P.04 LE DOSSIER : > LA RÉFORME DES SÛRETÉS IMMOBILIÈRES La réforme des sûretés immobilières Entretien avec le Professeur Laurent AYNÈS



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N 12 > DANS CE NUMÉRO : > LA LETTRE D INFORMATION DE LACOURTE NOTAIRES ASSOCIÉS P.02 IMMOBILIER Encore du nouveau concernant les diagnostics en cas de vente d immeuble! P.04 LE DOSSIER : > La réforme des sûretés immobilières Entretien avec le Professeur Laurent AYNÈS P.10 PATRIMOINE Présentation des travaux du 102 ème congrès des notaires de France Simplification du changement de régime matrimonial ÉDITORIAL D importantes réformes en ce second trimestre 2006 La première concerne les sûretés. Nous avons détaillé l'an passé le mécanisme de l'hypothèque rechargeable et du prêt viager hypothécaire qui viennent de trouver dans l'ordonnance du 24 mars dernier une assise législative (cf. numéro 7 d avril 2005). La réforme ne se limitant pas à ces deux nouvelles garanties, nous avons décidé de consacrer le dossier de ce numéro à l'ensemble des sûretés immobilières. Le professeur Laurent Aynès, avec lequel nous nous sommes entretenus l'année dernière alors qu'il travaillait sur la réforme au sein du Groupe Grimaldi, nous livre dans ce numéro son analyse "post-réforme". L'actualité juridique de ce second trimestre est également marquée par la parution de nombreux décrets d'application relatifs aux diagnostics immobiliers. Le CREP (constat de risque d'exposition au plomb) est entré en vigueur en avril et l'état des risques naturels et technologiques en juin. Le diagnostic sur les performances énergétiques qui devait entrer en vigueur en juillet est reporté à l automne. Notre rubrique Immobilier est consacrée à ces nouveaux diagnostics dont on ne verra sans doute jamais l'unicité promise l'an dernier : le diagnostic unique n'est que le regroupement de nombreux diagnostics dont les régimes sont très disparates. Enfin, ce second trimestre est marqué par la création d'un nouveau code : le Code général de la propriété des personnes publiques. Malgré des apports notables, on reste sur notre faim car ce code soulève beaucoup de nouvelles interrogations. Nous ferons paraître prochainement un document de synthèse sur ce code. L'actualité juridique est également marquée par la réforme des successions qui entrera en vigueur le 1 De l écoute à la plume, le Droit d imaginer er janvier 2007. Nous abordons dans ce numéro la simplification du changement de régime matrimonial. La réforme modernisera également la gestion des biens indivis, le mécanisme de la réserve héréditaire, les donations partages et la transmission intergénérationnelle. Des évolutions dont nous parlerons dans nos prochains numéros. Notre rubrique patrimoine s'inspire également du dernier congrès annuel des notaires qui s'est déroulé en mai et dont le thème était la protection des personnes vulnérables. Bonne lecture.

IMMOBILIER ENCORE DU NOUVEAU CONCERNANT LES DIAGNOSTICS IMMOBILIERS L ordonnance du 8 juin 2005 a mis en place le dossier de diagnostic technique de l immeuble dont certains des éléments sont au centre de l actualité juridique de la vente d immeuble. 02 Le dossier de diagnostic technique comprend (article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation (CCH), outre les diagnostics habituels tels que ceux qui sont relatifs au plomb, à l amiante et aux termites, d autres éléments et notamment un état des risques naturels et technologiques et un diagnostic de performance énergétique. Un point s impose! Le constat de risque d exposition au plomb (CREP) La réglementation en matière de plomb vient de subir des modifications : l état des risques d accessibilité au plomb (ERAP) a été supprimé par la loi du 9 août 2004 pour être remplacé par le constat de risque d exposition au plomb (CREP). Aujourd hui, un constat de risque d exposition au plomb doit être obligatoirement annexé à toutes les promesses de vente, ou, à défaut de promesse, à tout acte authentique de vente, lorsque l'immeuble vendu est à usage d'habitation et qu il a été construit avant le 1 er janvier 1949. La grande nouveauté est que, désormais, il n est plus fait référence à la situation de l immeuble dans une zone à risque d exposition au plomb. Le constat de risque d exposition au plomb n est obligatoire que pour les immeubles ou parties d immeuble à usage d habitation (art. L. 271-4 du CCH). Applicable aux parties privatives des immeubles en copropriété, il ne porte que sur les parties de l immeuble affectées à l habitation. La recherche des canalisations en plomb est exclue de son champ d application. L arrêté du 25 avril 2006 relatif au CREP contient dans son annexe 1, un protocole qui rappelle le cadre réglementaire et les objectifs de ce constat, précise les parties du logement visées par ce document, et les méthodes à utiliser. Ce constat de risque d exposition au plomb, tout comme l ancien état, a une durée de validité d un an. Cependant, les textes relatifs au constat précisent que le vendeur est dispensé de l'actualiser si ledit constat met en évidence une absence de plomb dans les revêtements ou si le taux de concentration en plomb est inférieur à certains seuils fixés par arrêté. À titre de disposition transitoire, il est prévu que les parties peuvent annexer un état des risques d exposition au plomb à la place du constat exigé désormais, à condition que cet état soit conforme à celui qui était exigé jusqu alors et qu il soit également en cours de validité. À défaut d annexer un tel constat sur le plomb à l avant-contrat (ou à la vente), le vendeur ne pourra s exonérer de la garantie des vices cachés. L état des risques naturels et technologiques Autre élément constitutif du dossier de diagnostic technique, conformément à l article L. 271-4 I 5 du CCH, un état des risques naturels et technologiques doit être annexé aux promesses et aux actes de vente portant sur tout ou partie d immeuble bâti situé dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou dans des zones de sismicité définies par décret en Conseil d'état. Depuis le 1 er juin 2006, dans de telles hypothèses, le vendeur doit informer l acquéreur de l'existence des risques visés par ce plan ou ce décret en annexant un état des risques naturels et technologiques à toutes promesses de vente et toutes ventes. Cet état, qui a une durée de validité de six mois, doit être effectué par le vendeur sur un imprimé dûment rempli, les extraits cartographiques des risques permettant de localiser géographiquement le bien à l'intérieur des zones à risque, et une lettre ou déclaration du vendeur indiquant si ce dernier a perçu ou non des indemnisations d'assurance suite à un sinistre.

