PATELLA BIPARTITA (PB) DOULOUREUSES. APPORT DE L IMAGERIE A PROPOS DE 14 CAS A El Kharras, M. Jidal, N. Aziz, N. Bousselmame, S. Chaouir, M. Benameur. Service de radiologie. Hôpital Militaire d Instruction Mohamed V. Rabat - Maroc
Introduction L existence d un syndrome rotulien en rapport avec une patella bipartita (PB)est actuellement bien connue. Habituellement asymptomatique et de découverte radiologique fortuite, une patella bipartita peut devenir douloureuse après un traumatisme direct ou des microtraumatismes répétés. Vu l absence actuelle d orientations claires dans les approches diagnostiques et thérapeutiques, nous discutons ce sujet à travers l analyse rétrospective de 14 cas opérés, et à la lumière d une revue de la littérature.
Matériel et méthodes 14 patients porteurs d une PB douloureuse ont été traités chirurgicalement entre 1988 et 1998 (tableau ). Tous étaient de sexe masculin avec un âge moyen de 27,7 ans (avec des extrêmes 19ans et 42ans). Le membre dominant était concerné 11 fois. 9 patients étaient des sportifs confirmés, 5 autres pratiquaient les différentes activités sportives et professionnelles militaires de façon régulière. Chez 12 patients, la douleur avait fait suite à un traumatisme aigu direct ou indirect de l appareil extenseur. Dans 02 cas, elle s était installée de manière progressive, apparaissant d abord aux efforts sollicitant intensément le genou puis après des efforts de plus en plus modérés.
Matériel et méthodes (suite) Le signe d appel était un syndrome douloureux antérieur du genou à la montée et surtout à la descente des escaliers chez dix patients, des douleurs parapatellaires latérales lors des flexions importantes sur un genou en charge chez 5 patient et des douleurs permanentes chez 2 autres. Une hydarthrose était retrouvée deux fois et une amyotrophie quadricipitale quatre fois. Il n y avait, cliniquement, aucune lésion méniscale ni ligamentaire associée. Le bilan radiologique: dans chaque cas des radiographies des deux genoux de face, de profil et de ¾ latéral, ainsi que des incidences fémoro-patellaires à 30,60 et 90. Dans 4 cas, ces incidences ont été faites sur un genou en charge, fléchi à 60 et 90 (obs. 1,5,10,14) avant et après injection intra-articulaire de produit de contraste.
Matériel et méthodes (suite) La solution chirurgicale n a été retenue qu après échec d un traitement médical associant repos strict, physiothérapie anti-inflammatoires non stéroïdiens, voire une infiltration de locale corticoïdes. La durée minimale de ce traitement a été de six mois. Chez 3 patient (obs.3,4,9), l exérèse du fragment a été réalisée sans exploration arthroscopique, vu l évidence du conflit sur les radiographies standard. Chez les 11 autres, la lésion a été d abord examinée par arthroscopie, puis à foyer ouvert par mini-abord longitudinal direct de la zone douloureuse.
Matériel et méthodes (suite) Observat Ages (années) Type selon SAUPE Pratiques Antécéd de traumatis me aigu Période symptom atique préopérat oire Techniqu opératoir Recul au dernier contrôle (années) Résultat final 1 24 III Football Oui 24 mois exérèse 1,5 excellent 2 24 II Football Oui 18 mois exérèse 4 excellent 3 31 III N.S (non spécifique) 4 29 III Parachuti sme Oui 36 mois exérèse 2 excellent Non 72 mois exérèse 3,5 Bon 5 19 II Football Oui 12 mois conserva 4 Bon tion 6 34 III N.S Oui 18 mois exérèse 5 Excellent 7 25 II Basketba Oui 48 mois exérèse 7 Excellent ll 8 28 III N.S Non 16 mois conserva 1 mauvais tion 9 30 III athlétism Oui 60 mois exérèse 1 excellent 10 23 III Football oui 12 mois conserva tion 4 excellent
Matériel et méthodes (suite) Bon 6,5 exérèse 24 Oui NS III 42 14 excellent 2 exérèse 12 Oui NS III 32 13 excellent 4 exérèse 36 Oui Parachuti sme III 28 12 excellent 1,5 conserva tion 18 Oui Athlétis me II 19 11 Résultat final Recul au dernier contrôle (années) Techniq opératoir Période symptom atique préopérat oire (mois) Antécéd de traumatis me aigu Pratique Type selon SAUPE Ages (années) Observat
Résultas Le signe clinique, constamment retrouvé à l examen des patients, était la douleur à la pression du fragment accessoire. Selon la classification de SAUPE, 10 patella bipartita étaient de type III, 4 étaient de type II. Les radiographies standard ont confirmé l existence d un conflit dans trois cas : déplacement manifeste du noyau surnuméraire avec ossification de l ailerons (fig.1,2), remaniement du fragment (fig.3) L incidence fémoro-patellaire sur genou en charge a montré dans un cas sur quatre un déplacement du fragment par rapport à la patella (fig.4). Cette même incidence, après injection de produit de contraste, a objectivé une solution de continuité cartilagineuse quatre fois sur quatre (fig.5).
Résultats L arthroscopie a mis en évidence, au niveau du fragment, des lésions cartilagineuses 9 fois : chondromalacie (6 cas), chondropathie prononcée (3 cas). Les trois fragments excisés sans examen arthroscopique préalable étaient tous porteurs de lésions chondrales. Après exérèse du fragment (10 cas), tous les patients ont repris leurs activités professionnelles et sportives au niveau antérieur en deux mois et demis en moyenne (1,5 à 5 mois).
Fig. 1: PB. Déplacement manifeste d un fragment avec ossification de l aileron.
