LES ICTERES CHEZ LE CHIEN ET CHEZ LE CHAT : APPROCHE DIAGNOSTIQUE 1. Définition. L ictère correspond à une coloration jaune des muqueuses, de la peau et de la sclérotique due à l accumulation de bilirubine. L ictère est visible cliniquement à partir de 20 mg/l (valeur normale : 1 à 6 mg/l). L accumulation de bilirubine est toxique pour l organisme de part sa toxicité hépatorénale et les lésions cérébrales dégénératives qu elle entraîne. 2. Cycle de la bilirubine. La bilirubine provient en majorité (80%) de la dégradation de l hème contenue dans l hémoglobine des globules rouges et en partie de l hème contenue dans certains enzymes (cytochromes) et globines (myoglobine). Les macrophages du système réticuloendothélial phagocytent l hème pour la transformer en biliverdine, ellemême rapidement transformée par une biliverdine réductase en bilirubine liposoluble. Ce travail s effectue principalement au niveau de la rate, mais aussi dans le foie et la moelle osseuse. La bilirubine liposoluble doit se lier à une albumine pour être véhiculée par le sang et être récupérée par les hépatocytes. Remarque : Ceci permet d expliquer la persistance d une hyperbilirubinémie après récupération clinique. En effet, ½ vie albumine = 12 à 14 jours. Au niveau hépatique, la bilirubine va subir une conjugaison pour devenir une bilirubine hydrosoluble. Celleci est stockée dans la vésicule biliaire avec les sels biliaires sous forme de bile et déchargée au cours du repas par les canaux biliaires. Dans l intestin, la bilirubine est dégradée en urobiline par la flore bactérienne. Une grande partie subit un cycle entérohépatique pour être resécrétée par la bile et en partie dans l urine (urobilinurie = physiologique) L urobiline non réabsorbée est incorporée aux fèces et dégradée en stercobiline (= couleur matières fécales) Laboratoire d Analyses Vétérinaires J. Collard Chimie Article 4 1/7
Remarque : Chez le chien uniquement et de manière plus importante chez le mâle que chez la femelle, il existe une conjugaison au niveau rénal. La bilirubinurie est physiologique dans cette espèce. Laboratoire d Analyses Vétérinaires J. Collard Chimie Article 4 2/7
Hémoglobine (gl. rouges, cytochromes, myoglobine, ) Biliverdine Système réticuloendothélial (foie, rate, moelle osseuse) Bilirubine non conjuguée Liée à l albumine Bilirubine conjuguée Foie Reins Bile Vésicule biliaire Urines Urobiline Stercobiline 3. Dosage au laboratoire. Une hyperlipémie augmente la bilirubinémie. Une exposition prolongée à la lumière diminue la bilirubinémie. Distinction bilirubine conjuguée vs non conjuguée : Le laboratoire détermine la valeur de la bilirubine totale et de la bilirubine conjuguée. La bilirubine non conjuguée est calculée par la différence entre les deux. Bilirubine totale = bilirubine conjuguée + bilirubine non conjuguée hydrosoluble directe liposoluble, libre indirecte La distinction entre bilirubine conjuguée et non conjuguée largement utilisée en médecine humaine pour classer les ictères semble d une plus faible utilité chez le chien. Laboratoire d Analyses Vétérinaires J. Collard Chimie Article 4 3/7
En effet, le chien produit une série de bilirubines conjuguées de différentes polarités que la technique de dosage (réaction de Van den Bergh) n arrive pas à différencier. D autre part, une consultation tardive par rapport au début des symptômes, nous amène bien souvent à être face à un ictère mixte. En effet, une choléstase entraîne un refoulement de bilirubine non conjuguée par diminution de la capacité du foie et inversement une anémie entraîne une hypoxie centrolobulaire du foie et donc une choléstase. 4. Classification. Pour avoir un ictère, on doit avoir soit une augmentation de la production de bilirubine, soit une diminution de son élimination. Ictère antehépatique : Lié à l augmentation de bilirubine suite à une destruction massive de globules rouges. Etiologies : hémolyse (résorption d un hématome important) (ictère périnatal) Cliniquement : ictère jaune pâle lié à l anémie (subictère), splénomégalie fréquente, matières fécales foncées, urobilinurie et bilirubinurie importante. Diagnostic différentiel : parasitaire : piroplasmose, hémobartonellose immune : autoimmune, immune secondaire toxique : toxiques oxydants (zinc, oignon, ), venin mécanique : par fragmentation des globules rouges : vasculite torsion splénique hémangiosarcome dirofilariose Ictère hépatique : Lié à l accumulation de bilirubine lors de diminution de la capacité des hépatocytes. Cliniquement : ictère franc, insuffisance hépatocellulaire avec cytolyse, enzymes hépatiques (GOT, GPT) augmentés. Diagnostic différentiel : congestion hépatique (suite à un choc ou une insuffisance cardiaque) inflammatoire : hépatite infectieuse (leptospirose, hépatite de Rubarth, Pif) hépatite toxique médicaments (anticonvulsivant, halothane, antibiotiques, stéroïdes, paracétamol) toxine endogène (diabète sucré, Cushing) formes familiales (WHWT, Bedlington, doberman, labrador) cholangiohépatite cirrhose Laboratoire d Analyses Vétérinaires J. Collard Chimie Article 4 4/7
