TECHNOLOGIE APPLIQUÉE. Schizocytes : recherche et interprétation RÉSUMÉ. Schizocytes, anémie hémolytique, microangiopathie thrombotique.



Documents pareils
ANEMIE ET THROMBOPENIE CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS D UN CANCER

INTERET PRATIQUE DU MDRD AU CHU DE RENNES

L HEMOGRAMME un examen pas cher et qui peut rapporter gros

Information transmise sous l autorité de l Agence fédérale des médicaments et des produits de santé

chronique La maladie rénale Un risque pour bon nombre de vos patients Document destiné aux professionnels de santé

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

Innovations thérapeutiques en transplantation

L anémie hémolytique auto-immune

Orientation diagnostique devant une éosinophilie 1

Sérodiagnostic de la polyarthrite rhumatoïde

Anémie et maladie rénale chronique. Phases 1-4

Apport de la biologie moléculaire au diagnostic des parasitoses

PRISE EN CHARGE DES PRE ECLAMPSIES. Jérôme KOUTSOULIS. IADE DAR CHU Kremlin-Bicêtre. 94 Gérard CORSIA. PH DAR CHU Pitié-Salpétrière.

L incompatibilité immunologique érythrocytaire

I - CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE. Avis. 3 septembre 2008

FICHE D INFORMATION AVANT UNE TRANSFUSION

La maladie de Berger Néphropathie à IgA

Carte de soins et d urgence

Dr E. CHEVRET UE Aperçu général sur l architecture et les fonctions cellulaires

Hémostase et Endocardite Surveillance des anticoagulants. Docteur Christine BOITEUX

Sources bibliographiques :

Test direct à l Antiglobuline (TDA ou Coombs direct)

DÉRÉGULATION DU COMPLÉMENT,

DON DE SANG. Label Don de Soi

HTA et grossesse. Dr M. Saidi-Oliver chef de clinique-assistant CHU de Nice

Item 182 : Accidents des anticoagulants

Leucémies de l enfant et de l adolescent

CRPP. Syndrome MYH9. Centre de Référence des Pathologies Plaquettaires. Livret destiné au patient

DÉFICITS IMMUNITAIRE COMMUN VARIABLE

TRAITEMENT DE L ANÉMIE AU COURS DE L INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE DE L ADULTE

Le don de moelle osseuse :

Arthralgies persistantes après une infection à chikungunya: évolution après plus d un an chez 88 patients adultes

ADAMTS13, la protéase spécifique de clivage du facteur von Willebrand

L investigation chez la personne infectée par le VIH

SYNOPSIS INFORMATIONS GÉNÉRALES

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

GROSSESSE et lupus/sapl

HEPATITES VIRALES 22/09/09. Infectieux. Mme Daumas

INFORMATION À DESTINATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ LE DON DU VIVANT

Le test de dépistage qui a été pratiqué à la

Diagnostic des Hépatites virales B et C. P. Trimoulet Laboratoire de Virologie, CHU de Bordeaux

Annales du Contrôle National de Qualité des Analyses de Biologie Médicale

La Dysplasie Ventriculaire Droite Arythmogène

INFORMATIONS AUX PATIENTS ATTEINTS DE LEUCEMIE AIGUE MYELOBLASTIQUE

Bonne lecture!! et si vous souhaitez consulter le document de l AFEF dans son intégralité, c est ici

Module Biologie Humaine S5 Cours d Hématologie du Pr Nouzha Bouamoud TD2

Accidents des anticoagulants

Dossier «Maladies du sang» Mieux les connaître pour mieux comprendre les enjeux liés au don de sang

Sang, plasma, plaquettes...

AMAMI Anaïs 3 C LORDEL Maryne. Les dons de cellules & de tissus.

THROMBOPENIE OBSTETRICALE : DIAGNOSTIC ET CONDUITE A TENIR

Sysmex Educational Enhancement & Development

Quoi de neuf dans la prise en charge du psoriasis?

