[TRADUCTION] Citation : P. S. c. Ministre de l Emploi et du Développement social, 2015 TSSDGSR 26 Date : Le 6 avril 2015 Numéro de dossier : GT-120025 DIVISION GÉNÉRALE Section de la sécurité du revenu Entre: P. S. Appelante et Ministre de l Emploi et du Développement social (anciennement ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences) et Intimé J. D. Partie ajoutée Décision rendue par Adam Picotte, membre de la division générale - Section de la sécurité du revenu Audience tenue sur la foi du dossier le 6 avril 2015
MOTIFS DE DÉCISION INTRODUCTION [1] L intimé a estampillé la demande par l appelante d un partage en vertu du Régime de pensions du Canada (CPP) des gains non ajustés ouvrant droit à pension le 4 novembre 2011. Il a permis le partage du crédit dans le cadre de la demande à l étape initiale et à l issue d un nouvel examen. En revanche, il n a pas admis le partage du crédit pour l année 1998 au motif que l appelante et son époux ont cessé de vivre ensemble au mois de décembre 1998. L appelante a interjeté appel de la décision rendue à la suite du nouvel examen au Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR), et le Tribunal a été saisi de cet appel au mois d avril 2013. [2] L appel a été tranché sur la foi du dossier, car la preuve au dossier établit clairement les faits requis pour déterminer si l appelante a droit à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension avec la partie ajoutée pour l année 1998. DROIT APPLICABLE [3] L article 257 de la Loi sur l emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit que les appels qui ont été déposés auprès du BCTR avant le 1 er avril 2013 mais qui n ont pas été instruits par le BCTR sont réputés avoir été déposés auprès de la division générale du Tribunal. [4] Le paragraphe 55.1 du RPC énonce les conditions requises aux fins du partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension. Le RPC prescrit ce qui suit : Circonstances donnant lieu au partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension [5] 55.1 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article et des articles 55.2 et 55.3, il doit y avoir partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension dans les circonstances suivantes : a) dans le cas d époux, lorsqu est rendu un jugement accordant un divorce ou un jugement en nullité de mariage, dès que le ministre est informé du jugement et qu il reçoit les renseignements prescrits; b) dans le cas d époux, à la suite de l approbation par le ministre d une demande faite par l un ou l autre de
ceux-ci ou pour son compte, ou par sa succession ou encore par une personne visée par règlement, si les conditions suivantes sont réunies : (i) les époux ont vécu séparément durant une période d au moins un an, (ii) dans les cas où l un des époux meurt après que ceux-ci ont vécu séparément durant une période d au moins un an, la demande est faite dans les trois ans suivant le décès; c) dans le cas de conjoints de fait, à la suite de l approbation par le ministre d une demande faite par l un ou l autre des anciens conjoints de fait ou pour son compte, ou par sa succession ou encore par une personne visée par règlement, si les conditions suivantes sont réunies : (iii) soit les anciens conjoints de fait ont vécu séparément pendant une période d au moins un an, soit l un d eux est décédé pendant cette période, (iv) la demande est faite soit dans les quatre ans suivant le jour où les anciens conjoints de fait ont commencé à vivre séparément, soit après l expiration de ce délai avec leur accord écrit. (2) Calcul de la période de séparation Pour l application du présent article : a) les personnes visées par le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension sont réputées avoir vécu séparément pendant toute période de vie séparée au cours de laquelle l une d elles avait effectivement l intention de vivre ainsi; b) il n y a pas interruption ni cessation d une période de vie séparée du seul fait : (i) soit que l une des personnes visées par le partage est devenue incapable soit d avoir ou de concevoir l intention de prolonger la séparation, soit de la prolonger de son plein gré, si le ministre estime qu il y aurait eu probablement prolongation sans cette incapacité, (ii) soit qu il y a eu reprise de la cohabitation par les personnes visées par le partage principalement dans un but de réconciliation pendant une ou plusieurs périodes totalisant au plus quatre-vingt-dix jours. (3) Période de cohabitation - Pour l application du présent article, il faut, pour qu ait lieu un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension, que les personnes visées par le partage aient cohabité pendant une période continue d au moins un an, une telle période s entendant, pour l application du présent paragraphe, au sens que lui donnent les règlements. (4) Période : partage des gains non ajustés - Seuls les mois où les personnes visées par le partage ont cohabité sont pris en considération pour déterminer la période à laquelle s applique le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension de ces personnes; pour l application du présent paragraphe, les mois où ces personnes ont cohabité sont déterminés de la manière prescrite. (5) Discrétion du ministre - Avant qu ait lieu, en application du présent article, un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension, ou encore au cours de la période prescrite après qu a eu lieu un tel partage, le ministre peut refuser d effectuer ce partage, comme il peut l annuler, selon le cas, s il est convaincu que : a) des prestations sont payables aux deux personnes visées par le partage ou à leur égard; b) le montant des deux prestations a diminué lors du partage ou diminuerait au moment où il a été proposé que le partage ait lieu.
