Valorisation commerciale d une agriculture durable de proximité Paule Moustier, CIRAD-MOISA
Justification Considérés ici dans la durabilité: impact environnemental, impact sanitaire (principalement, utilisation de produits chimiques) Caractéristiques de la qualité sanitaire: attribut de croyance, difficultés de mesure Paule Moustier, CIRAD 2
Points abordés Justification: pourquoi une valorisation commerciale spécifique estelle recommandée pour des systèmes innovants sur le plan de la durabilité? Attributs particuliers de la durabilité Nécessitent une reconnaissance particulière Entraînent des surcoûts et surprix Légitiment les interventions publiques et privées Modes de valorisation en circuits courts Définitions Formes Avantages Exemple du Vietnam Exemple de valorisation en circuit long intégré Conclusion Paule Moustier, CIRAD 3
Justification Attributs des pratiques durables Nelson (1970): Attributs de recherche: attributs qui peuvent être appréciés dans le processus de recherche antérieur à l achat (ex.: le style d une robe) Attributs d expérience: attributs qui ne sont découverts qu après l achat, lorsque le produit est utilisé (ex.: le goût d une boîte de thon) Paule Moustier, CIRAD 4
Justification Attributs des pratiques durables Darby et Karni (1973) Attributs de croyance: attributs qui ne peuvent être évalués au cours d une utilisation normale du produit. Ils nécessitent une information supplémentaire coûteuse(ex.: nécessité d une réparation). Dans la situation d attributs de croyance, les producteurs sont incités à frauder. Solutions: marques; relations régulières vendeuracheteur; paiement d expertises Paule Moustier, CIRAD 5
Justification Attributs des pratiques durables Pourquoi la mauvaise qualité chasse la bonne Akerlov (1970): the market for «lemons» (voitures d occasion) Pourquoi le prix d une voiture d 1 an est-il beaucoup plus bas que celui d une voiture neuve? Les acheteurs ne peuvent faire la différence entre les bonnes et les mauvaises voitures, seuls les vendeurs connaissent la valeur des voitures (asymétrie d information sur la qualité de la voiture entre le vendeur et l acheteur) Prix d une bonne voiture= prix d une mauvaise voiture = moyenne entre valeur de la bonne et de la mauvaise voiture >valeur de la mauvaise voiture et < valeur de la bonne voiture Paule Moustier, CIRAD 6
Justification Attributs des pratiques durables Pourquoi la mauvaise qualité chasse la bonne Vendeurs de mauvaises voitures attirés par les prix élevés pour eux, contrairement aux vendeurs de bonnes voitures (sélection adverse) Le marché pour les mauvaises voitures se développera, les prix diminueront Le marché pour les bonnes voitures disparaîtra Paule Moustier, CIRAD 7
Justification Attributs des pratiques durables Ainsi, le marché libre ne permet pas spontanément de trier les bons et les mauvais produits Institutions en réponse aux problèmes d incertitude sur la qualité: Garanties Marques Certification Paule Moustier, CIRAD 8
Justification Attributs des pratiques durables Barzel (1982) Coûts et erreurs de mesure Solutions institutionnelles: marques; intégration verticale (les intrants sont des indicateurs des produits) Paule Moustier, CIRAD 9
Justification Attributs des pratiques durables La durabilité mobilise des actifs spécifiques, cad des investissements difficilement valorisables en dehors d une transaction spécifique: Cahiers des charges de production Haies de séparation des parcelles Variétés rustiques Filets anti-insectes Biodiversité cultivée et sauvage. Paule Moustier, CIRAD 10
Justification Attributs des pratiques durables Dans les situations où des actifs spécifiques sont engagés, l intégration verticale est plus efficace que le marché spot (Williamson, 1987): Contrats Combinaison d activités, salariat Contrôle par l acheteur du processus de production, ou contrôle par le producteur du processus de vente Paule Moustier, CIRAD 11
Justification Sur-coûts des pratiques durables Comparaison économique des filières de chou «sain» et conventionnel autour de Hanoi; en VND/kilo 2500 2000 1000 Profit du commerçant Coût de mise en marché 1500 660 413 Profit net du producteur Travail 1000 500 0 347 110 50 491 298 87 153 250 187 170 229 Conventionnel Sain Autres CP Insecticides Engrais Semences Source: Moustier et al., 2010 +28% coûts de production -12% rendement + 33% prix de vente Prix de vente par le producteur
