INADAPTATION DES METHODES D'EVALUATION DE LA FONCTION RENALE POUR LES AJUSTEMENTS Méthodes d évaluation de la fonction rénale et traitements médicamenteux : une révision des recommandations très attendue : Nombre de médicaments nécessitent une évaluation de la fonction rénale du patient, que ce soit à l initiation ou lors du suivi de traitement. Compte tenu de sa prévalence, le dépistage de l'insuffisance rénale chronique (IRC) constitue donc un enjeu majeur de santé publique et doit ainsi reposer sur une homogénéité de pratique. Le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux (SJBM) constate pourtant de fortes disparités dans les stratégies de dépistage utilisées par les laboratoires de biologie médicale, ce qui n est pas sans conséquence. Les dernières recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS), datant de 2002, préconisent l'utilisation de la formule de Cockcroft-Gault (CG), développée en 1976 à partir du dosage colorimétrique de la créatinine (Jaffé) pour estimer la clairance de la créatinine (ClCr). Elles ont conduit à un accord de bon usage des soins entre l'assurance Maladie et les biologistes médicaux. En 2013, cette méthode d'estimation de la fonction rénale fait toujours référence au cours des phases d'essai clinique des médicaments. Pourtant l utilisation de la formule de CG, qui estime la ClCr et non le débit de filtration glomérulaire (DFG) est depuis quelques années fortement remise en cause. Ainsi, dès 2005, des sociétés savantes américaines ont recommandé l'utilisation d'une autre formule dite MDRD (pour «Modification of Diet in Renal Disease»), développée en 1999 pour s'affranchir d'une sous-estimation de la fonction rénale chez le sujet âgé et d'une surestimation de celle-ci en cas de surpoids par la formule de CG. Depuis 2009, la Société de Néphrologie et l Agence de Biomédecine préconisent d ailleurs «l abandon de la formule de CG pour l utilisation de la formule MDRD» pour le dépistage et le suivi de la Maladie Rénale Chronique. La HAS préconise quand à elle dans son rapport d'évaluation technologique de décembre 2011 de remplacer ces deux méthodes (CG, MDRD) par une troisième équation, CKD-EPI (chronic kidney disease - epidemiology collaboration, 2009), plus exacte que la MDRD pour les DFG > 60 ml/min mais ne pouvant s'appliquer que pour des dosages enzymatiques de créatinine raccordés à l'idms. Etant donné le coût des techniques enzymatiques (alors que le dosage de la créatinine est coté B7 à la nomenclature quelque soit la méthode utilisée) et en attendant 1 / 6
l appropriation de cette méthode par les professionnels de santé, la HAS avait cependant également recommandé aux laboratoires de biologie médicale d utiliser la formule MDRD. Tenant compte de ces diverses recommandations, les laboratoires de biologie médicale français, ont ainsi progressivement abandonnés la formule de CG au profit de la formule MDRD, comme en témoigne un récent sondage du SJBM (réalisé courant janvier 2014) auprès d'une centaine de laboratoires (voir les résultats du sondage en annexe). Il ressort de ce sondage que moins d un laboratoire de biologie médicale sur deux utilise encore la formule de CG, la majorité d entre eux ne le faisant d ailleurs plus que sur demande expresse du prescripteur. Pire 20% des laboratoires sondés affirment ne plus jamais y avoir recours. Ceci pose en pratique un problème évident. L'ensemble des études pharmacologiques portant sur de nouvelles molécules dont les nouveaux anticoagulants oraux (NACO), pour prendre un exemple récent, utilise la formule de CG pour évaluer la clairance de la créatinine avant l initiation et pendant le traitement. La nécessité d utiliser cette formule de calcul (CG) et non une autre (MDRD) est spécifiée dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) et rappelée dans différents documents de référence (ANSM, GEHT, HAS...). Les laboratoires de biologie médicale n ayant de plus presque jamais de renseignements relatifs à l indication de la demande, mentionnés sur l ordonnance, il leur est impossible en pratique d adapter le choix de la méthode d évaluation en fonction de celle-ci. Or, les conséquences de l'utilisation courante de la méthode MDRD en lieu et place de la méthode de CG en particulier chez les patients âgés peut conduire à débuter un traitement par NACO chez un patient chez qui il aurait été théoriquement contre indiqué en CG (chez les personnes âgées les résultats peuvent en effet varier du simple au double entre CG et MDRD), ou à ne pas effectuer d adaptations posologiques et ainsi exposer potentiellement les patients