Mémoire présenté au au Groupe consultatif sur l innovation des soins de santé



Documents pareils
De meilleurs soins :

Réseau sur. Médicaments. l Innocuité et l Efficacité des. Document d orientation pour la présentation de requêtes au RIEM

assurance collective Assurance médicaments Des solutions intégrées pour une gestion efficace

Annexe 2 Les expressions du HCAAM sur la coordination des interventions des professionnels autour du patient

Sondage sur les expériences d hospitalisation des patients canadiens Foire aux questions

Énoncé de position sur les pénuries de médicaments d ordonnance au Canada

SONDAGE NATIONAL DES MÉDECINS 2014

les télésoins à domicile

Les personnes âgées et le système de santé : quelles sont les répercussions des multiples affections chroniques?

ÉTUDE DE L ARUCC ET DU CPCAT SUR LES NORMES EN MATIÈRE DE RELEVÉS DE NOTES ET DE NOMENCLATURE DES TRANSFERTS DE CRÉDITS

2 La chaîne de survie canadienne : espoir des patients cardiaques

Consultations prébudgétaires

LA COLLABORATION INTERPROFESSIONNELLE

Intégrez la puissance du. «Où» dans votre entreprise. Obtenez de meilleurs résultats grâce à Esri Location Analytics

Le Plan libéral pour les soins familiaux

PLAN D INTÉGRATION COLLABORATIF DU RÔLE DES INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS PRATICIENS AU CANADA

Conférence mondiale sur les déterminants sociaux de la santé. Déclaration politique de Rio sur les déterminants sociaux de la santé

Dictionnaire de données de la Base de données du Système national d information sur l utilisation des médicaments prescrits, octobre 2013

Section narrative du plan d'amélioration de la qualité (PAQ) pour les organismes de soins de santé de l'ontario

État de la situation: dépenses en médicaments au Québec, comparaison canadienne et internationale

L INFIRMIÈRE CLINICIENNE SPÉCIALISÉE

LUTTER POUR UNE MEILLEURE SANTÉ : QUE PEUT-ON FAIRE DANS NOTRE QUARTIER?

PLAN STRATÉGIQUE DE L AFANB

Les soins et services à domicile au Canada Faire progresser l amélioration de la qualité et les soins intégrés

Pour surmonter ces obstacles, le Groupe d étude canadien sur la finance sociale fait trois recommandations au Comité permanent des finances :

Prescription pour l établissement optimal d ordonnances

Le ministre Oliver dépose un budget équilibré et un plan axé sur des impôts bas pour favoriser l emploi, la croissance et la sécurité

L approche populationnelle : une nouvelle façon de voir et d agir en santé

PLAN STRATÉGIQUE Institut de la gestion financière du Canada (igf*fmi)

Régime d assurance-maladie, de soins dentaires et d assurance-vie pour les artistes professionnels. Proposition de partenariat public-privé

Statistiques de finances publiques consolidées

Contenu. Introduction. Établissement des priorités pour l élaboration des indicateurs. Retrait de certains indicateurs. Répondants au sondage

McMaster Health Forum

Soumission à la consultation pré-budgétaire du Nouveau-Brunswick janvier 2011

3152 Infirmiers autorisés/infirmières autorisées

Personne-ressource : Geoff Smith Directeur des Relations gouvernementales Tél. : Téléc. : smith@electricity.

Document d information n o 1 sur les pensions

Chronique Assurances et gestion des risques. sous la responsabilité de Gilles Bernier 1

Foire aux questions Régime médicaments du Nouveau-Brunswick Le 10 décembre 2013

Liste de vérification de la mise en œuvre d une équipe de santé familiale

Déclaration de Jakarta sur la Promotion de la Santé au XXIème Siècle

médicale canadienne, l Institut canadien d information sur la santé, Santé Canada et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.