IMMOBILIER Plan de zonage réglementaire du PPRI de Paris réduction de la carte d assemblage du PPRI de Paris approuvé par Arrêté Préfectoral du 15 juillet Légende Niveau de submersion supérieur à 1m Zone inondable Grand écoulement Expansion des crues 34.50 Secteurs stratégiques pourle développement économique et social de Paris ou d intérêt national PHEC en m suivant le nivellement général dela France (dit IGN 69) et limites des casiers quileur sont associés Limites de parcelles (situation Décemebre 1998) Limites d arrondissements SECTEURS HACHURÉS : Les secteurs hachurés correspondent à des parties deparcelles ou d îlots inclus dans le périmètre des zones potentiellemnt inondables, par application duprincipe de précaution explicité page 21 du rapport de présentation. Il s agitdu complément delaparcelle pour la zone bleu sombre, et delîlotpour la zone bleu claire, situé au delà de la limite estimée l aléa. Source : I.G.N - Fond de plan : IGN BD Topo - 1998 - Echelle : 1/50 000 - DULE - BU - BU1 - Michel ALBERT- Février 2006 A titre d exemple, l arrêté préfectoral n 2006-45-1 du 15 février 2006 vient de désigner Paris comme commune exposée aux risques technologiques et naturels majeurs. En cas de modification de la situation entre l avant-contrat et l acte authentique de vente (art. 271-5 alinéa 3 du CCH) un état des risques naturels et technologiques mis à jour devra être fourni pour la vente. En cas d absence de fourniture (et donc d annexion à l acte authentique de vente) de cet état, la sanction est très lourde puisque l acquéreur pourra poursuivre en justice la résolution de la vente ou demander une diminution du prix. Le diagnostic de performance énergétique Un diagnostic de performance énergétique devra également être annexé aux promesses de vente et aux actes de vente des biens immobiliers en cas de vente de tout ou partie d immeuble, quelle que soit son affectation. Ce diagnostic de performance énergétique devait être applicable à partir du 1 er juillet 2006 (et à partir du 1 er juillet 2007 pour les contrats de location). Il a été reporté à l automne. L article L. 134-1 du CCH dispose que «le diagnostic de performance énergétique d'un bâtiment ou d'une partie de bâtiment est un document qui comprend la quantité d'énergie effectivement consommée ou estimée pour une utilisation standardisée du bâtiment ou de la partie de bâtiment et une classification en fonction de valeurs de référence afin que les consommateurs puissent comparer et évaluer sa performance énergétique. Il est accompagné de recommandations destinées à améliorer cette performance.» Ce diagnostic doit être établi par le maître d ouvrage lors de la construction ou de l extension d un bâtiment et être remis au propriétaire du bâtiment au plus tard à la réception de l immeuble. Il doit être communiqué à l acquéreur par le vendeur. S agissant d un des éléments constitutifs du dossier de diagnostic technique, il doit être annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse de vente, à l acte authentique de vente. Il doit être en cours de validité lors de la signature de l acte authentique de vente. La durée de validité de ce diagnostic doit être fixée par un décret qui paraîtra prochainement. Cette durée sera probablement de dix ans. Ce document n a qu une valeur toute relative ; l acquéreur ne pouvant se prévaloir à l encontre du propriétaire vendeur des informations contenues dans ce diagnostic de performance énergétique qui n a qu une valeur informative. 03 Sophie Porée Notaire assistant Département Immobiliers complexes

DOSSIER La loi du 26 juillet 2005 1 avait habilité le gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance pour réformer les sûretés, avec la volonté de répondre à un besoin de simplification, de modernisation et d'uniformisation internationale, et avec l espoir de faire du Code civil français un modèle, un «outil» efficace dans la concurrence mondiale. Mais si le groupe «Grimaldi» avait travaillé sur une réforme globale des sûretés, la loi d'habilitation et l'interprétation restrictive faite par le Conseil d'état a réduit l'ampleur du projet et la réforme a perdu au fil des projets de sa cohérence et de son ambition. 04 L'ordonnance du 23 mars 2006 modernise cependant profondément les sûretés, tant personnelles que réelles. Les dispositions sont entrées en vigueur immédiatement, excepté pour le prêt viager hypothécaire qui fera l'objet d'un décret d'application. Nous nous attacherons ici à commenter la partie de la réforme intéressant les sûretés immobilières. Deux catégories de mesures peuvent être distinguées : celles qui modernisent les sûretés existantes, et celles qui en créent de nouvelles. La rénovation des sûretés immobilières existantes > Le «cautionnement réel» : à défaut de définition, une réponse pratique On a pris l'habitude d'appeler «cautionnement réel» le fait de constituer une sûreté réelle pour garantir la dette d'un tiers. Cette qualification a entraîné une confusion dans la pratique : s'agissait-il d'un cautionnement assorti d'une sûreté réelle (comme une hypothèque), ou uniquement d'une sûreté réelle? Si l'ordonnance n'a pas réglé la qualification du «cautionnement réel» (la loi n'habilitait pas le gouvernement à légiférer sur cette matière), la question de l'intervention du conjoint commun en biens 2 qui