Indications et limites de la neurochirurgie dans le grand âge. Dr Thierry Faillot Neurochirurgie APHP Hôpital Beaujon

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Transcription:

Indications et limites de la neurochirurgie dans le grand âge Dr Thierry Faillot Neurochirurgie APHP Hôpital Beaujon

Les faits: Augmentation de l espérance de vie: On vit plus longtemps, en meilleure santé. Mais rarement en pleine forme!!! o o o o o o o o Pathologies cardiovascullaires, respiratoires Médicaments: AVK, antiagrégants Diabète, insuffisance rénale Cancer Alcool Antécédents neurologiques; AVC, démence, parkinson. Pathologie dégénérative rachidienne souventt associés!!! Progrès médicaux: imagerie, technique chirurgicale/interventionnelle, anesthésieréanimation. On peut plus.mais pour quoi faire?

Les faits: Atrophie cérébrale (compliance meilleure?) Moindre plasticité cérébrale Vaisseaux athéromateux en extra- comme en intracrânien Pathologies souvent intriquées: dégénératives, vasculaires, liquidiennes: difficultés de l évaluation Mobilisation post-opératoire plus difficile Décompensation des pathologies antérieures

Indications de la neurochirurgie: 1.les grands classiques hématome sous dural chronique, Hydrocéphalie chronique névralgie du trijumeau

Hématome sous dural chronique Traumatisme modéré voire absent o Mais aussi fièvre, déshydratation! Arrachement des veines «en pont» Accroissement progressif par: o resaignements successifs o phénomènes osmotiques?

Hématome sous- dural chronique Favorisé par atrophie cérébrale, AVK/AAP, alcool Latence de quelques semaines à deux mois Polymorphisme clinique. Y penser+++ Traitement chirurgical: o Sous anesthésie locale o Trou de trépan+ perforation duremère + coque. o Complications: récidive, empyème, saignement intraparenchymateux, épilepsie Traitement médical: o Réservé aux petits HSD, peu symptomatiques o Acétate d hydrocortisone 30mg/j + régime normosodé o Surveillance radiologique régulière o Mécanisme? Empirique +++

Hydrocéphalie chronique de l adulte Feutrage des espaces de résorbtion du LCR Constitution à bas bruit d une hydrocéphalie tétraventriculaire (communicante). Parfois décompensation tardive d une hydrocéphalie malformative jusqu alors bien tolérée Pas d hypertension intracranienne clinique (pics nocturnes d HTIC modérée)

Hydrocéphalie chronique de l adulte Diagnostic facile en théorie: Triade d Adams-Hakim o Troubles de la marche et station debout o Détérioration intellectuelle o Troubles sphinctériens Souvent éléments dégénératifs intriqués Imagerie: pas toujours la solution Valeur de la PL évacuatrice o Diagnostique++++ o Pronostique??? Evaluation: o Clinique? MMSE/BREF? Débits sanguins cérébraux?

Hydrocéphalie chronique de l adulte PL évacuatrices itératives Dérivation ventriculo-péritonéale/atriale o Simple, mais.. Complications mécaniques (25%): hypo/hyperdrainage, déconnexion, obstruction Complications infectieuses (5%): méningite, péritonite, infection cutanée, septicémie, insuffisance rénale.

Névralgie essentielle du trijumeau Début après 50 ans. Prévalence? Douleurs paroxystiques (V2 et/ou V3, rarement V1) Spontanées ou provoquées par mastication, parole, déglutition, effleurement d une zone gâchette Examen neurologique normal Evolution initiale par poussées de quelques semaines avec phases de rémission spontanées. Traitement avant tout médical: carbamazepine++ (alternatives: gabapentine, baclofène, AD3C) Chirurgie en cas d échec ou de mauvaise tolérance:

Névralgie essentielle du trijumeau Techniques percutanées: Lésion sélective au niveau du ganglion de Gasser Thermolésion, Compression, Glycérol Hospitalisation courte, mortalité nulle Risque de séquelles sensitives (V1) et de récidive. Place de la microchirurgie? Place de la radiochirurgie?

Indications de la neurochirurgie: 2. les indiscutables Risque raisonnables/ bénéfices escomptés: Pathologie rachidienne dégénérative Pathologie tumorale bénigne

Pathologie rachidienne dégénérative Canal lombaire étroit, myélopathie cervicarthrosique, radiculalgies Buts du traitement: o Soulager la douleur o Préserver ou restituer l autonomie Quelques résultats spectaculaires mais surtout stabilisation: ne pas attendre++++ Complications liées à la position opératoire Résultat sur la douleur parasité par éléments émotionnels, cognitifs, et comportementaux

Tumeurs bénignes intrarachidiennes Méningiomes ou schwannomes Récupérations souvent spectaculaires, y compris devant des tableaux neurologiques sévères.