LISTE DES ACTES ET PRESTATIONS - AFFECTION DE LONGUE DURÉE HÉPATITE CHRONIQUE B

Cordarone et Thyroïde par François Boustani

CONCOURS DE L INTERNAT EN PHARMACIE

CATALOGUE DES FORMATIONS

LASER DOPPLER. Cependant elle n est pas encore utilisée en routine mais reste du domaine de la recherche et de l évaluation.

RIVAROXABAN ET TESTS DE BIOLOGIE MEDICALE

La filtration glomérulaire et sa régulation

LEUCEMIE MYELOÏDE CHRONIQUE (LMC)

Transfusions sanguines, greffes et transplantations

Coombs direct positif (et tout ce qui se cache derrière) : Gestion et interprétation. Dr J.C. Osselaer, Luxembourg,

LE SYNDROME DE BUDD CHIARI

La Greffe de Cellules Souches Hématopoïétiques

GUIDE PATIENT - AFFECTION DE LONGUE DURÉE. La prise en charge des leucémies aiguës de l adulte

S o m m a i r e 1. Sémiologie 2. Thérapeutique

Nouveaux Anticoagulants. Dr JF Lambert Service d hématologie CHUV

INAUGURATION LABORATOIRE DE THERAPIE CELLULAIRE 16 FEVRIER 2012 DOSSIER DE PRESSE

Vaccination contre la grippe saisonnière

WHA63.12 Disponibilité, innocuité et qualité des produits sanguins 4,5

Dossier de presse. Le don de sang sur les lieux fixes de collecte. Juin Contact presse :

SERVICE PUBLIC FEDERAL, SANTE PUBLIQUE, SECURITE DE LA CHAINE ALIMENTAIRE ET ENVIRONNEMENT COMMISSION DE BIOLOGIE CLINIQUE RAPPORT GLOBAL

Fibrillation atriale chez le sujet âgé

CONTROVERSE : IDR OU QUANTIFERON LORS D'UN CONTAGE EN EHPAD?

Hémochromatose génétique non liée à HFE-1 : quand et comment la rechercher? Cécilia Landman 11 décembre 2010

Parasites externes du chat et du chien

Sang, plasma, plaquettes...

Laurence LEGOUT, Michel VALETTE, Henri MIGAUD, Luc DUBREUIL, Yazdan YAZDANPANAH et Eric SENNEVILLE

Le don de cellules souches. M.Lambermont Pascale Van Muylder

Hépatite C une maladie silencieuse..

La résistance d'agents infectieux aux médicaments antimicrobiens

Les définitions des saignements ACS/PCI

I- L ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ÎLE-DE- FRANCE, ACTEUR MAJEUR DE SANTÉ PUBLIQUE

Don de moelle osseuse. pour. la vie. Agence relevant du ministère de la santé. Agence relevant du ministère de la santé

BIOPSIE de MOELLE OSSEUSE

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 18 janvier 2006

Prise en charge de l embolie pulmonaire

Les greffes de cellules souches

Fiche Produit Profils Médicalisés PHMEV

Quel apport de l imagerie dans les traitements anti-angiogéniques?

Le don de moelle osseuse

e-santé du transplanté rénal : la télémédecine au service du greffé

Les nouveaux anticoagulants oraux sont arrivé! Faut il une surveillance biologique?