alimentait le débat est tranchée. Un nouvel alinéa à l'article 1422 dispose que les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, affecter un bien de la communauté à la garantie de la dette d'un tiers. > La propriété retenue à titre de garantie consacrée La réserve de propriété, ou propriété-sûreté est consacrée. Elle est définie comme la clause qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation. Le vendeur peut donc, pour garantir sa créance, se réserver la propriété du bien jusqu'au paiement du prix par l'acquéreur. Concernant les modalités, en matière immobilière, le nouvel article 2373 du Code civil précise seulement que la propriété de l'immeuble peut être retenue en garantie ; il n'y a de développements qu'en matière de sûretés mobilières. En se référant aux dispositions relatives aux meubles, il en résulte que la clause de réserve de propriété doit, à peine de nullité, être écrite. S'il n'est pas encore prévu de publicité pour informer les tiers, un décret d'application devrait organiser une publicité nominative. Pour faciliter la réalisation de la clause, le créancier bénéficiera d'un report de la garantie sur le prix de vente ou sur l'indemnité d'assurance subrogée au bien. > L'antichrèse : un nouveau départ? L'antichrèse est l'affectation d'un immeuble en garantie d'une obligation. Elle était peu utilisée car impliquait la dépossession de celui qui la constitue. L'ordonnance consacre l'antichrèse-bail, validée en 2002 par la Cour de cassation 3. La possibilité, ainsi clairement offerte au créancier de donner l'immeuble à bail à un tiers ou au débiteur relancera-t-elle la pratique? 1- Article 24 de la loi n 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie 2- Article 115 du Code civil 3- Cass. 3 ème civ., 18 déc. 2002.

DOSSIER L'ordonnance permet par ailleurs au créancier antichrésiste de percevoir les fruits, à charge de les imputer sur les intérêts puis sur le principal de la créance. > Aménagements du régime de l'hypothèque La réforme va dans le sens d'une simplification. Les principes généraux de l'hypothèque ne sont pas modifiés même si des exceptions sont créées pour les besoins de l'hypothèque rechargeable et du prêt viager hypothécaire. Nous examinerons ici les dispositions concernant les hypothèques conventionnelles. La constitution de l'hypothèque La réforme aménage d'abord la constitution de l'hypothèque. Dorénavant, le montant doit être indiqué dans l'acte constitutif, à peine de nullité. Le montant n'est donc plus seulement une condition de l'inscription : c'est désormais une condition de validité. Si la créance est assortie d'une clause de réévaluation, la garantie s'étend à la créance réévaluée si l'acte constitutif le prévoit. L'hypothèque en garantie d'une créance future est consacrée. Il s'agit de l'hypothèque à durée indéterminée de créances futures déterminables. Cette innovation s'accompagne d'un droit de résiliation unilatérale à tout moment, sous réserve d'un préavis de trois mois. Comme pour le cautionnement à durée indéterminée, cette résiliation ne vaudra que pour l'avenir : l'hypothèque demeurera pour les créances nées antérieurement. La réforme reprend l'exigence des tribunaux d'indiquer dans l'acte la cause de l'hypothèque. Consécration de la purge amiable La pratique notariale de la purge amiable, très répandue, était acceptée par la jurisprudence. Le plus souvent, c'est en effet le notaire qui effectue le remboursement des prêts (ou autres créances hypothécaires) au moment de la revente du bien, le vendeur convenant avec les créanciers que le prix de cession sera affecté au remboursement. Cette "purge" amiable, impliquant l'accord des créanciers inscrits, est consacrée par la réforme, le droit de préférence se trouvant alors reporté sur le prix de vente, ceci étant opposable aux autres créanciers (chirographaires) qui ne peuvent saisir le prix, et l'immeuble se trouvant purgé du droit de suite. Simplification de la mainlevée Jusque-là, le créancier devait intervenir, ce qui entraînait des difficultés pratiques, alors même que l'on savait qu'il avait été payé et qu'il n'avait plus aucun intérêt à conserver l'inscription. Le notaire peut désormais certifier, sans comparution des parties, que le créancier a, à la demande du débiteur, donné son accord à la radiation de l'inscription. Le coût de la mainlevée diminue. Conformément à l'acceptation de la part du Conseil supérieur du Notariat d'accompagner la réforme d'une diminution des émoluments, un décret relatif au tarif des notaires a été adopté en mai dernier 4 : les émoluments ont été divisés par deux. Le salaire du conservateur des hypothèques a été diminué dans les mêmes proportions 5. Les autres prélèvements revenant à l'état, à ce stade en tout cas, ne sont pas modifiés (droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière qui a même augmenté le 1 er janvier 2006). 6 Modification de la durée des inscriptions L'ordonnance réforme également la durée des inscriptions. Depuis le 25 mars dernier, trois situations doivent être distinguées : Délai maximum ou postérieur à l échéance Durée totale de l inscription Date d'échéance ou dernière échéance 1 an* 50 ans** déterminée Date d'échéance ou dernière échéance / 50 ans indéterminée Echéance ou dernière échéance concomitante / 10 ans à l'inscription * Au lieu de deux ans / ** Au lieu de 35 ans De nouveaux modes de réalisation de l'hypothèque Jusqu'à présent, l'hypothèque se réalisait par la saisie immobilière (et la vente forcée, par adjudication, à ce titre). Désormais, l'attribution judiciaire au créancier et la stipulation dans la convention d'hypothèque d'un pacte commissoire au profit du créancier sont possibles. >>> 05 4- Décret n 2006-558 du 16 mai 2006. 5- Le taux passe de 0,10 % à 0,05 % selon le décret n 2006-729 du 22 juin 2006 6- Un décret d'application relatif au tarif de la publicité foncière est en préparation

