Bien que les de la dyspepsie et du reflux gastro-œsophagien (RGO, en engl. GERD) puissent se recouper, ces maladies sont considérées comme deux entités distinctes. Dyspepsie On parle de troubles dyspeptiques lors de troubles chroniques ou récurrents dans l abdomen supérieur, y compris douleurs épigastriques, brûlures d estomac, régurgitations acides, inconfort avec ballonnement, satiété précoce, lourdeur abdominale ou nausées. 1 Si les brûlures d estomac ou les régurgitations acides dominent (plus de 1x/semaine), les patients doivent être considérés comme des patients RGO. 1 La dyspepsie est un problème fréquent dans le monde entier. Chaque année, 1% de la population adulte ressent pour la première fois des troubles dyspeptiques et 25% souffrent de dyspepsie chronique ou récurrente. 2 La dyspepsie est déclarée fonctionnelle pour 2/3 des patients et organique pour le 1/3 restant (le plus souvent chez les patients >45 ans). Le diagnostic «dyspepsie fonctionnelle» sera posé uniquement après un dépistage gastroentérologique et en l absence de toute cause organique. En conséquence, seuls les troubles dyspeptiques peuvent être thématisés en officine. Bien que l étiologie de la dyspepsie fonctionnelle soit incertaine, les facteurs suivants peuvent e.a. jouer un rôle: dysfonctionnement de la motilité intestinale, hypersensibilité viscérale et facteurs psychologiques. 2 Les causes d une dyspepsie organique sont e.a. un ulcère peptique, un carcinome (gastrique ou œsophagien), une maladie du pancréas, la prise d AINS ou d autres médicaments. 2 Dyspepsie non Symptômes d alarme 1 oui Médicament à risque 2 non oui Consulation médicale urgente Conseils mode de vie 3 Traitement OTC Succès soulagement insuffisant des ou traitement > 2 semaines Pas de mesures supplémentaires Consultation médicale non urgente Figure 1: Algorithme pour le triage pharmaceutique des troubles dyspeptiques selon NICE, National Institute for Clinical Excellence (modifié selon 8 ). 1 Les d alarme incluent saignements gastro-intestinaux (y compris sang dans les selles), dysphagie, perte de poids involontaire, gonflement de l abdomen et vomissements à répétition. 2 Demander le traitement actuel contre la dyspepsie (auto-médication inclus). Se renseigner sur les médicaments susceptibles d induire une dyspepsie, tels qu anticalciques, nitrates, théophylline, bisphosphonates, corticostéroïdes et AINS. 3 Le conseil comprend alimentation, perte de poids et sevrage tabagique.
Maladie du reflux gastro-œsophagien (RGO) Selon la définition de Montréal, on parle de RGO lorsque le reflux du contenu gastrique provoque des gênants et/ou des complications. Les brûlures gastriques légères deviennent généralement gênantes lorsqu elles se manifestent plus de 2x/semaine, une apparition 1x/semaine suffit déjà pour les troubles plus sévères. Les complications sont e.a. une œsophagite de reflux ou un œsophage dit de Barrett. 3 Des extra-œsophagiens sont également possibles comme p.ex. toux chronique, laryngite, asthme ou érosion dentaire. Le RGO représente le diagnostic gastro-intestinal le plus fréquemment posé en pratique médicale, on estime que 14-20% des adultes américains en sont touchés. Le RGO est provoqué par un déséquilibre entre les forces agressives et défensives présentes dans l œsophage. Le RGO est principalement dû à la relaxation spontanée et transitoire du sphincter inférieur de l œsophage. Mais d autres facteurs, tels que hernie hiatale, hypotension du sphincter œsophagien inférieur, diminution du péristaltisme œsophagien, obésité etc. favorisent également un reflux pathologique. 4 Symptômes d alarme Lors de dyspepsie, les d alarme suivants nécessitent une investigation endoscopique poussée: perte de poids, odynophagie, dysphagie, vomissements récurrents, saignements gastro-intestinaux (y compris sang dans les selles), anémie par carence de fer ou premiers après l âge de 45-55 ans. 2 De plus, une endoscopie est indiquée si les parents ou frères et sœurs du patient ont souffert d un cancer de l estomac. 