Coûts des systèmes d assurance de la qualité des F&L au Vietnam Type de garantie Nb de critères Coût Certification (safe V) Expert + (100 USD/ha) + Vietgap Expert 65 ++ (500 to 800 USD/ha) - Globalgap Expert 300 +++(>3000USD/ha) - PGS (organic V) Ventes directes (safe V) Ventes directes + ICS Justification Sur-coûts des pratiques durables Mutual +expert 24 + (<6USD/ha) + Mutual + + Mutual+expert + + Intérêt des producteurs Source: Moustier, 2012
Justification Sur-prix des pratiques durables Consentement à payer du consommateur pour des produits plus durables/sains: Souvent démontré; ex: + de 50% au Bénin (Coulibaly et al.,2011) et +36% en Turquie (Akgungor et al., 2007) pour légumes bio; 60% au Vn pour le chou chinois sans produits chimiques (Megenthaler et al., 2009) Indissociable de la fiabilité des signes de qualité En Asie, la santé préoccupe beaucoup, l environnement peu Faible consentement à sacrifier les qualités visuelles Paule Moustier, CIRAD 14
Justification Interventions public-privé La qualité sanitaire est un bien public, donc l Etat a un rôle à jouer (règles-contrôle-application) Mais elle ne peut être améliorée sans incitations pour le secteur privé: Ressources limitées de l Etat Synergies positives entre initiatives publiques-privées (Garcia Martinez et al., 2007) L Etat n est pas forcément mieux placé que le secteur privé pour contrôler les fraudes (Darby et Karni, 1973) Paule Moustier, CIRAD 15
Justification En conclusion La mise en place de pratiques d agriculture durable implique une valorisation commerciale particulière, surtout dans les pays du sud, car: Elle entraîne des surcoûts Si les efforts de durabilité ne sont pas reconnus spécifiquement par le consommateur, ce sont les pratiques non durables qui domineront sur le marché Prix supérieur, circuit intégré Paule Moustier, CIRAD 16
Valorisation par les circuits courts Définition Minagri France (2009): un ou zéro intermédiaire entre producteur et consommateur
Valorisation par les circuits courts Différentes formes Marchés paysans Achats à la ferme Livraison à domicile «community-supported agriculture» (CSA) depuis les années 60s, naissance au Japon et en Allemagne, dvpt aux EU; naissance des AMAP en 2001 en France (Associations pour le maintien de l agriculture paysanne
Valorisation par les circuits courts Avantages généraux Les circuits courts sont une forme d intégration verticale, adaptée aux actifs spécifiques mobilisés dans la durabilité La proximité entre producteurs et consommateurs peut assurer une meilleure garantie de la qualité sanitaire des produits: information des consommateurs sur pratiques de production, information des producteurs sur la demande des consommateurs Possibilité de contrôle sur le lieu de production, voire co-investissement En Bretagne, 30% des ventes directes par producteurs bio contre 15% des ventes à la ferme (Redlinshöfer, 2008) 19
Valorisation par les circuits courts Avantages généraux Différentes formes de proximité entre le consommateur et le point de vente (Bergadaa et Del Bucchia, 2009): Proximité d accès Proximité relationnelle Proximité identitaire Proximité de processus Relation entre ces proximités surtout identitaire et processuset la confiance du consommateur (Herault-Fournier, Merle et Prigent-Simonin, 2012); la satisfaction et l engagement (Dufeu et Ferrandi, 2011)
Valorisation par les circuits courts Avantages des AMAP Solidarité entre agriculteurs et consommateurs: Paiement à l avance (en général, 1 saison) Appui en cas de catastrophe naturelle Participation à visites, journées d information Concept d agriculture civique (DeLind, 2002; Lyson, 2000): producteurs et consommateurs ont le sens d appartenir à une même communauté avec des opportunités, contraintes et responsabilités
Valorisation par les circuits courts Exemple du Vietnam Chaînes traditionnelles Chaînes«légumes propres» (5% des quantités totales) Individual Farmers Associations de producteurs + compagnies semi-publiques Collecteurs Grossistes Vendeurs de marché Vendeurs de rue Magasins Stands Supermarché Détaillant de magasin Cantines Consommateurs
Valorisation par les circuits courts Exemple du Vietnam
Valorisation par les circuits courts Exemple du Vietnam Initiative de vente directe par livraison (2009) Groupe de 10 producteurs biologiques soutenus par une ONG Réseau de 170 consommateurs abonnés Livraison par les producteurs auprès de 2 points Prix stables et homogènes Paquets variables selon la disponibilité Essai de mise en place d une certification participative Pas une véritable CSA: peu d implication des consommateurs dans le processus de production (mis à part des visites)