DOSSIER 06 Cependant, dans ces deux cas, des mesures de protection du débiteur sont prévues : il faudra expertiser le bien et si l'immeuble est d'une valeur supérieure à la créance garantie, le créancier devra une somme égale à la différence, ou consigner à hauteur d'autres créanciers hypothécaires le cas échéant. Ensuite, pour protéger le logement, le pacte est neutralisé s il grève la résidence principale. Par ailleurs, l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement fait obstacle à la conclusion et à la réalisation d'un pacte commissoire. On notera que la clause de voie parée demeure nulle. L'ordonnance limitait la purge amiable, la simplification de la mainlevée et l'attribution judiciaire aux sûretés conventionnelles, excluant les privilèges. Or, la pratique des privilèges de prêteurs de deniers (PPD) est très répandue. Le projet de tarification étend ces mesures à toutes les sûretés immobilières, et donc aux PPD. La réforme résout également les difficultés pratiques liées à l'hypothèque d'un immeuble indivis ou de quotes-parts indivises (Article 2414). Transmission de l'hypothèque Quant à la transmission de l'hypothèque, l'ordonnance transpose dans le Code civil les règles dégagées par la pratique et la jurisprudence. L'hypothèque est transmise avec la créance. La cession d'antériorité et la cession d'hypothèque sont définies. On doit souligner que le créancier pourra désormais subroger un autre créancier dans l'hypothèque tout en conservant sa créance ; tendance, à l'instar de la création de la recharge possible de l'hypothèque, à aller vers une certaine autonomie de l'hypothèque. Les nouvelles formes hypothécaires L'hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire ont été très médiatisés, avec en toile de fonds la crainte de l'endettement des Français. > L'hypothèque rechargeable L'hypothèque est une sûreté efficace mais coûteuse. Commandée par Bercy, l'hypothèque rechargeable est destinée à diminuer les coûts en utilisant une hypothèque initiale pour garantir d'autres crédits. Ainsi, l'emprunteur fait l'économie des frais de mainlevée de la première hypothèque et des frais d'inscription d'une seconde. Le but est aussi de relancer la consommation : l'hypothèque pourra être utilisée pour financer des crédits immobiliers ou mobiliers. L'hypothèque rechargeable peut être consentie à un autre créancier que le créancier originaire. Concrètement, l'emprunteur pourra s'adresser à un autre établissement de crédit. Il s'agit d'une hypothèque de nature conventionnelle. Ainsi, on ne pourra pas recharger d'hypothèques autres que de nature conventionnelle ni un privilège spécial tel qu'un PPD. Le projet de ratification prévoit cependant que le créancier bénéficiant d'un privilège au jour de la promulgation de la loi pourra renoncer à son PPD en contrepartie de la constitution d'une hypothèque rechargeable. Cette "transformation" n'est offerte que pendant un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi. La recharge n'est pas de droit : elle suppose une clause particulière de l'acte constitutif qui doit la prévoir expressément. Mais, les hypothèques conventionnelles constituées avant le 26 mars 2006 peuvent devenir rechargeables moyennant un avenant. Selon l'article 2423 du code civil, l'hypothèque est toujours consentie pour le capital à hauteur d'un montant déterminé. Ce montant pourra être supérieur au montant de la créance garantie 7. L'intérêt sera de rendre l'hypothèque immédiatement rechargeable sans attendre que la créance soit remboursée, totalement ou partiellement. La limite de prudence sera la valeur de l'immeuble. Fonctionnement La convention de recharge peut être passée par le créancier originaire ou par un nouveau créancier, dans la limite du montant maximal indiqué dans l'acte constitutif. Ce montant initial est figé : il ne pourra pas varier en fonction de la baisse ou de la hausse de valeur de l'immeuble. La recharge est faite par acte notarié et est publiée (on retrouve les mêmes conditions protectrices que pour la constitution d'hypothèque). La publicité se fait moyennant une mention en marge de l'inscription initiale. C'est une condition d'opposabilité aux tiers : le créancier qui n'a pas publié la convention de rechargement ne peut justifier de sa qualité de créancier hypothécaire vis-à-vis d'autres créanciers. Extinction de l'hypothèque rechargeable L'hypothèque rechargeable ne s'éteint pas par l'extinction de la créance : même si la créance a été totalement remboursée, l'hypothèque survit. Il est possible de renoncer au caractère rechargeable de l'hypothèque. Contrairement à l'hypothèque sur créance future, il n'y a pas de préavis car cela ne préjudicie à personne. 7- Voir interview du Professeur Laurent Aynès page 8.