Étapes suivantes du plan d action du Manitoba

Mémoire présenté. Comité de l Assemblée législative pour un régime d assurance automobile public abordable, équitable et accessible

Ministère de la Santé et des Soins de longue durée

Étude des tendances en matière de soins de santé au Canada

Conseil de recherches en sciences humaines du Canada

Canadian Institute of Actuaries Institut Canadien des Actuaires

MÉMOIRE RELATIF À L ÉVALUATION DU RÉGIME GÉNÉRAL D ASSURANCE MÉDICAMENTS PRÉSENTÉ PAR LA FÉDÉRATION DES MÉDECINS SPÉCIALISTES DU QUÉBEC

MÉMOIRE CONSEIL QUÉBÉCOIS DU COMMERCE DE DÉTAIL SUR LE DOCUMENT DE CONSULTATION VERS UN RÉGIME DE RENTES DU QUÉBEC RENFORCÉ ET PLUS ÉQUITABLE

Non-Operational Reporting and Analytics (NORA) Mettre à profit l information potentielle aux centres de santé communautaire

Excellent service, soins prodigués avec compassion

Questions / Réponses. Troubles du sommeil : stop à la prescription systématique de somnifères chez les personnes âgées

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

N.-B. 18 à 34 24,3 28,1 20,1 24,4. 35 à 54 36,7 23,0 31,6 49,3 55 à 64 18,7 18,7 21,3 16,9 65 et plus 20,3 30,2 26,9 9,4

SONDAGE NATIONAL SUR LA MÉDECINE PALLIATIVE QUESTIONNAIRE

Lignes directrices relatives au financement

LA COMPTABILITÉ DU SECTEUR PRIVÉ EN PLEINE TRANSITION

Le programme de soutien des soins primaires pour diabétiques de London : Des soins pour diabétiques différents

Vivre bien et plus longtemps

Annexe : Sources d information et de soutien

Introduction FISCALITÉ

PERSPECTIVES CANADIENNES SUR LE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL RAPPORT DES RÉSULTATS AVRIL 2015

Résumé du projet (french) Karl Krajic Jürgen Pelikan Petra Plunger Ursula Reichenpfader

Réglementation des jeux de casino

Surtout, Données de recherche Canada salue le leadership dont le Groupe 3+ a fait preuve en mettant en branle l actuel processus de consultation.

LA DETTE PUBLIQUE DU QUÉBEC ET LE FARDEAU FISCAL DES PARTICULIERS

LE GRAND ÉCART L INÉGALITÉ DE LA REDISTRIBUTION DES BÉNÉFICES PROVENANT DU FRACTIONNEMENT DU REVENU

Une forte dynamique des prescriptions de ces nouveaux anti-coagulants oraux

Plan détaillé pour assurer la viabilité

POINTS DE VUE DES CANADIENS SUR LA COUVERTURE DES MÉDICAMENTS D ORDONNANCE

Niveau de scolarité et emploi : le Canada dans un contexte international

Médicaments en vente libre : considérations pour la pratique de la physiothérapie

Appel de mises en candidature et d inscriptions

Réponse du parti Libéral au questionnaire du Syndicat canadien des communications, de l énergie et du papier

COMMISSARIAT À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA. Vérification de la gestion des ressources humaines

MÉMOIRE PRÉSENTÉ AU COMITÉ PERMANENT DES FINANCES SEPTEMBRE 2002 DE LA CHAMBRE DES COMMUNES

Enquête sur les perspectives des entreprises

Les régimes d avantages sociaux au Canada

Pourquoi le Canada a besoin de services bancaires postaux

McMaster Health Forum

Montréal, 24 mars David Levine Président et chef de la direction DL Strategic Consulting. DL Consulting Strategies in Healthcare

