Hémochromatose. Les humains ne disposent pas de mécanisme. Objectifs

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Transcription:

I-00-Q000 II-Q242 D r François Lefrère Service de biothérapies, hôpital Necker, 75015 Paris francois.lefrere@nck.aphp.fr Les humains ne disposent pas de mécanisme physiologique de régulation de l excrétion du fer. Ainsi, l augmentation des réserves martiales peut résulter schématiquement : soit d une absorption intestinale excessive de fer associée à des anomalies congénitales génétiques (identifiées ou pas), on parlera alors d hémochromatose dite «primitive» ; soit d anomalies acquises, comme l administration parentérale de fer (en général iatrogène) ou encore suscitée par des syndromes anémiques ou des infections chroniques par le virus de l hépatite C qui, par des mécanismes mal élucidés, concourent à une augmentation des réserves martiales. On parlera alors d hémochromatose dite «secondaire». L accumulation excessive intra-organique de fer, au long cours, est susceptible d engendrer des complications graves et variées alors qu un diagnostic précoce et un traitement adapté permettent de réduire considérablement ces risques. Une classification, fondée sur les mécanismes moléculaires et la physiopathologie (fig. 1), est indispensable pour appréhender la compréhension des mécanismes physiopathologiques, les méthodes diagnostiques et les choix thérapeutiques. La grande fréquence de la maladie dans la population générale, la simplicité de son diagnostic, l évolution possible vers des complications cliniques variées et graves, et surtout les mesures thérapeutiques prophylactiques simples et efficaces à disposition, constituent un enjeu majeur de santé publique. CLASSIFICATION DES SURCHARGES MARTIALES Surcharges martiales primitives Les surcharges martiales dites primitives résultent généralement d anomalies congénitales intéressant le métabolisme du fer et sont de mécanismes variés. L hémochromatose est l une des maladies génétiques les plus fréquentes dans les populations originaires d Europe du Nord. En France, on estime à plus de 200 000 les personnes atteintes d hémochromatose génétique pour seulement 20 000 diagnostiquées. Objectifs Diagnostiquer une hémochromatose. Argumenter l attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient. 1. liée au gène HFE (type 1) Cette forme, de très loin la plus fréquente, résulte d une anomalie des mécanismes moléculaires régulant l absorption intestinale du fer et conduisant à une accumulation progressive dans l organisme au cours du temps. Elle est liée à des mutations du gène HFE (situé sur le locus p21.3 du chromosome 6). La mutation principale, C282Y (G A), serait apparue il y a environ 2 000 ans chez un Celte d Europe du Nord. Ceci explique sa prévalence élevée dans certains pays, particulièrement dans le nord européen, où l on estime la prévalence des sujets homozygotes à 5 (beaucoup plus rare en Europe du Sud ou les autres ethnies). Il est possible que cette mutation ait été favorablement sélection née au cours de l évolution, car sa présence, réduisant la fréquence de la carence en fer, augmentait la fécondité des femmes. De nature autosomique récessive, la pénétrance de la maladie est toutefois incomplète et l expressivité très variable. La protéine HFE appartient aux molécules HLA de classe I non classiques dont le rôle n est pas totalement élucidé. L absence d une protéine HFE fonctionnelle conduirait à un défaut de régulation de l expression de certaines protéines impliquées dans le transport du fer ; tout comme si l organisme concluait à une carence en fer et tâchait d en augmenter au maximum l absorption digestive. Les patients porteurs de la mutation à l état homozygote peuvent développer une hémochromatose classique (toutefois, seule une minorité d entre eux développera la maladie). Les hétérozygotes n ont pas de signe clinique mais peuvent transmettre la mutation à leur descendance. Une deuxième mutation, l H63D (C G) a été identifiée. Elle présente une distribution géographique plus large. Les porteurs homozygotes ou les sujets dits hétérozygotes composites (un gène avec la mutation C282Y, l autre avec la mutation H63D) n ont en général pas de surcharge martiale aussi sévère que celles liées à la mutation C282Y. 2291