DOSSIER HYPOTHÈQUE RECHARGEABLE ET RANG L'inscription est attributive d'un rang dont vont profiter tous ceux qui bénéficieront de cette hypothèque rechargeable. La publicité des conventions de rechargement permet de déterminer le «sousrang» entre les créanciers successifs de recharge. Les créanciers de recharge s'inclinent toujours devant le créancier initial. Les créanciers qui ne bénéficient pas de la recharge prennent rang après le créancier initial de l'hypothèque rechargeable et les créanciers de recharge. L'intérêt de l'inscription de 2 nd rang est donc nettement réduit chaque fois que l'hypothèque rechargeable absorbe la totalité de la valeur de l'immeuble. Exemple : > A publie une hypothèque rechargeable en juin 06; > B inscrit une hypothèque en juillet 06; > C bénéficie d'une convention de rechargement en août 06. > A vient en 1 er rang. C vient en 1 er rang, derrière A. > B vient en 2 nd rang, alors que sa sûreté a été inscrite antérieurement à C. > B avait donc intérêt à se glisser dans la recharge. Si B a une créance supérieure à celle de C, il pourra se glisser dans la recharge à hauteur de l'hypothèque rechargeable et inscrire une hypothèque de 2 nd rang pour le surplus. On notera que pour ne pas ruiner l'hypothèque conservatoire, il est prévu que cette dernière prendra rang avant la convention de rechargement inscrite postérieurement. Ces dispositions sont d'ordre public ce qui exclut les clauses d'exclusivité ou les clauses de préférence que les banques auraient été tentées d'imposer. Ces clauses seraient nulles. Le caractère d'ordre public pourrait également condamner les cessions d'antériorité entre créanciers de la recharge, alors que le principe a été reconnu par la réforme. L'hypothèque rechargeable est ouverte à tous, y compris au consommateur. Cependant, lorsque cela relève du Code de la consommation, l'hypothèque est encadrée. Le Code exige à peine de nullité que soit annexé à l'offre préalable de crédit un document intitulé «situation hypothécaire» contenant huit mentions obligatoires. Les crédits concernés sont les crédits à la consommation, les crédits immobiliers à l'habitation et les crédits consentis à des petits entrepreneurs. Les crédits renouvelables ne pourront être garantis par une hypothèque rechargeable. > Le prêt viager hypothécaire Ce prêt viager hypothécaire permet de mobiliser la valeur de l'immeuble sous forme d'un crédit in fine. L'idée est que les personnes ne disposant pas de revenus suffisants tirent crédit de leur habitation pour subvenir à leurs besoins, tout en conservant leur logement. Le prêteur doit remettre les fonds en une fois ou par versements périodiques et le remboursement de l'emprunt incombera à la succession de l'emprunteur. Le prêt viager hypothécaire relève du droit des opérations de crédit aux particuliers, donc du Code de la consommation. Ses conditions sont strictement encadrées. L'emprunteur doit être une personne physique. Même si l'esprit de la réforme destine le prêt viager aux personnes âgées, aucune condition d'âge n'est fixée. L'emprunteur ne pourra pas utiliser le prêt viager hypothécaire pour financer une activité professionnelle. Le prêteur doit être un établissement de crédit. Quant à l'immeuble affecté, il doit appartenir à l'emprunteur et être affecté à l'habitation. Pour protéger le constituant, un formalisme calqué sur celui des prêts à l'habitation, est exigé : une offre préalable et un délai de réflexion de 10 jours sont prévus. L'obligation d'information est ici renforcée par une condition d'information sur la valeur du bien qui doit être estimé par un expert. La sanction du formalisme est la déchéance du droit aux intérêts et des sanctions pénales. S'agissant d'un prêt in fine, le capital et les intérêts sont exigibles lors du décès de l'emprunteur ou lors de l'aliénation du bien. Le remboursement est limité à la valeur de l'immeuble hypothéqué au jour de l'échéance, sauf en cas de remboursement anticipé. Au décès, les héritiers seront tenus de rembourser ou de laisser l'immeuble au créancier qui poursuivra une exécution forcée. Pour faciliter la réalisation de la sûreté, l'attribution judiciaire et le pacte commissoire sont possibles, et ceci bien que l'immeuble constitue la résidence principale de l'emprunteur. Il est difficile d'évaluer quel sera l'impact pratique de ces innovations. L'hypothèque rechargeable deviendra t-elle une clause de style? Les propriétaires et les banques accepteront-elles de jouer le jeu du prêt viager hypothécaire? Bertrand Lacourte, Notaire associé Christine Montébrun, Notaire assistant 07

DOSSIER INTERVIEW ENTRETIEN AVEC LE PROFESSEUR LAURENT AYNÈS Un an après notre entretien d'avant réforme, nous avons une nouvelle fois eu le plaisir de nous entretenir avec Monsieur le Professeur Laurent Aynès, membre du groupe de travail sur la réforme du crédit hypothécaire. Compte-rendu post-réforme. 