KB/KF/AE REPUBLIQUE DE CÔTE D IVOIRE -------------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN -------------------- RG N 442/2015 JUGEMENT CONTRADICTOIRE du 02/04/2015 ------------ Affaire : Monsieur ZADI BEDE ELIEZER (M e AMANY Kouamé) Contre La Commune de Cocody (M e FLAN Gouet Gonne Lambert) -------------- DECISION : ------------- Contradictoire -------- Se déclare incompétent pour connaître de la présente action au profit du Tribunal de Première Instance d Abidjan-Plateau ; Condamne Monsieur ZADI Bédé Eliezer agissant sous la dénomination commerciale "Atelier G&Z Taximètres" aux dépens. AUDIENCE PUBLIQUE DU 02 AVRIL 2015 Le Tribunal de Commerce d Abidjan, en son audience publique ordinaire du jeudi deux avril de l an deux mil quinze tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Docteur KOMOIN FRANCOIS, Président du Tribunal ; Madame ESSO Millie Blanche épouse ABANET, Messieurs KACOU BREDOUMOU Florent, FOLOU Ignace, N GUESSAN Gilbert, ALLAH-KOUAME Jean Marie et DIARRASSOUBA Vallassiné, Assesseurs ; Avec l assistance de Maître ANGUI ATSE, Greffier ; Avons rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : MONSIEUR ZADI BEDE ELIEZER, de nationalité ivoirienne, né le 15 octobre 1974 à Treichville, demeurant et domicilié à Abidjan Koumassi, 10 BP 222 Abidjan 10, agissant ès-qualité de gérant de l entreprise individuelle Atelier G&Z Taximètres, entreprise immatriculée au registre de commerce et du crédit mobilier d Abidjan le 21 novembre 2012 sous le numéro CI-ABJ-07-P2-2783 et dont le siège social est sis à Abidjan, 10 BP 222 Abidjan 10 ; Demandeur représenté par son conseil, Maître AMANY Kouamé, Avocat près la Cour d appel d Abidjan, demeurant et domicilié en ladite ville, Rue 38, boulevard Nanan Yamousso, Escalier, 1 er étage, porte 110 ; Et d une part ; LA COMMUNE DE COCODY, commune créée par la loi 80-1180 du 17 octobre 1980 prise en la personne de son Maire, Monsieur N GOAN Aka Kacou Mathias, agissant ès-qualité au siège administratif de ladite Mairie sis à l Hôtel Communal de Cocody, Boulevard Latrille, 08 BP 1060 Abidjan 08, Tél. : 22.48.83.87 ; 1
Défenderesse représentée par son conseil, Maître FLAN Gouet Gonné Lambert, Avocat, près la Cour, d Appel d Abidjan ; d autre part ; Enrôlée pour l audience du jeudi 12 février 2015, l affaire a été appelée et renvoyé au 26 février 2015 pour poursuite de la conciliation ensuite au 5 mars 2015 pour conclusions sur la compétence ; A cette dernière date, la cause est mise en délibéré pour le 02 avril 2015 sur la compétence ; Advenue cette audience, le Tribunal a vidé son délibéré comme suit : Vu les pièces du dossier ; LE TRIBUNAL Ouï les parties en leurs fins, demandes et conclusions ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Par exploit d huissier en date du 28 janvier 2015, Monsieur ZADI Bédé Eliezer agissant sous la dénomination commerciale "Atelier G&Z Taximètres " a assigné la Commune de COCODY à comparaître le 12 février 2015 devant le Tribunal de ce siège pour s entendre : - condamner à lui payer la somme de cent trentecinq millions (135.000.000) de francs CFA à titre de manque à gagner ; - ordonner l exécution provisoire de la décision à intervenir ; - condamner aux entiers dépens de l instance distraits au profit de Maître AMANY Kouamé, Avocat aux offres de droit. 2
Il expose au soutien de son action que l entreprise individuelle "Atelier G&Z Taximètres" est spécialisée dans l'installation et entretien de compteurs pour les taxis ainsi que dans le commerce de marchandises diverses ; Que dans le cadre des activités de son entreprise, il a signé avec la Commune de COCODY une convention de concession en date du 13 novembre 2013 ; Qu aux termes de cette convention, la Commune de COCODY a concédé à l'entreprise individuelle ''Atelier G&Z Taximètres'', à titre exclusif, l'installation d'antennes lumineuses et d'afficheurs électroniques sur les taxis communaux de ladite commune communément appelés «Wôrô Wôrô» évalués à trois mille (3.000) ; Que conformément aux stipulations de l'article 11, la durée de la convention a été fixée à un an allant du 1 er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ; la convention étant renouvelable par tacite