II-Q242 2. Autres formes génétiques Elles sont beaucoup plus rares. Les hémochromatoses «juvéniles» de type IIa(liée à une mutation de l hémojuvénile) et IIb (mutation de l hepcidine) [tableau 1] suscitant des surcharges martiales sévères et précoces, touchant les deux sexes, entraînent des défaillances cardiaques et des hypogonadismes. L exceptionnelle hémochromatose de type IIIest liée à des mutations d un récepteur à la transferrine, le phénotype est variable et indiscernable du type I. L hémochromatose de type IV, de transmission autosomique dominante, est associée à des mutations du gène codant pour la ferroportine (récepteur de l hepcidine). L originalité consiste en un taux élevé de ferritine contrastant avec une saturation de la transferrine normale. La surcharge en fer est avant tout macrophagique, et il existe une médiocre tolérance aux saignées. Certaines formes (exceptionnelles) de surcharges primitives en fer comme l hypotransferrinémie, l acéruloplasminémie ou le déficit en DMT1 sont liées à des anomalies génétiques de protéines impliquées dans le transport du fer, et entre autres responsables d anémie, contrairement aux formes précédentes. Enfin, de nombreux patients ont un phénotype de surcharge martiale ressemblant en tout point à celles liées à des mutations du gène HFE sans toutefois qu aucune anomalie génétique connue ne puisse être identifiée. Ces formes, plus fréquentes en milieu méridional (à l inverse des formes HFE), sont sans doute liées à des anomalies génétiques non encore identifiées intéressant le métabolisme du fer. La conduite à tenir demeure de toute façon identique tant pour le diagnostic que les traitements. Surcharges en fer dites «secondaires» Beaucoup d anémies chroniques congénitales ou acquises peuvent susciter une augmentation de l absorption intestinale du fer à l origine d un tableau de surcharge martiale, notamment les syndromes thalassémiques, les anémies hémolytiques chroniques et certaines formes de myélodysplasies, comme les anémies sidéroblastiques. Les anomalies du bilan martial rencontrées sont alors souvent associées à un contexte hématologique déjà connu (notamment une anémie). Les surcharges iatrogéniques en ferliées à des transfusions sanguines itératives constituent une forme très classique et courante de surcharge secondaire au contexte clinique souvent évident. Un culot globulaire contient approximativement 200 mg de fer. Ainsi, un programme transfusionnel répété et régulier (pour le traitement d anémies congénitales ou acquises) conduit assez rapidement à une surcharge martiale en l absence de traitement chélateur du fer associé, d autant que l anémie en soi peut être un facteur à l origine d une hyperabsorption digestive du fer. Formes localisées de surcharge en fer Des formes de surcharge martiale isolée, au seul niveau hépatique, peuvent se rencontrer au cours de certaines hépatopathies chroniques ou de la porphyrie cutanée tardive. Le «syndrome dysmétabolique avec surcharge en fer» (modérée), tableau fréquent, constitue plutôt un diagnostic différentiel de l hémochromatose et associe classiquement une surcharge pondérale, une sédentarité, une hypercholestérolémie, une hypertriglycéridémie, une consommation excessive d alcool, des anomalies du bilan hépatique. Le taux de ferritine peut s élever mais la saturation de la transferrine est généralement normale. Le traitement symptomatique (régime) permet généralement de normaliser le bilan martial. Concernant les surcharges isolées d autres organes, il s agit de contexte rare et très particulier, comme la sidérose pulmonaire en cas d hémorragie intra-alvéolaire, une surcharge rénale en cas d hémoglobinurie, neurologique (maladie de Friedriech) CIRCONSTANCES DIAGNOSTIQUES Le diagnostic peut être posé dans un cadre individuel ou lors d une enquête familiale. Diagnostic dans un cadre individuel 1. Devant des manifestations cliniques et/ou biologiques liées aux complications Elles sont en générale tardives (au-delà de 40 ans), liées au retentissement chronique et cumulatif, au fil des ans, de la QU EST-CE QUI PEUT TOMBER À L EXAMEN? L hémochromatose congénitale (ou acquise) constitue un modèle exemplaire de transversalité. Les complications susceptibles de survenir chez les patients au cours de l évolution de la pathologie sont très variées et relèvent volontiers d une prise en charge multidisciplinaire, tout à fait dans l esprit de l enseignement médical universitaire au moment des épreuves classantes nationales. Pathologie particulièrement fréquente, elle constitue également un enjeu de santé publique éminent. La mise au point de recommandations récentes émanant de la Haute Autorité de santé, concernant le dépistage, les méthodes diagnostiques et la prise en charge thérapeutique, a permis de clarifier la situation. Il faut particulièrement insister sur les données épidémiologiques, les critères biologiques précis du dépistage et du diagnostic (notamment le bilan martial) et sur les bonnes indications thérapeutiques ainsi que leurs objectifs. 2292