Mécanisme des réactions inflammatoires

Gestion des anticoagulants oraux directs dans le cadre de l urgence

COMPLICATIONS THROMBOTIQUES DES SYNDROMES MYÉLOPROLIFÉRATIFS: ÉVALUATION ET GESTION DU RISQUE

II - DIABETE DE TYPE 1 : ÉPIDÉMIOLOGIE - PHYSIOPATHOLOGIE - DIAGNOSTIC- DÉPISTAGE

E04a - Héparines de bas poids moléculaire

Transcription:

Chantal FOSSAT, Marie ROMÉO * Schizocytes : recherche et interprétation RÉSUMÉ La découverte orientée ou fortuite de schizocytes sur un frottis sanguin est fréquente en Biologie Médicale. Témoin d une fragmentation mécanique du globule rouge, elle doit toujours être interprétée en fonction du contexte clinico-biologique du patient. Les critères d identification des schizocytes sur frottis sanguins doivent être rigoureux, permettant d éliminer les artefacts et d affirmer ou non la présence de schizocytes. Les automates d hémocytométrie peuvent apporter une orientation grâce à des alarmes morphologiques dont il convient de connaître les limites. L importance de la mise en évidence d une schizocytose circulante réside dans la précocité de cette cytologie au cours de situations cliniques où le pronostic vital est engagé telles que les microangiopathies thrombotiques qui dominent ce tableau par leur gravité. Hématologie MOTS CLÉS Schizocytes, anémie hémolytique, microangiopathie thrombotique Schizocytes : research and interpretation SUMMARY Schizocytes, common morphological fi nding in peripheral blood fi lms must be evaluated according to the others clinical and laboratory data. Presence of haemolytic anemia, schistocytosis and unexplained thrombocytopenia should alert the possibility of thrombotic thrombocytopenic syndrome which contribute to mortality and morbidity. Red blood cell fragmentation is often the earliest sign of thrombotic microangiopathy with severe prognosis. Microscopic evaluation must be monitored closely in order to determine the incidence and severity of schistocytosis. Until now sensibility and specifi city of automated methods have not been well evaluated. KEYWORDS Schizocytes, haemolytic anemia, thrombotic thrombocytopenic syndrome I - Introduction La recherche de schizocytes est une situation fréquente pouvant revêtir un caractère d urgence. Retenons que la période néonatale passée et en l absence de pathologie constitutionnelle du globule rouge (GR), la présence de schizocytes est anormale. Résultant d une fragmentation mécanique des GR, ils se rencontrent dans des contextes clinico-biologiques variés au sein desquels les syndromes de microangiopathie thrombotique (MAT) dominent par leur gravité et par l urgence de la prise en charge thérapeutique. La quantification d une schizocytose circulante impose une lecture rigoureuse des frottis sanguins. *Laboratoire d Hématologie Pr I. Juhan - CHU Timone - Rue St Pierre - 13385 Marseille cedex 5 Tél.: 04 91 38 60 49/51 Fax : 04 91 94 23 32 E-Mail : chantal.fossat@ap-hm.fr II Circonstances de découverte Parfois orientée par une prescription médicale, il peut s agir d une découverte fortuite du laboratoire, chez un adulte ou chez un enfant, à l occasion du contrôle d une anomalie de l hémogramme sur frottis sanguin. Le tableau clinique est de sévérité variable. C est le début brutal de la maladie associant fièvre, anémie hémolytique, thrombopénie, manifestations neurologiques et insuffisance rénale qui représente la forme grave imposant une prise en charge en urgence. 41