[6] L article 78.1 du Règlement sur le RPC énonce le fondement du partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension. Le Règlement sur le RPC prescrit ce qui suit : 78.1 (1) Pour l application des paragraphes 55.1(4) et 55.2(7) de la Loi, les mois où les époux ou ex-époux ou anciens conjoints de fait ont cohabité sont déterminés de la manière suivante : a) sous réserve des alinéas b) et c), ces mois commencent par le premier mois de l année où le mariage des personnes visées par le partage a été célébré ou de l année où elles ont commencé à vivre ensemble dans une relation conjugale, selon le cas; b) les personnes visées par le partage sont réputées ne pas avoir cohabité pendant l année du divorce ou de l annulation du mariage ou pendant l année où elles ont commencé à vivre séparément, selon le cas; c) si, après avoir vécu séparément pendant un an ou plus, les personnes visées par le partage ont recommencé à cohabiter pour une période d au moins un an, la période de la séparation est réputée avoir commencé le premier mois de l année où elles ont commencé à vivre séparément et avoir pris fin le dernier mois de l année précédant celle où elles ont repris la cohabitation. (2) Pour l application du paragraphe 55.1(3) de la Loi, la période continue d au moins un an est réputée être toute période d au moins 12 mois consécutifs durant laquelle les personnes visées par le partage ont cohabité, dont le premier mois est soit celui où leur mariage a été célébré, soit celui où elles ont commencé à vivre ensemble dans une relation conjugale, et le dernier est le mois précédant celui où elles ont commencé à vivre séparément. (3) Pour l application du présent article, si les personnes visées par le partage n avaient pas l intention de vivre séparément, mais qu elles ont été séparées en raison de l emploi, de l occupation ou de la maladie de l un ou de l autre, la séparation ne constitue pas une interruption de la cohabitation. QUESTION EN LITIGE [7] La question du partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension n a donné lieu à aucun litige pour les années 1983 à 1997. Il s agit uniquement de déterminer si l appelante a droit à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension pour l année 1998. Cette question repose sur l alinéa 55.1(2)a), qui prescrit ce qui suit : a) les personnes visées par le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension sont réputées avoir vécu séparément pendant toute période de vie séparée au cours de laquelle l une d elles avait effectivement l intention de vivre ainsi. [8] Dans la présente affaire, le Tribunal doit déterminer s il est probable que l appelante et la partie ajoutée aient vécu séparément au cours de l année 1998 et si l un ou l autre avait l intention de vivre séparément au cours de cette période.
PREUVE [9] Dans une entente de séparation provisoire conclue entre l appelante et la partie ajoutée, les alinéas du préambule exposent en détail à C que les conjoints vivaient séparément depuis le mois de décembre 1998. L entente est signée par les deux conjoints et scellée. [10] Dans un relevé du RPC daté du 15 août 2012, l ex-époux de l appelante, qui est la partie ajoutée, a déclaré que lui et son ex-épouse ont cohabité jusqu au mois de décembre 1998. Toutefois, ils se sont séparés au mois de mars 1998 et ont alors commencé à dormir séparément. [11] Dans un autre relevé, daté du 28 août 2012, l ex-époux de l appelante a fourni des renseignements supplémentaires sur leur relation en 1998. Il a déclaré qu au mois de mars 1998, ils ont cessé de vivre ensemble comme mari et femme. Presque toutes les communications ont cessé entre eux et ils ont commencé à dormir dans des chambres à coucher séparées. Il a alors convenu de quitter la maison autour de la mi-novembre 1998, date à laquelle il a commencé à chercher un autre endroit où habiter. Il a rapidement trouvé un appartement, qui s est libéré le 1 er janvier 1999, date à laquelle il y a emménagé. OBSERVATIONS [12] L appelante a fait valoir qu elle a droit à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension pour l année 1998 pour les motifs suivants : a) son époux vivait dans la résidence familiale après minuit le 31 décembre 1998; b) les époux ont décidé conjointement de vivre séparément à partir du 1 er janvier 1999; c) l époux a eu une aventure; d) si le partage du crédit au titre de la pension dépend de la date à laquelle nous nous sommes séparés et non de la date à laquelle notre mariage a commencé à s écrouler, la date est alors le 1 er janvier 1999. [13] L intimé n a déposé aucune observation.