Stratégie nationale d innovation et de recherche sur la pomme de terre. Conseil canadien de la pomme de terre Le 7 novembre 2012

solutions Investir dans des Plan stratégique

Plan Stratégique

Évaluation des garanties d emprunt ministérielles

FINANCEMENT D ENTREPRISES ET FUSIONS ET ACQUISITIONS

GENWORTH FINANCIAL CANADA PROPOSITION PRÉBUDGETAIRE OCTOBRE 2006

Les Canadiens continuent de négliger des moyens simples de régler leurs dettes personnelles plus rapidement

LES ORGANISMES DE BIENFAISANCE, LES CITOYENS ET LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL :

Pacte européen pour la santé mentale et le bien-être

BUREAU DU CONSEIL PRIVÉ. Vérification de la gouvernance ministérielle. Rapport final

Le début de l aventure

Click to edit Master title style

Lutter contre la flambée des coûts des régimes d assurance-médicaments

Survol de la stratégie de connectivité du dossier de santé électronique de l Ontario Vision pour 2015 et au-delà

Votre voix en. médecine familiale. Votre voix en. médecine familiale

Coup d œil sur les inégalités de revenus au

d évaluation Objectifs Processus d élaboration

Pour la prospérité : investissons dans le développement social du Québec

Transcription:

Mémoire présenté au au Groupe consultatif sur l innovation des soins de santé Le 8 décembre 2014 Une population en santé et une profession médicale dynamique A healthy population and a vibrant medical profession

L Association médicale canadienne (AMC) est le porte-parole national des médecins du Canada. Fondée en 1867, l AMC a pour mission d aider les médecins à prendre soin des patients. L AMC exercera son leadership pour mobiliser et servir les médecins, et elle agira en qualité de porteparole national pour défendre les normes les plus élevées en matière de santé et de soins de santé. Pour le compte de ses 80 000 membres et plus et de la population canadienne, l AMC s acquitte d un vaste éventail de fonctions dont les principales comprennent la représentation en faveur de politiques et de stratégies de promotion de la santé et de prévention des maladies et des blessures, la promotion de l accès à des soins de santé de qualité, la facilitation du changement au sein de la profession médicale et l offre de leadership et de conseils aux médecins pour les aider à orienter les changements de la prestation des soins de santé, à les gérer et à s y adapter. L AMC est un organisme professionnel sans but lucratif qui représente la majorité des médecins du Canada et regroupe 12 associations médicales provinciales et territoriales et 60 organisations médicales nationales. 2

Introduction Depuis 2010, l Association médicale canadienne (AMC) préconise la transformation des soins de santé au Canada afin de mieux répondre aux besoins de la population canadienne. Un système très performant doit pouvoir réagir à l évolution de la nature des besoins de la population en matière de santé. L AMC est d avis que le soin des aînés constitue l enjeu primordial des soins de santé de notre époque. Notre population âgée doublera au cours des 20 prochaines années et le nombre des 85 ans et plus devrait quadrupler. Nous consacrons actuellement presque la moitié de nos budgets de santé aux aînés. L amélioration du soin des aînés aura d importantes répercussions pour notre système de santé, car les stratégies que nous adopterons pour répondre à leurs besoins nous aideront à répondre aux besoins d autres groupes démographiques. Voilà pourquoi l AMC préconise l élaboration d une Stratégie nationale sur les aînés comme première étape incontournable. L AMC se réjouit de la création du Groupe consultatif sur l innovation des soins de santé, qui est chargé de mieux préparer les systèmes de santé du Canada à relever les défis décrits ci-dessus et à contribuer à la viabilité des finances publiques et des programmes sociaux du Canada. Ce mémoire décrit cinq innovations importantes qui seront bénéfiques non seulement pour le groupe de plus en plus nombreux des aînés au Canada, mais aussi pour la population canadienne en général. Cinq innovations pour améliorer notre système de santé 1. Modèles de vie assistée et de soins palliatifs Le Canada manque de modèles intégrés en soins communautaires, soins en établissement résidentiel et soins palliatifs, ce qui contribue à la médiocrité des résultats pour les patients, à une importante surutilisation des ressources de la santé et à la montée du coût des soins. Le nombre important de patients en attente d un autre niveau de soins (ANS) dont la plupart sont des aînés qui languissent dans les hôpitaux du Canada constitue un signe manifeste de cette lacune. Les patients en ANS sont les patients hospitalisés qui n ont plus besoin de soins actifs et attendent d être placés dans un milieu de soins plus approprié. Selon un rapport publié en 2009 par l Institut canadien d information sur la santé (ICIS), la démence cause presque le quart des hospitalisations en ANS et plus du tiers des jours passés en ANS i. La démence est la principale cause de dépendance et d incapacité chez les aînés. L Alliance sur les temps d attente 3