tumeur hépatique diffuse (lymphome) surcharge : lipidose (très fréquent chez le chat!) Ictère posthépatique : Lié à l accumulation de bilirubine suite à un obstacle à l écoulement de la bile. Conséquences : animal aux selles décolorées par l absence de stercobiline temps de Quick augmenté par diminution de l absorption de vitamine K en raison de l absence de sels biliaires Cliniquement : augmentation des sels biliaires, cholestérol et phosphatase alcaline, hépatomégalie Diagnostic différentiel choléstase intrahépatique : hépatite chronique, cirrhose lipidose néoplasie Pif cholangiohépatite Diagnostic différentiel choléstase extrahépatique : pancréatite chronique cholélithiase néoplasie vésicule biliaire inflammation vésicule biliaire tumeurs de voisinage : intestin, pancréas (carcinome), adénopathies (lymphome) cholépéritoine (rupture canalicules biliaires ou vésicule biliaire) souvent d origine traumatique (l ictère apparaît après quelques jours voire quelques semaines) 5. Diagnostic En cas d ictère, il convient de rechercher des signes d anémie par un examen hématologique complet avec comptage des réticulocytes, examen du frottis sanguin (recherche de parasites, cytologie sanguine), test de Coombs éventuel. En cas d absence de signes d anémie, on explorera la fonction hépatique : recherche d une cytolyse avec augmentation des enzymes hépatiques GOT, GPT ; recherche de choléstase avec augmentation de la phosphatase alcaline, mesure des protéines totales et électrophorèse, temps de coagulation (important si biopsies envisagées) Laboratoire d Analyses Vétérinaires J. Collard Chimie Article 4 5/7
Remarque : Les enzymes GOT, GPT témoignent du nombre d hépatocytes atteints, mais pas de la réversibilité et donc du pronostic de la pathologie. Phosphatase alcaline, γgt, cholestérol et sels biliaires ne permettent que la distinction entre un ictère préhépatique et les autres (peu d intérêt si signes d anémie évidents). Ils ne permettent pas de distinguer les atteintes hépatiques, des anomalies vasculaires, des affections choléstatiques. Chez le chat, l hyperthyroïdie peut entraîner une atteinte hépatobiliaire d origine fonctionnelle, mais non lésionnelle. Il convient également de réaliser certaines sérologies en fonction des suspicions cliniques (leptospirose, toxoplasmose, Felv, FIV, Pif, ) Dès la classification du type d ictère effectuée, l imagerie médicale est la meilleure méthode diagnostique dans les cas d ictères hépatiques et posthépatiques. Elle est de peu d intérêt dans les ictères antehépatiques. La radiographie n apporte qu un renseignement sur la taille du foie. Par contre, l échographie permet de visualiser la structure du foie et ses structures environnantes (intestin, pancréas, ganglions, ). Elle permet également la réalisation de biopsies échoguidées. Seules les biopsies permettront de poser un diagnostic précis et surtout un pronostic et de mettre en place la thérapeutique la plus appropriée. Laboratoire d Analyses Vétérinaires J. Collard Chimie Article 4 6/7
non régénérative anémie hémorragie régénérative médiation immune parasitaire toxique mécanique Ictère Hémato GOT, GPT foie biochimie imagerie (Rx, écho + biopsies)! hémostase! Ph alc, GGT vésicule biliaire Laboratoire d Analyses Vétérinaires J. Collard Chimie Article 4 7/7
Examen clinique Examen des urines : Couleur Bilirubinurie Sels biliaires urobilinurie Hématologie : Anémie Réticulocytes Coomb s Biochimie: GOT, GPT Ph alc, GGT Amylase, lipase Bilirubine Albumine et urée Cholestérol Acides biliaires Ictère préhépatique Ictère hépatique Ictère Posthépatique Subictère Ictère franc Ictère franc Matières fécales Matières fécales Matières fécales foncées variables décolorées Syndrome anémique Pétéchies possibles hépatomégalie Splénomégalie fréquente Urines foncées 0 + +/ Urines foncées + +/ 0 + (+/) +,, Urines foncées 0 0 + à +, + si pancréatite Laboratoire d Analyses Vétérinaires J. Collard Chimie Article 4 8/7