Discoid lupus erythematosus in dogs: comparison with discoid lupus in man



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Le lupus discoïde canin : comparaison avec le lupus discoïde chez l homme Discoid lupus erythematosus in dogs: comparison with discoid lupus in man Par Emmanuel BENSIGNOR (1) (présenté le 20 mars 2003) RÉSUMÉ Le lupus discoïde du chien est une entité rapportée dans la littérature vétérinaire depuis plusieurs années, mais les similitudes avec la maladie décrite sous ce nom chez l homme restent sujettes à caution. Cet article passe en revue les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, histopathologiques et immunologiques du lupus «discoïde» chez le chien en comparaison avec la maladie humaine. A cause de différences importantes entre les deux dermatoses, il est suggéré de ne plus utiliser le terme lupus discoïde chez le chien pour décrire les atteintes inflammatoires supposées d origine auto-immune de la truffe. Mots-clés : dermatologie, chien, maladie auto-immune, lupus. SUMMARY Canine discoid lupus has been described in veterinary literature for many years, but similarities with the same condition in man remain unconfirmed. This article examines the epidemiology, clinical signs, histopathology and immunopathology of canine «discoid lupus», compared with the human form of the disease. Because of important differences between the two dermatoses, the name «discoid lupus» should no longer be used in dogs to describe these inflammatory lesions on the nose, of suspected autoimmune origin. Key words: dermatology, dog, auto-immune disease, lupus. Note (1) Dip ECVD, CES Derm. Vét., DU Allergologie et Immunologie clinique Clinique Vétérinaire, 17 BVD DES Filles du Calvaire, 75003 Paris Clinique Vétérinaire, 6 rue Mare Pavée, 35510 Cesson Sévigné 35

INTRODUCTION Depuis les premières descriptions par Craig Griffin en 1979 du «lupus discoïde» canin (GRIFFIN et STAN- NARD, 1979), un certain nombre de controverses ont été soulevées quant à l existence de cette entité, ses similarités avec la dermatose humaine portant le même nom, son caractère «lupique» (Scott et al. 1995) ou son origine auto-immune (ALHAIDARI, 1999), à tel point que certains auteurs ont proposé d éliminer cette terminologie en dermatologie vétérinaire (OLIVRY, 1998 ; BERNARD, 1994). NOTION D AUTO-IMMUNITÉ L auto-immunisation est une réaction immunologique de l organisme, dirigée contre ses propres constituants. Il peut s agir d un phénomène non pathologique (auto-réactivité) ou d une réaction pathologique (BERNARD, 1994). Dans ce dernier cas, l auto-immunisation provoque des lésions cliniques ou des troubles fonctionnels, on parle d auto-agressivité. L auto-immunisation peut être humorale (due à la synthèse d auto-anticorps) et/ou cellulaire (due à des lymphocytes T auto-réactifs). A l état normal, différents mécanismes préviennent l apparition des anticorps ou des lymphocytes T auto-réactifs dans l'organisme. Ces mécanismes ont pour but de protéger l organisme. Il peut s agir d une sélection positive des lymphocytes dans le thymus ou dans la moelle osseuse, d une délétion clonale des lymphocytes auto-agressifs, ou d une anergie des cellules auto-réactives. En outre, il existe des cellules suppressives, spécifiques ou non de l auto-antigène, qui permettent d inhiber les phénomènes d auto-immunité à l état normal en détruisant ou en bloquant les fonctions des anticorps ou des cellules auto-réactives (CHABANNE et al., 1999). Dans certaines conditions, mal comprises, ces phénomènes de protection peuvent être dépassés. Un phénomène d'auto-immunisation se déclenche alors. Les auto-anticorps peuvent avoir un rôle pathogène direct (destruction de la cellule cible, interaction avec un récepteur, activation de la cellule cible), ou indirect (dépôt de complexes immuns circulants ou formés in situ) (figure 1) (CHA- BANNE et al., 1999). L origine auto-immune d une dermatose est cependant difficile à prouver. Seul le déclenchement de lésions cutanées par transfert passif d anticorps pathogènes ou de cellules