Valorisation par les circuits longs Exemple de la tomate de Salveol (Ménard et Valceschini,2005): Durabilité (0 pesticides) et qualité gustative Une forme hybride intégrée: 3 coopératives de producteurs: définissent les cahiers des charges, assurent les formations, collectent/trient les produits, conditionnent, contrôlent la qualité Joint-venture des coopératives: a la marque, met en marché, négocie les contrats avec les détaillants, les prix avec les producteurs Les coopératives sont actionnaires de la compagnie qui fournit les intrants biologiques Paule Moustier, CIRAD 25
Conclusion Importance des ventes directes producteursconsommateurs et producteurs-détaillants pour valoriser les efforts sur la qualité sanitaire Besoin de recherches complémentaires: mesure des impacts dans la durée de différents types de circuits courts et modes de contrôle, en termes de: alimentation, emploi, revenus, environnement, innocuité des produits 26
Bibliographie Akgungor, S., Miran, B. and Abay, C. (2007). "Consumer Willingness to Pay for Organic Products in Urban Turkey." European Association of Agricultural Economists. Bologna, Italy. Akerlov, G. A. (1970). "The market for «lemons» : quality uncertainty and the market mechanism." Quaterly Journal of Economics LXXXIV(3): 488-500. Barzel, Y. (1982). "Measurement cost and the organization of markets " Journal of Law and Economics XXV: 27-50. Bergadaa, M., Del Bucchia, C., 2009. La recherche de proximité par le client dans le secteur de la grande consommation alimentaire. Management et Avenir 21, 121-135. Coulibaly, O., Nouhoheflin, T., Aitchedjia, C., Cherry, A. J. and Adegbola, P. Y. (2011). "Consumers' Perceptions and Willingness to Pay for Organically Grown Vegetables." International Journal of Vegetable Science 17(4): 349-362. Darby, N. R. and Karni, E. (1973). "Free Competition and the Optimal Amount of Fraud." Journal of Law and Economics 16: 67-88. DeLind, L. B. (2002). "Place, work, and civic agriculture: Common fields for cultivation." Agriculture and Human Values 19: 217 224.
Bibliographie Dufeu, I., Ferrandi, J.-M., 2011. Proximité perçue, confiance, satisfaction et engagement des consommateurs dans le cadre d'une économie du lien: les AMAP, 5èmes Journées de recherches en sciences sociales, Agrosup Dijon, SFER. Garcia Martinez, M. G., Fearne, A., Caswell, J. A. and Henson, S. (2007). "Co-regulation as a possible model for food safety governance: opportunities for public-private partnerships." Food Policy 32: 299-314. Hérault-Fournier, C., Merle, A. and Prigent-Simonin, A.-H. (2012). "Comment les consommateurs perçoivent-ils la proximité à l'égard d'un circuit court alimentaire?" Management et Avenir 3(53): 16-33. Lyson, T. (2000). "Moving towards civic agriculture." Choices third quarter: 42-45. Ménard, C. and Valceschini, E. (2005). "New institutions for governing the agri-food industry." European Review of Agricultural Economics 32(3): 421-440.
Bibliographie Mergenthaler, M., Weinberger, K. and Qaim, M. (2009). "Consumer Valuation of Food Quality and Food Safety Attributes in Vietnam." Applied Economic Perspectives and Policy 31(2): 266-283 Moustier, P. 2007. Urban Horticulture in Africa and Asia, An Efficient Corner Food Supplier. Horticulturae, Acta Horticulturae, nr 762 (T.A. Lumpkin et I.J. Warrington, eds). Moustier, P., Nguyen Thi Tan Loc. 2008. Direct sales suit producers and consumers interests in Vietnam. In Bonanno, A., Bakker, H., Jussaume, R., Kawamura Y. et Shucksmith M. (eds). From Community to Consumption: New and Classical Themes in Rural Sociological Research." Bingley, UK: Emerald Publishing, pp. 185-197. Moustier, P. and Nguyen, T. T. L. 2010. "The role of farmer organisations in marketing periurban "safe vegetables" in Vietnam." Urban Agriculture Magazine 24: 50-52
Bibliographie Moustier, P., Phan, T. G. T., Dao, T. A., Vu, T. B. and Nguyen, T. T. L. (2010). "The role of Farmer Organisations Supplying Supermarkets with Quality Food in Vietnam." Food Policy 35: 69-78. Moustier, P. 2012. Assuring food safety in Asian domestic markets: through proximity or standards? Presentation to the SFER seminar, Toulouse. Nelson, P. (1970). "Information and consumer behavior." Journal of Political Economy 78: 311-329. Redlingshöfer, B. (2008). "L'impact des circuits courts sur l'environnement." In G. Maréchal (ed.), Les circuits courts alimentaires pp. 175-185): Educagri. Williamson, O. E. (1987). The economic institutions of capitalism. New York: The Free Press, Collier Macmillan Publishers.