III Physiopathologie La fragmentation érythrocytaire s observe dans des situations variées, qu il s agisse d un effet secondaire lié à une fragilité érythrocytaire, de macro ou de microangiopathies. Chez le nouveau-né, en particulier le prématuré et au cours de la période néonatale, la présence de picnocytes / schizocytes est la règle. On peut en trouver jusqu à 5% à l âge de 3 mois. En présence d une pathologie constitutionnelle (anomalie du cytosquelette : chaine de spectrine, protéine 4.1, dysérythropoïèse congénitale) ou acquise (carence en fer, en vitamine B12) du GR, c est la fragilité érythrocytaire liée à une érythropoïèse peu efficace qui entraîne la fragmentation des hématies. La morphologie des GR est alors dominée par une grande aniso-poïkilocytose, associant schizocytes à d autres aspects morphologiques tels que des elliptocytes, annulocytes, cellules cibles, sphérocytes. Il peut s agir d une fragmentation mécanique sur une valve cardiaque désinserrée, un circuit de dialyse ou de circulation extra corporelle. La présence de schizocytes, témoin du dysfonctionnement est responsable d une hémolyse intravasculaire qui ne présente en général aucun critère de gravité majeur. Lors des chocs palmoplantaires répétés des marathoniens, lors d une élévation de température brutale chez les brûlés, on observe également des schizocytes. Mais, ce sont les phénomènes d activation-lésion endothéliale, qui représentent les formes graves regroupant les MAT. Le développement d une hyperagrégabilité plaquettaire favorise la formation de thrombi plaquettaires, et le dépôt de filaments de fibrine à l origine de la formation de schizocytes. Le rôle des infections dans le déclenchement d un épisode de MAT est vraisemblable. Différents agents infectieux (Streptococcus pneumoniae, Legionella pneumophila, Mycobacterium tuberculosis) ont été retrouvés pendant la phase aiguë. Ce sont ces antigènes qui activent ou endommagent la paroi endothéliale des vaisseaux. De nombreux médiateurs de la réaction inflammatoire sont libérés, activant l adhésion des polynucléaires neutrophiles (PN), la libération de substances proagrégantes endothéliales, en particulier les mégamultimères de facteur Willebrand (MMW) et du platelet activating factor (PAF). Ces phénomènes aboutissent à un état de proagrégabilité plaquettaire qui va persister anormalement chez certains individus présentant des facteurs prédisposant. IV Diagnostic biologique Le diagnostic biologique de schizocytose repose sur l observation en microscopie optique, d un frottis sanguin coloré au May-Grunwald-Giemsa (MGG). Le dépistage par les automates d hémocytométrie reste mal évalué. 1. Définition Les schizocytes présentent des formes très variées et il n existe pas de définition stricte. Ce sont évidemment toujours des microcytes. Le rapport surface/volume est en principe normal. Les autres paramètres dépendent de la taille du fragment cellulaire et de la pathologie à laquelle il est associé. Le travail collégial du Groupe Français d Hématologie Cellulaire (GFHC), coordonné par J. F. Lesesve (1), retient, comme notion essentielle de reconnaissance, la mise en évidence de fragments d érythrocytes présentant des lignes de cassure et au moins 2 angles aigus. Les aspects cytologiques retenus sont donc des formes en triangle (figure 1 a), en casque (figure 1 Cet article constitue l adaptation d un atelier «Schizocytes recherche et interprétation» du XXXIII e colloque du SNBH (Pau, 2004) Figure 1 des schizocytes : a : formes en triangle, b : formes en casque, c : formes en croissant de lune, d : formes en tête de chat, e : formes en chapeau de gendarme 42