auto-réactives, in vivo ou in vitro, permet d affirmer avec certitude le caractère auto-immun de la dermatose. Ceci n a été réalisé, chez l'homme, que pour certaines dermatites auto-immunes ou DAI (pemphigus, pemphigoïde, épidermolyse bulleuse acquise, alopecia areata) (SUTER et al. 1998 ; TOBIN et al. 1998). Chez l'animal, les données sur le sujet sont malheureusement très incomplètes. QU EST-CE QU UNE DERMATOSE LUPIQUE? * Le lupus érythémateux (CAZENAVE, 1851) est une maladie caractérisée par la production d auto-anticorps, le plus souvent dirigés contre des antigènes nucléaires, qui sont responsables de lésions directes et indirectes (CHA- BANNE et al.1995 ; SONTHEIMER, 1997 ; STEIN et al. 1997). Les auto-anticorps peuvent atteindre divers organes internes (lupus systémique) ou affecter la peau (lupus cutané). Conséquence : le lupus cutané peut évoluer seul ou dans le cadre d un lupus systémique. * Sous le terme de lupus cutané, on peut regrouper : des lésions cutanées apparaissant chez un patient souffrant de lupus (spécifiques ou non), des lésions cutanées spécifiques du lupus. * Loi de Greenwald : «Tout ce qui survient chez un patient souffrant de lupus érythémateux systémique, qui n est pas explicable autrement, est automatiquement dû au lupus, quel que soit le mécanisme physiopathologique d apparition des lésions» (GREENWALD, 1992). * Chez l homme, comme chez le chien, la confusion existe en ce qui concerne la classification et la nomenclature des lésions de lupus cutané. Dans une revue, SON- THEIMER (1997) distingue chez l'homme des entités dermatologiques différentes, spécifiques ou non du lupus (tableau 1), qui peuvent apparaître seules, avant, pendant ou après d autres lésions lupiques (figure 2). * Lupus érythémateux cutané aigu (LECA) : survient presque toujours chez des patients souffrant de lupus érythémateux systémique (LES) ; lésions de rash malaire en ailes de papillons (nez et pommettes) ; érythème, œdème, aspect plus ou moins squameux. * Lupus érythémateux cutané subaigü (LECS) : survient dans environ 50% des cas chez des patients souffrant de lupus érythémateux systémique (LES) ; macules ou papules érythémateuses, plaques annulaires, polycycliques, à bordure érythémato-squameuse ou psoriasiforme ; atteinte des zones photoexposées, plus extensive que le LECA ou le LECC. * Lupus érythémateux cutané chronique (LECC) le lupus discoïde appartient à ce groupe (cf paragraphe suivant) ; il existe d autres types cliniques : lupus crétacé très hyperkératosique, lupus tumideux, papu- 36

leux et non squameux, lupus télangiectasique, lupus profond sous forme de panniculite etc Les lésions spécifiques sont caractérisées par une image histopathologique «typique» : dermatite d interface lymphocytaire avec présence d apoptose kératinocytaire. Les lésions non spécifiques ne présentent pas cette image histopathologique. Elles sont rattachées au lupus, mais peuvent être rencontrées dans d autres maladies (figure 3). Chez le chien, sur la base des critères histopathologiques rapportés ci-dessus, on peut désormais rattacher au lupus cutané : la «dermatose ulcérative du Colley» : il s agit d une forme vésiculeuse de lupus cutané (JACKSON et OLIVRY, 1999) la «dermatose lupoïde du Braque allemand» : il s agit d une forme exfoliative de lupus cutané (OLIVRY et al, 1999) le lupus «cutanéo-muqueux» (entité clinique nouvellement rapportée) (OLIVRY, 2000) La figure 4, adaptée par OLIVRY d après SONTHEI- MER, résume les relations complexes entre lupus et dermatoses. Les lupus exfoliatifs et vésiculeux sont rattachés au lupus chronique, mais pourraient également représenter des formes de lupus subaigus. La place du «lupus discoïde» canin n est pas nette (cf. paragraphe suivant). QU APPELLE-T-ON LUPUS DISCOÏDE DANS LA LITTÉRATURE? * Chez l'homme (DAVID-BAJAR et al. 1992 ; DRAKE et al. 1996): - dans le passé, c est un nom générique pour désigner une population de patients souffrant de lupus érythémateux atteints de lésions cutanées modérées, quelles qu elles soient. - récemment, le lupus discoïde