08 Laurent Aynès membre du groupe de travail chargé par le ministère de réformer les sûretés. La courte Note : Cette réforme marque l'introduction de pratiques inspirées d'autres systèmes juridiques. Cette introduction se fait "en douceur", par l'introduction d'exceptions aux principes. Pensez-vous que d'autres matières vont connaître cette pratique? Laurent Aynès : Il y a un projet "fiducie" : un groupe de travail constitué il y a un an avait préparé un projet de loi ; il est difficile de savoir ce qui en sortira. Philippe MARINI réfléchit à la fiducie-gestion, mais concernant la fiducietransmission, on connaît les traditionnelles réticences de l'administration fiscale ; Par ailleurs, on attend un arrêt de principe de la Cour de cassation qui reconnaîtrait clairement la fiduciesûreté. Quant à l'hypothèque rechargeable créée par l'actuelle réforme des sûretés, on doit noter que, inspirée des droits belge et germanique, elle n'a été créée que pour contourner l'exigence de la taxe de publicité foncière (TPF). L'hypothèque rechargeable, qui vient porter atteinte au principe de spécialité, ne serait sans doute pas née s'il n'y avait pas eu en France de TPF ou si on avait accepté de la voir diminuer. On a introduit par là l'idée que l'extinction de la dette principale n'éteint pas l'hypothèque (si elle est stipulée rechargeable), changeant ainsi le fondement de l'hypothèque, uniquement pour contourner un problème de coût. Avec la "recharge", l'hypothèque devient la faculté pour le propriétaire d'avoir une réserve hypothécaire qu'il peut affecter à des créances futures. Il peut d'ailleurs en ressortir une certaine confusion en pratique entre l'hypothèque sur une créance future mais déterminable, également reconnue par la réforme, et l'hypothèque rechargeable, inaugurée par cette réforme, et qui porte sur une créance qui n'est ni déterminée ni déterminable. LCN : Cette pratique, associée à la simplification des autres sûretés permettra-t-elle selon vous d'atteindre l'objectif de reconnaissance au plan mondial du droit français? L.A. : La CNUDCI (Commission des Nations Unies pour le droit commercial international) a chargé un groupe de travail d'élaborer un guide législatif sur les sûretés. Ce guide comporte plus de 200 recommandations aux états pour faire un droit des sûretés. Même si ce guide concerne essentiellement des sûretés mobilières, on note que la loi française, telle qu'elle résulte de l'ordonnance, semble se conformer pour l'essentiel et par avance à l'esprit du projet de guide législatif de la CNUDCI. Cela devrait permettre à la France d'être mieux notée par les organes de la Banque Mondiale. Cependant, il reste deux points noirs. L'incidence des procédures collectives d'abord. Les sûretés françaises sont bonnes, elles fonctionnent bien, mais la réglementation "procédures collectives", avec la suprématie du droit de rétention et de la réserve de propriété, conduit à sacrifier des créances antérieures, même munies de sûretés. Par ailleurs, on n'a pas réussi, surtout pour les sûretés mobilières, à généraliser le système de l'inscription. Il a fallu maintenir le gage avec dépossession, pour des raisons psychologiques (la réticence des débiteurs à publier) et pour conserver l'avantage du droit de rétention en cas de redressement judiciaire.

DOSSIER INTERVIEW LCN : La méthode utilisée par le gouvernement pour réformer les sûretés a été beaucoup discutée. On insiste beaucoup sur les inconvénients du recours aux ordonnances mais y a-t-il aussi des avantages à souligner? L.A. : Je suis tout à fait partisan du recours à l'ordonnance dans ce cas précis pour deux raisons. D'abord, parce que cette méthode a fait ses preuves : jamais un livre IV consacré aux sûretés ne serait né par voie législative en raison de l'encombrement du Parlement, de la multitude probable d'amendements, etc. Ensuite, parce que cette même méthode a été utilisée pour créer le Code civil : une commission de quatre juristes a soumis pour avis un projet à différents corps constitués avant son adoption. La plupart des grands codes ont été adoptés par cette voie autoritaire qui permet plus de rapidité et de cohérence. On pourra regretter que la réforme ne porte pas sur le cautionnement et les privilèges. Le Parlement s'est réservé ou s'est vu réserver - ces domaines qui sont politiquement plus sensibles. Les privilèges ont traditionnellement une charge particulière et sont un terrain fort des lobbies. Quant au cautionnement, il pose un vrai problème de société : celui du surendettement. Les sûretés réelles sont moins sensibles politiquement car il n'y a pas de risque de surendettement (le risque porte sur le bien considéré, à la manière anglo-saxonne). On admet donc aisément qu'une personne consente des sûretés réelles sur ses biens, on l'incite même, avec l'hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire à mobiliser l'immeuble, à en faire un instrument de crédit ; la seule limite étant la préservation du logement familial. LCN : La loi de ratification devrait reprendre la proposition du groupe de travail de déclasser les privilèges pour les ramener au rang de simples hypothèques légales qui prennent rang à la date de leur inscription. Avez-vous confirmation de ce projet? L.A. : Deux solutions sont envisageables : soit la loi de ratification reprend la partie du projet qui prévoyait de déclasser les privilèges ; soit, de manière plus modeste, la loi alignera le privilège de prêteur de deniers sur certaines dispositions nouvelles de l'hypothèque : la purge amiable et la 09 recharge. Concernant la recharge, cela pose une difficulté pratique car tout le mécanisme de l'hypothèque rechargeable repose sur la convention initiale. Or, le PPD ne repose pas sur une convention. En pratique cependant, le PPD fait toujours l'objet d'une convention, ce qui devrait permettre de convenir une éventuelle "rechargeabilité". LCN : Certains doutent que l'hypothèque rechargeable puisse être souscrite pour un montant supérieur à la valeur de la créance, permettant immédiatement la recharge. Qu'en pensez-vous? L.A. : C'est certain dans l'esprit de ceux qui ont préparé la réforme. Le Code civil ne l'interdit pas : l'article 2423 ne précise pas que l'hypothèque est consentie à hauteur de la créance garantie. De plus, l'article L.313-14-1 du Code de