Les pays membres de l Union européenne : situations et politiques économiques

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Transcription:

Les pays membres de l Union européenne : situations et politiques économiques Introduction : La double diversité I) Des choix économiques différents 1 Les politiques budgétaires 2 La flexicurité danoise 3 La flexibilité sans sécurité anglo-saxonne II) Les problèmes de l élargissement 1 Des situations encore très différentes 2 Un rattrapage progressif 3 Un budget insuffisant Conclusion : Economie européenne ou Europe économique?

Introduction : la double diversité L Union européenne n est pas encore un ensemble politique constitué, et sur le plan économique son intégration est très loin d être achevée. Schématiquement, on peut dire que l Union européenne est doublement différente : - elle l est d abord sur le plan des politiques économiques et sociales suivies. Faute d une autorité politique centrale, chaque pays fait un peu ce qu il veut, sous la réserve du respect plus ou moins strict des critères de convergence économique - elle l est ensuite sur le plan des situations économiques et sociales de chaque Etat : quoi de vraiment commun par exemple entre le riche (et membre fondateur de la CEE) Luxembourg, et la pauvre (et nouveau membre) Bulgarie? En moyenne, l écart de niveau de vie entre les habitants de ces deux pays va de 1 à 8!!

Bien des difficultés de fonctionnement de l Union européenne proviennent de cette double diversité : faire coexister dans un même ensemble des pays qui n ont pas les mêmes projets ni les mêmes soucis. Dans le même temps l Union européenne est un peu «coincée» : - faute d Europe politique, difficile d envisager une plus grande convergence des politiques économiques (mais difficile également d envisager plus d Europe politique!) - en même temps, comment différer légitimement l accueil de pays qui viennent de se libérer du joug soviétique et qui aspirent à rejoindre leur «maison commune»? C est donc cette double diversité sans véritable solution qui fait de l Union européenne un objet politique et économique assez singulier dans le monde d aujourd hui, mais qui retarde en même temps assez largement son adaptation aux problèmes contemporains.

I) Les choix économiques différents Au-delà donc des «contraintes» du Pacte de stabilité et de croissance, il semble que chaque pays ou groupe de pays ait la liberté de définir les grands axes de sa politique économique, ce qui ne simplifie pas, évidemment, l adoption d une politique commune 1 Les politiques budgétaires On semble distinguer deux groupes de pays : - ceux qui ont fait le «choix» (ou qui ont pu le faire) de maitriser leurs dépenses publiques, ce qui se traduit dans certains cas par un excédent actuel des finances publiques (exemple du Danemark : 4,6% d excédent), et qui ont donc pu réduire massivement leur endettement public (exemple de l Irlande : de 73,4% à 25,1%). Ces pays se retrouvent surtout en Europe du nord, auxquels il convient d ajouter les pays anglo-saxons et l Espagne. On peut remarquer que pourtant ces pays ont une réputation différente : sociale-démocrate pour l Europe du nord, libérale pour les anglo-saxons

- ceux qui n ont pas pu (ou pas voulu) maitriser vraiment leurs finances publiques : leur déficit public reste relativement élevé (Italie : 4,4%), ainsi que leur endettement public qui s accroit (Allemagne : de 55,6% à 67,5%). Les «nouveaux» pays font souvent partie de ce 2 groupe : leur endettement était faible, mais il s accroit rapidement (à l exemple de la République Tchèque : de 14,6% à 30,1%), même s ils font des efforts de maitrise des déficits courants, à l image de la Slovénie. Il faut remarquer que là également l origine «idéologique» du pouvoir en place ne semble pas jouer véritablement : en 2006 en Italie le «libéral» M. Berlusconi était au pouvoir, et l effort de réduction du déficit allemand a commencé en 2003 sous le social-démocrate Gerhard Schröder. L intégration des politiques économiques est donc loin d être achevée, si même c est un objectif. Il en est de même pour les politiques d emploi. 2 La flexicurité (ou flexisécurité) danoise

Les résultats de cette politique au Danemark sont remarquables, tant sur le plan de l emploi (3,9% de chômeurs), des résultats financiers que de la cohésion sociale (le taux de pauvreté le plus bas de l Union européenne avec la Suède) Il faut toutefois remarquer que cette politique s appuie sur des «arrangements institutionnels» assez difficiles à exporter : - il n existe pas au sens strict de fonction publique avec un code du travail particulier - 80% des salariés danois sont syndiqués - le respect des accords passés et l obligation de négocier sont suivis à la lettre par le patronat danois et les syndicats : exemple : l idée d une délocalisation ne viendrait pas à l esprit des dirigeants de l entreprise Lego, alors même que ce produit basique coûterait sans doute moins cher à produire en Chine!! - il faut ajouter que le Danemark compte 5,4 millions d habitants, ce qui facilite sans doute le contrôle social.

3 La flexibilité sans sécurité anglo-saxonne. Au Royaume-Uni ou en Irlande, il y a aussi la flexibilité du marché du travail (curieusement, pas beaucoup plus qu au Danemark). Mais l aspect «sécurité» est assez souvent remplacé parce que l on appelle le «workfare», c est-à-dire l aide par le travail. Ce principe part d une conception puritaine du travail : le chômeur est responsable de sa situation, et s il veut être aidé, il a l obligation de «faire quelque chose». L aide et l octroi d un revenu minimum sont donc subordonnés à une activité, soit dans une entreprise, soit au service de la collectivité. Ceci explique que la flexibilité du travail se fasse beaucoup plus par le niveau des salaires que par l emploi ou la durée du travail, puisque ces deux variables sont assez proches entre le Royaume-Uni et le Danemark. Nous remarquerons une chose : les résultats de l Espagne en matière de lutte contre le chômage sont très bons, et pourtant l Espagne présente une grande rigidité du marché du travail.