(ATA) a déclaré que le moyen le plus important à prendre pour améliorer l accès en temps opportun aux soins spécialisés pour tous les Canadiens consiste à s attaquer aux problèmes posés par les patients en ANS ii. La création de modèles de soutien et de milieux de vie intégrés, particulièrement pour les aînés frêles et pour ceux qui sont atteints de démence, améliorerait l état de santé de ces patients et réduirait les coûts pour le système de santé. Les modèles de vie assistée peuvent avoir recours à la technologie et aux ressources humaines pour aider les aînés à demeurer chez eux. On a estimé que les télé-soins à domicile pourraient réduire de quelque 540 millions de dollars par année les coûts d hospitalisation et de 23 millions de dollars les coûts des visites à l urgence iii. Pour d autres patients, et en particulier ceux qui vivent avec la démence, il faut des milieux de soins résidentiels en établissement adaptés à leurs besoins et capables de leur offrir la meilleure qualité de vie possible. Quelques-uns de ces modèles existent déjà, mais il en faut d'autres. Signalons parmi les modèles en place le Village Bruyère à Ottawa (http://www.bruyere.org/fr/village-bruyere3) et le Centre communautaire Sherbrooke de Saskatoon (http://www.sherbrookecommunitycentre.ca/). L AMC recommande que les projets novateurs de soins en établissement résidentiels soient admissibles à du financement des programmes fédéraux et provinciaux d infrastructures. Même si la grande majorité des Canadiens (96 %) appuie les soins palliatifs et de fin de vie, de 16 à 30 % seulement des Canadiens ont accès aux soins palliatifs et aux services en fin de vie ou en reçoivent iv. Il faut nous attaquer au problème sur-le-champ d un bout à l autre du Canada. Le Canada n a pas actuellement de modèle normalisé de soins palliatifs. Il y a toutefois des programmes novateurs qui ouvrent la voie à des soins palliatifs de plus grande qualité (p. ex., Résidence de soins palliatifs West Island au Québec). L AMC prépare actuellement un rapport pour renseigner les décideurs du secteur de la santé, y compris les médecins, au sujet des outils d intégration des services et établissements de soins palliatifs dans leurs communautés respectives. Il faut toutefois de l aide pour mettre en œuvre des modèles de pratique innovateurs d un bout à l autre du Canada. 4

