A l invitation de la "Pasto-Santé" nous nous sommes retrouvés une petite centaine de personnes ce dernier vendredi de novembre pour réfléchir à la notion du "lâcher-prise" dans une approche d abord centrée sur le versant psychologique. Cette journée de travail s est déroulée dans une alternance : réflexion en binômes et petits groupes, remontée en grand groupe, expérimentation avec le corps par le biais de jeux de rôles et par l outil de la méditation de pleine conscience, repères théoriques. La première réflexion en binômes portait sur nos représentations du lâcher prise, dans un exercice d écoute mutuelle de situations vécues. Deux séries de réponses (à égalité) sont remontées et qui évoquaient déjà l alternance de tensions, souffrances, (blocages, peurs, éducation, culpabilité, regard des autres ) et détente (parole, confiance, pardon, écoute ). Une petite mise en scène (Eglantine ne veut pas lâcher prise) amenait ensuite ces deux questions suivantes :
1) d où vient le fait que c est difficile de lâcher prise? : le jugement par rapport au regard des autres (3 groupes), la recherche de reconnaissance (2 groupes), la peur de vivre la perte (2 groupes), la peur de perdre son pouvoir, son statut (2 groupes), la peur de la solitude, du vide, de se retrouver face à soi-même (2 groupes), la recherche de reconnaissance, l image de soi (2 groupes), le refus de ses limites personnelles (1 groupe), le danger (1 groupe) 2) en quoi ça peut être important de lâcher prise? : pour rester libre, soi et l autre (4 groupes), pour se retrouver soi-même (3 groupes), pour rester serein et en bonne santé, respect du corps (2 groupes), pour évoluer dans la connaissance de soi, dans le travail sur soi (2 groupes), pour retrouver confiance (1 groupe), la paix intérieure (1 groupe), pour rester à l écoute (1 groupe), pour voir plus clair (1 groupe) La matinée s est terminée par l analyse de situations de vie, cinq au total, à la lecture desquelles chaque groupe devait repérer ce qui, dans cette situation précise, pouvait faire blocage, et quelles pourraient être, pour les acteurs en présence, les options possibles pour lâcher prise.
A la lumière de ce travail d élaboration, d échanges, de partages de vie, quelques repères théoriques se sont dégagés : notre construction première, quittant la plénitude des neuf mois dans le ventre maternel, est une alternance de tensions/détentes : froid/chaud, faim/nourriture, solitude/portage... Cette toute première expérience, passive, est vécue, enregistrée, seulement par notre corps. En effet nous n avons pas encore au tout début de notre vie la capacité à penser : le stock intérieur d images, de représentations, qui puissent nous permettre de penser et ainsi de nous mettre à distance de cette alternance brutale de tensions/relâchements, d angoisses/satisfactions. C est pour cette raison que nos premiers souvenirs ne remontent guère avant trois ans. Avant cet âge c est notre corps qui va garder traces, mémoire, de ce premier mécanisme qui nous constitue. Plus tard, quand notre capacité à penser sera saturée par des situations de stress intense (burn out), ce sera un retour au corps qui parlera par des symptômes de douleur(s) physique(s). Chez le nourrisson les toutes premières tensions vont être soulagées, résolues, par la succion, par la sphère buccale (qui enregistre les toutes premières traces de plaisir) : le stade oral (que nous retrouvons dans certaines addictions comme la cigarette, la boulimie..). Plus tard, l enfant va peu à peu prendre conscience de son corps, sortir du registre inconscient, par sa capacité progressive à maitriser ses sphincters. Cette nouvelle phase, active, de construction, ouvre sur l autonomie physique. L enfant se met debout, commence à marcher, à se déplacer par lui-même : c est le stade anal (que nous retrouvons par exemple dans nos difficultés à gérer l argent). Notre capacité ou difficulté à lâcher prise s origine en partie à cette période capitale d entrée en autonomie. La réponse de l adulte, du parent, à cette prise d autonomie, va influencer notre capacité d adulte à maitriser certains secteurs de notre vie et à savoir lâcher prise au moment opportun. Dans les solutions apportées par les différents groupes est revenu souvent le travail sur soi, la connaissance de soi, de son histoire, qui nous permet de réaménager nos représentations et par là même d agir au plus juste.
Ces trois premières années chez l enfant coïncident aussi avec une sortie du "fusionnel" («maman c est moi, moi c est maman») où l enfant vit l illusion de toute-puissance. Et ce passage inconscient par la toutepuissance infantile a son revers : la culpabilité («si papa et maman se séparent ça vient de moi, c est forcément parce que je n ai pas été sage à l école»). C est là aussi, dans ce monde inconscient, que s originent nos diverses culpabilités. Pour l adulte, un travail d élaboration conscient doit permettre là encore d identifier les fausses représentations qui peuvent nous empêcher de lâcher prise là où peut-être notre survie en dépend.
Quelques expressions remontées des binômes en fin de journée : «si blocage, savoir s écouter et si besoin demander une aide extérieure» «accepter de décevoir et d être déçu(e)» «ne pas se sentir indispensable et accepter de faire appel à un tiers» «lâcher prise permet d avancer, d aller plus loin» «accueillir et vivre l altérité, respecter nos liberté mutuelles» «libérer la parole par le dialogue» «se rendre disponible pour écouter et entendre» «savoir écouter et reconnaitre les besoins de l autre» «lâcher prise c est désirer vivre, c est devenir» «l importance de bien se connaitre» «cette journée nous a permis de mieux nous connaitre, de nous accueillir tels que nous sommes, d apprendre à écouter» «une bonne révision de notions que je croyais bien connaitre» «l écoute silencieuse de soi et de l autre : la clef principale pour lâcher prise» «éclairé(es), conforté(es) dans la démarche du lâcher-prise» «rigueur des propositions, outils pour avancer, merci!»