Technologie appliquée Schizocytes : recherche et interprétation Figure 2 à éliminer : a : hématies spiculées, b : hématies crénelée Figure 3 à discuter : a : hématies mordues, b : hématies en bâtonnet b), en croissant de lune (figure 1 c), en tête de chat (figure 1 d). Il convient d éliminer formellement les aspects crênelés et spiculés (figure 2 a, b), tandis que les hématies mordues, en virgule, en bâtonnet sont discutables (figure 3 a, b). Les schizocytes très fragiles se transforment rapidement en sphéro-schizocytes (figure 1 e) qui hémolysent rapidement. Témoin d un phénomène ancien, ils perdent leur capacité de déformabilité et sont séquestrés dans les capillaires spléniques avant d être phagocytés. 2. Réalisation Pratique 2.1 - Microscopie optique Les frottis sanguins doivent être fins, bien étalés et colorés au M.G.G à ph neutre ou discrètement acide. C est classiquement le deuxième tiers externe du frottis qui est considéré comme la zone de lecture la plus représentative. Il faut éviter les bordures et les franges du frottis où Les GR ont tendance à se sphériser sous l influence des contraintes d étalement. Il est souhaitable de réaliser cette détermination sur un grand nombre d hématies (1000 à 5000). Plusieurs observateurs doivent régulièrement confronter leurs résultats pour homogénéiser les lectures au sein d un même laboratoire. L expression des résultats doit tenir compte de l ensemble du contexte biologique et clinique du patient Lorsque la présence de schizocytes fait partie d une anisopoïkilocytose érythrocytaire globale, une appréciation qualitative (rares, nombreux, très nombreux ou +/++/+++) associée à un commentaire peut être suffisante, pour orienter le diagnostic. Lorsque la présence de schizocytes domine la morphologie des GR, qu elle est associée à d autres signes clinico-biologiques évocateurs de MAT, il est indispensable d évaluer le pourcentage de schizocytes. Un seuil de positivité interprétable peut être fixé entre 0,2 et 0,5%. 2.2 - Automates d hémocytométrie L alarme morphologique «globules rouges fragmentés» peut servir de dépistage. La sensibilité et la spécificité sont encore mal évaluées en pratique quotidienne. Les automates, analysant un grand nombre d évènements (>10000) par échantillon, devraient être très performants à condition d avoir un mode de reconnaissance fiable. Ce dernier repose sur l étude du volume des particules mesuré par impédance ou diffraction de la lumière dans le canal d analyse des plaquettes/gr, et sur l aspect des courbes de répartition cellulaire qui en résultent. Certains automates réalisent une analyse biparamétrique en ajoutant l analyse du contenu cellulaire réalisé par l étude de la diffraction du rayonnement lumineux à différents angles ou l étude du contenu en ARN par fluorescence. Ainsi, les alarmes «SCH» (Horiba ABX, France), 43