2. Stratégies intégrées pour les forts utilisateurs de soins de santé et les populations à risque On reconnaît maintenant qu une approche ciblée s impose pour instaurer des changements fondamentaux afin d améliorer l état de santé des populations. Il faut notamment réduire les inégalités en santé et veiller à ce que les citoyens qui ont tout un éventail de besoins socioéconomiques aient un meilleur accès aux ressources en soins de santé. Environ 5 % des patients dont beaucoup sont âgés génèrent les deux tiers (66 %) des dépenses de santé des provinces. Le tableau est le même partout au Canada v. Cette forte consommation est souvent attribuable à des problèmes systémiques comme une mauvaise intégration ou le manque d accès plutôt qu aux choix effectués par les patients en cause. On reconnaît en général qu il faut des stratégies multisectorielles qui prévoient l intégration des soins cliniques et sociaux ainsi que d autres secteurs d intervention pour mieux répondre aux besoins de ce groupe démographique souvent aux prises avec de multiples morbidités. Quelques provinces ont entrepris la mise en œuvre de programmes régionaux ou faisant appel aux fournisseurs pour tenter de répondre aux besoins des personnes qui utilisent beaucoup le système de santé en coordonnant et en intégrant les soins, au bénéfice du patient et de sa famille. Le programme Maillons santé en Ontario et le Programme régional de planification intégrée des soins aux patients qui ont des problèmes complexes (RICP2) de la régie de la santé Coastal Health de Vancouver en sont des exemples. Les modèles de financement et en particulier les stratégies intersectorielles nécessaires pour appuyer l adoption généralisée de ces stratégies sont toutefois rares. En plus des forts utilisateurs, il y a les groupes qui présentent un lourd fardeau morbide. Des centaines de rapports de recherche confirment que les membres des groupes socioéconomiques les plus faibles doivent supporter le fardeau morbide le plus lourd vi. Les personnes de ces groupes sont 1,4 fois plus susceptibles d être atteintes d une maladie chronique et 1,9 fois plus susceptibles d être hospitalisées pour faire traiter cette maladie vii. Comme pour le groupe des forts utilisateurs, une démarche multisectorielle s impose afin d aborder les déterminants sociaux de la santé. Il importe certes pour la société de chercher à éradiquer la pauvreté, à fournir un logement adéquat et à assurer la sécurité alimentaire, mais le secteur de la santé a aussi une contribution à apporter. Certains programmes innovateurs comme le programme Well North, au Royaume-Uni, cherchent à améliorer d abord la santé des plus pauvres, à réduire la mortalité prématurée et à remédier au 5

chômage viii. Au Canada, l équipe de santé familiale multidisciplinaire de St. Michael compte parmi ses membres un spécialiste de la sécurité du revenu qui aide les patients à s y retrouver dans le système de services sociaux du gouvernement, à réduire leurs dépenses, à produire leurs déclarations de revenus, à ouvrir un compte de banque, à avoir accès aux programmes gratuits, à établir un budget et à épargner en prévision des urgences. Ces patients sont identifiés à la suite d un triage effectué par le médecin de famille membre de l équipe. D autres stratégies innovatrices en voie d élaboration visent à répondre aux besoins des forts consommateurs et à ceux des groupes à risque. Comme beaucoup de ces innovations passent par une plus grande intégration entre le système de santé et le secteur communautaire et obligent à accorder de l attention à des enjeux qui ne sont pas abordés habituellement par les fournisseurs de soins, les systèmes de financement sont souvent inadéquats; il faut donc prévoir l accès à des fonds afin de poursuivre ces innovations et de les propager à l échelle du pays. Une stratégie ciblée et intégrée permettant de reconnaître les communautés dans le besoin s impose et cette démarche doit se fonder sur des données communautaires fiables (c.-à-d. une bonne utilisation des données sur les patients) afin d intégrer des ressources pour améliorer l état de santé. Le Réseau canadien de surveillance sentinelle en soins primaires (RCSSSP) est le premier système de surveillance et de recherche au Canada qui soit doté de dossiers médicaux électroniques (DME) portant sur de multiples maladies; il permet aux médecins de famille, aux épidémiologistes et aux chercheurs de partout au pays de mieux comprendre et prendre en charge les problèmes chroniques de leurs patients. On réunit de l information sur la santé tirée des DME conservés dans les bureaux des fournisseurs de soins primaires participants (p. ex., médecins de famille) afin d améliorer la qualité des soins pour les Canadiens atteints de certains problèmes chroniques ou de santé mentale et de trois problèmes neurologiques, y compris la maladie d Alzheimer et les démences apparentées. Le Réseau permet de réunir en toute sécurité de l information vitale tirée des dossiers de santé des Canadiens et d en faire rapport afin d améliorer la prise en charge de ces maladies chroniques et ces problèmes neurologiques (http://rcsssp.ca). En dépit de cette approche novatrice de partage de l information afin de mieux gérer les problèmes chroniques, le financement fédéral de cinq ans accordé à ce projet prend fin en 2015. On estime qu il en coûterait environ 3 millions de dollars par année pour poursuivre le projet. 6

