Quelles Représentations soignantes pour quelles prises en charge de tabac en psychiatrie en 2016? Dr R. SEMAL Service d addictologie, Pôle de psychiatrie Centre Hospitalier de Valenciennes, France.
Liens d intérêt L auteur certifie n avoir aucun lien d intérêt, en particulier avec l industrie du tabac, de l alcool, de cigarettes électroniques et avec les compagnies de jeux.
Contexte La prise en charge du tabac en psychiatrie en 2016, une apparente négligence malgré une prévalence importantes des troubles secondaires au tabagismes Les maladies liées au tabac : une des principales causes de décès chez les adultes souffrant d affection psychiatrique 60 à 90% de fumeurs chez les patients souffrant de psychose Une prévalence majorée du tabagisme par rapport à la population générale pour les troubles anxieux, troubles de l humeur, la dépression et la schizophrénie Majoration du risque suicidaire chez les fumeurs (cf. conférence d expert de l OFT, 2008)
Le tabagisme en psychiatrie Un problème qui concerne l ensemble de la communauté soignante, à l intersection entre soins somatiques et soins psychiques, avec des spécificités de discipline? Le libre arbitre et ses limites chez les patients souffrant de troubles psychiatriques et/ou addictifs face à la norme sociétale? Une substance addictive encore parfois perçue comme l expression d un choix et d une liberté au risque d un déni de vulnérabilité des patients souffrant de troubles psychiatriques
Des effets somatiques indiscutables mais retardés dans le temps Des effets indirects immédiats sur la qualités de vie des patients (économique, impact sur les modalités de socialisation ) Où doit-on situer la prise en charge tabacologique? Dans les services de soins somatiques? Dans les services de psychiatrie euxmêmes? Qui doit assumer la référence de ces soins, avec quels corollaires en terme de formation, et de collaboration interdisciplinaire
Un exemple de clinique institutionnelle, la situation au centre psychothérapique de Saint-Saulve en 2016 (1) (Évaluation réalisé en 2016 auprès des patients hospitalisés au Centre Psychothérapique de St Saulve, CH de Valenciennes, 68 questionnaires renseignés sur 69 distribués) 70% des patients se déclarent fumeurs On retrouve un niveau de dépendance élevé au test de Fagerström: 42% de dépendance moyenne, 23% de dépendance forte et 10% de dépendance très forte. 42% déclarent souhaiter arrêter de fumer, mais 67% déclarent ne pas avoir reçu de proposition d aide spécifique
Un exemple de clinique institutionnelle, la situation au centre psychothérapique de Saint-Saulve en 2016 (2) (Évaluation réalisé en 2016 auprès des 98 soignants (66 infirmiers, 24 aide-soignants, 8 cadres infirmiers) du Centre Psychothérapique de St Saulve, CH de Valenciennes avec 44 répondants) 1 fumeur / 5 soignants, et 60% considèrent le tabac comme un problème. 9/10 considèrent l interdiction du tabac à l hôpital comme une évidence (64%) ou une bonne chose (27%) 39% déclarent toujours aborder la question du tabac avec les patients, et 59% parfois. Mais seuls 40% considèrent le temps de l hospitalisation en psychiatrie comme un bon moment pour la prise en charge du tabac
Un exemple de clinique institutionnelle, la situation au centre psychothérapique de Saint-Saulve en 2016 (3) Seuls 67% considèrent le tabac comme une dépendance qu il faut inciter à arrêter, et 81% comme un facteur de risque et de vulnérabilité supplémentaire. 25% considèrent le tabac comme un facteur de socialisation et 30% considèrent le fait de fumer eux-mêmes comme une aide pour établir un lien avec les patients. En parallèle: 56% considèrent l aide pour arrêter le tabac comme peu accessible. Un exemple local qui reflète une situation plus générale
Concernant les patients souffrant de troubles psychiatriques * 66% des schizophrènes sont fumeurs en France La nicotine joue sur le métabolisme des psychotropes, justifiant la réadaptations des dosages médicamenteux en cas de sevrage Les motivations des patients schizophrènes pour l arrêt du tabac sont comparables à celles de la population générale. La période de stabilisation des troubles psychiatriques apparaît préférable pour la réalisation d un sevrage. * HAJBI M., TAHRI S., «Comorbidité schizophrénie tabagisme : caractéristiques épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques», L Information psychiatrique 2010 ; 86 : 171-9
Concernant les équipes de soins en psychiatrie Les soignants fumeurs sous-estiment les conséquences sanitaires du tabagisme et diffèrent dans leur appréciation du tabagisme comme facteur de risque* Le personnel soignant en psychiatrie est plus souvent fumeur, et banaliserait davantage les conséquences sanitaires du tabagisme.* Etude de Mc NEALLY et al en 2006**: «1 soignant sur 10 opposé à l application de l interdiction de fumer en service de médecine, contre 1/3 en psychiatrie Les soignants en psychiatrie ne considèrent pas spontanément qu aider les patients qu ils prennent en charge à arrêter de fumer fait partie de leurs missions» *MICHEL L., LANG J-P., «Législation anti-tabac en psychiatrie : une chance pour les patients?», L Information psychiatrique 2009 ; 85 : 621-8 ADDICTIONS **McNEALLY L, OYEFESO A, et al. «A survey of staff attitudes to smoking-related policy and intervention in psychiatric and general health care settings», J Public Health 2006 ; 28 : 192-6.
Des croyances qui entretiennent le défaut de prise en charge* Le tabagisme, une auto-médication nécessaire? Les patients ne souhaiteraient pas se sevrer? Les patients ne seraient pas en capacité de mener à bien un sevrage du tabac? Arrêter le tabac interférerait avec la recherche d un amendement des symptômes psychiatriques? L arrêt du tabac ne serait pas un axe prioritaire dans la prise en soin des patients présentant des affections psychiatriques? *PROCHASKA JJ., «Smoking and mental illness breaking the link», N Engl J Med. 2011; 365:196 198
Pour conclure Les patients souffrant de troubles psychiatriques présentent des motivations pour se sevrer du tabac équivalentes à la population générale. Ils sont susceptibles d y parvenir, sous couvert d un accompagnement étayant. L arrêt du tabac ne majore pas les troubles du comportement. L arrêt du tabac est susceptible de favoriser une amélioration physique, économique et psychique de nos patients.
Collaboration nécessaire entre les équipes de tabacologie et les équipes de psychiatrie. La formation nécessaire des équipes de psychiatrie à la tabacologie. Sur quels lieux? A quel moment du parcours de soins? Cela implique, l identification de soignants référents, formés, et en capacité d intégrer ce type de prise en charge dans un parcours de soins tenant compte des vulnérabilités propres aux patients pris en charge en psychiatrie.
Merci pour votre attention.