Fig. 2: Aspect multigéodique du fragment accessoire mieux visible sur l incidence de ¾ latéral.
Fig. 3 : PB avec déplacement du fragment accessoire.
Fig. 4: Conflit autour de la synchondrose : déplacement du fragment accessoire et ossification de l aileron avec, en regard, une ostéochondrite du condyle latéral.
Fig. 5: Vue axiale à 60% en charge avant (a) et après (b) injection du produit de contraste : passage du produit au niveau de la zone de jonction.
Discussion En 1943, SAUPE a classé la PB en trois types selon la localisation du fragment accessoire (Fig.6). Ainsi on a : Type I : Le fragment accessoire est situé au pôle inférieur de la rotule (5%). Type II : Le fragment accessoire se localise au niveau du bord latéral de la patella (25%). Type III : C est de loin le type le plus fréquent car représente 75%, le fragment accessoire se situe à l angle supéro-externe de la patella.
Classification des PB selon SAUPE **Malgré l apparente discontinuité radiologique, la patella et le fragment accessoire sont intimement liés par la continuité de leurs cartilages et par un solide tissu fibro-cartilagineux interposé entre l os du fragment accessoire et celui du corps de la rotule. **le dénominateur commun aux PB douloureuses est l apparition d une mobilité anormale au niveau de cette synchondrose Type I Type II Type III
Discussion (suite) La PB douloureuse est rare comme le démontrent le nombre de cas publié dans la littérature qui a pu être consulté. La PB douloureuse est plus fréquente chez l homme que chez la femme. les adolescents et les jeunes sportifs sont les plus touchés. Étiologies: traumatisme aigu évident, direct ou indirect; soit sans aucune notion de traumatisme. On incrimine des microtraumatismes répétés surtout chez les sportifs chez qui le vaste externe est développé Cliniquement: le syndrome rotulien classique est le maître symptôme (douleur exquise à la pression du fragment accessoire). L examen clinique permet d éliminer toute autre cause de gonalgies.
Discussion (suite) Radiographies standard comportant les 2 genoux de face, de profil et en incidences fémoro-patellaires sont systématiques. Elles renseignent sur le type de PB selon la classification de Saupe, son éventuelle bilatéralité, l existence d une séparation anormale du noyau surnuméraire, ou l existence de signes de conflits fémoropatellaires. Des signes de souffrance de la synchondrose sous forme de fragmentation récente d une bipartition antérieurement documentée avec ossification de l aileron. Dans notre expérience on a retrouvé des signes évidents de conflit au niveau de la bipartition sous forme de déplacement du fragment avec ossification de l aileron deux fois, associé dans un cas à une ostéochondrite condylienne, et sous forme de lacunes osseuses du fragment dans un cas.
Discussion (suite) Les radiographies dynamiques : Leur mérite revient à Ishikawa qui en 1994, a décrit des radiographies en incidence fémoro-patellaire sur un genou en charge à 60 et 90 («squating position») pour objectiver le déplacement du fragment accessoire par rapport à la patella. Cette technique nous semble utile, mais ne devrait avoir de valeur que positive. L arthrographie: Son intérêt n a pas été signalé dans la littérature. Nous l avons utilisé 4 fois et nous pensons que l IFP après injection de produit de contraste et surtout en «squatting position» est un bon moyen, facile et pas cher pour dépister les solutions de continuité fragment-patella sous forme de passage du produit au niveau de l interface.
Discussion (suite) TDM: aucun travail rapportant son intérêt dans les PB douloureuses n a été retrouvé. Nous pensons qu elle peut donner une étude précise de la qualité de l os détaché et surtout qu elle peut après injection du produit de contraste étudier la surface cartilagineuse et l effraction de la synchondrose. IRM: Son usage dans le diagnostic d une PB douloureuse est retrouvé dans le travail de Vanhoenacker en 2002. en effet, en cas de patella bipartita douloureuse l IRM montre un hypersignal en T2 à l intérieur du fragment accessoire et la rotule, cette image est due a l œdème de part et d autre de la synchondrose attestant de la présence d un conflit à ce niveau.
Discussion (suite) Diagnostic différentiel Si les signes sont récents avec notion de traumatisme, le diagnostic différentiel se fait avec une fracture de la rotule : Si les radiographies standard, mais surtout la TDM, montrent une solution de continuité en dents de scie, cela doit faire retenir le diagnostique de fracture S il y a notion de chronicité, le diagnostic se pose alors avec une pseudarthrose, d où l intérêt de chercher la notion de traumatisme ayant passé inaperçu. Le diagnostic différentiel entre patella bipartita douloureuse et pseudarthrose peut, surtout dans les types II, rester sans solution.
Discussion (suite) Le traitement des PB douloureuses est toujours d abord médical basé sur le repos, l immobilisation, les anti-inflammatoires non stéroïdiens voire l infiltration locale de corticoïdes. Une durée minimale de trois mois est recommandée avant de recourir à la chirurgie.
Conclusion Un examen clinique attentif et des investigations radiologiques patientes sont nécessaires pour confirmer l implication d une PB dans la genèse d un syndrome rotulien.
Bibliographie 1-Bernageau J, Goutallier D. affections fémoro-patellaires. E.M.C., Paris 5 1977, Radio II, 31312, C-10. 2-larson R.L, Cabaud H.E, Slocum D. the patellar compression syndrome : surgical treatment by lateral reticular release. Clin.Orthop. 1978, 134 : 158-167. 3-Ogden K. the painful bipartite patella. J.Pediatr. Orthop, 1982,2 :263-269. 4-Saupe H. Primare knochenmark seilerung der kniescheibe Dtsche.z.chir, 1943,228-386. 5-Ishikawa H et all. Painful patella in yong athletes. Clin.Orthop, 1994,305 :223-228.