3. Établissement optimal d ordonnances Des ordonnances médiocres peuvent produire des résultats médiocres pour les patients et entraîner des coûts inutiles pour le système de santé (p. ex., fractures de la hanche à la suite d une chute). Les faits démontrent clairement que beaucoup d aînés au Canada sont exposés à une pharmacothérapie inappropriée. Les données provenant de pays européens comme le Danemark montrent qu il est possible de contrôler l établissement d ordonnances inappropriées, car 5,8 % seulement des aînés de ce pays ont pris un médicament inapproprié au cours d une période de 4 mois en 2001. Au Canada, l ICIS a étudié les demandes de remboursement de médicaments présentées par les aînés au programme public de quatre provinces de 2000 à 2006 et constaté que le taux d utilisation de médicaments inappropriés en 2005-2006 a varié de 25,2 % au Manitoba à 31,3 % au Nouveau-Brunswick. Le taux d utilisation régulière de ces médicaments variait de 12,9 % en Alberta à 18,8 % au Nouveau-Brunswick. L établissement d ordonnances électroniques réduit la probabilité d interactions médicamenteuses ou d événements indésirables et permet de contrôler à la fois l observation par le patient et les habitudes de prescription du professionnel. Un élément d une stratégie optimale d établissement d ordonnances consisterait à aider les ministères de la Santé des provinces et des territoires à parachever la mise en œuvre de systèmes d information sur les médicaments et de solutions régionales d établissement d ordonnances électroniques, ou à établir un calendrier d implantation accrue des systèmes de dossier médical électronique. Un autre projet visant l établissement optimal d ordonnances pourrait consister en la création d un collectif de spécialistes en contenu et d associations professionnelles ayant pour objectif de mieux connaître l établissement d ordonnances inappropriées chez les médecins et autres professionnels de la santé et de créer ensuite des modules de formation en ligne et des outils à utiliser au point d intervention. Les efforts pourraient viser au départ les ordonnances destinées aux aînés, mais s étendre par la suite à d autres questions prioritaires comme l utilisation inappropriée des antibiotiques ou encore des stupéfiants pour traiter une douleur non cancéreuse. 4. Choisir avec soin Canada : réduire la prestation de soins de faible valeur Un pourcentage déconcertant des soins de santé qui, selon les estimations, pourrait atteindre 30 % aux États-Unis, confère peu de bienfaits aux patients, voire même aucun, et peut en fait être préjudiciable en raison de l exposition à un excès de rayonnements, à des réactions médicamenteuses ou à des 7

