Séminaire de gastronomie moléculaire du Centre International de Gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra 27 juin 2016 Centre Jean Ferrandi (Chambre de commerce de Paris) Thème : Le glaçage des navets, l'amertume du café stocké. Dans ce compte rendu : 1- introduction : ce que sont ces séminaires 2- points divers 3- choix du thème du prochain séminaire 4- travaux du mois 5- acclimatation «note à note» 1- Introduction : Les séminaires parisiens de gastronomie moléculaire (il en existe à Nantes 1, Arbois 2, Cuba, etc.) sont des rencontres ouvertes à tous, organisées, pour les séminaires parisiens, dans le cadre d'une convention entre l'international Centre for Molecular Gastronomy AgroParisTech (http://www.agroparistech.fr/-centre-international-de-.html) et le Centre Grégoire Ferrandi de la Chambre de commerce de Paris. Ils sont animés par Hervé This. Toute personne qui le souhaite peut venir discuter et tester expérimentalement des «précisions culinaires» 3. Les séminaires de gastronomie moléculaire ont aussi une fonction de formation (notamment continuée), et, depuis octobre 2013, à la demande des participants, les séminaires doivent aussi contribuer à l'acclimatation de la «cuisine note à note» (http://www.agroparistech.fr/-lesexplorations-de-la-cuisine-.html). 1 http://www.sciences-cuisine.fr/ 2 Voir http://blog.enil.fr/experiences-precision-culinaire/ 3 On rappelle que l'on nomme «précisions culinaires» des apports techniques qui ne sont pas des «définitions». Cette catégorie regroupe ainsi : trucs, astuces, tours de main, dictons, on dit, proverbes, maximes... Voir Les précisions culinaires, éditions Quae/Belin, Paris, 2012.
Le plus souvent, les séminaires de gastronomie moléculaire ont lieu le 3 e lundi du mois (sauf juillet et août), de 16 à 18 heures, à l'école supérieure de cuisine française de la Chambre de commerce de Paris (merci à nos amis de l'escf, et tout particulièrement à Bruno de Monte, le directeur du Centre Ferrandi, et Olivier Denizard, qui nous accueillent), 28 bis rue de l'abbé Grégoire, 75006 Paris(amphithéâtre du 4 e étage). L'entrée est libre, mais il est préférable de s'inscrire par courriel à icmg@agroparistech.fr. On peut venir quand on veut/peut, sans formalité particulière. C'est évidemment gratuit, puisque fondé sur le travail de tous les participants et animé par un agent de l'état, au service du public/contribuable, donc. 2- Points divers Le Quatrième Concours international de cuisine note à note a eu lieu, et les résultats sont sur. Le thème du cinquième concours est discuté. Il était initialement imaginé de proposer la production de consistances fibreuses, mais les participants évoquent la possibilité de structures feuillétées, qui pourraient utilement s'ajouter. On propose, de surcroît, d'inviter les concurrents à utiliser des acides (tartrique, citrique ). L'annonce sera diffusée prochainement. La société Iqemusu se prépare à vendre des composés pour la cuisine note à note. Des informations supplémentaires seront données bientôt. Un chef polonais, Andrea Cammastra (restaurant Senses, Varsovie, Pologne), viendra présenter la cuisine note à note au World Summit de Monaco, à la fin de l'été. 3- Choix du thème du prochain séminaire : Plusieurs thèmes sont en réserve : recettes de cuisine pratique, par les Dames Patronnesses de l Oeuvre du Vêtement de Grammont, Grammont, sans date, p. 36 : «Ne laissez jamais rebouillir une sauce dans laquelle vous avez mis du vin ou des liqueurs» ; quel serait l'effet? quand on coupe les carottes en biseau, ont-elles vraiment plus de goût qu'en rondelles? à propos de frites : on dit que l'huile d'olive pénètre moins dans les frites. du cuivre attendrirait les poulpes? l'ail bleuirait quand on le place sur des tomates que l'on fait sécher au four ; ou bien de l'ail frais après la cuisson, laissé 15 min ; sur l'aluminium, l'ail bleuirait. le lait chauffé à la casserole et au micro-onde aurait un goût différent le fromage râpé empêcherait la crème fraîche de trancher (Menus et recettes de famille,
Valentine de Bruyère et Anne Delange, éditions P. Horay, 1967) les oignons ciselés ont-ils un goût différent d'oignons émincés? le feuilletage inversé a-t-il des propriétés plus stables que celles du feuilletage direct? Gonfle-til davantage? - la cuisson des viandes est-elle différente au four : dans une cocotte, dans un tajine, dans un romertopf? - le blanchissage de la viande de porc a-t-il un effet sur sa couleur? - la pâte à choux est-elle différente quand elle est utilisée le jour même ou le lendemain? (influence sur le gonflement) - à propos de légumes, Paul Bocuse, La cuisine du marché, p. 321 : «S ils sont rafraîchis, ils ne doivent pas séjourner dans l eau, sans cela ils perdraient de leur saveur, il faut donc les égoutter à fond». -le goût des hollandaises est-il le même avec casserole intérieur inox et intérieur étain - la qualité de l'eau influe-t-elle sur la cuisson des pâtes - comparer la pâte levée cuite départ à froid ou départ à chaud ; idem pour les tartes - les pâte sablées par crémage ou par sablage - on dit que la viande se contracte au réfrigérateur ; est ce vrai? - l'arrosage du poulet : par de l'eau, par de l'huile ; différences de croustillances? - dans un rôtissage, a-t-on un meilleur résultat quand on approche ou quand on éloigne la pièce? - la peau du poulet est-elle plus croustillante quand elle est salée? Et quand on a ajouté de la farine? - les noyaux de datte accélérerait la cuisson des tajines. Les