Tumeurs intracrâniennes bénignes Méningiomes, schwannomes vestibulaires Tumeurs extraparenchymateuses. Résultats de la chirurgie: o Après 70 ans: morbidité lourde, «mauvais résultat» 9,4% o Yano et al J Neurosurg 2006;105:536-7 o Roser et al J Clin Neurosci 2007;36, 197-202 Mortalité 4 à 8 % selon les séries o Proust et al Neurochirurgie 1997; 43:15-20 o Bateman et al Neurosurgery 2005; 57:866-72 o Après 80 ans: mortalité 13,5% o Riffaud et al Presse Medicale 2007;36:197-202 o D Andrea et al Neurosurgery 2005, 56: 956-61 Mais pas beaucoup d alternatives en cas de formes évolutives: o Chimiothérapie, hormonothérapie =0 o Radiochirurgie pas toujours possible, efficacité=? o Embolisation thérapeutique?

Tumeurs intracraniennes bénignes Surveillance en cas de: découverte fortuite (1,5% après 75 ans) forme peu symptomatique Exérèse a discuter au cas par cas en fonction de terrain et localisation Chirurgie palliative en cas d hydrocéphalie: DVP, VTE Radiochirurgie si diamètre < 2,5 cm. Evolution possible des indications avec développement des techniques endoscopiques pour les lésions de la base.

Indications de la neurochirurgie: 3. les «à discuter».. Tumeurs intracraniennes malignes Pathologie vasculaire hémorragique Traumatologie aigüe

Tumeurs intracraniennes malignes Les dogmes: Glioblastome: médiane de survie 1an 5% de survivants à 2 ans Gliomes anaplasiques: médiane de survie 2 à 5ans Métastases :médiane de survie12 à 18mos Lymphomes: bonne réponse au traitement mais rechutes fréquentes

Tumeurs intracraniennes malignes La chirurgie est le bras le plus actif du traitement.. o o o Dans l idéal: exérèse tumorale la plus complète possible, chaque fois que possible. Améliore la qualité de survie Dans tous les autres cas: biopsie. Mais elle ne guérit jamais seule le patient: Nécessité d un traitement complémentaire o En cours d évaluation: Radiothérapie «faisable» 50Gy, fractionnement? Chimiothérapie moins lourde, per os: témozolomide ou locale (gliadel)

Tumeurs intracraniennes malignes Indications chirurgicales fonction de o État neurologique et général (Karnofsky) o Localisation de la lésion o Si méta, existence et curabilité d un éventuel primitif o Possibilité et faisabilité du traitement complémentaire. Décision multidisciplinaire Impliquant famille et patient

Hématomes intracérébraux HTA++++, AVK, antiagrégants Localisations capsulaires: o Rien à attendre de la chirurgie sur le plan fonctionnel. o Non indication chirurgicale en cas de coma d emblée. o Aggravation secondaire, hématome superficiel=????? o Pronostic lié au terrain Localisations cérébelleuses: o Plus rares o DVE si hydrocéphalie o Évacuation de l hématome à discuter au cas par cas.

Anévrysmes intracraniens Traitement endovasculaire le plus souvent mais parfois difficile ou dangereux du fait de l état vasculaire (cathétérisme ) Non rompus: o balance risque du tt/ évolution spontanée o Risque de saignement 0,5% par an Rompus: o Resaignement constant et plus grave que le premier épisode o Traitement étiologique à discuter au vu de l état neurologique et général

Traumatologie aigue La chirurgie n est indiquée qu en cas de lésion focale extracérébrale avec aggravation progressive: o Hématome extradural rare car dure-mère adhérente. o Hématome sous-dural aigu (ou resaignement aigu dans un HSD chronique) parfois isolé. Jamais d indication opératoire en cas de coma profond d emblée. AVK et antiagrégants ne sont pas des contre indications Le problème: jusqu où aller trop loin dans la réanimation?

Conclusion Buts de la neurochirurgie: préserver et si possible restituer l autonomie et la fonction. Nécessité d optimiser la prise en charge pré- per- et post-opératoire Prise en compte de la balance risque-bénéfice Âge «civil» au second plan derrière état physiologique et autonomie.