événements indésirables au cours des interventions, ou de l anxiété causée par des résultats faussement positifs. Ce pourcentage traduit à la fois une qualité des soins qui est loin d être optimale et une mauvaise gestion des maigres ressources de la santé. La prestation de soins inutiles est propulsée par de nombreux facteurs, y compris les habitudes des médecins, le manque de connaissances à jour chez les cliniciens, la demande des patients et les incitatifs structurels ou financiers que l on trouve dans le système de santé. Pour contrer ces influences diverses, l AMC a créé, avec l Université de Toronto, un partenariat pour lancer la campagne «Choisir avec soin» qui vise à faciliter les échanges éclairés entre médecins et patients au sujet de la nécessité d examens et de traitements de faible valeur. En octobre 2014, des sociétés nationales de spécialistes avaient formulé 102 recommandations portant sur les activités cliniques à éviter en général. Par exemple, la Société canadienne de gériatrie conseille aux médecins et aux patients d éviter les antipsychotiques comme médicaments de première intention pour traiter les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence et de ne pas recourir aux benzodiazépines ou à d autres hypnotiques sédatifs chez les adultes âgés comme agent de première intention pour lutter contre l insomnie, l agitation ou le délire. Au cours de sa première année, la campagne a mobilisé plus de 30 sociétés nationales de spécialistes, le Collège des médecins de famille du Canada, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, les associations médicales de l ensemble des provinces et des territoires et six importants groupes de citoyens. Jusqu ici, la campagne a bénéficié d un financement de démarrage du gouvernement de l Ontario, d une contribution directe de l AMC et d une modeste entente de contribution signée avec Santé Canada. Si l on veut que les premiers succès de Choisir avec soin se poursuivent, un financement à long terme garanti est essentiel. Ces ressources sont nécessaires pour appuyer la création et la diffusion de documents de sensibilisation des médecins, offrir des possibilités d éducation, rendre disponibles des outils aux points d intervention, appuyer l implantation au niveau de la pratique des médecins et contribuer à la collecte de données nécessaires à l évaluation. La profession médicale a clairement agi pour relever le défi posé par les soins de faible valeur. Elle mérite de l aide fédérale si l on veut garantir un résultat fructueux à long terme. 5. Institut national d orientation sur les soins de santé Les lignes directrices, ou guides de pratique clinique (GPC), sont des outils inégalés pour améliorer la qualité des soins. Les publications critiquées par les pairs présentent des éléments de preuve solides indiquant un lien entre l utilisation des guides et un effet positif à la fois sur les processus de soin et sur 8

l évolution de l état de santé des patients. Des études ont aussi signalé que l application de certains GPC aboutit à des soins rentables. C est le cas, par exemple, des guides qui portent sur le traitement de la pneumonie d origine communautaire, sur la prévention de l accident vasculaire cérébral en soins primaires, sur les traumatismes cérébraux et sur l utilisation des hypolipidémiants. De tels problèmes prennent une importance particulière dans une population vieillissante. Quel est l antibiotique de première intention en service externe pour un patient âgé atteint de pneumonie? Pour un patient âgé qui a de l arythmie cardiaque, quels sont les risques comparatifs du traitement aux anticoagulants par rapport à l accident vasculaire cérébral possible? À quel âge n est-il plus utile de traiter l hyperlipidémie? Des GPC disponibles aux points d intervention offrent des réponses factuelles à ces questions. Sur la scène internationale, des gouvernements nationaux ont reconnu la valeur des GPC et ont un joué un rôle de premier plan pour en garantir la qualité et les mettre à la disposition des professionnels. Les exemples sont nombreux. En voici trois : États-Unis (Agency for Healthcare Research and Quality, National Guideline Clearinghouse); Royaume-Uni (National Institute for Health and Clinical Excellence) et Australie (National Health and Medical Research Council, National Institute of Clinical Studies). Le défi réside dans le fait que les GPC ne sont pas utilisés de façon uniforme au Canada et que nous n avons pas non plus d entité nationale chargée d élaborer et de diffuser ces lignes directrices, ni de stratégie systématique en la matière. Il existe divers modèles qu il serait possible de mettre en œuvre (p. ex., agence multiservices, agence virtuelle de collaboration) pour jouer des rôles clés comme établir des priorités en matière d élaboration de guides, créer un dépôt national et propulser la diffusion active. La clé consiste à avoir un organisme spécialisé qui soit en mesure de surveiller l élaboration et la diffusion de GPC à l échelle nationale afin d améliorer la qualité des soins que reçoivent les Canadiens. Mécanismes fédéraux pour appuyer l innovation en santé Tous les systèmes de santé du Canada et d ailleurs doivent relever le même défi, soit mieux répondre aux besoins de leur population âgée. Les gouvernements nationaux peuvent fournir l orientation et l appui qui s imposent. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de chef de file dans les soins aux aînés et appuyer les innovations en soins de santé, de concert avec les provinces et les territoires, et en tant que gestionnaire lui-même d un système de santé pour les patients qui relèvent de sa compétence (p. ex., forces armées). Il pourrait commencer par tenir une conférence des premiers ministres comme élément de l élaboration d une stratégie nationale pour les aînés. 9