la consommation prévoit deux montants dans les mentions obligatoires de l'annexe : le montant maximal garanti et le montant de l'emprunt initial garanti. On voit bien que ce sont deux choses différentes. Si le cas est prévu dans des hypothèses de protection du consommateur, il n'y a aucun doute que cela puisse être pratiqué en droit commun. LCN : Les banques vont-elles jouer le jeu du prêt viager hypothécaire alors qu'elles assumeront le risque d'une longévité exceptionnelle du constituant et qu'elles ne bénéficieront d'aucun avantage dans l'hypothèse inverse? L.A. : Il est possible que les banques n'acceptent de prêter qu'à hauteur de 20 % de l'immeuble par exemple. Aux Etats-Unis, le système est adossé à une assurance-vie. Je crois que le principal frein ne viendra pas des banques mais des emprunteurs. Deux obstacles psychologiques devront être franchis : combattre la fausse impression de transmettre à ses héritiers une dette; changer la relation des propriétaires avec leur immeuble : les Français ne le voient pas comme une "valeur", mobilisable, mais comme un bien patrimonial destiné à être transmis. Ce sont de nouvelles finalités à explorer, comme celle d'emprunter pour faire des donations. Propos recueillis par Bertrand Lacourte

PATRIMOINE PRESENTATION DES TRAVAUX DU 102 ÈME CONGRES DES NOTAIRES DE FRANCE La réunion annuelle des Notaires de France s est tenue cette année à STRASBOURG du 21 au 24 mai 2006. Son thème : «les personnes vulnérables» constitue l un des défis les plus importants avec les retraites- de notre société. 10 L espérance de vie des français n a cessé d augmenter et a entraîné le développement de la population âgée. Malheureusement les progrès de la médecine contre le vieillissement n ont pas suivi et cette population risque de devenir de plus en plus dépendante. En vingt ans, les plus de soixante ans ont doublé : en 2010 20% de la population aura plus de soixante ans et 6% plus de quatre-vingts ans. Cependant, il ne faut pas en conclure que toutes les personnes âgées sont vulnérables : chacun en connaît, dans son cercle familial ou amical qui restent, jusqu à la fin, parfaitement maîtres de leur discernement. Le mérite de l équipe du Congrès a été de naviguer entre l écueil de la protection totale et impersonnelle et celui d une trop grande indépendance. Ainsi la première commission s est penchée sur l accès à l emploi des handicapés. Elle s est d abord préoccupée de l accès (ou des freins à cet accès) au monde du travail ordinaire puis des structures spécialisées dans le travail des personnes handicapées (les centres d aide par le travail et les entreprises adaptées). La seconde commission a plus spécialement étudié le choix des modes de représentation : tutelle et incapacité. Ainsi sont distinguées les tutelles familiales et les tutelles administratives. Deux sortes de tutelle familiale existent : la tutelle avec conseil de famille et la tutelle sous forme d administration légale. Quant aux tutelles administratives, leurs formes en sont diverses : tutelle en gérance (préposé de l établissement de traitement ou administrateur spécial), tutelle d Etat et pupille de l Etat. La troisième commission s est surtout intéressée à un problème récurrent dans les familles : la notion de créance d assistance dévolue à l enfant qui s est occupé seul de ses parents. La jurisprudence, notamment l arrêt du 12 juillet 1994 de la Cour de Cassation 1, confirmée sans cesse depuis, décide que le devoir moral d un enfant envers ses parents n est pas exclusif d une demande d indemnisation pour l aide et l assistance apportées, pour autant que celles-ci aient dépassé les exigences de la piété filiale et qu il y ait appauvrissement de l enfant et enrichissement corrélatif des parents. Après cette analyse historique, la commission a défini la nature juridique de cette créance d assistance, ses modalités possibles de reconnaissance (par convention, par donation simple, par donation-partage, par exécution d une disposition testamentaire), ses modes de calcul et de règlement ainsi que son interaction, face à une créance d aide sociale et enfin des aspects fiscaux. La quatrième commission s est attachée à la transmission à titre gratuit du patrimoine d une personne vulnérable. En premier lieu a été décrite la problématique de l anticipation successorale, puis sa forme (minorité, majeur protégé, testament de la personne atteinte d un handicap physique) et son contenu (donation avec charges). En conclusion, il faut retenir le rôle éminent que peut jouer la société civile «figure élaborée d alternative patrimoniale» (selon le rapporteur général M e Philippe POTENTIER) : elle permet de déplacer les pouvoirs de gestion de la personne vulnérable et de son représentant légal au profit d un gérant qui agit sous le contrôle des associés. Frédéric VINCENT Notaire associé 1-1ère Ch. Civ. Bull. civ. N 250 page 181