reconduction ; Qu'après un début assez prometteur par la pose d'une cinquantaine d'antennes, il a été sommé par la SGS- SICTA, structure technique en charge du contrôle des antennes lumineuses et afficheurs électroniques lors de la visite technique des taxis, de produire les nouvelles dispositions de la Commune de Cocody relatives à ce matériel ; Que ladite demande ayant été répercutée au concédant à savoir, la Commune de COCODY, celleci n y a pas donné suite ; Que par la suite, il a été fort surpris de constater que, sans mise en demeure préalable, la Commune de COCODY avait coopté une autre structure pour l'exécution du même marché de concession ; Qu'aux termes de l'article 136 de la loi 80-1180 du 17 Octobre 1980 relative à l'organisation municipale modifiée par les lois 85-578 du 29 Juillet 1985,95-608 du 03 août 1995, «Aucune action judiciaire autre que les actions possessoires et les oppositions au recouvrement des droits, produits et revenus de la 3
commune, lesquelles sont régies par des règles spéciales, ne peut, à peine de nullité, être intentée contre une commune autant que le demandeur a préalablement adressé à l'autorité de tutelle, par lettre recommandée avec accusé de réception, un mémoire exposant l'objet et les motifs de la réclamation. L'action ne peut être portée devant les tribunaux qu'un mois après que l'autorité de Tutelle ait reçu le mémoire sans préjudice des actes conservatoires. La présentation du mémoire interrompt toute prescription ou déchéance si elle est suivie d'une demande en Justice dans le délai de trois mois.» Qu'il ressort clairement de cette disposition que tout demandeur à une action à l'encontre d'une commune doit remplir les deux conditions suivantes avant la saisine de la juridiction compétente : - adresser un mémoire dans ce sens à l'autorité de tutelle par lettre recommandée avec accusé de réception ; - observer un délai d un mois à compter de la saisine de l'autorité de tutelle avant la saisine de ladite juridiction ; Qu en l'espèce, il a adressé une correspondance en date du 19 novembre 2014 à Monsieur le Ministre d'etat, Ministre de l'intérieur et de la Sécurité de la République de Côte d'ivoire, autorité de tutelle de la Commune de COCODY ; Que ladite correspondance a été envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception le même jour et n'a malheureusement pas été suivie de réponse jusqu'à ce jour, soit depuis plus de deux (02) mois et (10) dix jours ; Qu'au total donc, les deux conditions posées par les dispositions de l'article 136 de la loi 80-1180 du 17 Octobre 1980 ci-dessus évoquées sont satisfaites ; Que son action est par conséquent recevable ; Que la Commune de COCODY a commis une faute en procédant à la rupture abusive de la convention de 4
concession liant les parties ; Qu'aux termes de l'article 7 de la convention de concession: «le concessionnaire est autorisé à percevoir sur chaque taxi communal vingt-cinq mille francs (25.000 F CFA) par antenne posée et vingt-cinq mille francs cfa (25.000 F CFA) par afficheur électronique affiché» ; soit la somme de cinquante mille (50.000) francs CFA par taxi ; Que sur cette somme, les parties ont convenu que l entreprise "Atelier G&Z Taximètres" devait reverser à la Commune de COCODY la somme de cinq mille (5.000) F CFA ; Qu'ainsi, il devait percevoir pour chaque taxi la somme de quarante-cinq mille (45.000) F CFA ; Qu en multipliant cette somme par le nombre des taxis communaux concernés par l opération, il subit un manque à gagner de cent trente-cinq millions (135.000.000) de F CFA ; Qu il sollicite la condamnation de la Commune de COCODY au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi sur le fondement des dispositions de l article 1149 du code civil ; Le Tribunal a invité les parties à présenter leurs observations sur l exception d incompétence soulevée d office ; En la forme SUR CE Sur le caractère de la décision La Commune de Cocody a eu connaissance de la procédure ; Il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard ; Sur le taux de ressort L article 8 de la loi organique n 2014-424 du 14 juillet 5