«schizo» (Beckman-Coulter, Etats-Unis) sont déclenchées si le nombre de particules de la zone 18-26 ou 1-30 fl est trop important par rapport au nombre total de plaquettes. L alarme «GR fragmentés» (Bayer, Etats-Unis) est déclenchée si le nombre d évènements de la zone 1-60 fl avec indice de réfraction <1,35 est supérieur à 100 000/μL. L alarme «schizo» (Cell dyn, sapphire) (Abbott, Etats-Unis) est déclenchée si une discordance est trouvée entre la numération par impédance et par analyse d une lumière polarisée à 2 angles (7 et 90 ). L alarme «schizo» (Sysmex, Japon) est déclenchée si une discordance est trouvée entre la numération par impédance et l analyse du contenu en ARN. La sensibilité et la spécificité de ces alarmes sont encore mal connues. Il existe des faux négatifs, lorsque le % de schizocytes est faible et des faux positifs en cas d hyperplaquettose, d agrégats plaquettaires, de grandes plaquettes, de fragments de cytoplasme leucocytaire dans certaines hémopathies, de précipités de cryoglobulines, de chylomicrons circulants, etc. V Diagnostic étiologique Rechercher l étiologie d une schizocytose est indispensable. Après avoir éliminé toutes les causes secondaires de shizocytose associée à une anisopoïkilocytose sanguine, les causes de macroangiopathies des gros vaisseaux, post chirurgicales et transitoires, ce sont les MAT qui regroupent un ensemble de pathologies caractérisées par l association d une anémie hémolytique mécanique, thrombopénie périphérique, et de défaillance viscérales de sévérité variable qui sont des urgences vitales. Les 2 types de MAT les plus classiques sont le purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT, syndrome de Moschowitz) (2) caractérisé par une atteinte le plus souvent viscérale, et le syndrome hémolytique et urémique (SHU) où l atteinte rénale est prédominante. Il existe d autres situations où un MAT peut s observer. Le PTT est une forme particulièrement grave, pouvant s accompagner d une défaillance multiviscérale. On distingue le PTT sporadique qui guérit définitivement, le PTT récidivant caractérisé par des rechutes régulières et fréquentes et le PTT intermittent caractérisé par des rechutes intermittentes. Il est admis que le facteur Von Willebrand (FvW) a un rôle majeur dans la physiopathologie du PTT. Au moment de l épisode de PTT, le plasma contient de grandes quantités de mégamultimères de FvW (MMW) disparaissant dans les cas de PTT sporadique, persistant dans les PTT récidivant même pendant les phases de rémission. L hypothèse d une protéine régulant la taille des MMW et dont le déficit transitoire ou permanent serait responsable de PTT sporadique ou récidivant a été confirmée (3). C est la métalloprotéase ADAMTS13 qui clive spécifiquement les MMW en multimères de bas poids moléculaire (PM). Dans le PTT sporadique, le déficit en protéase est lié à la présence d un inhibiteur plasmatique (IgG) qui disparaît ou persiste dans les formes intermittentes. Chez l adulte, le déficit en ADAMTS13 est associé en général à la présence d un auto-ac inhibiteur plasmatique (4). Chez l enfant le déficit est le plus souvent constitutionnel (5). Cinquante mutations du gène codant l ADAMTS13 en 9q34 sont connues. Il n existe aucune relation entre la gravité des PTT et le génotype, suggérant l intervention d autres facteurs pour expliquer la variabilité phénotypique. Deux types de SHU peuvent être individualisés : le SHU post diarrhéique, encore appelé SHU épidémique, se rencontre le plus souvent chez le nourrisson et le grand enfant. Le SHU atypique survenant en dehors d un contexte de gastro-entérite. La physiopathologie est basée sur l existence d une coagulation intra vasculaire localisée dans la microcirculation rénale. Le SHU post diarrhéique est déclenché par des entérobactéries sécrétrices de toxines : Shigella dysenteriae, Escherichia coli O157 :H7 essentiellement. Ces toxines sont susceptibles à elles seules d induire des lésions endothéliales et d activer les plaquettes. Chez l homme, les récepteurs des toxines se situent pour l essentiel sur les cellules endothéliales du cortex et de la médullaire rénale. La physiopathologie du SHU atypique reste mal comprise. Chez l adulte, des virus, bactéries, médicaments pourraient le déclencher. Chez l enfant, il est associé à une consommation persistante de la fraction 3 du complément qui pourrait être associée à un déficit en facteur H du complément synthétisé par le foie et codé par un gène en 1q32 (6). Récemment des déficits acquis en facteur H par auto-anticorps ont été documentés. Mais on peut rencontrer une MAT dans d autres circonstances : au cours de la grossesse ou du postpartum, au cours de pathologies auto-immunes telles que le lupus érythémateux disséminé, le syndrome des anti-phospholipides, après greffes de cellules souches hématopoïétiques (7), chez les sujets infectés par le VIH (8), chez des patients atteints de cancer, associé à une prise médicamenteuse. De nombreuses classes de médicaments ont été rendus responsables de MAT. La «Food and Drug Administration» cite une enquête menée de 1991 à 1997 impliquant les Thiénopyridines (ticlopidine et clopidogrel) (9), des hypocholestérolémiants (statines), des antibiotiques (rifampicine), des anti-inflammatoires (ibuprofène), des produits de contraste iodés, des immunosuppresseurs (ciclosporine, tacrilomus), des anticancéreux (mitomicine C, cisplatine, bléomycine, gemcitabine) rendant souhaitable la recherche de schizocytes après 4 cures de mitomycine C (10), par exemple. VI - Examens complémentaires L anémie est profonde, régénérative (réticulocytes > 120 G/L) à Coombs négatif. 44