PATRIMOINE SIMPLIFICATION DU CHANGEMENT DE RÉGIME MATRIMONIAL Les époux peuvent, au cours de leur mariage, changer de régime matrimonial pour protéger les biens du ménage ou le conjoint au moment du décès. La loi vient d alléger les formalités et par conséquent le coût du changement de régime. La réforme La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités assouplit l'exigence d'une homologation judiciaire du changement de régime matrimonial. Désormais, ce n'est qu'en présence d'enfants mineurs ou en cas de contestation du changement de régime que les créanciers ou les enfants saisiront le juge. L avantage de la réforme est la possibilité de limiter l intervention du juge dans cette procédure, de diminuer les délais et d éviter les coûts relatifs à la représentation par avocat. L'exigence du délai de 2 ans et du changement dans l'intérêt de la famille sont maintenus. L acte notarié contiendra la liquidation du régime matrimonial à peine de nullité. L'enjeu était de simplifier la procédure tout en assurant la protection des enfants et des créanciers. Pour cela, le projet de changement de régime matrimonial sera impérativement notifié aux enfants majeurs qui auront trois mois pour s'y opposer. S'il existe des mineurs, le changement de régime matrimonial devra toujours être homologué. Pour informer les créanciers, le projet de modification sera publié dans un journal d'annonces légales (JAL). Les créanciers auront trois mois pour s'y opposer. En cas d'opposition des enfants majeurs ou des créanciers, le projet sera soumis à homologation. Un décret doit préciser les modalités d'application de ces dispositions qui devraient entrer en vigueur le 1 er janvier 2007. Récapitulatif : trois procédures A partir du 1 er janvier, 3 procédures seront possibles selon qu'il existe ou non des enfants et selon qu'ils sont ou non mineurs. PROCÉDURE EN L'ABSENCE D'ENFANT Opposition Décision de changement de régime Publication dans un JAL Procédure d'homologation Opposition Le créancier a 3 mois pour s'y opposer PROCÉDURE EN PRÉSENCE D'ENFANT MAJEUR Décision de changement de régime Notification aux enfants majeurs et publication dans un JAL Enfant(s) et créancier(s) ont 3 mois pour s'y opposer Procédure d'homologation PROCÉDURE EN PRÉSENCE D'ENFANT MINEUR Acte de changement de régime Procédure d'homologation Absence d'opposition Acte notarié Absence d'opposition Acte notarié Christine Montébrun Notaire assistant 11

BLOC NOTES NOS CONTRIBUTIONS ÉDITORIALES Bulletin Lamy Droit Immobilier Catherine Minot, consultante en droit public à l étude, a commenté la réforme de la propriété des personnes publiques. Son article est paru dans le bulletin de mai 2006 du Lamy droit Immobilier sous le titre «Code général de la propriété des personnes publiques, entre modernisme et poursuite de l'intérêt général». Revue de droit Civil Lamy Suite à la réforme du droit des sûretés, le Code civil a connu une importante renumérotation et la création d'un nouveau Livre intitulé «Des sûretés». Une table de concordance établie par Christine Montébrun, responsable de la documentation de l'étude, a été publiée sur le site Lamyline et dans la revue Lamy Droit civil de mai 2006. Jurishebdo Catherine Minot commente régulièrement l actualité de la jurisprudence en droit de l urbanisme dans l hebdomadaire Jurishebdo, la lettre du droit immobilier pour les professionnels. Au cours du second trimestre 2006, deux chroniques sont parues : Demande d'urbanisme : l'effet de l'expiration du délai d'instruction (N 229 du 25 avril 2006), et La question préjudicielle de la légalité d'un permis de construire (Numéro spécial 10 du 16 mai 2006). La lettre EVF "Le notariat participe à la construction européenne". C'est le titre d'un article de Bertrand Lacourte paru en juin dans le numéro 15 de La lettre EVF, revue d'information de la société "Expertise et Valorisations Foncières". Grâce au congrès des notaires européens (le 1er a eu lieu en 2005) et aux travaux des instances représentatives de la profession, des réflexions sont menées sur la fonction notariale et l'harmonisation des règles de droit. NOS INTERVENTIONS Le Moniteur Catherine Minot, consultante en droit public à l étude, anime régulièrement des formations pour Le Moniteur. Le point sur ses interventions à venir. «Contentieux de l urbanisme : prévention et gestion des risques» - Le 4 décembre 2006 L objectif de cette journée de formation est de maîtriser, à chaque étape des opérations de construction, les risques de litige et d identifier la conduite à adopter en cas de contentieux. Des études de cas pratiques à partir de jurisprudences récentes seront proposées. «Les montages d opérations immobilières» - Les 4 et 5 octobre 2006 Ces deux journées de formation seront consacrées au pilotage d'une opération immobilière, depuis les études préalables jusqu à la réalisation. Retrouvez le programme complet de ces formations et inscrivez vous en ligne sur le site du moniteur : www.lemoniteur-formations.com. NOS LECTURES Les droits de tradition civiliste en question, volume 1 - Réponse de l Association Henri Capitant aux Rapports Doing business de la Banque mondiale (Société de Législation Comparée) L Association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique vient de publier une réponse aux très controversés rapports Doing Business de la Banque mondiale. Ces rapports concluaient à l'inefficacité économique des pays de droit civil en général et classaient la France en très mauvaise position. L'association réfute les données qu'elle juge inexactes, critique la méthode des auteurs des rapports et dégage les atouts du droit civil. Cet ouvrage peut également être consulté librement sur le site de l'association : www.henricapitant.org > Pour approfondir les questions abordées, demandez une documentation à la bibliothèque : bibliotheque@scp-lacourte.com Etude LACOURTE 54, avenue Victor HUGO - 75116 PARIS Standard : (1) 01 44 28 40 00 Télécopie : (1) 01 45 01 88 28 E-mail général : associes-notaires@scp-lacourte.com Site Web : www.scp-lacourte.com > Directeur de la publication : Bertrand Lacourte Rédactrice en chef : Christine Montébrun Secrétariat de rédaction : Catherine Minot - Pierrick Le Bourdiec Création et réalisation : Thalamus 01 47 00 58 83 Parution trimestrielle Dépôt légal : n ISSN 1774-7732