surcharge en fer sur certains tissus et organes. En raison des pertes menstruelles et des grossesses (source d élimination de fer), la maladie s exprime plus tardivement et moins sévèrement chez les femmes. Certains signes plus précoces comme l asthénie, les arthralgies, l amaigrissement, ou l impuissance sont peu spécifiques et pas forcément différents, en fréquence, de ceux rencontrés parmi les sujets sains. Au cours de l évolution, les patients peuvent développer divers tableaux reflétant telle ou telle souffrance organique : endocrinienne : diabète (par atteinte pancréatique), hypo - thyroïdie, hypogonadisme (pouvant être responsable d une impuissance) ; hépatique : élévation des transaminases, hépatomégalie, cirrhose, voire hépatocarcinome ; cardiovasculaire : insuffisance cardiaque, trouble du rythme ; mélanodermie ; ostéoporose. C est donc devant des tableaux cliniques très différents que l hypothèse d une hémochromatose doit être systématiquement évoquée et nécessiter un bilan biologique de dépistage. 2. Diagnostic biologique de la surcharge martiale Les marqueurs biologiques sériques du fer constituent les éléments majeurs du diagnostic. Demandés devant un contexte clinique évocateur, une enquête familiale ou souvent à titre systématique, il doit comprendre un dosage à jeun de : fer sérique (normes 11-34 mmol/l pour les femmes, 12-35 pour les hommes) ; coefficient de saturation de la transferrine (rapport fer/transferrine, normes < 45 %) ; ferritine (normales < 200 µg/l pour les femmes, < 300 µg/l pour les hommes). Le diagnostic repose avant tout sur l évaluation du coefficient de saturation de la transferrine qui, mesuré à plus de 45 %, confirme l existence d une surcharge en fer. L élévation isolée du taux de ferritine avec une saturation de la transferrine normale écarte a priori le diagnostic de surcharge martiale. à retenir 3. Tests génétiques POINTS FORTS La prévalence de l hémochromatose congénitale concernerait plus de 200 000 personnes en France. Seule une minorité est actuellement dépistée. Dépistage : tout adulte devrait avoir au moins une fois dans sa vie une mesure du coefficient de saturation de la transferrine (à jeun) Élévation isolée du taux de ferritine avec saturation de la transferrine normale : pas d hémochromatose! Rechercher alcoolisme, syndrome inflammatoire, cancer, anémie chronique (hémolyse, myélodysplasie), hépatopathies, syndrome «dysmétabolique», syndrome cataracte-hyperferritinémie (très rare). Objectif thérapeutique : maintenir un taux de ferritine inférieur à 50 µg/l. Le traitement de l hémochromatose primitive repose avant tout sur les saignées et ne concerne que les patients ayant un taux élevé de ferritine. Ils se font à partir d un simple prélèvement sanguin. Les mutations C282Y et H63D sont recherchées directement par des techniques de biologie moléculaire. La recherche d autres mutations est affaire de spécialiste et de pratique non courante. 4. Diagnostic lors d une enquête familiale Compte tenu des modes de transmission de la maladie, le cas d un probant impose une enquête familiale, avec la recommandation d une consultation médicale et la prescription d un bilan martial comprenant, surtout, le dosage du coefficient de saturation de la transferrine mais aussi un test génétique visant à repérer une homozygotie C282Y. Pour les enfants, il est recommandé d attendre l âge de 25 ans avant de tester le bilan martial, période nécessaire à l accumulation de fer susceptible d être biologiquement dépistée par une prise de sang. Tableau 1 Caractéristiques des hémochromatoses génétiques HÉMOCHROMATOSE FRÉQUENCE TRANSMISSION GÈNE CHROMOSOME PROTÉINE EN CAUSE Génétique (type 1) 1 sur 300 récessive HFE 6 HLA de classe I non classique Juvénile (type 2A) rare récessive HJV1 1 hémojuveline Juvénile (type 2B) rare récessive HAMP 19 hepcidine Par mutation TFR2 très rare récessive TFR2 7 récepteur (type 3) de la transferrine 2 Type 4 très rare dominante SLC40A1 2 ferroportine R Q 242 2293

