Stevens D. Belgique, entre scission et passion pour ses Diables rouges 2
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Préface Ce livre est une fiction. Les noms de personnes, d organisations et de partis politiques auxquels il est fait référence tout au long de l histoire sont purement fictifs. Les expériences personnelles partagées par le narrateur ne sont pas réelles et n engagent pas l auteur qui est un amoureux de son pays. Ce dernier a envisagé un scénario politique inventé de toutes pièces à travers la vie d un père de famille imaginaire. 2 3
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Le jour le plus long de l année était arrivé. La première rentrée des classes est une expérience que les parents n oublient jamais, tantôt agréable et positive, tantôt stressante et traumatisante. J étais habité par un mélange de tous ces sentiments. A la fois heureux de voir mon fils Nathan faire sa joyeuse entrée dans la cour des grands et à la fois effrayé à l idée qu il ne puisse pas se faire comprendre auprès de sa maîtresse d école vu ses notions limitées du néerlandais. La décision de rendre mon fils bilingue et donc de l inscrire dans un établissement scolaire de confession flamande fut prise bien avant sa naissance. En tant que Bruxellois issu d une famille mixte, je m étais juré que ma progéniture serait le reflet d une Belgique idéale où tout citoyen parlerait le français, le néerlandais et même l allemand afin de vivre en parfaite harmonie! Réalité possible ou illusion utopique? Difficile de répondre à cette question mais encore plus difficile allait être l épreuve à laquelle serait confronté Nathan. Il allait devoir communiquer 2 5
dans une langue qu il comprenait car je l y avais préparé mais qu il parlait plutôt mal parce que Mélanie, ma tendre épouse et mère dévouée de Nathan, fait partie de cette majorité de Belges qui ne maîtrise qu une seule des trois langues nationales. Mélanie n avait pas eu ma chance car elle était issue d une famille unilingue. Ses parents étaient des Wallons originaires de la belle province du Hainaut. Ils n avaient jamais quitté leur région et ne s étaient pas vraiment intéressés à la culture de leurs voisins du nord. Ma situation était quelque peu différente. Ma mère était une Liégeoise pure souche et mon père un Brugeois facilement identifiable à son accent atypique propre à la province de Flandre occidentale. Leurs chemins s étaient croisés à Bruxelles car ils y travaillaient tous les deux et, malgré leurs différences, l amour fut plus fort que tout! Ils décidèrent donc de s établir dans notre belle capitale et de s y marier. La question de savoir si nous sommes tous égaux devant la capacité à maîtriser plusieurs langues se pose depuis la nuit des temps. Les linguistes sont plutôt unanimes et disent qu un enfant peut apprendre plusieurs langues en même temps jusqu à l âge de cinq ans. Durant cette période, l apprentissage se fait de manière naturelle sans hiérarchie ou concurrence entre les différents idiomes. Vers l âge de six ans, une distinction s opère entre la langue maternelle et les autres de sorte que l apprentissage se complexifie. Les parents reproduisent souvent ce qu ils ont eux- 26
mêmes vécu. C est exactement ce que j avais fait en inscrivant Nathan dans une école maternelle néerlandophone. Autrefois, mon père et ma mère avaient débattu durant de longues semaines avant de prendre une décision. Ils conclurent, de commun accord, que la meilleure option était de m envoyer dans l enseignement néerlandophone afin de maîtriser parfaitement la langue de Brueghel et de me faire parler français à la maison. C est donc ce que je fis non sans rencontrer de nombreuses difficultés. Enfant, jen avais pas beaucoup d amis car j étais considéré c omme un Wallon paresseux par les uns et comme un paysan flamand par les autres. J étais complètement perdu car je ne savais pas à quel groupe j appartenais réellement! Mon père me répétait sans cesse : Tu es belge avant tout, un vrai Belge bilingue. Ce sentiment d appartenance à la Belgique m avait donc été inculqué par mon papa. En tant que responsable des ressources humaines dans une société américaine située à Bruxelles, il connaissait l importance des langues. Chaque jour, il recalait des candidats qui, malgré leur diplôme et leurs compétences, ne parlaient que le français. Ils ne répondaient donc pas aux critères de sélection exigeant la connaissance de deux des trois langues nationales et de l anglais. Mon père avait toujours insisté sur le fait que la maîtrise du néerlandais était une porte ouverte à l apprentissage de la langue de Shakespeare. Cette facilité déconcertante dont 2 7
bénéficient les néerlandophones est évidemment due aux origines germaniques communes à ces deux idiomes mais aussi au fait que les films et autres émissions, en provenance des Etats-Unis et diffusés par les chaînes flamandes, sont sous-titrés et non doublés. Apprendre en s amusant, n est-ce pas là une recette miracle? Le choc des cultures entre le nord et le sud de notre tout petit pays est au centre des débats depuis bien longtemps! Je n en avais que faire des batailles que se livraient nos représentants politiques dans la seule optique de s attirer de nouveaux électeurs. J étais un vrai Belge issu de la Belgique tant appréciée dans le monde entier pour son chocolat, sa bière et même son football! J étais d ailleurs un fervent admirateur et grand supporter de notre équipe nationale, les Diables rouges. Pour la première fois dans l histoire de notre pays, nous disposions d une équipe composée de joueurs considérés comme des stars au sein de clubs prestigieux. Nos Diables étaient le symbole d une Belgique unie et solidaire où Flamands, Wallons et Bruxellois se côtoyaient et poursuivaient un objectif commun! J étais convaincu qu ils serviraient un jour d exemple à toute une nation. Ce fut donc avec beaucoup d espoir, motivé par toutes ces considérations idéologiques et philosophiques, que je me réveillai à six heures du matin afin d entamer le jour le plus long de l année! 28