à des doses trop élevées. Une récente étude récente publiée dans le British Medical Journal (BMJ) va dans ce sens et met en garde contre le risque de surprescrire ou de surdoser les NACO dans la fibrillation atriale, du fait de l utilisation dans la pratique clinique de la méthode MDRD pour l estimation de la fonction rénale alors que c est celle de CG qui est utilisée dans les essais cliniques : «Les chercheurs britanniques ont comparé l éligibilité aux NACO de 4 712 patients souffrant de fibrillation atriale, avec les deux méthodes d estimation de la fonction rénale. Parmi les plus de 80 ans, 14,9% n étaient pas éligibles au dabigatran selon la méthode de Cockcroft-Gault mais 2 / 6
l auraient été avec la méthode MDRD». La Haute Autorité de Santé, dans son rapport d'évaluation technologique de décembre 2011, attire d ailleurs elle-même l attention sur «les difficultés liées au calcul des posologies des médicaments, dont les RCP mentionnent une adaptation des posologies en fonction de la ClCr estimée avec la formule de CG» et reconnaît qu'il serait «souhaitable de revoir les RCP pour permettre d'adapter les posologies des médicaments en fonction du DFG estimé et non de la ClCr». Au terme de cet exposé et conscient de la responsabilité des biologistes médicaux dans le dépistage et le suivi de IRC, le SJBM considère qu'une mise à jour des recommandations HAS de 2002 (technique de dosage de la créatinine, formules d'estimation de la fonction rénale et leurs périmètres d application) ainsi qu'une révision parallèle de la nomenclature sont indispensables. Dans un souci de cohérence, le SJBM souhaiterait engager par ailleurs une réflexion sur la nécessaire évolution de l'évaluation du DFG en matière de RCP et d'études pharmacologiques cliniques. Sans remettre en cause l'intérêt de la formule MDRD et dans l'attente de cette clarification, il serait envisageable, de manière transitoire, de recommander aux laboratoires de biologie médicale d'adjoindre un commentaire systématique sur leurs comptes-rendus, à l'attention des prescripteurs, leur rappelant qu en cas d instauration ou de suivi d un traitement nécessitant l évaluation de la fonction rénale, que celle-ci doit exclusivement être réalisée avec la formule de CG. De nombreux calculateurs sont aujourd hui à leur disposition et facilement accessibles (notamment sur le site de Société de Néphrologie). Nombre de médicaments nécessitent une évaluation de la fonction rénale du patient, que ce 3 / 6
soit à l initiation ou lors du suivi de traitement. Compte tenu de sa prévalence, le dépistage de l'insuffisance rénale chronique (IRC) constitue donc un enjeu majeur de santé publique et doit ainsi reposer sur une homogénéité de pratique. Le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux (SJBM) constate pourtant de fortes disparités dans les stratégies de dépistage utilisées par les laboratoires de biologie médicale, ce qui n est pas sans conséquence. Les dernières recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS), datant de 2002, préconisent l'utilisation de la formule de Cockcroft-Gault (CG), développée en 1976 à partir du dosage colorimétrique de la créatinine (Jaffé) pour estimer la clairance de la créatinine (ClCr). Elles ont conduit à un accord de bon usage des soins entre l'assurance Maladie et les biologistes médicaux. En 2013, cette méthode d'estimation de la fonction rénale fait toujours référence au cours des phases d'essai clinique des médicaments. Pourtant l utilisation de la formule de CG, qui estime la ClCr et non le débit de filtration glomérulaire (DFG) est depuis quelques années fortement remise en cause. Ainsi, dès 2005, des sociétés savantes américaines ont recommandé l'utilisation d'une autre formule dite MDRD (pour «Modification of Diet in Renal Disease»), développée en 1999 pour s'affranchir d'une sous-estimation de la fonction rénale chez le sujet âgé et d'une surestimation de celle-ci en cas de surpoids par la formule de CG. Depuis 2009, la Société de Néphrologie et l Agence de Biomédecine préconisent d ailleurs «l abandon de la formule de CG pour l utilisation de la formule MDRD» pour le dépistage et le suivi de la Maladie Rénale Chronique. La HAS préconise quand à elle dans son rapport d'évaluation technologique de décembre 2011 de remplacer ces deux méthodes (CG, MDRD) par une troisième équation, CKD-EPI (chronic kidney disease - epidemiology collaboration, 2009), plus exacte que la MDRD pour les DFG > 60 ml/min mais ne pouvant s'appliquer que pour des dosages enzymatiques de créatinine raccordés à l'idms. Etant donné le coût des