II-Q242 Entérocytes Fer Hépatocytes Macrophage Lumière intestinale DMT-1 Ferroportine Globule rouge Hémojuvénile Hepcidine HFE Hephaestine Ferroportine Récepteur transferrine type 2 Récepteur type 2 Transferrine Vaisseaux sanguins Figure 1 Tableau 2 Métabolisme du fer. Prise en charge de l hémochromatose HFE (d après les recommandations de la Haute Autorité de santé) STADE 0 STADE 1 STADE 2 STADES 3 & 4 Évaluation initiale Pas de symptôme Pas de symptôme Pas de symptôme Expression clinique (interrogatoire, examen clinique, CS-Tf 45 % CS-Tf 45 % CS-Tf 45 % CS-Tf 45 % bilan martial [ferritinémie & CS-Tf]) Ferritinémie normale Ferritinémie normale Hyperferritinémie Hyperferritinémie Bilan initial Pas d examens complémentaires Rechercher une atteinte : pancréatique (glycémie à jeun) hépatique (transaminases, échographie en cas de signes cliniques ou de cytolyse) cardiaque (échographie pour les stades 3 et 4) gonadique (dosage testostérone s il s agit d un homme) osseuse (ostéodensitométrie) en présence de cofacteurs d ostéoporose Orienter vers un spécialiste en fonction de la clinique et en cas d anomalie du bilan Traitement Pas de traitement Traitement déplétif par saignée (jusqu à 7 ml/kg sans dépasser 550 ml) induction : saignée hebdomadaire jusqu à ce que la ferritinémie devienne 50 µg/l entretien : saignée tous les 2, 3 ou 4 mois (en fonction des patients) : maintenir la ferritinémie 50 µg/l Suivi Tous les 3 ans Chaque année À chaque saignée interrogatoire interrogatoire interrogatoire et évaluation clinique examen clinique examen clinique suspendre saignées si hémoglobine < 11 g/dl ferritinémie & CS-Tf ferritinémie & CS-Tf En induction : en début de traitement, contrôler mensuellement la ferritinémie jusqu à atteinte du seuil de 300 µg/l chez l homme et 200 µg/l chez la femme (lors des saignées). En dessous de ces valeurs, contrôler la ferritinémie toutes les 2 saignées En entretien : ferritinémie toutes les 2 saignées. Contrôler l hémoglobine dans les 8 jours précédant la saignée CS-Tf : coefficient de saturation de la transferrine. 2294

Figure 2 BILAN À RÉALISER Suivant l intensité de la surcharge en fer et de ses complications, on définit 5 stades de gravité croissante (tableau 2). Seules les formes comprenant une élévation du taux de ferritine (stades 2 à 4) justifient un bilan complémentaire. Outre le bilan martial et les tests génétiques qui permettent d établir le diagnostic, un bilan initial des risques est alors à réaliser et peut comprendre, suivant les cas : bilan métabolique : glycémie à jeun et hémoglobine glyquée, TSH, transaminases, α-fœtoprotéines, testostérone ; bilan morphologique : échographie hépatique en cas d anomalie du bilan biologique, radiographies des articulations des chevilles et poignets. Une IRM hépatique peut être proposée pour évaluer l indice de surcharge en fer (fig. 2). Cet examen a, à présent, largement remplacé la classique ponction-biopsie hépatique dans cette indication : bilan cardiaque avec ECG et échographie ; éventuellement ostéodensitométrie osseuse ; évaluation des risques hépatiques associés : alcoolisme, hépatite virale B et C. PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE Elle repose sur plusieurs aspects. Saignées Photo d IRM hépatique. À gauche : normale. À droite : surcharge martiale (le foie apparaît noir). Le traitement déplétif par saignée constitue le traitement de référence! Une saignée thérapeutique permet de soustraire le fer contenu dans les globules rouges (0,5 g dans 1 litre de sang) et de susciter ainsi un déplacement des réserves tissulaires vers le tissu hématopoïétique qui travaille à la régénération des hématies. La répétition régulière des saignées permet ainsi de venir progressivement à bout de la surcharge martiale. Seuls les patients aux stades 2, 3 et 4 (tableau 2) requièrent une indication aux saignées. En premier lieu, «un traitement d induction» avec une saignée toutes les semaines (ou tous les 15 jours) est réalisé jusqu à obtention d un taux de ferritine inférieur à 50 µg/l. Puis «un traitement d entretien» par saignées régulières dont la périodicité est à adapter au cas pas cas (en moyenne tous les 2 à 4 mois) doit permettre de maintenir le taux de ferritine inférieur à 50 µg/l. Le volume des saignées à conseiller est au plus de 7 ml/kg sans jamais dépasser 550 ml. Le taux de ferritine doit être dosé tous les mois (ou toutes les 4 saignées) lors du traitement d induction, puis toutes les 2 saignées lorsque le taux de ferritine atteint 300 µg/l pour les hommes et 200 µg/l pour les femmes. Il faut transitoirement stopper les saignées si le taux