Les pays européens mènent donc des politiques d emploi différentes, surtout sur le plan de la sécurité de l emploi, dans la mesure où la flexibilité du marché du travail semble une idée assez largement répandue désormais même en France. Une autre idée semble réunir de plus en plus les pays européen au-delà de leurs différences : la lutte contre la fiscalité excessive. La plupart des pays estiment maintenant que pour attirer (ou retenir) les entreprises étrangères ou nationales, mais aussi les individus, il faut en passer par une baisse des impôts. Le risque est évidemment le dumping fiscal et la course au «moins disant» Un autre risque se situe au niveau des dépenses : - si on réduit la pression fiscale sans réduire les dépenses, au moins à court terme les déficits publics vont augmenter. - si on réduit les dépenses, un certain nombre de besoins risquent de ne pas être satisfaits.

II ) Le problème de l élargissement Les pays de l Union européenne ne sont pas seulement différents sur le plan des politiques économiques (avec des points de convergence), ils sont également très différents sur le plan de la situation économique, du fait de l élargissement de l Union européenne aux anciens pays de l est (rappel : on les appelle souvent les PECO : Pays d Europe Centrale et Orientale). Dans le même temps, nous allons essayer de montrer que grâce à cet élargissement, ces pays ont commencé leur rattrapage de l Europe de l ouest, ce qui présentera bientôt deux avantages : - ils cesseront progressivement d être des concurrents en matière de coûts du travail - ils vont devenir de plus en plus des clients solvables (même si cette mutation va prendre du temps) 1 Des situations encore très différentes Elles sont différentes sur le plan du niveau de vie et sur le plan du chômage

Les écarts de niveau de vie sont donc encore très différents. Entre le Luxembourg et la Bulgarie l écart va de 1 à 7,3, et le revenu moyen des nouveaux pays ne représente que de 83% à 35% de la moyenne de l Union européenne à 15, avec beaucoup de pays autour de 50% Le chômage semble également le prix à payer à court et moyen terme pour rentrer dans l Union européenne. 2 Un rattrapage progressif Le constat ne doit pas rester aussi négatif : ces pays sont bien engagés dans une voie de rattrapage, que ce soit en terme de niveau de vie, de croissance salariale, de croissance de coûts de main d œuvre, le tout étant aidé par une croissance assez remarquable de la productivité du travail. Avant d observer ces phénomènes positifs, il faut faire néanmoins nuancer : le rattrapage sera long, et il le sera d autant plus pour chaque nouveau pays qui entrera dans l Union européenne, puisque son revenu initial sera d autant plus éloigné du revenu moyen : exemple de la comparaison entre la République tchèque et la Bulgarie : écart de presque 1 à 2

La voie du rattrapage semble donc bien enclenchée même si, rappelons le, elle prendra d autant plus de temps que le point de départ est lointain, ce qui renvoie à une question déjà vue : faut-il élargir toujours plus l Union européenne. Par rapport aux deux questions que nous avons soulevées (diversité des politiques économiques et diversité des situations), le budget européen peut-il être une aide? 3 Un budget insuffisant La réponse à la question est pour l instant et hélas négative : - il est beaucoup trop faible : 128 milliards d alors que le seul budget de la France est de 272 milliards pour 2008 - par comparaison aux budgets d autres «pays», il est ridicule : le budget fédéral américain représente 22% du PIB américain et les 2/3 des dépenses totales - il est concentré seulement sur quelques dépenses, agricoles en particulier

Le budget européen consacré à la croissance et à l emploi ne représente que 44% du total soit 56,3 milliards d soit 113 par an et par habitant européen, ce qui est bien peu!! Mais la faiblesse du budget européen et sa structure repose comme toujours trois problèmes essentiels : - un budget plus important suppose que les pays le financent et donc renoncent pour eux-mêmes à une part des recettes (pour mémoire, les prélèvements français pour l Union européenne ne représentent que 4,7 milliards d, soit 0,3% du PIB français, soit 0,6% du total des prélèvements et 1,7% du budget de l Etat). - ceci suppose encore une fois l émergence d un pouvoir politique légitime en Europe, sinon pourquoi accepter un budget plus important? - mais il faudra aussi que les pays européens se mettent (enfin) d accord sur les priorités économiques : par exemple, l importance démesurée accordée au budget agricole semble de moins en moins légitime, même si la France est gagnante sur ce point.

Conclusion : Economie européenne ou Europe économique? L économie européenne existe bien entendu : il s agit de l addition des économies des 27 pays membres, et cette addition fait de l Union européenne la 1 puissance économique mondiale : elle représente 30% du PIB mondial et 38% des exportations mondiales. Mais l Europe économique, elle, n existe pas encore. Elle devrait pour cela présenter au moins deux caractéristiques : - Il s agirait d un ensemble économique cohérent et intégré, menant une politique commune avec des objectifs communs, en particulier sur la croissance et l emploi. - Il s agirait également d un ensemble parlant d une voie unique dans les différentes institutions économiques mondiales, et capable donc de peser sur les décisions dans un sens qui lui est favorable. Il faut le reconnaître, nous sommes loin de cette situation, et ceci peut rapidement devenir un handicap devant la montée des géants économiques que vont devenir la Chine puis l Inde, et devant le maintien, voire l approfondissement de l hégémonie américaine.