est considéré comme une forme particulière de lésion cutanée, spécifique du lupus : «lésions en plaques, en forme de pièce, érythémateuses, souvent mais pas toujours accompagnées de squames adhérentes, de manchons folliculaires, d une hyperpigmentation périphérique, d une hypopigmentation centrale, avec télangiectasie, alopécie et atrophie centrale». * Chez le chien (OLIVRY, 1987) : - ce terme est utilisé pour désigner une dermatite faciale, souvent localisée à la truffe (bien que d autres localisations aient été rapportées : canthi internes des yeux, lèvres, pavillons auriculaires, conduit auditif externe, cavité buccale, extrémités, vulve, prépuce), caractérisée par une dépigmentation, des érosions, une hyperkératose, des fissurations et des hémorragies - la photosensibilité des lésions est nette - l aspect histopathologique, considéré comme «pathognomonique» regroupe : la dégénérescence hydropique des cellules de la couche basale, les corps de Civatte, l infiltrat lichénoïde lymphoplasmocytaire, l épaississement de la membrane basale et l incontinence pigmentaire (GROSS et al.1992 ; YAGER et WILCOCK, 1994) LE LUPUS «DISCOÏDE» DU CHIEN CORRESPOND-IL À LA DERMATITE HUMAINE? Le tableau 2 compare les données cliniques, histopathologiques et immunologiques des dermatoses humaine et canine. En conclusion, il existe un certain nombre de différences, tant cliniques, histologiques qu immunologiques entre la dermatose de l homme et celle du chien. LE LUPUS «DISCOÏDE» DU CHIEN EST-IL UNE DERMATITE AUTO-IMMUNE? On considérait le lupus «discoïde» canin comme une forme localisée à la peau de lupus érythémateux, sur la base : - de données épidémiologiques et cliniques : chiens adultes âgés, lésions érosives et ulcérées répondant à la corticothérapie - de données histopathologiques : dermatite lichénoïde lymphoplasmocytaire avec apoptose des kératinocytes basaux et images de satellitose - de données immunologiques (FOURNEL et CHA- BANNE, 1996) : dépôts d Ig et/ou de C3 le long de la membrane basale de l épiderme sous la forme de dépôts granuleux et irréguliers, démonstration d ICAM1 à la surface des kératinocytes basaux, mise en évidence dans le sérum d un Shetland atteint, d auto-anticorps dirigés contre des protéines de la membrane basale. MAIS : - la dermatose est également rapportée chez de jeunes adultes, le type lésionnel observé n est pas spécifique, la bonne réponse à la corticothérapie n est pas spécifique puisque les corticoïdes sont des anti-inflammatoires puissants ; - l infiltrat observé est présent au niveau des muqueuses en cas d inflammation, quelle que soit l étiologie en cause ; - il existe un dépôt «physiologique» d Ig et de complément au niveau de la membrane basale de la truffe chez les chiens sains ; - les anticorps isolés dans le sérum sont-ils pathogènes ou correspondent-ils au démasquage de certains antigènes de la JDE suite à l atteinte de la basale? 37

En conclusion, aucun argument ne permet aujourd hui de trancher quant à l origine auto-immune de cette dermatose. D autant plus que les lésions de lupus «discoïde» canins sont rarement rapportés dans les séries étudiant le lupus érythémateux systémique chez le chien. QUELLES SONT LES CARACTÉRISTIQUES DU LUPUS «DISCOÏDE» CANIN? Sur un plan clinique : - l atteinte de la face, et plus particulièrement de la truffe, semble prédominante - les cas décrits dans d autres localisations dans la littérature correspondent-ils à la même entité? Sur un plan histopathologique : - les cas rapportés dans la littérature sont hétérogènes, tant pour l existence de corps apoptotiques, que pour la dégénérescence hydropique, la présence d une dermatite d interface ou la nature de l infiltrat. - par exemple, dans une étude portant sur les dermatites auto-immunes du chien (DAY et al.1993), sur 11 cas de «lupus discoïde» étudiés, aucun cas n était strictement lymphocytaire, 7 cas présentaient des macrophages dans l infiltrat dermique, 10 cas des plasmocytes, 3 cas seulement une apoptose kératinocytaire, 4 cas une dégénérescence hydropique des cellules