ANALYSE [14] L appelante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu elle a droit à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension pour l année 1998. Séparément [15] La présente affaire porte en partie sur la définition de «séparément». L appelante soutient que le terme doit être interprété simplement comme vivant dans des résidences séparées. Si tel était le sens de «séparément» elle aurait raison et, donc, elle aurait droit à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension pour l année 1998. Or, le Tribunal conclut que tel n est pas le cas ici. [16] Dans l affaire Blais c. Blais (25 janvier 1996), CP 3860, 4003, CEB et PG (CT), le Tribunal, qui était saisi d une question différente sous le régime du RPC, a conclu que les époux, s ils vivent encore sous le même toit, pourraient dans les faits vivre séparément. Cette conclusion paraîtrait adhérer à l esprit de l article 78.1 du Règlement sur le RPC. [17] De même, dans l affaire Hodge c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) 2004 CSC 65, le juge Binnie, s exprimant pour la Cour, a déclaré ce qui suit dans l analyse du terme «cohabitation» au paragraphe 42 : «La «cohabitation», dans ce contexte, n est pas synonyme de corésidence. Deux personnes peuvent cohabiter même si elles ne vivent pas sous le même toit et, inversement, elles peuvent ne pas cohabiter au sens où il faut l entendre même si elles vivent sous le même toit.» [18] De nombreuses situations peuvent se présenter dans les domiciles et amener des époux à décider de vivre séparément l un de l autre tout en résidant dans la même maison. Des contraintes financières, les responsabilités à l égard des soins des enfants et des problèmes de santé peuvent tous contraindre des époux à continuer de vivre dans la même habitation bien après qu ils ont décidé de vivre séparément. [19] Pour ces motifs, le Tribunal est convaincu que des époux peuvent continuer de vivre dans la même résidence tout en étant considérés comme vivant séparément pour l application de l article 78.1 du Règlement sur le RPC.
[20] Il y a ensuite lieu de déterminer si l appelante et la partie ajoutée vivaient bel et bien séparément en 1998. [21] La preuve la plus solide établissant la date à laquelle la partie ajoutée a commencé à vivre séparément provient de l entente de séparation provisoire. L attendu de l entente énonce explicitement que l appelante et la partie ajoutée ont commencé à vivre séparément au mois de décembre 1998. Ce document juridique signé et scellé offre un fondement solide aux fins d établir que l appelant et la partie ajoutée ont commencé à vivre séparément avant le 1 er janvier 1999. Le Tribunal accorde beaucoup de poids à ce document. [22] Dans les observations qu elle a présentées au Tribunal, l appelante a déclaré que la rupture du mariage était attribuable au moins en partie à une aventure extraconjugale. Elle reconnaît également que la partie ajoutée a quitté la résidence commune et a emménagé dans un appartement sur l avenue Packard le 1 er janvier 1999. Le bon déroulement de ce déménagement donne à penser qu il avait été planifié dans une certaine mesure. Ces faits, que l appelante a reconnus, permettent tous de penser qu ils ont commencé à vivre séparément à un moment donné avant le 1 er janvier 1999. [23] L ex-conjoint de l appelant, qui est la partie ajoutée, a affirmé dans ses lettres du 12 et du 25 août 2012, que les époux ont commencé à vivre séparément dans des chambres différentes de leur maison à un moment donné au mois de mars 1998. Il a déclaré en outre qu au mois de novembre 1998, l appelante lui a demandé de quitter la maison et il a commencé à chercher un endroit où vivre et a trouvé l appartement de l avenue Packard, qui devait se libérer le 1 er janvier 1999. Il est important de signaler que, dans sa lettre au Tribunal, l appelante a joint cette même déclaration en annexe et elle n a contredit aucun des faits qui sont présentés par la partie ajoutée. Pour ces motifs, le Tribunal accorde beaucoup de poids aux déclarations faites par la partie ajoutée. [24] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que l appelante et la partie ajoutée ont commencé à vivre séparément, bien que sous le même toit, à un moment donné avant le 1 er janvier 1999.
CONCLUSION [25] Le Règlement sur le RPC prescrit clairement que le droit au partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension prend fin au mois de décembre de l année précédant la date de la séparation du couple au sens de l alinéa 78.1(1)b) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada. Dans la présente affaire, le mois de décembre de l année précédant la date de la séparation du couple est le mois de décembre 1997. En conséquence, la demande de l appelante en vue du partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension pour l année 1998 est rejetée. [26] L appel est rejeté. Adam Picotte Membre, Division générale Sécurité du revenu