5,6 La présence de d alarme chez un patient présentant des de RGO typiques impliquera également un examen approfondi, principalement pour permettre d exclure des lésions organiques ou des complications telles que œsophagite de reflux, œsophage de Barrett, sténose ou carcinome. Changement du mode de vie et ajustement du régime alimentaire Dans un premier temps, un changement du mode de vie et un ajustement du régime alimentaire sont souvent conseillés, particulièrement aux patients souffrant de RGO. La validité de ces mesures est toutefois scientifiquement peu ou mal étudiée. 6 Les aliments suivants seraient susceptibles de favoriser le reflux pathologique et donc les troubles associés: agrumes, boissons gazeuses, café, chocolat, aliments épicés, aliments gras ou repas pris tard le soir. Un conseil individualisé est de grande importance. Les mesures fréquemment conseillées contre le reflux sont de surélever le haut du corps dans le lit et d éviter la position couchée dans les 3h suivant un repas; mais là encore, les preuves d efficacité convaincantes font défaut. Une perte pondérale peut contribuer au soulagement des de RGO. Renoncer au tabagisme et à la consommation d alcool aide également, car tous deux diminuent le tonus du sphincter inférieur de l œsophage. 6
Traitement médicamenteux Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) se sont établis comme médicament de 1 er choix en cas de dyspepsie comme de RGO. 5,6 Cette recommandation repose sur les résultats de diverses études randomisées et méta analyses. 2 Les IPP sont plus efficaces que les antagonistes des récepteurs H 2 et que les antiacides. Les antagonistes des récepteurs H 2 sont recommandés en 2 e intention (cf. Tab.1). brûlures d estomac / régurgitations acides d alarme ou atypiques de reflux typiques IPP-OTC pour 14 jours contrôle médical persistants élimination totale des stopper IPP-OTC récidive dans <4 mois récidive dans >4 mois Fig. 2: Algorithme pour le traitement du RGO en officine (modifié selon 10 ) Procédure lors de dyspepsie Chez les patients âgés de moins de 45 ans et sans d alarme, la prise régulière d AINS et d aspirine (>100mg par jour) doit être réévaluée et si possible arrêtée ou remplacée. Les autres médicaments pouvant induire des troubles dyspeptiques sont les anticalciques, les nitrates, la théophylline, les bisphosphonates et les corticostéroïdes. 8 Le rôle éventuel joué par une infection par H. pylori (HP) lors de troubles dyspeptiques semble évident, mais reste controversé. Une infection à HP touche 10-50% de la population dans les pays industrialisés. La prévalence augmente avec l âge (10% entre la 18 et 30 e année de vie et 50% après 60 ans). 2 La corrélation entre infection à HP et dyspepsie est largement inferieure à celle des ulcères peptiques. La tentative d une éradication lors de dyspepsie fonctionnelle profitera seulement à 1 patient sur 14, 9 et il restera incertain si la maladie ulcéreuse de ce patient était associée à H. pylori ou non. Certains auteurs recommandent la stratégie suivante: commencer par un traitement contre l acidité (IPP durant 2 semaines) suivi, uniquement lors de récidive ou de non réponse au traitement, d une endoscopie (avec test pour HP). 2 La stratégie «test and treat» de HP inclut un test non invasif pour HP (généralement un test respiratoire) et un traitement d éradication (cf. article imail-offizin Nr. 15/14.8.2009). Les patients (indépendamment de leur âge) ayant encore des malgré des investigations poussées, un traitement adéquat et des conseils rassurants, forment un groupe difficile à traiter dont il faudra d abord réévaluer les. Les pro-cinétiques, spasmolytiques et divers agents phytothérapeutiques sont des alternatives thérapeutiques, bien que leur efficacité soit controversée. Un ultime essai peut être tenté avec antidépresseurs et interventions psychothérapeutiques. 1,5