L AMC reconnaît que des éléments de la transformation qui existent déjà au Canada dans tout le continuum des soins s appuient sur l innovation technologique ou clinique (p. ex., le projet Choisir avec soin). Dans beaucoup de cas, toutefois, il y a peu de financement disponible pour lancer des projets autres que des projets pilotes ou pour étendre la portée de ceux-ci, et ces «centres d excellence» sont très peu connus sur la scène nationale parce qu il n existe pas de moyens de partager les pratiques exemplaires. C est pourquoi l AMC recommande la création d un Fonds national d innovation dans le système de santé destiné aux provinces et aux territoires afin d appuyer l adoption d innovations en santé, y compris celles qui sont décrites dans le présent mémoire. Les critères de financement devraient non seulement appuyer l élaboration de ces innovations, mais favoriser leur adoption à plus grande échelle. Enfin, reconnaissant le lien qui existe entre les déterminants sociaux de la santé et la demande exercée sur le système de santé, le gouvernement fédéral devrait exiger que le processus décisionnel du Cabinet, pour toutes les politiques, de la fiscalité aux transports en passant par le commerce, tiennent compte des répercussions des politiques sur la santé, de façon à garantir que les effets négatifs seront été réduits au minimum ou éliminés et que les résultats positifs pour la santé seront été appuyés ou étendus. Ces efforts aideraient à réduire au minimum les conséquences souvent inattendues pour la santé qui découlent de politiques appliquées en dehors du secteur de la santé. Conclusion Ce mémoire dégage cinq possibilités d innover dans le système de santé du Canada en améliorant les soins aux aînés, qui constituent l enjeu primordial pour le secteur de la santé de notre époque. Les innovations que nous proposons amélioreraient non seulement l efficacité de la prestation des soins de santé, mais aussi la qualité des soins fournis à toute la population canadienne, ce qui est encore plus important. Ces initiatives d innovation exigent un leadership médical au point d intervention conjugué à des changements dans le système en général, avec l appui du gouvernement fédéral. Ensemble, ces innovations peuvent contribuer à la transformation du système de santé du Canada pour en faire un système qui répond mieux aux besoins des Canadiens d aujourd hui et de demain. i Institut canadien d information sur la santé. Niveaux de soins alternatifs au Canada. Ottawa (Ont.) : l Institut; 2009. En ligne : https://secure.cihi.ca/estroe/productfamily.htm?locale=fr&pf=pfc1097&langue=en&media=0 ii Alliance sur les temps d attente. Jeter la lumière sur les temps d attente totaux en santé pour les Canadiens. Rapport sur les temps d attente au Canada. Juin 2012. 10

iii Telehealth Benefits and Adoption: Connecting People and Providers Across Canada. Praxia et Gartner. Le 30 mai 2011. iv Association canadienne des soins palliatifs. 2014. Fact sheet: hospice palliative care in Canada. [Consulté le 11 novembre 2014]. En ligne : http://www.chpca.net/media/330558/fact_sheet_hpc_in_canada%20spring%202014%20final.pdf v Institut canadien d information sur la santé. Pan-Canadian forum on high users of health care Summary report. L Institut : 2014. vi Dunn, James R. (2002) The Health Determinants Partnership Making Connections Project: Are Widening Income Inequalities Making Canada Less Healthy? En ligne : http://www.opha.on.ca/our_voice/collaborations/makeconnxn/hdp-proj-full.pdf vii ICIS/ISPC (2012) Disparités sur le plan d expériences en matière de soins de santé primaires vécues par les Canadiens présentant des conditions propices aux soins ambulatoires. http://secure.cihi.ca/estore/productfamily.htm?locale=fr&pf=pfc1712 viii http://www.healthscotland.com/uploads/documents/12107-whatiswellnorth.pdf 11