2014 portant création, organisation et fonctionnement des juridictions de commerce dispose : «Les Tribunaux de commerce statuent : - en premier ressort, sur toutes les demandes dont l intérêt du litige est supérieur à un milliard de francs CFA ou est indéterminé ; - en premier et dernier ressort, sur toutes les demandes dont l intérêt du litige n excède pas un milliard de francs CFA». En l espèce, l intérêt du litige qui est de cent trente-cinq millions (135.000.000) de F CFA, est inférieur est supérieur un milliard de francs CFA. Il convient par conséquent de statuer en premier et dernier ressort conformément aux dispositions de l article 8 susvisé. Sur la compétence Monsieur ZADI Bédé Eliezer exerçant sous la dénomination commerciale "Atelier G&Z Taximètres" sollicite la condamnation de la Commune de COCODY au paiement de la somme de cent trente-cinq millions (135.000.000) F CFA à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait, selon lui, de la rupture abusive de la convention de concession liant par les parties par la défenderesse. Il est constant comme résultant des pièces du dossier que Monsieur ZADI Bédé Eliezer exerçant sous la dénomination commerciale "Atelier G&Z Taximètres" et la Commune de COCODY ont conclu une convention de concession en date du 13 novembre 2013. L article 2 de ladite convention stipule que : «La présente convention a pour objet de définir les conditions et modalités : 2-1 : de l installation d antennes et d afficheurs électroniques 2-2 : du reversement à la Commune de COCODY des redevances liées à la concession du service public» ; Il ressort de cette stipulation que le contrat liant les parties porte sur l exécution même du service public relatif à installation d antennes lumineuses et 6
d afficheurs électroniques sur les taxis de la Commune de COCODY. Cette convention de concession de service public est régie par les règles du droit administratif. Or, l article 7 de la loi organique n 2014-424 du 14 juillet 2014 portant création, organisation et fonctionnement des juridictions de commerce dispose que : «Les juridictions de commerce connaissent : - des contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants au sens de l'acte Uniforme relatif au Droit commercial général ; - des contestations entre associés d'une société commerciale. ou d'un groupement d'intérêt économique ; - des contestations, entre toutes personnes, relatives aux actes de commerce au sens de l'acte Uniforme relatif au Droit Commercial général. Toutefois, dans les actes mixtes, la partie non commerçante demanderesse peut saisir les tribunaux de droit commun ; - des procédures collectives d'apurement du passif ; - plus généralement des contestations relatives aux actes de commerce accomplis par les commerçants à l'occasion de leur commerce et de l'ensemble de leurs contestations commerciales comportant même un objet civil ; - des contestations et oppositions relatives aux décisions prises par les juridictions de commerce». Il ressort de ce texte, énumérant limitativement les attributions des juridictions de commerce, qu aucune compétence n est dévolue auxdites juridictions en matière administrative. Dès lors, le Tribunal de Commerce de ce siège ne peut connaître de l action en paiement de dommages et intérêts initiée par Monsieur ZADI Bédé Eliezer ; celleci se rapportant à l exécution d un contrat de 7
concession de service public soumis aux règles du droit administratif ; Il convient, dans ces conditions, de se déclarer incompétent pour connaître de la présente action au profit du Tribunal de Première Instance d Abidjan- Plateau désigné à juste titre par les parties, à l article 12 de leur convention, pour connaître des litiges relatifs à l interprétation ou à l exécution de ladite convention ; Sur les dépens Le demandeur succombe en l instance. Il y a lieu de le condamner aux dépens. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en premier et dernier ressort ; Se déclare incompétent pour connaître de la présente action au profit du Tribunal de Première Instance d Abidjan-Plateau ; Condamne Monsieur ZADI Bédé Eliezer agissant sous la dénomination commerciale "Atelier G&Z Taximètres" aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus. ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./. 8