basales. Il est d ailleurs intéressant de noter que ces différents cas s accompagnaient de caractéristiques très différentes en immunofluorescence directe. QUELLES SONT LES PERSPECTIVES D ÉTUDE DE CETTE DERMATITE? L entité «lupus discoïde canin» mérite donc une réévaluation approfondie, à la fois clinique, histopathologique et immunologique. En particulier, il semble important de déterminer s il existe dans cette maladie les mêmes modifications du système immunitaire que celles observées en cas de lupus systémique, ce qui permettrait de rapprocher les deux maladies. La possible existence d un modèle spontané d une dermatose humaine rend cette étude nécessaire dans un but de dermatologie comparée. Les hypothèses envisageables sont : - que le lupus «discoïde» canin appartient à la maladie lupique, dont il constitue une forme cutanée, qui correspond au lupus érythémateux discoïde de l homme, forme de lupus érythémateux cutané chronique ; - que le lupus «discoïde» canin appartient à la maladie lupique, dont il constitue une forme cutanée, mais différente du lupus chronique : il pourrait s apparenter par exemple au lupus subaigu ; - que le lupus «discoïde» canin n appartient pas à l entité lupus érythémateux dans l espèce canine. L éventuelle similitude des deux entités doit s accompagner de corrélations cliniques, histopathologiques, immunologiques et pathogéniques (STEIN et al.1997 ; POWELL, 1995). Pour parvenir à ces différents buts, nous avons réalisé une première étude, rétrospective, a été réalisée afin de dégager des «phénotypes» cliniques, histologiques et immunologiques de cette dermatose (FORGET et al.2002). Quinze chiens atteints de «lupus discoïde» ont été rétrospectivement étudiés. La cotation des lésions macroscopiques et des lésions microscopiques a permis de distinguer deux groupes de chiens d un point de vue clinique. Le premier groupe de chien présente des lésions localisées à la truffe, avec une atteinte de la jonction truffe/chanfrein, des lésions d atrophie généralement présentes et des croûtes absentes ou modérées. Le second groupe est caractérisé par une atteinte exclusive de la truffe sans atteinte du chanfrein ni de la jonction truffe/chanfrein, par des lésions très croûteuses, (voire par un aspect purulent) et par une absence d atrophie cutanée. Sur le plan microscopique (examen histopathologique) et immunologique (immunomarquages CD3 permettant de marquer les lymphocytes T), le premier groupe est caractérisé par des lésions de dermatite d interface lymphocytaire marquée, alors que pour le second groupe, l atteinte d interface n est pas stricte (différence statistiquement significative, p<0.01). D autre part l incontinence pigmentaire est plus marquée dans le premier groupe (p<0.05). Une deuxième étude, prospective, est en cours. Elle vise à mieux déterminer le statut immunologique des animaux atteints. CONCLUSION : QUELLE TERMINOLOGIE ADAPTER? Le terme «lupus discoïde» n est donc pas réellement adapté chez le chien. Il a été proposé de le remplacer par «dermatite faciale lichénoïde idiopathique photoaggravée» (DFLIP), formule qui combine les données cliniques et histopathologiques (ALHAIDARI, 1999). Cependant, si l on se base sur les données de la dermatologie médicale, on peut utiliser le terme «lupus» pour toute lésion cutanée ayant un aspect histopathologique caractéristique du lupus (c est à dire une dermatite d interface lymphocytaire). Les résultats préliminaires des études mentionnées ci-dessus montrent clairement qu un certain nombre, mais pas tous les cas, de dermatite faciale lichénoïde idiopathique photoaggravée, correspondent à cette définition. Ces cas constituent donc indiscutablement une forme de lupus cutané localisé à la truffe. Nous proposons donc d utiliser le terme de «lupus cutané facial» pour décrire une sous-population de chiens anciennement dénommés «lupus discoïde». Pour les autres, dans l attente du résultat d études plus approfondies, le terme de DFLIP est, par défaut, le plus adapté. 38

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