dont le contrat de travail ne prévoit pas de travail la journée de solidarité fixée pour l'ensemble du reste du personnel. Le salarié ne peut invoquer le fait que la date retenue corresponde à un jour non travaillé en vertu de son contrat de travail à temps partiel pour refuser d'effectuer la journée de solidarité. La date retenue lui est opposable puisque la Loi dispose que le travail de la journée de solidarité ne constitue pas une modification du contrat de travail. Toutefois, conformément au droit commun applicable à ce type de contrat, le refus du salarié à temps partiel d'effectuer la journée de solidarité à la date retenue par l'employeur ne constitue pas une faute si elle est incompatible avec ses obligations familiales impérieuses, le suivi d'un enseignement scolaire ou supérieur ou avec une période d'activité fixée chez un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Puis-je déduire d office un jour de congé payé aux salariés au titre de la journée de solidarité? 3
Non. Les dispositions en vigueur ne permettent pas à l employeur de déduire d office un jour de congé payé légal auquel le salarié peut prétendre. Seuls peuvent être éventuellement concernés, des jours de congés supplémentaires prévus par des dispositions conventionnelles (comme des congés conventionnels d'ancienneté par exemple). Toutefois, si l employeur ne peut l imposer, il peut le «suggérer» à son salarié. En effet, une fois la date de la journée de solidarité établie, le salarié qui aurait d autre projet pour ce jour-là et qui ne souhaiterait donc pas venir travailler peut décider de positionner un jour de congé payé ou un jour de RTT (dès lors que la prise des RTT est au moins en partie à l initiative du salarié). S'agissant des jours de remplacement des heures supplémentaires (RCR) ou de repos compensateur obligatoire (RCO, désormais appelé contrepartie obligatoire en repos) auxquels le salarié peut prétendre, ceux-ci ne sauraient également être «ponctionnés» d office par l employeur au titre de la réalisation de la journée de solidarité. Quelles sont les conséquences de cette journée pour le salarié en terme de rémunération? Le travail accompli au titre de cette journée, dans la limite de 7 heures pour les salariés mensualisés à temps complet, ne donne pas lieu à rémunération. Cela ne signifie pas pour autant qu elle n est pas rémunérée. Cela signifie qu elle n ouvre pas droit à rémunération supplémentaire lorsqu elle tombe un jour de repos habituellement payé. Ainsi, un employeur qui décide de positionner la journée de solidarité un samedi (qui serait, par exemple, un jour de repos habituellement rémunéré du fait de la mensualisation) ne versera pas de salaire à son employé qui vient travailler ce jour-là dans la limite de 7 heures. Si l intéressé travaille, par exemple, habituellement 35 heures hebdomadaires, il aura fait 42 heures cette semaine-là mais ne sera rémunéré que 35. De même si la journée est fixée à un jour férié habituellement chômé (en dehors du 1 er mai), le salarié ne bénéficiera d aucune rémunération supplémentaire. Il percevra le même salaire que s il n avait pas travaillé, en application de la Loi de mensualisation. Ni plus, ni moins. Toute éventuelle majoration de salaire (ou repos compensateur) prévue par convention ou accord collectif pour le travail des jours fériés n'a pas lieu de s'appliquer ce jour-là. 4
Le salarié disposant d une convention de forfait en jours sur l année bénéficie déjà dans le cadre de sa rémunération annuelle indirectement du paiement de la journée de solidarité. Il devra donc travailler une journée de plus au cours de l année civile sans percevoir, pour autant, une rémunération en sus. Si un intérimaire est présent dans la Société le jour de la réalisation de la journée de solidarité, quelle rémunération lui est due? Les intérimaires, ne relevant pas de la Loi de mensualisation, ils auront droit à être rémunérés normalement et donc en plus au titre du travail effectué au cours de cette journée. Cependant, si la journée retenue correspond à un jour férié précédemment chômé, l éventuelle majoration conventionnelle (financière ou en repos) applicable aux jours fériés travaillés ne jouera pas. Comment gérer la situation d un salarié qui arrive dans la Société en cours d année? En premier lieu, il convient de préciser qu il n y a pas matière à proratiser le nombre d heures à effectuer, peu importe la date d embauche. Cette précision apportée, il faut déterminer s il a déjà accompli ou non une journée de solidarité chez son précédent employeur. Si la réponse est négative, il sera soumis au même régime que les salariés présents toute l année civile. S il a déjà réalisé une journée de solidarité au cours de la même année civile, deux possibilités se présentent si son nouvel employeur souhaite qu il fasse une 2 ème journée. Soit l intéressé effectue une seconde journée de solidarité et dans un tel cas, il peut prétendre à une rémunération supplémentaire au titre du travail effectué. Soit, en application du Code du travail, il peut refuser de faire une nouvelle journée. Dans une telle situation, ce refus ne sera pas fautif et ne pourra donc pas donner lieu à une quelconque sanction. Quelles sont les conséquences de la journée de solidarité sur les dispositions relatives à la durée du travail? S agissant du respect des durées maximales, la journée de solidarité étant un jour de travail, elle devra être prise en compte. 5
Par ailleurs, les heures réalisées dans la limite de 7 heures ne s imputent pas sur le contingent annuel d heures supplémentaires et ne donnent pas lieu à une éventuelle contrepartie obligatoire en repos (anciennement appelé repos compensateur). Un salarié peut-il refuser d effectuer la journée de solidarité? Sauf dans le cas évoqué ci-dessus du changement d employeur en cours d année civile, la réponse est négative. Le travail au titre de la journée de solidarité ne constitue pas une modification du contrat de travail. De la sorte, un salarié ne saurait refuser de l effectuer sauf à s exposer à des sanctions disciplinaires. Par ailleurs, lorsque la journée de solidarité est fixée un jour férié précédemment chômé au titre duquel le salarié aurait été payé par l'effet de la mensualisation, son absence injustifiée ce jour-là pourra faire l objet d une retenue sur salaire correspondant au nombre d heures qu il aurait du accomplir s il avait été présent. Que se passe t-il si le salarié est en arrêt de travail le jour choisi pour la journée de solidarité? En cas d'absence pour maladie ou accident, le droit commun s'applique. L'employeur est dégagé de son obligation de verser le salaire. Toutefois en vertu des dispositions conventionnelles ou, à défaut, de l'accord de mensualisation du 10 décembre 1977, l'employeur devra verser, en plus de l'indemnité journalière de la sécurité sociale (IJSS), l'indemnité complémentaire visée à l'article 7 de l'accord de mensualisation. Par ailleurs, il ne sera pas possible de demander au salarié d effectuer cette journée ultérieurement. En effet, cela reviendrait à récupérer les heures perdues. Or, les cas de récupération sont strictement encadrés par le Code du travail et n incluent pas cette situation. Que se passe t-il si le salarié est en congé payé le jour retenu pour la journée de solidarité? L employeur ne pourra, en aucun cas, lui demander d interrompre ses congés payés pour accomplir cette journée. 6
Cependant, compte tenu que le salarié s il n avait pas été en congé aurait du venir travailler ce jour-là, la journée sera déduite en congé payé. 7