thèmes retenus sont : - 1951 : Dr Jean Nussbaum, Science et cuisine, Ed. Vie et santé, Dammarie les Leys, 1951, p.79 : «Pendant les premières minutes de cuisson, il se dégage des épinards, choux et autres légumes, un acide volatil qui altère la couleur de ces légumes quand il reste à leur contact ; aussi devrait-on laisser la casserole découverte pendant les premiers bouillon» (papier ph) A-t-on une différence quand on met la levure dans la pâte à pain directement, ou bien quand on l'active d'abord dans de l'eau tiède 4- Le thème du mois : 4.1. E. Dumont, La bonne cuisine, p. 151 : «Mettez dans une casserole gros comme un œuf de beurre et un morceau de sucre gros comme une grosse noix. Laissez blondir et caraméliser un peu. Mettez alors vos navets entiers s ils sont petits, coupés en morceaux et taillés et arrondis sur tous leurs angles s ils sont gros, et laissez prendre couleur en tournant de temps en temps. Une fois les navets bien colorés, ôtez-les de la casserole, mettez à la place gros comme un œuf de beurre - le premier à dû être absorbé par les navets- et...» : est-il exact que les navets absorbent de l'eau ou de la matière grasse? Les professionnels présents discutent cette procédure. Actuellement, on distingue :
- le glaçage à blanc : on cuit avec de l'eau et du beurre jusqu'à évaporation (de l'eau et du petit lait libéré par la fonte du beurre) ; - puis on peut ajouter du sucre, de l'eau, du beurre, jusqu'à coloration homogène autour du produit. On observe que la recette de E. Dumont risque de conduire à une caramélisation trop difficile à maîtriser, et donc à de l'amertume. Pour autant, on décide d'expérimenter, mais avec du «beurre modèle», à savoir de l'eau et de l'huile. On commence donc par peler des navets (pas nouveaux), et, puisqu'ils sont un peu gros, on le détaille et on les tourne. On les pèse trois fois : la masse est de 85.05 g. Pour avoir une idée du changement dû au brillant, on place les morceaux coupés dans de l'huile (en excès), on les sort de l'huile, on éponge, et on pèse ; puis on reproduit deux fois l'opération complète. On obtient des masses de 86,8, 86,0, 86.3 g. On conclut que l'on sera dans l'incapacité d'apprécier des changements à mieux que 0.5 g. On fait alors chauffer, dans une casserole : - de l'eau (du robinet) environ 1 cm d'épaisseur - de l'huile : idem - les navets taillés. On porte à ébullition, et l'on cuit jusqu'à ce que les navets soient cuits. Puis on éponge et on pèse : 54 g. On observe donc, sans aucune ambiguité, que les navets ont perdu environ 40 % de leur masse! Toutefois, cette expérience ne dit pas si de la matière grasse est entrée dans les navets. On décide donc de répéter la cuisson de navets dans un mélange d'eau et d'huile colorée par un colorant soluble dans l'huile : le rouge Soudan. Cette fois, quand on coupe le navet après cuisson, on ne voit aucune coloration, sauf peut être pour un des morceaux (creux d'un navet creux), où une coloration très faible apparaît localement.
(la tranche verticale, très rougie, était la face au contact de l'huile colorée) On est finalement en droit de conclure que la précision culinaire donnée par E. Dumont est fausse. 4.2. on dit que le café (filtre) qui a attendu dans une thermos ou qui a refroidi est amer et prend une couleur plus foncée que quand il vient d'être fait 1. Pour le café, on pèse 10 g de café San Marco en poudre, que l'on met dans un entonnoir garni d'un filtre Mellita N 102. Puis on pèse 100 g d'eau, que l'on fait bouillir. On obtient un café («attendu») qu'on laisse refroidir pendant 37 minutes. 2. Puis on reproduit le même protocole pour un second café «frais» 3. On compare la couleur, par un test triangulaire : il est négatif. Dans les conditions de l'expérience, nous sommes donc en droit de ne pas penser que la couleur du café ait changé. 4. Puis on refroidit le café froid en le transvasant, et l'on organise un test sensoriel triangulaire sur les deux cafés : le premier dégustateur ne se trompe à aucun essai, pour reconnaître les deux échantillons identiques. En revanche, il trouve plus amer le café «frais»! On poursuit la discussion avec des évocations : - du thé : l'infusion prolongée change évidemment le goût, notamment avec une extraction des composés volatils en premier, puis une extraction de composés phénoliques (ce que certains nomment abusivement des «tannins») - du thé vert : il serait imbuvable quand il attend - du café réchauffé - du poivre cuit dans un bouillon porté à ébullition : des expériences anciennes, mais très concluantes, avant montré que le poivre doit effectivement être mis moins de 10 minutes avant la fin de la cuisson, sous peine de perdre sa fraîcheur piquante, au détriment de composés sans doute phénoliques, astringents et amers. Enfin, ayant mélangé tous les cafés (par mégarde), on cherche à voir si le sel réduit l'amertume du café. Là encore, sur du café «nature» et du café «salé» (quantité pas mesurée, donc expérience à refaire), le dégustateur (test triangulaire) reconnaît trois fois de suite la différence entre les échantillons. L'expérience est à refaire, toutefois, car du sel a contaminé les parois des verres de dégustation.
5- L'acclimatation de la cuisine note à note Voir les «points divers» Prochain séminaire : Le prochain séminaire se tiendra le lundi 19 septembre 2016 à 16h00 à l'ecole supérieure de cuisine de la Chambre de Commerce de Paris (centre Jean Ferrandi, 28 bis rue de l'abbé Grégoire, 75006 Paris) ; se munir d'un laisser passer