Technologie appliquée Schizocytes : recherche et interprétation L hémolyse est caractérisée par des taux de bilirubine libre et de LDH élevés et par un taux d haptoglobine sérique effondré. La thrombopénie est constante, souvent inférieure à 20 G/L. L hémostase est souvent normale, hormis les D-Dimères discrètement élevés. Une hyperleucocytose composée de polynucléaires neutrophiles est fréquente. Les autres examens complémentaires incluent un ionogramme sanguin et urinaire, l évaluation du débit de filtration glomérulaire, le dosage de la protéinurie des 24h et une étude du sédiment urinaire. La recherche d un processus infectieux ayant pu être le facteur déclenchant est systématique. La recherche d autoanticorps (antinucléaires) peut être utile puisque leur positivité est le plus souvent associée à un déficit sévère acquis en ADAMTS13. L étude de l activité ADAMTS13 doit être systématiquement réalisée chez l enfant afin de ne pas méconnaître un PTT congénital. Chez l adulte l intérêt du dosage est en cours d évaluation. Le dosage des fractions C3 et C4 du complément est utile en cas de SHU. L histologie rénale est parfois utile. VII - Conclusion La mise en évidence de schizocytes sur frottis sanguin doit impérativement être considérée comme anormale. Après avoir validé la découverte, le laboratoire en étroite relation avec le clinicien doit permettre d orienter la recherche de l étiologie qui peut être une urgence vitale dans des circonstances bien définies. BIBLIOGRAPHIE (1) LESESVE JF., FENNETEAU O., CYNOBER T., LECOMPTE T., GRANGE M. J, FLANDRIN G., TROUSSARD X., et le GFHC. Rôle du biologiste confronté à la recherche de schizocytes. Ann. Biol. Clin. 2003, 61,505-512. (2) MOSCHOWITZ E. An acute febrile pleiochromic anemia with hyaline thrombosis of the terminal arterioles and capillaries : an undescribed disease. Archives of internal Medicine, 1925, 36, 294-310. (3) MOAKE JL. VON WILLEBRAND factor, ADAMTS13, and thrombotic thrombocytopenic purpura. Semin Hematol, 2004,41,4-14. (4) COPPO P., BENGOUFA D., VEYRADIER A., WOLF M., BUSSEL A., MILLOT GA., et al. For the Réseau d Etudes des microangiopathies thrombotiques de l Adulte. Severe ADAMTS 13 deficiency in adult idiopathic thrombotic microangiopathies defines a subset of patients characterized by various autoimmune manifestations, lower platelet count and mild renal involvement. Medecine, 2004,83,233-244. (5) PIMANDA JE., MAEKAWA A., WIND T., PAXTON J., CHESTERMAN CN., HOGG PJ.. Congenital thrombotic thrombocytopenic purpura in association with a mutation in the secod CUB domain of ADAMTS13. Blood, 2004, 103, 627-629. (6) CAPRIOLI J., BETTINAGLIO P., ZIPFEL., et al. Italian registry of familial and recurrent HUS/TTP. The molecular basis of familial uremic syndrome : mutation analysis of factor H gene. J. Am Soc Nephrol, 2001;12:297-307. (7) ROY V, RIZVI MA, VESELY SK, GEORGE JN. Thrombotic-thrombocytopenic purpura-like syndromes following bone marrow transplantation: an analysis of associated conditions and clinical outcomes. Bone Marrow Transplant, 2001, 27, 641-646. (8) MOORE RD. Schistocytosis and a thrombotic microangiopathy-like syndrome in hospitalized HIV-infected patients. Am J. Hematol, 1999, 60,116-120. (9) BENNET CL., CONNORS JM., CARVILLE JM., MOAKE JL., BELL WR., Thrombotic thrombocytopenic purpura associated with clopidogrel. N Engl. J. Med., 2000, 342,1773-1777. (10) NISHIYAMA Y., KOMABA Y., KITAMURA H., KATAYAMA Y. Hemolytic uremic syndrome with intracranial hemorrhage following mitomycin C administration.j. Intern. Med., 2001, 40, 237-240. 45