techniques enzymatiques (alors que le dosage de la créatinine est coté B7 à la nomenclature quelque soit la méthode utilisée) et en attendant l appropriation de cette méthode par les professionnels de santé, la HAS avait cependant également recommandé aux laboratoires de biologie médicale d utiliser la formule MDRD. Tenant compte de ces diverses recommandations, les laboratoires de biologie médicale français, ont ainsi progressivement abandonnés la formule de CG au profit de la formule MDRD, comme en témoigne un récent sondage du SJBM (réalisé courant janvier 2014) auprès d'une centaine de laboratoires (voir les résultats du sondage en annexe). Il ressort de ce sondage que moins d un laboratoire de biologie médicale sur deux utilise encore la formule de CG, la majorité d entre eux ne le faisant d ailleurs plus que sur demande expresse du prescripteur. Pire 20% des laboratoires sondés affirment ne plus jamais y avoir recours. 4 / 6
Ceci pose en pratique un problème évident. L'ensemble des études pharmacologiques portant sur de nouvelles molécules dont les nouveaux anticoagulants oraux (NACO), pour prendre un exemple récent, utilise la formule de CG pour évaluer la clairance de la créatinine avant l initiation et pendant le traitement. La nécessité d utiliser cette formule de calcul (CG) et non une autre (MDRD) est spécifiée dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) et rappelée dans différents documents de référence (ANSM, GEHT, HAS...). Les laboratoires de biologie médicale n ayant de plus presque jamais de renseignements relatifs à l indication de la demande, mentionnés sur l ordonnance, il leur est impossible en pratique d adapter le choix de la méthode d évaluation en fonction de celle-ci. Or, les conséquences de l'utilisation courante de la méthode MDRD en lieu et place de la méthode de CG en particulier chez les patients âgés peut conduire à débuter un traitement par NACO chez un patient chez qui il aurait été théoriquement contre indiqué en CG (chez les personnes âgées les résultats peuvent en effet varier du simple au double entre CG et MDRD), ou à ne pas effectuer d adaptations posologiques et ainsi exposer potentiellement les patients à des doses trop élevées. Une récente étude récente publiée dans le British Medical Journal (BMJ) va dans ce sens et met en garde contre le risque de surprescrire ou de surdoser les NACO dans la fibrillation atriale, du fait de l utilisation dans la pratique clinique de la méthode MDRD pour l estimation de la fonction rénale alors que c est celle de CG qui est utilisée dans les essais cliniques : «Les chercheurs britanniques ont comparé l éligibilité aux NACO de 4 712 patients souffrant de fibrillation atriale, avec les deux méthodes d estimation de la fonction rénale. Parmi les plus de 80 ans, 14,9% n étaient pas éligibles au dabigatran selon la méthode de Cockcroft-Gault mais l auraient été avec la méthode MDRD». La Haute Autorité de Santé, dans son rapport d'évaluation technologique de décembre 2011, attire d ailleurs elle-même l attention sur «les difficultés liées au calcul des posologies des médicaments, dont les RCP mentionnent une adaptation des posologies en fonction de la ClCr estimée avec la formule de CG» et reconnaît qu'il serait «souhaitable de revoir les RCP pour permettre d'adapter les posologies des médicaments en fonction du DFG estimé et non de la ClCr». 5 / 6
Au terme de cet exposé et conscient de la responsabilité des biologistes médicaux dans le dépistage et le suivi de IRC, le SJBM considère qu'une mise à jour des recommandations HAS de 2002 (technique de dosage de la créatinine, formules d'estimation de la fonction rénale et leurs périmètres d application) ainsi qu'une révision parallèle de la nomenclature sont indispensables. Dans un souci de cohérence, le SJBM souhaiterait engager par ailleurs une réflexion sur la nécessaire évolution de l'évaluation du DFG en matière de RCP et d'études pharmacologiques cliniques. Sans remettre en cause l'intérêt de la formule MDRD et dans l'attente de cette clarification, il serait envisageable, de manière transitoire, de recommander aux laboratoires de biologie médicale d'adjoindre un commentaire systématique sur leurs comptes-rendus, à l'attention des prescripteurs, leur rappelant qu en cas d instauration ou de suivi d un traitement nécessitant l évaluation de la fonction rénale, que celle-ci doit exclusivement être réalisée avec la formule de CG. De nombreux calculateurs sont aujourd hui à leur disposition et facilement accessibles (notamment sur le site de Société de Néphrologie). www.sjbm.fr 6 / 6