d hémoglobine devient inférieur à 11 g/dl. Il ne faut pas s acharner à normaliser le taux de saturation de la transferrine dès l instant où la ferritine sérique est maintenue sous 50 µg/l. Pour la cible thérapeutique, le taux seul de ferritine est à prendre en compte. En revanche, il ne faut pas seulement se contenter d abaisser le taux de ferritine dans les valeurs de la normale, mais la réduire (et la maintenir) à ce seuil bas pour assurer une déplétion intratissulaire optimale et durable. Quelques particularités sont à connaître : en l absence de problème, lors de la prise charge initiale, les saignées peuvent être envisagées à domicile par une infirmière à proximité d un accès médical ; durant la grossesse, il faut suspendre le programme des saignées ; chez les patients «fragiles», âgés, ou sous bêtabloquant, il peut être conseillé de réaliser une compensation isovolumétrique de sérum physiologique ou glucosé dans le même temps que la saignée ; les indications de traitements déplétifs par chélateur du fer (mauvais accès veineux, intolérance majeure aux saignées, anémie, défaillance cardiovasculaire grave contre-indiquant les saignées) ou par érythraphérèse sur séparateur de cellule sont plutôt marginales. R Q 242 2295

II-Q242 Traitement des complications Le traitement symptomatique des complications relève des spécialités concernées sans particularités spécifiques liées à l hémochromatose. La diversité des complications liées à l hémochromatose implique souvent la nécessité d une prise en charge multidisciplinaire (cardiologique, hépatique, diabétique ). Mesures «connexes» Il faut une abstinence vis-à-vis des boissons alcoolisées et une vaccination contre le virus de l hépatite B (afin de minimiser le cumul de «risques» hépatiques associés) ; éviter les consommations de comprimés de vitamine C (qui majorent l absorption digestive du fer) ; en revanche, aucun régime, notamment pauvre en fer, n est recommandé ; la consommation régulière de thé vert, réduisant l absorption digestive du fer, peut être suggérée ; enfin, un contact possible avec le milieu associatif pour les patients demandeurs (association France) est possible. Perspectives thérapeutiques potentielles L identification récente de l hepcidine, hormone peptidique de synthèse hépatique, dont l action permet de réduire l absorption intestinale du fer et de réguler son recyclage, pourrait permettre dans l avenir de favoriser la mise au point de thérapeutiques médicales alternatives. L auteur déclare n avoir aucun conflit d intérêts concernant les données publiées dans cet article. Pour en savoir plus Surcharges en fer Monographie (Rev Prat 2006;56[19]:2109-48) 1 2 3 1 2 3 MINI TEST DE LECTURE Un coefficient de saturation de la transferrine normal écarte le diagnostic de surcharge martiale liée à une hémochromatose congénitale de type HFE. L hémochromatose congénitale de type HFE est surtout fréquente en Europe méridionale. Le traitement d une hémochromatose congénitale de type HFE exige de maintenir le programme de saignées jusqu à la normalisation complète du taux de saturation de la transferrine. La majorité des sujets homozygotes pour la mutation C282Y vont développer des symptômes cliniques en rapport avec leur surcharge martiale au cours de leur vie. Les régimes alimentaires pauvres en fer sont inutiles chez les patients souffrant d hémochromatose congénitale. En France, les saignés réalisées chez les patients porteurs d hémochromatose congénitale peuvent être utilisées comme produits sanguins à visée transfusionnelle. Parmi les pathologies suivantes, quelles sont celles susceptibles d être attribuées aux complications d une hémochromatose congénitale de type HFE? 1 Diabète insulinodépendant. 2 Anémie centrale. 3 Hypothyroïdie. 4 Fibrose pulmonaire. 5 Cirrhose. A / VRAI OU FAUX? B / VRAI OU FAUX? C / QCM Réponses : A : V, F, F / B : F, V, F / C : 1, 3, 5. ABONNEZ-VOUS OU RÉABONNEZ-VOUS EN LIGNE LA REVUE DU PRATICIEN 1 5 N O V E M B R E 2 0 0 7 / T O M E 5 7 N º 1 7 en INFECTIONS AIGUËS DES VOIES RESPIRATOIRES DE L ENFANT. 1I. Infections basses 15 novembre 2007 Tome 57 N 17 (1857-1972) IMONOGRAPHIEI Infections aiguës des voies respiratoires de l enfant II. INFECTIONS BASSES OUVERTURES B Cellules souches : où en t?b TEP unpremier RÉFÉRENCES UNIVERSITAIRES L efficacité de la FMC B Qu est-ce qui peut tomber à l examen? B Cataracte B Troubles du comportement de l adolescent B Appendicite de l enfant d l d lt B Insuffisancerénale aiguë. Anurie