Procédure lors de RGO Les atypiques regroupent douleurs thoraciques, douleurs épigastriques prédominantes, enrouement, maux de gorge et toux. 10 Les traitements possibles sont soit en step-up (antagonistes aux récepteurs H 2 suivis d IPP, avec augmentation respective des doses) ou en step-down (IPP hautement dosé, puis diminuer la dose). Un traitement à la demande pour contrôler les, dosé le plus faiblement possible, représente l option thérapeutique la plus efficace et la meilleur marché. 6 L opération chirurgicale anti-reflux peut parfois être une alternative thérapeutique, mais uniquement lorsque l acidité est nettement associée aux et clairement documentée. Il n est pas rare que ces patients doivent à nouveau prendre des médicaments contre l acidité des années après l opération. Une endoscopie initiale ne mettant aucune anomalie en évidence ne sera pas répétée si les troubles restent identiques. Ce n est que si les changent qu une réévaluation sera nécessaire. 6 Conclusion Bien que la dyspepsie et le RGO soient considérés comme deux entités différentes, le traitement médicamenteux par IPP (parfois «à la demande») est souvent identique. L endoscopie ne fait pas partie des examens de routine. Elle sera effectuée de façon ciblée en présence de d alarme, de facteurs de risque ou d un âge avancé ainsi que lors d échec thérapeutique ou de récidives. L éradication de H. pylori permet rarement d éliminer les dyspeptiques. La prise d IPP à long terme doit faire l objet d un suivi médical. Posologie OTC Posologie Rx Antiacides (p.ex. Alucol, Rennie, Riopan ) ½-1h après le repas ou à l apparition des ; cf. Compendium - Ranitidine 75-150mg 1-2x/j; dose journalière max: 4x 75mg 150mg 2x/j (dyspepsie acide) durée de traitement max: 2 sem. 300mg 2x/j (ulcère, œsophagite de reflux) Esoméprazole - 20-40mg 1x/j (RGO, ulcère) Lansoprazole - 30mg 1x/j (RGO, ulcère) Oméprazole 20mg 1x/j durée de traitement max: 2 sem. 10mg 1x/j (dyspepsie fonctionnelle acidodépendante, prophylaxie des récidives d œsophagite de reflux) 20-40mg 1x/j (RGO, ulcère) Pantoprazole 20mg 1x/j 20-40mg 1x/j (œsophagite de reflux, ulcère); durée de traitement max: 2-4 sem. max. 40mg 2x/j lors d ulcères Rabéprazole - 10-20mg 1x/j (RGO, ulcère) Tab. 1: Antiacides, antagonistes au récepteur H 2 et IPP pour le traitement (aigu et d entretien) de troubles dyspeptiques et de RGO (avec posologies et doses maximales en OTC et Rx) 6,7
Références 1. Talley N et al. Guidelines for the management of dyspepsia. Am J Gastroenterol 2005;100:2324 2337. 2. Dyspepsie. Médecine de premier recours, stratégies et recommandations, Hôpitaux Universitaires de Genève, update in 2010, consulté le 30.5.11. http://premier-recours.hug-ge.ch/_library/strategies_recommandations/dyspepsie_8_02.pdf 3. Vakil et al., The Montreal definition and classification of gastroesophageal reflux disease: a global evidence-based consensus. Am J Gastroenterol 2006;101:1900-20. 4. Kahrilas P. Gastrooesophageal reflux disease. N Engl J Med 2008; 359: 1700-7. 5. American Gastroenterological Association medical position statement: evaluation of Dyspepsia. Gastroenterology 2005;129:1753 1755. 6. University of Michigan Health System. GERD Guideline, January 2007. http://cme.med.umich.edu/pdf/guideline/gerd07.pdf, consulté le 30.5.11. 7. Arzneimittel-Kompendium der Schweiz 2011, www.kompendium.ch, consulté le 9.6.11. 8. NICE, Clinical Guideline 17: Management of dyspepsia in adults in primary care. www.nice.org.uk/nicemedia/live/10950/29458/29458.pdf, consulté le 9.6.11. 9. Moayyedi et al. Eradication of Helicobacter pylori for non-ulcer dyspepsia. Cochrane Database Syst Rev 2006. 10. Haag S, Andrews JM, Katelaris PH et al. Management of reflux symptoms with over-the-counter proton pump inhibitors: issues and proposed guidelines. Digestion. 2009;80(4):226-34.